CHAPITRE TROISIÈME : Les fils de
Clovis (511 à 561)
I :
De la
mort de Clovis à la mort de Clodomir (511 à 524)
1° Le partage
de 511 – A sa mort, Clovis lassait derrière lui quatre fils : Thierry,
né d’un premier mariage avec une princesse rhénane ; ainsi que Clodomir,
Childebert et Clotaire, né de son union avec
Clotilde[1].
Ces derniers, conformément à
la tradition, se partagèrent donc le royaume des Francs à la mort de leur
père
Childebert I° (à gauche) et Clotaire I° (à
droite), par
Jean-Louis BEZARD, 1838, conservé au Musée National du château et des Trianons de
Versailles.
Thierry, né en 490, était
déjà un homme, alors que ses frères étaient encore adolescents. Etant
l’aîné, il reçut le cœur historique du royaume des Francs, à savoir la Gaule
Belgique et les deux provinces romaines de Germanie. S’ajoutèrent à cela
l’Auvergne et la frange est de l’Aquitaine. Thierry fit de Reims sa
capitale.
Clodomir, s’installant à
Orléans, reçut un territoire s’étendant sur les deux rives de la Loire.
Childebert, faisant de Paris
sa capitale, hérita d’un territoire correspondant à l’actuelle Normandie.
Enfin, Clotaire, le cadet,
reçut le vieux pays salien, entre la Somme et la Meuse, avec Soissons comme
capitale. Il hérita aussi de la moitié ouest de l’Aquitaine.
Le partage de 511, enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIV°,
Bibliothèque Nationale.
Resta en dehors du partage
la Bretagne, qui, bien qu’ayant fait soumission à Clovis, restaient
indépendants ; le Languedoc, encore conservé par les Wisigoths d’Espagne ;
la Provence, possédée par les Ostrogoths d’Italie ; ainsi que la Burgondie
(l’actuelle Bourgogne).
Aujourd’hui, d’aucuns
seraient choqués par l’hétérogénéité de ce partage. A cette date, rappelons
que la notion d’Etat, ou même de chose publique (res publica en
latin, qui a donné le mot « république ») n’existait pas. Ainsi, les enfants
de Clovis eurent simplement à cœur de faire main basse sur les terres les
plus fertiles et les villes les plus riches.
Le partage de 511.
2° Guerres
contre la Burgondie (523 à 524) – Suite à la mort de Gondebaud,
roi de Burgondie, en 516, ce fut son fils Sigismond qui monta sur le
trône.
a) Les prémices de la
guerre contre la Burgondie : ce dernier, converti au catholicisme
[3],
s’appliqua à faire appliquer les dogmes du concile de Nicée,
persécutant les ariens[4].
Afin de mener à bien sa politique religieuse, Sigismond fit ériger de
nombreux monastères.
De son mariage avec
Ostrogotha, fille de Théodoric, roi des Ostrogoths, Sigismond
n’avait eu qu’un fils, Ségeric.
Suite au décès de son
éposue, en 518, le souverain burgonde décida de se remarier avec une des
servantes de la défunte.
La nouvelle épouse de
Sigismond, soucieuse d’écarter Ségéric de la succession, décida de le
provoquer en portant les habits de sa mère. Ainsi, suite à une violente
dispute survenue entre le jeune homme et la nouvelle femme de son père,
cette dernière vint s’entretenir avec Sigismond, lui confiant que son fils
projetait de le tuer.
Le roi de Burgondie décida
alors de faire étrangler son fils, puis, pris de remords, il alla s’enfermer
dans un monastère.
b) Première expédition
contre la Burgondie (523) : à la mort de Ségéric, Clotilde, veuve de
Clovis, invita ses fils à déclarer la guerre à la Burgondie, jugeant
Sigismond indigne de régner.
Rappelons en outre qu’un
lourd passif pesait entre Francs et Burgondes, les parents (et les frères ?)
de Clotilde ayant été exécutés par Gondebaud vers 485.
Participèrent à l’expédition
Clodomir, Childebert et Clotaire, mais pas Thierry. En effet, non seulement
ce dernier n’était pas le fils de Clotilde, en outre, il était marié à
Suavegothe, une des filles de Sigismond.
A noter que Théodoric, roi
des Ostrogoths, se retrouvait dans une situation diplomatique délicate.
Ainsi, il était tenu de participer à la
faida[5],
Ségéric étant son neveu ; toutefois, il ne pouvait pas laisser la Burgondie
entre les mains des Francs, ce royaume constituant un Etat tampon entre la
Gaule et l’Italie.
Une première expédition fut
organisée en 523, au cours de laquelle les armées de Sigismond furent
rapidement battues. Ainsi, alors que les armées franques pénétraient en
Burgondie, Sigismond fut détrôné et livré à Clodomir (vraisemblablement par
l’aristocratie burgonde, restée fidèle à l’arianisme).
Installant quelques
garnisons en Burgondie, les trois frères décidèrent alors de quitter le
pays.
Sigismond, emmené à Orléans,
fut exécuté au printemps 524 sur les ordres de Clodomir, ainsi que sa femme
et ses enfants.
c) Seconde expédition
contre la Burgondie (524) : suite au départ des Francs, Gondemar III,
frère de Sigismond, monta sur le trône de Burgondie.
