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La monarchie de Juillet (1830 - 1848)

CHAPITRE SECOND : Le difficile maintien de l’ordre

(mars 1831 à mars 1835)

 

III : Le premier ministère Soult (octobre 1832 à juillet 1834)

           

            1° La constitution d’un nouveau gouvernement (octobre 1832) – A la mort de Casimir Perier, Louis Philippe ne remplaça pas immédiatement le défunt. Affrontant seul la nouvelle guerre de Vendée et l’insurrection parisienne de juin 1832, ce dernier ne fit son choix qu’à la suite des élections législatives de septembre 1832.

Vase à l'effigie de Louis Philippe I°, par Gérard Jean GALLE, vers 1834, musée du Louvre, Paris.

Pensant, dans un premier temps, confier le poste de premier ministre à Achille Léonce Victor Charles, duc de Broglie[1], Louis Philippe, sur les conseils d’Adolphe Thiers[2] et François Guizot[3], le donna finalement au maréchal Soult.

Adolphe Thiers et François Guizot.

 

Ce dernier fut donc chargé de former un nouveau gouvernement.

Le ministère de l’Intérieur fut alors confié à Adolphe Thiers ; le duc de Broglie reçut les Affaires étrangères ; François Guizot fut nommé ministre de l’Instruction publique et des Cultes ; Georges Humann[4] eut les Finances ; Félix Barthe conserva le portefeuille de la Justice, le comte de Rigny celui de la Marine et des Colonies, et le comte d’Argout celui du Commerce et des Travaux publics.

Victor, duc de Broglie.

Soult, quant à lui, s’octroya le ministère de la Guerre.

 

            2° Les premières actions du ministère Soult (octobre 1832 à juin 1833) – A Le nouveau premier ministre, très rapidement, s’engagea à suivre les traces de son défunt prédécesseur[5]. Soucieux d’affirmer le prestige de la monarchie de Juillet, le gouvernement décida d’achever les travaux de l’arc de triomphe de l’Etoile, puis réinstalla une statue de Napoléon au sommet de la colonne Vendôme[6]. Par ailleurs, l’expropriation (pour cause de grands travaux.) fut légalisée.

Statue de Napoléon autrefois au sommet de la colonne Vendôme, déposée par Napoléon III aux Invalides.

 

Par la suite, le 28 juin 1833, la Chambre des députés vota la loi Guizot sur l’enseignement primaire, obligeant chaque commune de plus de 500 habitants d’entretenir une école primaire. Le texte prévoyait aussi la mise en place d’un concours au poste d’instituteur, et la création des premiers inspecteurs.

L'instruction primaire dans les campagnes.

A noter que si ce texte concernait les écoles privées comme publiques, la loi ne concernait que les écoles pour garçons (l’enseignement des filles resta entre les mains des congrégations religieuses jusqu’en 1850.).

 

            3° L’éviction de Broglie entraîne un important remaniement ministériel (avril 1834) – Le duc de Broglie, nommé ministre des Affaires étrangères en octobre 1832, n’appréciait guère de n’être qu’un pantin entre les mains de Louis Philippe, ce dernier considérant que la diplomatie française lui était réservée.

Au printemps, la Chambre des députés ayant rejeté son projet d’indemnisation des Etats Unis (lors de l’ère impériale, la marine américaine avait subi d’importantes pertes à cause des corsaires français.), Broglie décida de démissionner.

 

Ainsi, le duc de Broglie fut remplacé aux Affaires étrangères par le comte de Rigny ; ce dernier, abandonnant le portefeuille de la Marine, fut remplacé par l’amiral Albin Reine Roussin[7] (qui lui-même céda son poste à Louis Léon Jacob[8] dès le mois de mai 1834.) ; le ministère de la Justice fut cédé à Jean Charles Persil[9] ; enfin, le comte Charles Marie Tanneguy Duchâtel[10] reçut le portefeuille du Commerce et des Travaux publics.

L'amiral Albin Reine Roussin, Jean Charles Persil, et Charles Marie Tanneguy Duchâtel.

Soult, Thiers, Guizot et Humann, quant à eux, conservaient respectivement la Guerre, l’Intérieur, l’Instruction publique, et les Finances.

 

            4° De nouvelles émeutes ensanglantent Paris et la province (printemps 1834) – En février 1834, le gouvernement décida de faire voter à l’assemblée une loi durcissant les peines contre les associations non autorisées (le texte visait les républicains, qui se réunissaient au sein de sociétés imitant celles qui existaient lors de la Révolution française.).

 

a) La seconde révolte des canuts de Lyon (avril 1834) : alors qu’à Paris, la loi contre les associations était votée, les canuts de Lyon craignirent que ce nouveau décret n’interdise les associations mutuelles ouvrières. Ainsi, les canuts décidèrent de se mettre en grève.

 

Début avril, une dizaine de manifestants lyonnais furent interpellés par les forces de l’ordre, puis, le 9, les premiers combats éclatèrent entre grévistes et forces de l’ordre.

