II :
La Convention montagnarde (juin 1793 à juillet 1794)
1° La Convention montagnarde face
à de nombreux dangers – Lorsque les montagnards arrivèrent au pouvoir,
la France était dans une situation particulièrement difficile.
Tout d’abord, la guerre contre la première coalition battait son plein. Le
conflit, déclenché le 20 avril 1792 par l’assemblée législative[1],
avait finalement tourné à l’avantage des Français suite aux victoires de
Valmy et de Jemmapes. Toutefois, suite à la trahison de Dumouriez, la
frontière nord du pays était à nouveau menacée. Les Autrichiens, pénétrant
dans le nord de la France, s’emparèrent de Condé le 10 juillet. Custine, qui
avait abandonné la cité à l’ennemi, fut alors appelé à Paris (arrêté le 22
juillet 1793, le général fut traduit devant le Tribunal révolutionnaire et
exécuté le 27 août 1793.).
Adam Philippe, comte de Custine,
château de Versailles, Versailles.
A
la fin juillet, les Français furent chassés de Rhénanie, et les Autrichiens
prirent Valenciennes.
Outre la guerre contre la première coalition, la France était menacée à
l’intérieur par l’insurrection vendéenne. Comme nous l’avons vu
précédemment, les blancs s’étaient emparés de nombreuses cités au printemps
1793 (Machecoul, Angers, Saumur, La Flèche, etc.), et la révolte ne cessait
de s’étendre. Toutefois, les Vendéens avaient échoué devant Nantes, à la fin
du mois de juin 1793.
Enfin, d’autres insurrections avaient lieu en province. Ces révoltes furent
aussi bien organisées par les royalistes contre-révolutionnaires (dans la
vallée du Rhône et en Lozère.) que par les Girondins exclus du pouvoir suite
aux journées du 31 mai et du 2 juin (ces derniers déclenchèrent alors des
insurrections fédéralistes, soucieux de lutter contre la centralisation
montagnarde.).
La France en 1793, entre guerre et
insurrections.
A
noter toutefois que le mouvement fédéral fut rapidement maté par la
capitale, faute de concertation entre les différentes cités insurgées (été
1793.).
Enfin, si la récolte de 1792 avait été bonne, l’approvisionnement était
ralenti voire obstrué à cause de la guerre et des troubles qui éclataient en
province. Par ailleurs, la loi sur le maximum, votée en mai 1793, était un
échec. Les marchands vendaient leurs plus mauvais produits au prix fixé par
la loi ; au contraire, leurs meilleures pièces alimentaient le marché noir.
Les montagnards, contraints de faire face à tous ces périls, prirent alors
plusieurs mesures d’exception.
Cocarde patriotique, fin du XVIII° siècle, musée Lambinet, Versailles.
2° La constitution de l’an I, la mort de Marat (juin à
juillet 1793) – Le 24 juin 1793, les députés de la Convention votèrent
la mise en place d’une nouvelle constitution, qui devait être ratifiée par
référendum. Ce nouveau texte, très libertaire, proclamait l’insurrection
comme un droit ; faisait du référendum un instrument obligatoire ;
interdisait l’esclavage et acceptait le droit d’asile.
Il
n’y avait cependant pas de partage des pouvoirs. En effet, si un conseil de
24 membres (élus au suffrage direct universel parmi les membres de la
Convention.) détenait le pouvoir exécutif, ce dernier était impuissant face
à l’assemblée (pas de président, pas de veto, pas de droit de dissolution,
etc.). De fait, la Convention, renouvelée par tiers chaque année au suffrage
universel direct, était toutefois en position hégémonique. A noter en outre
qu’une nouvelle Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen fut
votée, insistant sur l’égalité et le droit à l’insurrection.
La déclaration des droits de l'homme version 1793, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, la constitution de l’an I ne fut jamais appliquée. En août
1793, Louis Antoine de Saint Just, proche de Robespierre, expliqua
que le texte ne pourrait être mis en place qu’en temps de paix, la nouvelle
constitution étant menacée par la guerre et les insurrections.
Buste de Saint Just, musée Carnavalet, Paris.
A
noter que le 13 juillet 1793, Marat reçut la visite de Charlotte Corday,
une jeune femme originaire de Normandie. Cette dernière, hostile aux
débordements des montagnards, affirmait détenir des renseignements
concernant les girondins de Caen. Alors que Marat se trouvait dans sa
baignoire, elle l’assassina d’un coup de couteau en plein cœur.
