Portrait de Clovis II, par Emile SIGNOL,
1843, conservé au Musée National du château et des Trianons de Versailles.
La dynastie mérovingienne, si vigoureuse à
l’origine, était en pleine dégénérescence. Les excès auxquels se livrèrent
les rois les épuisèrent. Ces derniers n’avaient plus l’envie ni la force de
gouverner, certains chroniqueurs de l’époque allant même jusqu’à dire qu’ils
n’avaient plus la force de vivre, vieux à vingt ans, rares sont ceux
qui parvinrent à la trentaine.
Un roi fainéant en voyage, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Les Mérovingiens avaient abandonné le pouvoir,
il fallut donc quelqu’un d’autre pour s’en emparer. Il fut ainsi recueilli par le
maire du palais, personnage très important à l’époque, servant
d’intermédiaire entre les leudes et le roi. Cette magistrature suscitant de
nombreuses convoitises, Austrasie, Neustrie et Bourgogne furent troublées
par des guerres civiles, jusqu’à ce que la charge se fixe dans une famille
puissante. Cette dernière donnera naissance, bien des années plus tard, à la
dynastie Carolingienne.
Clovis II, château de Versailles, Versailles.
2° Les fils de Dagobert et les
premiers maires du palais (638 – 656) – Sigebert II, fils aîné de
Dagobert, régnait déjà en Austrasie du vivant de son père. Il continua d’y
régner sous la tutelle de Pépin de Landen. Son frère, Clovis II, fut
proclamé en Neustrie et en Bourgogne, avec Oega pour maire (ce dernier
mourut cependant deux ans après, et fut remplacé par Erkinoald.).
Tous ces maires administrèrent bien leur
royaume. Pépin de Landen particulièrement, écoutant les conseils de Saint
Arnould, évêque de Metz, et de Saint Cunibert, évêque de Cologne. Pépin
était respecté de tous, et quand il mourut, en 639, il fut honoré comme
bienheureux.
Son fils Grimoald lui succéda, mais
il ne lui ressemblait guère. Fier d’avoir triomphé au bout de trois ans d’un
rival qui s’était opposé à lui à la mairie, il se crut tout puissant, rêvant
de monter sur le trône. Sigebert II étant mort en 650, Grimoald relégua
secrètement en Irlande l’enfant de ce dernier, Dagobert II. Il le fit passer
pour mort, et présenta son propre fils Childebert aux leudes pour qu’ils en
fasse un roi. Les grands du royaume, qui ne souhaitaient pas placer sur le
trône un représentant d’une famille dont la puissance ne les inquiétaient
déjà que trop, se révoltèrent. Ils capturèrent Grimoald et son fils, et les
livrèrent chargés de chaînes au roi de Neustrie, Clovis II (qui de son côté,
réclamait l’héritage de son frère.). Ce dernier fit tuer les deux
prisonniers et régna sur tous les Etats francs. Ainsi échoua la première
tentative des Carolingiens pour substituer leur dynastie à celle des
Mérovingiens.
3° Puissance d’Ebroïn, maire de
Neustrie (657) – Clovis II mourut en 656, âgé de 23 ans. Il laissait
trois fils, dont l’aîné fût proclamé roi à l’âge de quatre ans, sous le nom
de Clotaire III. Le maire du palais, Erkinoald, mourut l’année suivante, en
657, et fut remplacé par Ebroïn. Ce dernier était un homme dur, avide et
sans scrupules. Des complots s’ourdirent, des plaintes se firent entendre.
Ebroïn régla tout dans le sang. Il aurait aussi aimé se débarrasser de la
reine Bathilde, mais il n’osa pas.
Cette dernière était une ancienne esclave
anglo-saxonne, achetée et amenée à la cour de Neustrie. Le roi Clovis II fut
charmé par sa beauté et l’épousa. Devenue veuve alors qu’elle était encore
jeune, elle se consacra à aider les pauvres et les esclaves, et s’attira
ainsi les bonnes grâces de ses sujets. Irritée par le comportement d’Ebroïn,
elle se retira en 664 dans le monastère de Chelles, qu’elle avait elle même
fondé.
Ebroïn put dès lors gouverner seul la Neustrie
et la Bourgogne. En 660, il dut cependant céder à l’Austrasie le second fils
de Clovis II : Childéric II.
Mais, en 670, Clotaire III mourut, et cette
mort attira les convoitises, et plongea le royaume dans la guerre civile.
4° Anarchie (670) – Sans
consulter les grands, Ebroïn, aussitôt Clotaire III mort, proclama roi le
jeune Thierry III, frère de ce dernier. Il se fit surtout reconduire dans sa
fonction de maire, toujours sans avoir reçu l’aval des leudes. Il alla même
jusqu’à interdire aux évêques et aux grands les abords de la cour. C’en
était trop pour eux, qui formèrent une coalition contre Ebroïn. Ce dernier
tomba entre les mains de ses ennemis sans avoir eu le temps de préparer sa
défense. Il fut ensuite enfermé au monastère de Luxeuil, tondu, et revêtu de
la bure de moine. Thierry III fut tondu à son tour, subissant le même sort
qu’Ebroïn, et enfermé dans le cloître de Saint Denis. Childéric II est alors
proclamé roi de tout le royaume franc.