Ce dernier, bénéficiant de
l’appui des Ostrogoths, souleva l’aristocratie burgonde contre les Francs,
massacrant les garnisons laissées dans la région par les fils de Clovis.
Clodomir, Childebert et
Clotaire décidèrent alors d’organiser une nouvelle expédition contre la
Burgondie, recevant cette fois le soutien de leur frère Thierry.
Prenant Lyon, les Francs
avancèrent en direction des Alpes, où s’étaient réfugié Gondemar. En juin
524, les deux belligérants s’affrontèrent lors de la bataille de
Vézeronce, dans l’actuel département de l’Isère.
L’issue de l’affrontement
diffère selon les chroniques. Ainsi, Saint Grégoire de Tours nous indique
que les Francs, ayant remporté la bataille, se mirent à poursuivre les
Burgondes en déroute. Cependant, alors que Clodomir chassait les fuyards, il
tomba dans une embuscade et se fit tuer. Les Francs se vengèrent alors en
ravageant la Bourgogne, puis repartirent. Gondemar, quant à lui, vint peu
après reprendre possession de ses terres.
Les sources byzantines, au
contraire, relatent que Clodomir fut tué pendant la bataille, remportée par
les Burgondes. Déconcertés, les Francs auraient alors été contraints de
quitter la région.
Dans les deux cas, la
seconde expédition en Burgondie se soldait sur un échec, étant donné que
Gondemar restait sur le trône, à la tête d’un royaume intact.
3° Meurtre
des enfants de Clodomir (524 ?) – A sa mort, Clodomir laissait trois
jeunes enfants derrière lui, nés de son union avec Gondioque :
Théodebald, Gunthar et Clodoald.
Clotaire décida d’épouser la
veuve de son frère, alors que les trois enfants étaient recueillis par leur
grand-mère Clotilde.
Cependant, conformément à la
loi salique, le royaume de Clodomir devait être partagé entre ses fils, ce
qui ne plaisait guère à Childebert et Clotaire.
Ainsi, alors que leur mère
avait quitté Saint-Martin-de-Tours pour séjourner quelques temps à Paris,
Childebert décida d’envoyer une missive à son frère Clotaire, afin que ce
dernier vienne rapidement le rejoindre.
Délibérant sur le sort des
trois enfants, les deux frères envoyèrent une missive à leur mère, leur
demandant d’héberger les trois enfants afin qu’ils soient élevés au trône.
Clotilde, ne se doutant de rien, agréa, puis reçu peu de temps une nouvelle
missive. Le messager avait en main une paire de ciseaux et un glaive : la
veuve de Clovis devait donc choisir le destin de ses petits-enfants, à
savoir la tonte
La reine (peut être dans un
excès de colère ?) répondit qu’elle préférait mieux les voir morts que
tondus. Le messager, quant à lui, s’empressa de rapporter la réponse de la
reine aux deux rois.
Clotaire attrapa alors
Théodebald, le jeta à terre, et lui enfonça son couteau dans l’aisselle. Son
cadet, Gunthar, courut vers son oncle Childebert, l’implorant de le
protéger. Le Mérovingien, les larmes aux yeux, implora Clotaire d’épargner
le petit, mais ce dernier ne voulut rien entendre : Misérable ! C’est toi
l’instigateur de toute cette affaire et tu manques déjà à ta parole !
L'assassinat des deux fils de Clodomir, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
Childebert, à contre-cœur,
repoussa donc l’enfant vers Clotaire, qui l’égorgea.
Suite à cet évènement,
Clotilde fit enterrer les deux enfants, âgés de dix et sept ans, auprès de
la tombe de Clovis. Leur frère Clodoald, encore un bébé, échappa toutefois
au courroux de ses oncles. A l’âge adulte, il renonça à la royauté et épousa
une carrière ecclésiastique.
Suite
au décès des fils de Clodomir, les oncles assassins se partagèrent le
royaume de leur défunt frère. Ainsi, Childebert récupéra une frange de
territoires situés sur la rive nord de la Loire ; Clotaire, quant à lui,
agrandit ses possessions en Aquitaine. A noter que Thierry ne fut pas en
reste, récupérant le Berry, qui lui permit d’obtenir une continuité
territoriale dans ses Etats.
[1] Pour en savoir plus sur le mariage de Clovis
et Clotilde, voir le 3, section III, chapitre deuxième, les
Mérovingiens.
[2] Rappelons qu’à cette date, la notion d’Etat
n’existait pas, le royaume des Francs étant considéré comme un
héritage d’ordre privé.
[3] Il semblerait que Gondebaud, arien, se soit
converti au catholicisme dans les dernières années de son règne.
[4] Le concile de Nicée, réuni en 325, avait
établi que le Christ était de la même nature divine que Dieu. Mais
les ariens (suivant la doctrine de l’évêque Arius),
considérait que Jésus, de par sa nature humaine, ne pouvait pas être
l’égal de Dieu.
[6] Comme nous l’avons dit précédemment, la
chevelure était symbole de puissance chez les Mérovingiens. Avoir
les cheveux coupés signifiait être exclu du trône.