Charlotte Corday au moment où elle vient d'assassiner Marat,
école française du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris (à gauche) ; Marat assassiné,
atelier de Jacques Louis DAVID, 1793, musée du Louvre, Paris.
Charlotte Corday fut rapidement arrêtée. Jugée le 17 juillet 1793, elle
monta sur l’échafaud le 19 (soit moins d’une semaine après le meurtre.).
Marat, quant à lui, fut inhumé au Panthéon[2].
Pompes funèbres de Marat dans l'ancienne église des Cordeliers, le 16
juillet 1793, par FOUGEAT, musée Carnavalet, Paris.
3° La réorganisation du Comité de salut public (juillet 1793)
– En juillet 1793, le Comité de salut public, officieusement dirigé par
Georges Danton, assista alors à un renouvellement complet de ses membres.
Depuis sa création, cette entité disposait du pouvoir exécutif, ayant comme
tâche la gestion des départements et de l’armée. Dominé par Robespierre, le
Comité de salut public était composé de douze membres (au lieu de neuf à
l’origine.), élus chaque mois par la Convention. Chaque participant,
occupant un poste équivalent à celui d’un ministre de l’ancien régime, était
spécialisé dans un domaine particulier (économie, armée, marine, etc.).
Le
Comité de Salut public, à partir de juillet 1793, devint véritablement le
principal organe de pouvoir. Il se heurta ainsi au Comité de sûreté
générale, qui, comme nous l’avons vu précédemment, occupait une fonction
policière.
4° La Terreur (été à hiver 1793) – Afin de faire face aux
dangers menaçant le pays, la Convention décida de mettre en place une
série de mesures radicales, aboutissant à l’instauration de la Terreur.
a)
La Convention et la guerre : à la fin du mois d’août, les Autrichiens
se trouvaient devant Maubeuge, les Anglais attaquaient Dunkerque, et les
Prussiens pénétraient en Alsace (les trois armées ne s’étaient toutefois pas
concertées quant à la marche à suivre.).
Le
25 août 1793, la Convention décida alors de voter la levée en masse. Tous
les Français célibataires âgés de 18 à 25 ans devaient prendre les armes ;
les non-combattants, quant à eux, devaient néanmoins participer à l’effort
de guerre (en confectionnant des uniformes et des drapeaux, ou en récoltant
le salpêtre dans les caves[3]
.).
Enseigne de recrutement, vers 1789, musée Carnavalet, Paris.
Tournant l’économie du pays vers la guerre, les députés parvinrent à mettre
en place une armée composée de 750 000 combattants en 1794.
Lazare Carnot, membre du Comité de salut public depuis le 14 août
1793, décida alors que les nouveaux engagés seraient intégrés aux anciens
régiments royaux. L’objectif était ainsi de mettre en place une fusion entre
les vieux et les jeunes soldats, afin de limiter les risques de désertion ou
de trahison.
Lazare Carnot.
Par ailleurs, la Convention mit en place les représentants en mission,
envoyé en province afin de surveiller les généraux. Certains d’entre eux
furent alors exécutés, et remplacés par des officiers issus du rang[4].
Ces derniers étaient plus fidèles à la révolution, ce mouvement leur ayant
permis d’obtenir des promotions qui leur étaient auparavant inaccessibles[5].
Le
8 septembre 1793, le général Jean Baptiste Jourdan remporta la
bataille de Hondschoote, face à l’Angleterre. Les Anglais décidèrent
alors d’abandonner le siège de Dunkerque, marchant vers Maubeuge.
La bataille de Hondschoote, inscrite sur un des pans de l'Arc de
Triomphe de l'Etoile, Paris.
Les Autrichiens, quant à eux, s’emparèrent du Quesnoy le 12 septembre.
b)
La loi des suspects, le déclenchement de la Terreur : le 17 septembre
1793, la Convention vota la loi des suspects. Dorénavant, tous les
Français pouvaient devenir suspects aux yeux des autorités. La moindre
parole imprudente pouvait conduire en prison, voire à l’échafaud ; les
parents des émigrés pouvaient être emprisonnés s’ils n’avaient pas manifesté
leur attachement à la révolution.
