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La monarchie de Juillet (1830 - 1848)

CHAPITRE SECOND : Le difficile maintien de l’ordre

(mars 1831 à mars 1835)

 

I : Le ministère Casimir Perier (mars 1831 à octobre 1832)

           

            1° La constitution du nouveau gouvernement (mars 1831) – Suite à l’éviction de Jacques Laffitte, Casimir Perier, le nouveau premier ministre, fut chargé par Louis Philippe I° de constituer le prochain gouvernement.

Louis Philippe, de 1830 à 1833, par Honoré DAUMIER, XIX° siècle.

 

Ainsi, le ministère de la Justice fut confié à Felix Barthe[1] ; ce dernier, ayant abandonné le portefeuille de l’Instruction publique et des Cultes, fut remplacé par Camille Bachasson, comte de Montalivet[2] ; Horace François Bastien Sebastiani[3] conserva le ministère des Affaires étrangères ; Nicolas Jean de Dieu Soult[4] celui de la Guerre ; le ministère du Commerce et des Travaux publics fut confié à Antoine Maurice Apollinaire, comte d’Argout[5] ; en échange, ce dernier céda le portefeuille de la Marine et des Colonies à l’amiral Marie Henri Daniel Gauthier, comte de Rigny[6].

De gauche à droite : Félix Barthe, le comte de Montalivet, Horace François Bastien Sebastiani, le maréchal Soult, le comte d'Argout, l'amiral de Rigny.

A noter enfin que Casimir Perier décida de s’octroyer le ministère de l’Intérieur, soucieux de s’occuper lui-même du rétablissement de l’ordre dans la capitale.

Casimir Perier, avocat et homme politique, par HERSENT, milieu du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.

 

 

            2° Le difficile maintien de l’ordre (printemps à été 1831) – Casimir Perier, soucieux de mettre un terme aux troubles que Laffitte n’avait pu endiguer, décida de mettre en place une politique de fermeté. Le nouveau premier ministre, politiquement proche du centre droit, souhaitait mettre un terme aussi bien à l’agitation de la gauche républicaine que de celle des aristocrates légitimistes.

 

Très rapidement, Perier parvint à rétablir l'ordre, excluant Ferdinand Philippe d’Orléans[7] du conseil des ministres (ce dernier, fils de Louis Philippe, était proche des libéraux.) ; destituant de nombreux fonctionnaires trop proches des républicains ; matant plusieurs émeutes parisiennes (avril à juin 1830.) ; et contraignant le roi des Français à s’installer aux Tuileries, domicile des chefs de l’Etat depuis la Révolution française (octobre 1831.).

Ferdinand Philippe d'Orléans, par J. PRADIER, 1846, château de Versailles, Versailles.

 

            3° Casimir Perier sur la sellette (juillet à août 1831) – Ayant fait une tournée dans le nord et l’est de la France au printemps 1831, Louis Philippe décida de dissoudre la Chambre des députés à la fin du mois de mai.

 

Les élections, prévues au mois de juillet, se déroulèrent sans incidents. Toutefois, près de la moitié des élus étaient des nouveaux députés, dont l’orientation politique était encore méconnue.

Lors de la première séance parlementaire, Louis Gaspard Amédée, baron Girod de l'Ain[8], fut élu président de la Chambre des députés avec une très courte majorité. Le candidat du gouvernement ayant battu de peu son adversaire, Casimir Perier présenta alors sa démission à Louis Philippe.

Louis Gaspard Amédée, baron Girod de l'Ain.

 

Cependant, alors que la Belgique était menacée d’une invasion néerlandaise, Casimir Perier décida de revenir sur sa décision afin de porter assistance aux Belges[9].

 

Par la suite, le premier ministre décida d’abolir l’hérédité de la pairie.

 

            4° La révolte des canuts de Lyon (novembre 1831) – En 1830, le textile représentait encore importante part de l’activité industrielle française. A Lyon, plus de la moitié de la ville vivait grâce au tissage.

Vue panoramique de Lyon prise de l'église Saint Louis.

La production de soieries lyonnaises fonctionnait en suivant un schéma vertical : au sommet de l’échelle, l’on retrouvait les fabricants (environ 130 en 1831.) qui commandaient et payaient la fabrication de pièces, puis en assuraient la commercialisation.

En dessous se situaient les canuts, des maîtres tisserands propriétaires de leurs machines et de leurs ateliers. Ces derniers employaient des compagnons, payés à la journée et vivant généralement chez les canuts (ces derniers étaient près de 40 000.).

 

Toutefois, si la croissance économique lors de l’ère impériale avait entraîné des hausses de salaire à Lyon, les exportations s’étaient réduites au cours des années suivantes (environ cinq francs par jour sous l’Empire contre seulement 20 sous fin 1831.). En octobre 1831, dans un contexte de morosité économique, les canuts demandèrent audience auprès du préfet du Rhône. L’objectif était de fixer un prix minimum, afin d’enrayer la baisse des salaires.

