La bataille de Waterloo, qui fut le dernier
combat de Napoléon Bonaparte, se tint en juin 1815 près de Bruxelles.
Les Français, bien que disposant d'un petit avantage numérique, furent
défaits par les armées coalisées. Alors que la bataille était en passe de
s'achever, les troupes britanniques s'avancèrent vers la Garde impériale,
commandée par le général Pierre Cambronne. Ce dernier, sommé de
déposer les armes, répondit alors : la garde meurt, mais ne se rend pas
!
Mais au-delà de cette image d'Epinal, quelle est la véracité historique de
cet échange ? Cambronne prononça t'il ces mots, ou bien ne s'agit-il là que
d'un énième avatar de la légende dorée de Napoléon ?
Vaincu à l'issue de la campagne de France[1],
en avril 1814, Napoléon fut condamné à l'exil sur l'île d'Elbe, située non
loin des côtes italiennes. Les nations coalisées (Angleterre, Prusse,
Autriche et Russie) s'empressèrent alors de placer Louis XVIII sur le
trône (ce dernier était le frère cadet du défunt Louis XVI), privant
la France de ses conquêtes effectuées sous la Révolution française[2]
et sous l'Empire[3].
Cependant, cette première restauration[4]
fit long feu, car Napoléon quitta l'île d'Elbe dès le mois de mars 1815.
Ce dernier, arrivant à Paris à la fin du mois, ouvrit la période des
Cent-Jours, qui s'acheva à la bataille de Waterloo.
Les Tuileries et l'Arc de Triomphe du Carrousel,
illustration issue de l'ouvrage
The boy life of Napoleon, par Eugenie FOA, 1895.
Les puissances européennes, apprenant le retour de Napoléon, déclarèrent la
guerre à la France, et les deux belligérants s'affrontèrent au cours de la
campagne de Belgique, en juin 1815. Afin d'éviter la jonction des
Prussiens et des Britanniques, Napoléon décida d'attaquer les deux armées le
16 juin. Ainsi, l'Empereur mena une charge contre l'armée prussienne, commandée par le maréchal
Gebhard von Blücher, remportant la bataille de Ligny. Le même
jour, le maréchal Michel Ney[5],
qui commandait un contingent de l'armée française, fut chargé d'affronter les Anglais,
dirigés
par
Arthur Wellesley, duc de
Wellington, remportant la bataille de Quatre Bras.
Le maréchal Blücher, école prussienne, vers 1814, Deutsches
historisches museum, Berlin (à gauche) ; Arthur Wellesley, duc
de Wellington (à droite).
A l'issue de ces deux affrontements, Napoléon, persuadé que Blücher était
désormais trop affaibli pour riposter, chargea
le maréchalEmmanuel,
marquis de Grouchy, de poursuivre les Prussiens. Dans le même temps,
l'Empereur décida de faire marcher ses troupes vers le mont
Saint-Jean, où s'étaient repliés les Britanniques.
Le 18 juin 1815, les deux belligérants s'affrontèrent au cours de la
bataille de Waterloo.
La bataille de Waterloo.
Napoléon, à la tête de 72 000 hommes, disposait d'un léger avantage
numériques sur les troupes anglaises. Par ailleurs, l'armée française
disposait de plus de canons que l'ennemi, mais, comme il avait plu, le
terrain était boueux et les boulets firent moins de dégâts.
Les Anglais, installés sur une ligne allant d’ouest en est, étaient
retranchés dans trois principaux points : les fermes d’Hougoumont, de la
Haie-Sainte et de la Papelotte.
Napoléon, décidant de lancer une offensive au centre et à l’est, ordonna à
son frèreJérômede
faire diversion à l’ouest, en attaquant Hougoumont (les Français furent
repoussés au prix de lourdes pertes[6]).
Les Français, attaquant la Haie-Sainte en début d'après-midi, ne parvinrent pas
à percer le verrou. Vers 15 heures, alors que le centre de la ligne anglaise
était en train de se réorganiser, le maréchal Ney assimila ce mouvement à un
repli, et lança une nouvelle charge. Cependant, les cavaliers français
furent repoussés par les Britanniques, accusant de lourdes pertes.