A
noter que cette loi, bien qu’appliquée avec plus ou moins de ferveur (à
Paris et en province.), aurait entraîné l’arrestation d’environ 200 000
personnes (un peine de longue durée équivalait une condamnation à mort, les
prisons de l’époque étant petites, sales et surpeuplée.).
Bonnets de police patriotique, vers 1793,
musée des Invalides, Paris.
Par ailleurs, afin de mettre un terme à la crise économique qui frappait le
pays depuis 1789, la Convention décida de mettre en place une terreur
économique : le 26 juillet 1793, les profiteurs qui recelaient des denrées
afin de les vendre plus cher étaient punis de mort. Le 30 septembre, une loi
fixa les salaires à ceux de 1790 augmentés de 30% ; les salariés devaient
être payés en assignats, une monnaie qui ne cessait de perdre de la
valeur[6].
Ces mesures ne permirent toutefois pas de renforcer l’économie française.
A
noter enfin que plusieurs personnalités furent guillotinées en fin d’année
1793, la Convention ayant voté un décret d’accusation contre les girondins
et les orléanistes.
Les girondins à l'échafaud, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Marie Antoinette, veuve de Louis XVI, fut exécutée le 16 octobre
(elle était emprisonnée à la Conciergerie depuis septembre 1793.) ; Brissot[7]
et plusieurs girondins le 31.
Le procès de Marie Antoinette, par par CAZENAVE, la Conciergerie,
Paris.
Marie Antoinette au Temple, par PRIEUR, musée Carnavalet, Paris.
Le 6 novembre, Louis Philippe, duc
d’Orléans, monta sur l’échafaud (ce dernier avait voté la mort de Louis XVI
en fin d’année 1792, mais restait suspect aux yeux des montagnards.) ; suivi
le 11 novembre par Jean Sylvain Bailly (ancien maire de Paris, il
avait fait tirer sur la foule en juillet 1791.).
Enfin, la comtesse Du
Barry, maîtresse de feu Louis XV, fut guillotinée le 6 décembre (son
principal crime fut vraisemblablement d’être trop riche.).
Portrait de madame Du Barry à Louveciennes en 1789, par
Eugénie-Françoise TRIPIER-LEFRANC, XIX° siècle, musée Lambinet, Versailles.
b)
Succès militaires aux frontières et en Vendée : les mesures
militaires mises en place par la Convention et le Comité de salut public
furent particulièrement bénéfique. En effet, Jourdan parvint à repousser les
coalisés, qui abandonnèrent le siège de Maubeuge (ils se réfugièrent alors
sur la ligne Condé-Valencienne-Le Quesnoy, villes tombées entre leurs mains
au cours de l’été.).
Le
18 novembre, la Convention réorganisa l’armée du Rhin, en confiant le
commandement aux généraux Lazare Hoche, Jean Charles Pichegru
et Louis Charles Antoine Desaix.
Louis Lazare Hoche, capitaine au 58° de ligne en 1792 (à
gauche) ; Louis Charles Antoine Desaix, capitaine au 46° de ligne en 1792, par Charles de
STEUBEN (à droite), château de Versailles, Versailles.
A
la fin novembre, Pichegru lança une offensive de grande ampleur, attaquant
les Prussiens à Kaizerslautern. Toutefois, la bataille fut indécise, et les
Français se retirèrent vers le duché de Deux-Ponts.
Jean Charles Pichegru, adjudant au
2° régiment d'artillerie en 1792, château de Versailles, Versailles.
Hoche, stationné en Alsace, repoussa les Autrichiens à Woerth et
Froeschwiller le 20 décembre 1793. Les jours suivant, Pichegru et Hoche
repoussèrent les troupes austro-prussiennes lors de la bataille de
Wissembourg. En fin d’année 1793, les frontières françaises n’étaient
plus menacées.
Le général Lazare Hoche, le Panthéon, Paris (à gauche) ; Deux
sans-culottes, 1793, Deutsches historisches museum, Berlin (à droite).
La
révolte fédéraliste, quant à elle, fut rapidement matée (Joseph Fouché,
représentant en mission envoyé à Lyon, fit exécuter plusieurs centaines
d’insurgés.), et Toulon, livrée qui fut livrée aux Anglais par les
royalistes, fut prise le 19 décembre 1793 par le général Jacques François
Dugommier.
Le général Jacques François Dugommier, école française, XVIII°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
A noter que ce dernier fut assisté par le jeune Napoléon
Bonaparte, qui fut promu général de brigade en fin d’année.