 

Le 8 novembre, le préfet du Rhône accepta la proposition des canuts concernant l’établissement d’un salaire minimum. Toutefois, peu de temps après, les fabricants se montrèrent hostiles à cette démarche, argumentant que l’Etat ne devait pas intervenir au sein de l’économie de marché.

 

Les canuts, apprenant l’opposition des fabricants, décidèrent alors de se révolter le 22 novembre 1831. Les insurgés, contraignant les tisseurs non grévistes à cesser le travail, affrontèrent la Garde nationale lyonnaise, puis érigèrent des barricades dans les rues de la cité.

La révolte des Canuts de Lyon.

Par la suite, alors que de nombreux gardes nationaux décidèrent de fraterniser avec les émeutiers, ces derniers pillèrent les armureries afin de récupérer armes et munitions.

S’emparant de l’Hôtel de ville et de la Préfecture, les insurgés se retrouvèrent finalement maîtres de la cité.

L'Hôtel de ville de Lyon.

 

A Paris, l’annonce de l’émeute dans la seconde ville de France provoqua un tollé à la Chambre des députés. Casimir Perier, partisan de la manière forte, décida alors de contre-attaquer, d’autant plus que Louis Philippe était convaincu que les canuts avaient été influencés par la propagande républicaine.

 

L’expédition, menée par Ferdinand Philippe d’Orléans (fils du roi des Français.) et le maréchal Soult, parvint à pénétrer dans Lyon début décembre 1831. Les canuts, qui n’avaient pas de programme politique, firent alors rapidement soumission.

Ferdinand Philippe d'Orléans et le maréchal Soult font leur entrée dans Lyon.

Par la suite, une centaine d’émeutiers furent arrêtés, le tarif fut supprimé, le préfet du Rhône destitué, la Garde nationale lyonnaise dissoute. Par ailleurs, Soult installa une importante garnison au sein de la cité.

 

            5° L’épidémie de choléra (printemps 1832) – Alors que le régime commençait à affirmer son autorité, Paris fut frappé d’une épidémie de choléra en provenance d’Arabie.

La maladie, atteignant la capitale à la fin du mois de mars 1832, fit rapidement des ravages.

 

Les quartiers populaires furent les premières victimes de l’épidémie, en raison de l’hygiène déplorable qui régnait alors en ces lieux. La maladie fit toutefois de nombreuses victimes au sein des classes les plus aisées de la société.

L'épidémie de choléra frappe Paris.

Ainsi, la capitale se dépeupla en l’espace de quelques semaines, les Parisiens n’ayant pas été tués par la maladie choisissant de se réfugier à la campagne.

 

Les connaissances scientifiques de l’époque ne permettant pas d’appréhender l’origine de l’épidémie, les esprits ne tardèrent donc pas à s’échauffer. Ainsi, le gouvernement fut jugé responsable de la maladie, voire même d’avoir empoisonné l’eau des puits.

 

Le 1er avril 1832, Casimir Perier et Ferdinand Philippe d’Orléans se rendirent auprès des malades de l’Hôtel Dieu[10]. Toutefois, le premier ministre contracta à son tour la maladie et mourut le 16 mai 1832.

Le duc d'Orléans et Casimir Perier visitant les malades à l'Hôtel Dieu pendant l'épidémie de choléra de 1832, par Alfred JOHANNOT, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

L’épidémie de choléra ne s’éteignit qu’en septembre, après avoir fait près de 18 500 victimes (à noter qu’à l’époque la capitale comptait environ 800 000 habitants.).

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[1] Felix Barthe était un avocat né en juillet 1795. Il avait défendu un des quatre sergents de La Rochelle.

[2] Le jeune homme, né en avril 1801, était un pair de France, ingénieur des Ponts et Chaussés.

[3] Sébastiani, nommé général en 1803, fut ambassadeur à Constantinople entre 1805 et 1808. Par la suite, il participa aux campagnes d’Espagne, de Russie, d’Allemagne et de France. Suite à l’abdication, Sébastiani se rapprocha des Bourbons, mais se rallia à Napoléon lors des Cent-Jours. Lors de la seconde restauration, il partit pour l’Angleterre, ne revenant en France que quelques mois plus tard. Elu député à plusieurs reprises, Sébastiani signa l’adresse des 221 en mars 1830.

[4] Soult fut un des maréchaux de Napoléon.

[5] Le comte d’argout avait participé aux négociations avec Charles X lors des trois glorieuses.

[6] Le comte de Rigny avait participé à la bataille de Navarin et à l’expédition de Morée. Il avait aussi été ministre de la Marine dans le gouvernement de Polignac.

[7] Le jeune homme était né en septembre 1810.

[8] Né en octobre 1781, Girod de l’Ain fut avocat lors de l’ère impériale. Fidèle à Napoléon lors de Cent-Jours, il fut destitué lors de la restauration. Girod de l’Ain se présenta aux élections législatives à partir de 1827.

[9] Pour en savoir plus sur la révolution belge, voir le 3, section VI, chapitre premier, la monarchie de Juillet.

[10] L’Hôtel Dieu est le plus ancien hôpital de la capitale, fondé en 651 par l’évêque de Paris.

 
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