Rapidement, la garnison située dans Lyon tira sur les insurgés, qui commencèrent alors à ériger des barricades.

La seconde révolte des canuts de Lyon, avril 1834.

Toutefois, grâce à l’appui de l’artillerie, l’armée parvint à contre-attaquer efficacement. La ville fut ainsi encerclée par les militaires, qui repoussèrent progressivement les émeutiers.

Finalement, le 12 avril 1834, les canuts furent contraints de déposer les armes.

 

Cette seconde révolte lyonnaise, bien plus violente que la première, causa près de 300 victimes en l’espace d’une semaine.

Plusieurs milliers de canuts, arrêtés suite aux affrontements, furent alors emprisonnés à Paris. Ces derniers, quelques mois plus tard, furent condamnés à de lourdes peines de prison ou à la déportation.

 

b) L’insurrection s’étend en Province… : les républicains, soucieux de récupérer les évènements de Lyon, tentèrent alors d’exporter la révolte dans les principales villes de France.

Mais l’armée, chargée de rétablir l’ordre, parvint à réprimer les insurrections. Le mouvement fit donc long feu à Marseille, Clermont Ferrand, Grenoble et Lunéville.

 

c) …et jusqu’à Paris : ainsi, si les émeutes furent rapidement matées en Province, c’est à Paris qu’elles furent le plus virulentes.

Thiers, sentant souffler le vent de la révolte, fit alors venir près de 40 000 soldats dans la capitale, arrêtant une centaine de républicains (plusieurs journaux antiroyalistes furent alors interdits.).

 

Toutefois, à la mi avril 1834, les premières barricades furent érigées par les insurgés. Le général Thomas Robert Bugeaud, marquis de La Piconnerie[11], fut alors chargé par Thiers de mater la révolte.

Le général Bugeaud, musée de l'Infanterie, Montpellier.

Ainsi, alors que les militaires semblaient l’emporter, ces derniers s’aperçurent que des émeutiers tiraient encore par les fenêtres d’un immeuble situé rue Transnonain. Les soldats, exaspérés, envahirent les lieux, et tous les habitants de l’immeuble furent massacrés.

Le massacre de la rue Transnonain, par Honoré DAUMIER, XIX° siècle.

Bugeaud, qui commandait ce secteur, fut jugé responsable de cette boucherie.

 

Suite aux affrontements, près de 2 000 émeutiers furent arrêtés et emprisonnés ; afin de calmer les esprits, Louis Philippe déclara qu’il comptait débloquer une somme d’argent afin d’indemniser les victimes de l’insurrection ; enfin, la Chambre des députés vota un crédit de 14 millions afin d’entretenir une armée de 360 000 hommes, puis vota un décret interdisant la détention d’armes de guerre.

Grâce à ces dispositions, les funérailles de Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (grande figure de l’opposition.) ne furent pas entachées par de nouvelles émeutes.

 

            5° Une nouvelle assemblée (été 1834) – Louis Philippe, convaincu que le vote des électeurs lui serait favorable, décida alors de dissoudre l’assemblée en juin 1834.

Toutefois, les élections ne répondirent pas exactement aux attentes du roi des Français : ainsi, si les républicains étaient éliminés, l’opposition s’emparait d’environ un tiers des sièges de l’assemblée.

Par ailleurs, un nouveau parti apparut au sein même de la majorité, surnommé le Tiers parti. Ce dernier, bien que proche du roi, pouvait néanmoins suivre le gouvernement ou l’opposition selon la situation.

 

Se réunissant à la fin juillet 1834, la Chambre des députés adressa à Louis Philippe une note en apparence respectueuse mais remplie de sous entendus critiques à l’égard du gouvernement.

Le roi des Français répliqua en mettant l’assemblée en congé jusqu’en fin d’année 1834.

 

            6° L’éviction de Soult (juillet 1834) – Alors que la Chambre des députés avait été congédiée, Thiers et Guizot décidèrent de se débarrasser d’un Soult qu’ils n’appréciaient guère.

Les deux hommes affirmèrent alors leur volonté de vouloir mettre en place un gouvernement civil à Alger, alors que Soult était favorable à un gouvernement militaire (ce qui permettait au ministère de la Guerre de conserver la main mise sur ce territoire.).

 

a) La situation en Algérie (1830 à 1835) : comme nous l’avons vu précédemment, le général Bertrand, comte Clauzel[12], avait été limogé après avoir cédé les provinces d’Oran et de Constantine aux beys[13] de Tunis, en échange de leur soumission à la France.

Le général Bertrand, comte Clauzel.

 

Par la suite, ce dernier fut remplacé par le général Pierre Berthezène, puis par le général Téophile Voirol[14]. Mais ces derniers, manquant de moyens, ne purent mettre en place qu’une pénétration extrêmement lente.

La conquête de l'Algérie.

Voirol, occupant Bougie et Mostaganem, fit construire des routes dans le Sahel ; fit ériger un hôpital et une école à Alger ; et instaura une garde nationale algéroise.