Le jeune Napoléon Bonaparte, château de Versailles,
Versailles.
En
Vendée, les républicains décidèrent de passer à l’offensive, ayant accumulé
les revers depuis les débuts de l’insurrection, en mars 1793. En août, le
général Jean Baptiste Kléber fut envoyé sur le front ouest, suivi par
Jean Baptiste Carrier, représentant en mission (Kléber faisait partie
de l’armée du Rhin, vaincue en juillet 1793.).
Jean Baptiste Kléber,
attribué à Louis Léopold BOILLY, musée Carnavalet, Paris.
Les républicains parvinrent alors à remporter deux batailles, affrontant
l’ennemi à Luçon en juillet et août 1793. En octobre, les Vendéens, bien
qu’ayant un net avantage numérique, furent néanmoins vaincus par les
républicains lors de la seconde bataille de Cholet.
La seconde bataille de Cholet, Le Monde Illustré, N°
2245, 7 avril 1900.
Le
marquis de Bonchamps fut mortellement blessé, et Maurice Gigost d’Elbée,
gravement blessé, fut transporté à Noirmoutier (capturé par les
républicains, il fut exécuté en janvier 1794.). A noter que le marquis de
Lescure, grièvement blessé quelques jours avant la seconde bataille de
Cholet, agonisa jusqu’en novembre 1793.
c)
La virée de Galerne[8]: suite à la défection d’Elbée, ce fut
Henri de La Rochejaquelein qui prit le commandement de l’armée vendéenne.
Les insurgés, dans l’espoir d’occuper un port afin d’y recevoir l’aide des
Anglais, décidèrent alors de traverser la Loire. Recevant l’aide des Chouans
de Bretagne (commandés par Georges Cadoudal, ils s’étaient révoltés
en mars 1793.), les Vendéens s’emparèrent de Laval le 21 octobre 1793.
Georges Cadoudal.
Les républicains, lancés à la poursuite des insurgés, furent alors battus
par les rebelles lors de la bataille d’Entrammes, le 26 octobre 1793.
Les vaincus eurent à déplorer d’importantes pertes : sur 20 000 soldats,
4 000 étaient morts, 9 000 étaient blessés ou portés disparus.
En
novembre 1793, les Vendéens décidèrent alors de marcher vers Saint Malo afin
d’y recevoir l’aide des Anglais. Ils s’emparèrent de Dol et de
Pontorson le 8 et 9 novembre 1793, puis marchèrent vers Granville.
Arrivant sous les murs de la cité le 14 novembre 1793, les insurgés
s’étonnèrent de n’apercevoir aucun navire anglais. Les insurgés décidèrent
alors d’assiéger Granville, mais cette dernière était bien défendue par les
troupes républicaines.
Repoussés, les Vendéens décidèrent de se replier. Interceptés par les
troupes républicaines à Entrain, près de Dol, les insurgés parvinrent
néanmoins à remporter la victoire. Ils arrivèrent finalement à Laval à la
tête d’une armée fortement diminuée.
Début décembre, les Vendéens assiégèrent Angers, mais ils furent repoussés
par les républicains.
Habit d'officier subalterne d'Infanterie
de ligne, vers 1793, musée des Invalides, Paris.
Les Vendéens, ayant perdu beaucoup de leurs effectifs au cours des semaines
précédentes, décidèrent alors de s’installer à Le Mans à la mi- décembre. Le
12 au soir, les républicains pénétrèrent dans la cité, lançant une attaque
surprise contre l’ennemi. Les Vendéens furent alors massacrés, et seuls
5 000 d’entre eux parvinrent à s’échapper.
d)
La pacification de la Vendée : A la fin décembre 1793, les rescapés
de la virée de Galerne étaient dans une position difficile. En effet,
ces derniers avaient tenté de passer la Loire à Ancenis, mais avaient été
repoussés par les républicains.
Une partie des insurgés (dont La Rochejacquelein et Stofflet.) décida alors
de franchir le fleuve à la nage, d’autres se réfugièrent en Bretagne. Les
survivants de l’armée vendéenne, acculés contre la Loire, furent attaqués par les
républicains. Ces derniers décidèrent alors de ne pas faire de quartiers,
fusillant plus de 10 000 personnes.
Ayant franchi la Loire, les derniers Vendéens se divisèrent en plusieurs
groupes. Dépité, La Rochejaquelein se trouva alors contraint d'adopter une stratégie de guérilla.
