1° Petite
histoire de la Terre Sainte, de la septième à la huitième croisade (1254 à
1270) – Peu de temps après le départ de Louis IX de la Terre Sainte, au
printemps 1254, les Etats latins ne tardèrent pas à tomber en déliquescence.
Les Mongols, de leur côté,
poursuivirent leurs conquêtes. Ainsi, Hulägu Khan s’empara de Bagdad en
1258, mettant fin à la dynastie des Abbassides ; puis, bénéficiant de
l’alliance de l’Arménie et du royaume d’Antioche-Tripoli, il attaqua les
émirats d’Alep et de Damas en 1260, éliminant ainsi les souverains
ayyoubides.
Mais, peu de temps après ces
évènements, le souverain de Perse fut contraint de se rendre en Asie, une
guerre de succession ayant éclaté à la mort de son frère aîné Möngke,
khagan[1]
des Mongols.
Hulagü prit alors parti pour
son frère Kubilai, khan de Mongolie, contre Ariq Boqa, plus
jeune membre de la fratrie.
Avant de partir, le khan de
Perse avait confié son armée au général mongol Kitbouqa, converti au
christianisme.
Toutefois, les Mongols
furent attaqués en 1260 par Julien de Grenier, comte de Sidon, ce qui
mit un terme à l’alliance avec l’Arménie et le royaume d’Antioche-Tripoli.
Les mamelouks, plus
fanatiques que les ayyoubides, décidèrent alors de contre-attaquer. Ces
derniers, dirigés par Qutuz, sultant d’Egypte, affrontèrent les
Mongols en septembre 1260, lors de la bataille d’Aïn Djalout.
L’affrontement fut un succès
pour les mamelouks, en nette supériorité numérique, qui parvinrent à
remporter la victoire et à tuer le général Kitbouqa.
Suite à cet affrontement,
Qutuz libéra les émirats de Damas et d’Alep, puis il rentra au Caire.
Toutefois, il fut assassiné au mois d’octobre par le général Baybars,
qui avait participé à la bataille d’Ain Djalout.
Le nouveau sultan, plus
vindicatif, décida alors de s’attaquer aux Etats latins. En l’espace de
quelques années, Baybars parvint à chasser les croisés de Terre Sainte,
s’emparant de Césarée, en février 1163 ; d’Arsouf, en avril 1163 ; de Jaffa,
en mars 1268 ; d’Antioche, en mai 1268.
A cette date, les Francs ne
possédaient plus en Syrie que Tripoli et Saint-Jean-d’Acre, dont les
fortifications avaient été restaurées lors du passage de Louis IX. En outre,
l’Empereur latin de Constantinople, Baudouin II, fut mis en fuite en
1261 par les Grecs, conduits par Michel Paléologue[2].
L'Empire byzantin en 1265.
2° Prêche de
la huitième croisade, les préparatifs (1268 à 1270) – Peu de L’annonce
de la disparation des Etats croisés fit grand bruit en Europe, et le Saint
siège fit son possible pour organiser une nouvelle croisade. A la mort
d’Urbain IV, en 1264, son successeur Clément IV prêcha en faveur
d’une offensive contre les mamelouks.
Toutefois, la papauté étant
encore en conflit contre les Hohenstaufen, et il fallut attendre la mort de
Conradin, en 1268, pour que commencent les préparatifs de la huitième
croisade.
Louis IX, qui annonça sa
volonté de diriger la nouvelle expédition, en fut dissuadé par ses proches,
lui rappelant son faible état de santé, mais rien n’y fit.
Les deux frères du roi,
Alphonse et Charles, décidèrent alors de se croiser, imités par de nombreux
seigneurs : son neveu Robert II, comte d’Artois[3] ;
Thibaud II, roi de Navarre ; Jean I° le Roux, duc de Bretagne[4] ;
Hugues XII de Lusignan, comte de la Marche[5] ;
etc.
Il y eut toutefois moins de
croisés au cours de cette expédition qu’au cours de la précédente, de
nombreux chevalier se souvenant de l’échec de la septième croisade.
Le roi de France dicta son
testament avant son départ, distribuant des apanages à ses fils et dotant
ses filles. Il confia aussi sa succession à son fils Philippe III au cas où
il ne reviendrait pas.
2° La
huitième croisade, d’Aigues-Mortes à Tunis (été 1270) – A l’été 1270,
Louis IX emprunta le chemin pris lors de la septième croisade, descendant la
vallée du Rhône jusqu’à Aigues-Mortes.
Embarquant sur des vaisseaux
génois qu’il avait loués, le roi de France mit alors le cap sur la
Sardaigne, donné comme point de rendez-vous.
Le départ pour la huitième
croisade, enluminure issue de l'ouvrage Grandes Chroniques de France,
Paris, France, XIV°siècle.
Débarquant sur l’île en
juillet 1270, Louis IX annonça que l’objectif de la croisade était la prise
de Tunis.
Aujourd’hui, les raisons de
ce changement de cap nous sont encore méconnues. L’hypothèse la plus
ancienne voudrait que Louis IX aurait été influencé par son frère Charles
d’Anjou, qui souhaitait punir les Tunisiens car ils ne versaient plus leur
tribut au royaume de Sicile.