 

Plus tard, en février 1834, le général Jean Baptiste Drouet, comte d'Erlon[15], gouverneur général d’Alger, accepta de négocier avec un nouveau chef arabe, l’émir Abd el Kader.

L'émir Abd el Kader, par Stanislas von CHLEBOWSKI, XIX° siècle, château de Chantilly, Chantilly.

Ce dernier, en reconnaissance d’une soumission très théorique à la France, obtint le libre commerce de la poudre et des armes (à noter que Drouet d’Erlon, considéré comme trop laxiste par le gouvernement, fut rappelé à Paris dès 1835.).

 

b) La démission du Soult : Soult, sachant que la conquête de l’Algérie ne pouvait pas être opérée par un civil, décida alors de présenter sa démission à Louis Philippe. Ce dernier, après quelques hésitations, décida finalement de l’accepter.

Suite au départ du ministre de la Guerre, le roi des Français décida alors de nommer le maréchal Maurice Etienne Gérard[16] au poste de premier ministre.

 

Leurs manigances ayant été couronnées de succès, Thiers et Guizot décidèrent de maintenir un gouvernement militaire à Alger.

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[1] Né en 1785, le duc de Broglie ne participa ni à la révolution ni à l’Empire. Membre de la chambre des pairs lors de la restauration, il s’opposa à la censure et se prononça en faveur de l’abolition de l’esclavage. Participant à la révolution de Juillet aux côtés de Louis Philippe, le duc de Broglie avait quitté le gouvernement lors de la nomination de Jacques Laffitte en tant que premier ministre.

[2] Thiers, lors de la révolution de juillet, avait fait paraitre une proclamation appelant Louis Philippe au pouvoir. Lors du ministère Laffitte, Thiers avait été nommé sous-secrétaire d’Etat aux Finances.

[3] Guizot, tout comme le duc de Broglie, avait quitté Louis Philippe lors de la nomination de Laffitte.

[4] Humann, né en août 1780, était un exportateur de tabac strasbourgeois. Son importante fortune lui permit de se présenter à plusieurs reprises aux élections législatives, s’asseyant à la chambre aux côtés des libéraux.

[5] A noter que Louis Philippe fut la cible d’un attentat en novembre 1832, un étudiant en droit ayant tiré dans sa direction. Le prévenu, fervent républicain, fut acquitté en mars 1833.

[6] En 1814, Louis XVIII avait fait descendre, puis fondre la statue de Napoléon qui ornait alors la colonne Vendôme. A noter que la statue érigée par Louis Philippe fut démontée par Napoléon III et déposée aux Invalides.

[7] Né en avril 1781, Roussin avait fait carrière dans la marine sous la révolution puis sous l’Empire. A noter qu’il préféra conserver son poste d’ambassadeur à Constantinople plutôt que celui de ministre.

[8] Louis Léon Jacob, né en novembre 1768, combattit au sein de la marine pendant la révolution et l’Empire. Nommé préfet maritime de Toulon lors de la restauration, il géra la constitution des flottes envoyées vers la Morée et Alger.

[9] Persil, né en octobre 1785, avait épousé la carrière d’avocat. Sous la restauration, il fut élu député à plusieurs reprises.

[10] Tanneguy Duchâtel était un avocat français né en février 1803.

[11] Né en octobre 1784, Bugeaud participa à plusieurs campagnes lors de l’ère impériale. Fidèle à Napoléon, lors des Cent-Jours, il fut contraint de quitter l’armée. Lors de l’avènement de la monarchie de Juillet, Bugeaud décida de se présenter aux élections législatives, et fut élu député à plusieurs reprises.

[12] Le général Clauzel avait participé aux campagnes d’Italie et d’Espagne sous l’Empire. Restant fidèle à Napoléon lors des Cent-Jours, Clauzel fut contraint de s’exiler aux Etats Unis lors de la restauration. Rentrant en France en cours d’année 1820, il se fut élu à la Chambre des députés quelques années plus tard. 

[13] Les beys (il s'agissait d'un titre ottoman.) étaient en quelque sorte l’équivalent des préfets français.

[14] Les deux hommes avaient participé aux guerres de la Révolution française et de l’Empire, avant de tomber en disgrâce lors de la restauration.

[15] Ce dernier, à l’instar de Berthezène et Voirol, avait participé aux campagnes de la révolution et de l’ère impériale.

[16] Participant aux guerres de la Révolution française (Jemmapes, Neerwinden, Fleurus.) et de l’Empire (Austerlitz, Iéna, Wagram, la Moskova, etc.) en tant que général, Etienne Maurice Gérard resta fidèle à Napoléon lors des Cent-Jours. Partant pour Bruxelles à la restauration, il ne revint en France qu’en 1817. Elu député à plusieurs reprises, le maréchal Gérard avait été ministre de la Guerre lors de l’instauration de la monarchie de Juillet.

 
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