Les républicains, quant à eux, décidèrent de mettre en place une politique
de pacification de la Vendée, éliminant sommairement tout individu suspecté
de sympathiser avec les rebelles.
Jean Baptiste Carrier, arrivé à Nantes à l’été 1793, décida de mettre en
place une politique de Terreur à Nantes au cours de l’automne.
Près de 150 personnes furent guillotinées, et les rebelles ayant participé à
la virée de Galerne furent emprisonnés. Toutefois, les prisons ne pouvant
accueillir tous les insurgés, il fut décidé de réquisitionner des entrepôts
afin de les y enfermer. Puis, les conditions de vie des prisonniers devenant
dangereuses pour l’hygiène publique, il fut décidé de procéder à des
centaines d’exécutions. Finalement, ne trouvant plus de place pour enterrer
les défunts, Carrier décida de mettre en place les noyades de Nantes,
au cours desquelles des milliers de Vendéens périrent noyés (soit environ
5 000 victimes.).
Un épisode des noyades de Nantes.
A
Angers et à Saumur, cités qui accueillirent des Vendéens ayant participé à
la virée de Galerne, les représentants en mission décidèrent de procéder à
de nombreuses exécutions (soit un total d’environ 2 000 victimes, dont une
partie par noyade.).
e)
La déchristianisation (fin 1793) : à Paris, la Convention décida de
s’attaquer aux prêtres, jureurs comme réfractaires. Il fut dès lors interdit de
faire sonner les cloches et de porter la soutane ; par ailleurs, les croix
et emblèmes religieux devaient être démontés. Cette loi, votée le 25 octobre
1793, punissait de mort les contrevenants.
La
déchristianisation, alors qu’elle se répandait en province, fut favorisée
par l’adoption du calendrier républicain, le 5 octobre 1793. Ce dernier
comptait douze mois de trente jours[9]
(les semaines duraient dix jours[10].),
auxquels il était ajouté cinq à six jours en fin d’année (ces journées furent
nommées les sans-culottides[11].
A noter enfin que les jours ne portaient pas le nom d’un saint, comme c’est
le cas dans le calendrier grégorien, mais d’une plante, d’un objet ou d’un
animal (Chèvrefeuille, Pintade, Abeille, etc.).
Par ailleurs, chaque journée devait être divisée en 10 heures au lieu de 24,
comptant 100 minutes de 100 secondes chacune (cependant, ce nouveau système
horaire, vivement critiqué, ne fut jamais réellement appliqué.).
Montres à système décimal, fin du XVIII°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
L’année I du calendrier débutait le 22 septembre 1792, date de création de
la république[12].
Le calendrier républicain.
Par la suite, la Convention transforma la cathédrale Notre Dame en temple de
la raison ; les députés ordonnèrent la fermeture des églises (ces dernières
pouvaient toutefois être affectées au culte de la raison.).
Bertrand Barrère de Vieuzac, député de la Convention, proposa en
juillet l’ouverture des cercueils de l’église Saint Denis.
L'église Saint Denis.
La nécropole des
rois de France fut alors profanée en août et en octobre 1793. Les cadavres
des rois et reines[13]
de France de toutes les époques (de Dagobert à François I°, en passant par
Louis XIV.), furent alors exhumés et jetés dans une fosse commune[14].
La violation des
caveaux des rois dans la basilique Saint Denis,
par Hubert ROBERT, musée Carnavalet, Paris.
Le
7 novembre, l’évêque de Paris fut poussé à la démission par Hébert et les
enragés.
Robespierre et Danton, qui aimaient moins les mascarades du culte de la
raison que les prêtres, firent voter une loi proclamant la liberté des
cultes (8 décembre 1793.). Toutefois, ce décret ne fut pas appliqué, à
cause d’Hébert et des enragés, fervents partisans de la déchristianisation.
Pillage d'une église pendant la Révolution, par Jacques
SWEBACH DESFONTAINES, musée Carnavalet, Paris.
5° La Grande Terreur (printemps à été 1794) –
Robespierre, soucieux de mettre un terme aux troubles qui agitaient Paris,
décida alors de mettre en place la Grande Terreur le 10 juin 1794 (22
prairial an II.). La loi des suspects, désormais amplifiée, pouvait
entraîner une condamnation à mort sans procès (s’il existait une preuve
matérielle ou simplement morale, les témoins ne seraient pas entendus.).