Une autre thèse avance
l’idée selon laquelle le sultan de Tunis aurait souhaité se convertir au
christianisme ; cependant, craignant une émeute, il aurait alors demandé le
soutien des croisés avant de recevoir le baptême.
Enfin, il convient de
préciser que le sultanat almohade s’était disloqué en 1269, donnant
naissance à trois nouvelles dynasties : les Mérinides, au Maroc ; les
Zianides, en Algérie ; et les Hafsides, en Tunisie. L’objectif
des croisés était t’il de profiter des dissensions entre les différents
sultanats d’Afrique du nord ?
3° Mort de
Saint Louis (25 août 1270) – Conformément aux plans, l’armée royale
débarqua à Carthage à la mi-juillet 1270. Les croisés, occupant le port, se
retrouvèrent cependant dans une situation intenable, ne bénéficiant pas
d’approvisionnement en eau potable malgré les grandes chaleurs.
Le sultan de Tunis, al-Mustansir, refusa de déposer
les armes, et entreprit de harceler les croisés ; à la même date, Baybars
décida d’envoyer une armée de renfort en Tunisie.
Louis IX, débarquant en
Afrique, fit donner l’assaut contre Carthage, qui tomba à la fin juillet
1270.
Le siège de Tunis, enluminure issue de l'ouvrage Grandes Chroniques de
France, Paris, France, XIV°siècle.
Toutefois, plutôt que de
s’avancer en territoire ennemi, le roi de France préféra attendre l’arrivée
de Charles d’Anjou et des troupes napolitaines avant de passer à l’attaque.
Mais les grandes chaleurs,
empirant le manque d’hygiène et d’eau potable, engendrèrent une épidémie qui
décima l’armée[6].
Louis IX, dans son état
d’épuisement, tomba malade, à l’instar de ses fils Jean Tristan
(décédé le 2 août)et Philippe III.
Sentant sa fin approcher, le
roi de France se fit transporter sur un lit de cendres. Il mourut le 25 août
1270, âgé de 56 ans.
A la demande des croisés,
les entrailles de Louis IX furent inhumées en Tunisie ; puis, le cadavre du
roi, embaumé, fut transporté jusqu’en France, dans la basilique Saint Denis[7].
La mort de Saint Louis, miniature de
Jean Fouquet, XV° siècle, BNF, Paris.
Le défunt, de son mariage
avec Marguerite de Provence, avait eu onze enfants, dont plusieurs étaient
décédés. En 1270, l’on retrouvait Isabelle, mariée à Thibaud II de Navarre ;
Philippe III, héritier de la couronne ; Pierre, comte d’Alençon ;
Blanche, mariée à Ferdinand de Castille ; Marguerite, mariée au duc
de Brabant ; Robert, comte de Clermont ; et Agnès.
4° Suite et
fin de la huitième croisade (août à octobre 1270) – Charles d’Anjou,
arrivé avec ses troupes la veille de la mort du roi de France, décida de
lancer l’offensive.
Ce dernier, à la fin
septembre, parvint à s’emparer du camp musulman, et ouvrit des négociations
avec le sultan de Tunis.
Un accord fut finalement
signé le 30 octobre 1270. Ainsi, al-Mustansir acceptait de verser 210 000
onces d’or aux croisés ; de verser à nouveau tribut au royaume de Sicile ;
de chasser les partisans des Hohenstaufen réfugiés à Tunis ; et d’accorder
la liberté de culte et de commerce aux marchand chrétiens.
En novembre, alors que les
croisés avaient quitté la Tunisie, Edouard I°, fils du roi d’Angleterre,
débarqua en Tunisie.
Voyant que les Français
étaient déjà partis, il navigua en direction de la Terre Sainte. Débarquant
à Antioche en 1271, il renouvela l’alliance mongole, puis conclut une paix
de dix ans et dix mois avec les mamelouks (cette expédition est parfois
considérée comme la neuvième croisade).
[1] Ce titre fut utilisé par de nombreux peuples
nomades. Il signifie « Empereur », ou « roi des rois » (le Khagan
étant le chef des Khans).
[2] Pour en savoir plus sur la fin de l’Empire
latin de Constantinople, voir le b), 4, chapitre quatrième,
l’Empire byzantin.
[3] Rappelons que son père, Robert, avait péri
lors de la bataille de Mansourah, en 1250.
[4] Ce dernier était le fils de Pierre Mauclerc,
régent de Bretagne, décédé en 1250.
[5] Son père, Hugues XI, était décédé au
cours de la septième croisade, à l’instar de son grand-père Hugues
X.
[6] Les chroniqueurs de l’époque parlèrent de
peste, mais il s’agit vraisemblablement de la dysenterie.
[7] Après la canonisation de Louis IX, ses restes
furent inhumés dans la Sainte Chapelle, à Paris. Son tombeau,
richement décoré, fut toutefois détruit par les troupes anglaises
lors de la guerre de Cent ans.