En outre, les Prussiens, qui avaient échappé à la surveillance de Grouchy, firent leur apparition à proximité de la ferme de la Papelotte vers 16 heures.
Dans la soirée, Ney parvint finalement à s’emparer de la Haie-Sainte, et
demanda alors des renforts. Mais Napoléon, désormais menacé à l'est par
l’armée prussienne, forte de 30 000 hommes, préféra refuser.
Alors que l'Empereur avait été contraint de déployer des réserves à l'est,
afin de résister face aux troupes de Blücher, Wellington profita de
l'affaiblissement du centre français pour lancer une contre-attaque.
Les Français, repoussés par les Britanniques, furent contraints d'évacuer
Haie-Sainte, alors que la ligne est était désormais menacée par l'avancée
des Prussiens.
Finalement, Napoléon décida de sonner la
retraite à la nuit tombée. Rentrant peu après à Paris, il fut
contraint d'abdiquer une seconde fois, le 23 juin 1815[7].
C'est dans la soirée que le général Cambronne[8],
commandant le dernier carré[9]
de la Garde impériale[10],
fut sommé par les Britanniques de déposer les armes. Selon la légende, comme
nous l'avons vu plus tôt, ce dernier aurait alors répondu : la garde meurt, mais ne se rend pas
! Mais, selon le récit de Victor Hugo, qui relate l'anecdote dans son
roman Les Misérables, publié en 1862, Cambronne répondit simplement :
merde !
Image d'Epinal représentant le
« mot »
de Cambronne.
Cependant, l'on peut douter de la véracité de ces propos pour plusieurs
raisons. D'une part, Cambronne lui même, rentré en France en 1816, suite à
sa libération, affirma ne jamais avoir prononcé ces mots, ajoutant : je
ne mourus point et me rendis ; en outre, selon les témoignages de
l'époque, il n'aurait pas fait partie du dernier carré, ayant été capturé
quelque temps plus tôt. D'ailleurs, il n'aurait pas dit
« merde ! » à l'adresse des Anglais, mais une grossièreté du
même acabit.
En réalité, la phrase de Cambronne fut vraisemblablement prononcée pendant
la bataille, mais pas par le principal intéressé. Ainsi, la célèbre
rodomontade
« la garde meurt, mais ne se rend pas
! »
aurait été clamée par le général Claude Etienne Michel, mort à
Waterloo, dont les héritiers firent un procès à Cambronne, affirmant que le
défunt détenait la paternité de cette phrase.
[4] Pour en
savoir plus sur la première restauration,
cliquez ici.
[5]Ney, né en janvier 1769, était le fils d'un
artisan tonnelier. S'engageant dans l'armée à l'âge de vingt ans, il gravit
rapidement les échelons pendant la Révolution française, étant promu général en
1796. Nommé maréchal en 1804, il participa à la plupart des campagnes menées par
Napoléon.
[6]
Il semblerait que Jérôme n'ait pas compris que l'attaque qu'il menait ne devait
être qu'une diversion.
[7]
Napoléon, déporté sur l'île de Sainte Hélène, au milieu de l'océan
Atlantique, mourut d'un cancer à l'estomac le 5 mai 1821.
Le décès de l'Empereur reste encore aujourd'hui sujet à controverse,
certains historiens affirmant que Napoléon aurait été empoisonné à
l’arsenic ; toutefois, d’autres réfutent cette thèse, en rappelant
qu’à l’époque les hommes se badigeonnaient la tête d’arsenic afin
d’entretenir leur chevelure.
[8]
Cambronne, né en décembre 1770, s'engagea dans l'armée en 1792,
partant combattre en Vendée. Participant à plusieurs conflits sous
la Révolution puis sous l'Empire, il fut nommé général en 1813.
[9]
La formation en carré
était une tactique défensive, permettant aux soldats de tirer sur quatre côtés
en cas d'attaque ennemie.
[10]
La Garde impériale était une unité d'élite, créée par
Napoléon en 1804. A l'origine, cette unité devait servir de garde
personnelle, mais prit de l'ampleur au fil des années, devenant peu
à peu une véritable formation combattante.