L’on estime qu’un peu moins de 1 500 têtes tombèrent entre juin et juillet
1794.
Par ailleurs, le Comité de salut public était de plus en plus puissant,
assumant tous les pouvoirs. Enfin, le pouvoir des représentants en mission
fut diminué, ces derniers ayant commis de nombreux abus (Carrier à Nantes,
Fouché à Lyon.).
a)
L’élimination des opposants politiques, le culte de l’être suprême
(printemps 1794) : en début d’année 1794, Robespierre décida de
s’attaquer aux révolutionnaires les plus extrémistes, qui ne cessaient de
fomenter des troubles dans Paris. Hébert et les Enragés, arrêtés dans la
nuit du 14 au 15 mars, furent alors guillotinés le 24 (4 germinal an II.).
Le
27 mars (7 germinal an II.), l’armée révolutionnaire de Paris fut dissoute,
trop soumise aux ordres des Hébertistes.
Danton, leader des Indulgents, n’appréciait guère le climat engendré
par la Terreur. Ce dernier reprochait à Robespierre l’élimination des
généraux de l’armée et de Marie Antoinette.
Cellule de Marie Antoinette à la Conciergerie, la Conciergerie,
Paris.
L'exécution de Marie Antoinette, la Conciergerie, Paris.
Robespierre, après avoir éliminé les Hébertistes, s’attaqua alors à Danton,
accusé de malversations financières. Danton et ses partisans (dont Camille
Desmoulins.), arrêtés début avril 1794, furent guillotinés le 4 (15 germinal
an II.).
A
noter qu’entre mars et mai 1794, le Tribunal révolutionnaire envoya à
l’échafaud plusieurs représentants des grandes familles de France. C’est
ainsi que fut exécuté Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes,
secrétaire d’Etat à la Maison du roi[15]
sous Louis XVI ; les officiers ayant défendu les Tuileries le 10 août 1792
montèrent sur l’échafaud le 5 mai ; le 8, ce fut au tour du chimiste
Antoine Lavoisier.
Antoine Lavoisier et son épouse,
par Jacques Louis David, 1788, Metropolitan museum of arts, New York.
Enfin, Elisabeth de France, sœur de Louis XVI, fut
elle aussi guillotinée le 9 mai.
Elisabeth de France, soeur de Louis XVI.
Comme nous l’avons vu précédemment, Robespierre n’aimait guère le clergé,
mais il n’était pas athée pour autant. Le 7 mai (18 floréal an II.), un
décret fut voté à la Convention, instituant le culte de l’Etre suprême. Par
ailleurs, l’immortalité de l’âme fut reconnue par la loi.
b)
Les colonnes infernales (début d’année 1794) : comme nous l’avons vu
précédemment, les rescapés de la virée de Galerne, après être rentrés en
Vendée, avaient commencé à mettre en place une stratégie de guérilla.
A
Paris, les rapports concernant les insurgés étaient contradictoires, et le
nombre total de rebelles en état de combattre était incertain. La
Rochejaquelein et Stofflet, bientôt rejoints par Charrette, qui n’avait pas
pris part à la virée de Galerne, tentèrent de mobiliser de nouveaux hommes.
Le
général Louis Marie Turreau, nommé commandant de l’armée de l’ouest
en novembre 1793, décida alors de mettre en place des colonnes mobiles
(surnommées les colonnes infernales.), chargées de ravager les
régions traversées par les insurgés.
Deux armées divisées en six colonnes se mirent en marche en février 1794. Si
certaines d’entres elles épargnèrent les habitants et leurs logements,
d’autres multiplièrent les meurtres, pillages et destructions.
La
Rochejaquelein fut assassiné en janvier 1794, et Stofflet fut vaincu lors de
la troisième bataille de Cholet, en février 1794. Toutefois, cette
politique particulièrement cruelle poussa les Vendéens à contre-attaquer.
Ainsi, Charrette lança une nouvelle insurrection dans le marais breton. Au
printemps 1794, ce dernier parvint à vaincre les républicains à plusieurs
reprises.