Cependant, Childéric II ne sut pas
profiter de cet heureux retournement de situation. Le principal instigateur
de la chute d’Ebroïn avait été Léger, évêque d’Autun. Ses talents, ses
vertus, ainsi que ses hautes relations lui conféraient une grande autorité
en Bourgogne. Childéric II, qui s’était établi en Neustrie, fit de Léger son
conseiller. Cependant, il ne supporta pas longtemps ses remontrances, et
sous prétexte de relations avec l’ennemi, il l’enferma dans le monastère de
Luxeuil, où était déjà Ebroïn.
Mais Childéric II, à cause de son caractère
violent, s’attira les foudres de ses leudes. Si bien qu’il fut en 673
assassiné avec femme et enfant dans la forêt de Bondy, par Bodillon, un
seigneur qu’il avait un jour fait fouetter comme un esclave
La mort de Childéric II fut le
signal d’une effroyable anarchie, on croyait l’Antéchrist revenu : il n’y
avait plus de roi, ni en Austrasie, ni en Neustrie, ni en Bourgogne. Ebroïn
et Léger sortirent de Luxeuil, après s’être réconciliés. L’entente ne dura
cependant pas bien longtemps. Léger réussit à s’emparer à nouveau du
pouvoir, soutenu par les grands. Il fit proclamer roi Thierry III, et donna
la mairie à Leudésius, le fils d’Erkinoald. Ebroïn, furieux, tua le maire,
enleva Léger, lui creva les yeux, le traduisit devant un concile, le fit
dégrader, puis le tua. Le peuple fut attristé par la nouvelle car Léger
était quelqu’un de populaire.
5° Guerre entre la Neustrie et
l’Austrasie (680 à 687) – Ebroïn resta maître de la Neustrie et de la
Bourgogne, mais l’Austrasie lui échappa. On avait découvert la retraite du
jeune Dagobert II. On le fit revenir d’Irlande, puis il fut couronné roi
d’Austrasie en 674. Ce dernier ne resta cependant pas longtemps en place :
ayant fait revivre d’anciens impôts, il disparut en 678, sans doute tué à la
chasse par l’un de ses serviteurs. Les leudes austrasiens ne voulurent alors
plus de roi. Pépin d’Héristal était alors le chef naturel de l’aristocratie.
Pépin avait prit pour nom l’appellation d’un de ses domaines sur la Meuse.
Il était le petit fils de Pépin de Landen par sa mère Begga, qui avait
épousé Anségise, le fils de Saint Arnould de Metz. Grâce à ses alliances
avec les plus grandes familles de Gaule, à ses immenses propriétés sur la
Meuse et le Rhin, à la multitude de ses fidèles, Pépin d’Héristal portait
déjà le titre de duc ; les leudes austrasiens se rallièrent à lui,
tout comme les leudes neustriens qu’Ebroïn avait dépouillé de leurs terres.
Pépin somma au maire de Neustrie de faire justices aux immigrés, et, vu qu’Ebroïn
refusait, lui déclara la guerre en 680.
Le début des hostilités ne fut pas
favorable aux Austrasiens. Il furent vaincus en 680 à la bataille de
Leucofao, près de Laons. En 681, Ebroïn fut assassiné par Hermanfroi, un
leude mécontent. Varatte, le nouveau maire du palais de Neustrie, voulut
s’entendre avec Pépin. Devenu suspect aux yeux de ses hommes, il fut égorgé.
Sa charge fut confiée à Berthaire, son gendre. Ce dernier, ambitieux et
jaloux de son autorité, ne calma pas les esprits, mais au contraire, les
surexcita davantage. Les grands en appelèrent à Pépin. Ce dernier se rendit
en 687 à Testry, près de la somme, ou il rencontra Berthaire, vainquit son
armée et le tua.
6° Conséquences de
la bataille de Testry (687) – Cette victoire ne fut pas seulement une
victoire de l’Austrasie sur la Neustrie, elle fut aussi le triomphe de la
mairie sur la royauté, de la dynastie carolingienne sur la dynastie
mérovingienne. A partir de cette date, les carolingiens s'emparèrent
véritablement du pouvoir, et ne le relâchèrent que trois décennies plus
tard...
Pépin d’Héristal
était à cette époque le roi, sauf qu’il n’en avait pas le nom. Ce fameux
nom, il décida de le laisser à un fantoche, Thierry III. Pépin n’osa pas
réclamer la couronne, peut être de peur d’avoir à subir le triste sort de
son oncle Grimoald…