Faux ! La légende qui veut que la
grande peur de l'an mil se soit répandue comme une traînée de poudre
à la fin du premier millénaire de notre ère est absolument erronée.
D'ailleurs, à cette époque, toutes les
régions d'Europe, bien que chrétiennes, n'avaient pas le même
calendrier (selon les pays, l'année commençait à Pâques ou à Noël.).
En outre, l'éducation scolaire étant encore lacunaire, beaucoup
d'Européens ne se rendirent même pas compte qu'ils rentraient dans
un nouveau millénaire.
Certes, quelques membres du clergé
(principalement des clercs et des moines.), une minorité, se firent
du souci à la lecture de certains versets de l'Apocalypse[1]
de Saint Jean (XX, 1 à 8.) : Puis je vis descendre du ciel un
ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande chaîne dans sa
main. Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et
Satan, et le lia pour mille ans. Il le jeta dans l'abîme, ferma et
scella l'entrée au dessus de lui, afin qu'il ne séduisit plus les
nations, jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. [...] Quand
les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa prison. Et
il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la
terre, Gog & Magog, afin de les rassembler pour la guerre; leur
nombre est comme le sable de la mer.
Cependant, tous ces ecclésiastiques
n'étaient pas d'accord sur la date de la fin des temps : beaucoup
attendirent donc 1033, soit mille ans après la mort du Christ.
Comment s'est donc mis en place ce mythe
des peurs de l'an mil, sachant qu'aucune source datant du XI° siècle
n'en fait état ?
En fait, tout commença avec les humanistes
de la renaissance, qui décidèrent de présenter le Moyen âge comme
une période noire et obscurantiste. Par la suite, ces idées furent
reprises par les philosophes des lumières, puis par la révolution
française de 1789.
Mais le mythe de la peur de l'an mil se
répandit largement sous la III° république: en effet, les
républicains voulaient démontrer que l'Église, pendant des siècles,
avait eu comme objectif de tenir les masses populaires dans
l'ignorance la plus crasse.
De nombreux historiens, fidèles à ces idéaux républicains,
diffusèrent cette propagande anticléricale, utilisant au mieux le
mythe des peurs de l'an mil[2].
De nos jours, nous nous complaisons à nous moquer de
nos ancêtres moyenâgeux : incultes, analphabètes, ignorants, etc.
Cependant, eux n'ont pas eu peur lors du passage à l'an 1000, alors que
beaucoup d'entre nous ne furent pas rassurés lors du passage à l'an
2000... L'on peut donc légitimement se demander qui furent les plus
naïfs ?