Les députés de la Convention, comprenant que les colonnes infernales ne
parviendraient pas à mettre un terme à la guerre de Vendée, décidèrent alors
de relever le général Turreau de son commandement. Par ailleurs, les
colonnes furent dissoutes et le pillage fut interdit.
c)
Les victoires françaises… : suite à la réorganisation de l’armée
organisée par Lazare Carnot, les Français étaient parvenus à reprendre
l’avantage (sauf dans les Antilles et en Corse, îles prises par les Anglais
au printemps 1794.).
Le
18 mai 1794 (29 floréal an II.), le général Jean Moreau remporta la
bataille de Tourcoing face à l’Autriche. Cette victoire permit au
Français de libérer le nord du pays.
Jean Moreau, lieutenant colonel du 1er
bataillon d'Ille et Vilaine en 1792,
château de Versailles, Versailles.
Un mois plus tard, le général Jean
Baptiste Jourdan parvint à franchir la Sambre[16],
assiégeant Charleroi le 25 juin (7 messidor an II.). Les coalisés décidèrent
alors d’attaquer.
La
bataille de Fleurus, livrée le 28 juin 1794 (10 messidor an II.), fut
toutefois une victoire pour les Français, même si ces derniers perdirent
plus d’hommes que leurs adversaires (5 000 morts et blessés sur 90 000 côté
français, contre 200 tués et 1 000 blessés pour les Autrichiens et les
Anglais.).
Bataille de Fleurus, gagnée par le général Jourdan, 28 juin 1794,
par MAUZAISSE, château de Versailles, Versailles.
Suite à cet affrontement, les coalisés évacuèrent la Belgique et
s’installèrent en Allemagne. Les Français, quant à eux, s’emparèrent
d’Ostende, Bruxelles, Anvers et Liège au cours du mois de juillet (au même
moment, les Prussiens qui avaient lancé une offensive sur le Rhin, furent
repoussés par l’armée française.).
Médaille allégorique en l'honneur de la bataille de Fleurus,
1794, musée Carnavalet, Paris.
d)
… entraînent la chute de Robespierre (juillet 1794) : A Paris,
l’annonce de la bataille de Fleurus fut accueillie avec soulagement. Dès
lors, la Terreur fut jugée inutile, cette dernière ayant été mise en place à
une époque où la France était menacée aussi bien par la guerre civile que
par les coalisés.
Les jacobins aux Enfers, Ecole française, musée Carnavalet,
Paris.
Finalement, les députés décidèrent de mettre un terme à la terreur en
éliminant Robespierre. Le 26 juillet (8 thermidor an II.), ce dernier
prononça un discours à la Convention, réclamant la punition des traîtres et
l’épuration des comités. Sentant que cette harangue n’avait contribué qu’à
l’isoler, Robespierre décida alors de se réfugier au club des jacobins
(pendant ce temps, Fouché tentait de gagner les députés du Marais.).
Le
27 juillet au matin (9 thermidor an II.), Robespierre revint à la
Convention, bien décidé à convaincre les députés. Toutefois, ces derniers
l’empêchèrent de parler, emprisonnant Robespierre et ses proches.
Robespierre renversé par la
Convention, par Max ADAMO, 1870, Alte Nationalgalerie, Berlin.
Toutefois, la commune insurrectionnelle de Paris parvint à enlever les
prisonniers, et les transporta à l’Hôtel de ville en fin d’après midi.
Les députés, apprenant qu’une foule de 3 500 personnes s’était réunie à la
mairie, décidèrent alors de mettre hors la loi Robespierre, ses proches, les
membres de la commune et les sans-culottes qui prendraient les armes contre
la Convention. A noter qu’une mise hors la loi entraînait une condamnation à
mort sans jugement.
Robespierre aurait pu contre-attaquer, mais refusa de prendre les armes
contre la Convention. Les membres de la commune décidèrent alors de se
disperser, laissant l’Hôtel de ville à la merci d’une attaque.
La
Convention ordonna alors à la garde nationale de prendre le bâtiment,
l’assaut étant donné vers deux heures du matin. Robespierre, blessé à la
mâchoire par un gendarme (peut être tenta t’il de se suicider ?), fut alors
arrêté avec ses proches.
La nuit du 9 au 10 thermidor an II, par Jean Joseph François
TASSAERT et Fulchran Jean HARRIET, musée Carnavalet, Paris.
Robespierre étendu sur la table du Comité de salut public, le 9 thermidor
an II, anonyme, première moitié du XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Le
28 juillet dans la matinée (10 thermidor an II.), les prévenus furent
conduits à la Conciergerie, puis guillotinés. Le lendemain, 70 membres de la
commune insurrectionnelle de paris connurent le même sort.
La Conciergerie en 1790, par PRIEUR, la Conciergerie, Paris.
L'exécution de Robespierre et des jacobins, le 10 thermidor an II,
par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Les députés de la Convention décidèrent alors de mettre un terme à la
Terreur, qui avait fait près de 15 000 victimes.
Gisant de Louis XVI et Marie Antoinette, église Saint Denis,
Paris.
[1]
Pour en savoir plus sur le déclenchement de la guerre, voir le b),
2, section III, chapitre troisième, la Révolution française.
[2]
Louis XV, tombant malade en 1744, promit d’ériger un monument à
Sainte Geneviève s’il survivait. Le roi ayant guéri, les travaux
d’édification commencèrent en 1764. L’édifice, achevé sous la
révolution, devint en 1791 une nécropole où devaient être inhumés
les grands hommes (Mirabeau y fut inhumé en 1791, mais en fut sorti
en 1792.). A noter que le Panthéon connut de nombreux
bouleversements jusqu’à nos jours.
[3]
Le salpêtre était indispensable à la fabrication de la poudre
[4]
Les officiers issus du rang, encore aujourd’hui, sont des militaires
étant rentrés dans l’armée en tant que soldats, et qui sont parvenus
à occuper un grade d’officier au gré des promotions.
[5]
En mai 1781, un édit promulgué par Louis XVI interdisait tout
avancement aux officiers de l’armée n’ayant pas au moins quatre
quartiers de noblesse, c'est-à-dire quatre grands parents nobles.
[6]
Les assignats avaient été créés au printemps 1790, afin de faciliter
la vente des biens du clergé. Ainsi, lorsqu’un individu achetait un
lot, il donnait à l’Etat une certaine somme d’argent, contre
laquelle il recevait un assignat. Plus tard, lorsque la vente était
conclue, l’acheteur rendait l’assignat à l’Etat afin qu’il soit
détruit. Toutefois, l’Etat ne cessa d’imprimer des assignats (en
1795, les émissions s’élevaient à 45 milliards de livres, alors que
les biens du clergé s’élevaient à 3 milliards de livres.),
entraînant ainsi une dévalorisation de cette monnaie. Pour en savoir
plus sur les assignats, voir le a), 3, section I, chapitre
troisième, la Révolution française.
[7]
Révolutionnaire modéré, il s’était opposé à Robespierre. Suite à la
chute des girondins, il avait décidé de prendre la fuite, avant
d’être arrêté à Moulins.
[8]
Le terme ‘galerne’ dérive de gwalarn, mot breton désignant le
vent de nord ouest.
[9]
Les mois étaient appelés vendémiaire (septembre/octobre.), brumaire
(octobre/novembre.), frimaire (novembre/décembre.), nivôse
(décembre/janvier.), pluviôse (janvier/février.), ventôse
(février/mars.), germinal (mars/avril.), floréal (avril/mai.),
prairial (mai/juin.), messidor (juin/juillet.), thermidor
(juillet/août.), fructidor (août/septembre.).
[10]
Les jours de la semaine étaient appelés primidi, duodi, tridi,
quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et décadi.
[11]
A noter que ce calendrier de dix mois et trente jours n'était pas
une nouveauté : en effet, il était utilisé dans l'Egypte antique
(les cinq jours supplémentaires en fin d'année étaient cependant
considérés comme néfaste par les Egyptiens.).
[12]
Pour en savoir plus sur la création de la république, voir le 1,
section I, chapitre quatrième, la Révolution française.
[13]
A noter que l’on y trouvait aussi des militaires ayant servi la
couronne, comme Du Guesclin ou Turenne.
[14]
Devenu premier consul, Napoléon Bonaparte décida de replacer les
cadavres à Saint Denis. Toutefois, les corps n’étant pas
identifiables, ils furent placés dans un caveau collectif.
[15]
Le secrétaire d’Etat à la Maison du roi gérait la Maison du roi
(frais de bouche, dépenses somptuaires, serviteurs, écurie.), les
Bâtiments du roi (constructions, entretiens, restaurations,
mécénat.), les affaires du clergé catholique et protestant,
l’administration de Paris et des provinces (police, entretien des
rues, censure.)
[16]
A noter que les Français avaient échoué à cinq reprises.