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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire de la Rome antique

 

CHAPITRE QUATRIÈME : Le haut Empire romain

 

V: Les Antonins (96 à 193)

           

            Les sources antiques ne tarissent pas d’éloges sur la dynastie des Antonins, qui régna de 96 à 192 (il s’agit d’ailleurs de la plus longue dynastie impériale.).

Les quatre premiers Empereurs de cette dynastie n’ayant pas eu d’héritiers mâles, ils durent se résoudre à adopter leur successeur. Ainsi, le principe de filiation disparut pendant un temps, mais en contrepartie, les souverains s’assurèrent que leurs héritiers seraient des Empereurs compétents.

Sur les six Empereurs s’étant succédés, les cinq premiers furent surnommés les Cinq bons Empereurs ; le siècle au cours duquel ils ont gouverné fut appelé siècle des Antonins ou siècle d’or.

En effet, l’on estime que l’Empire romain connut son apogée au cours du II° siècle après Jésus Christ.

 

            1° Nerva (96 à 98) – Suite à la mort de Domitien, les sénateurs décidèrent de nommer Empereur un des leurs, Nerva.

Buste de Nerva.

Ce dernier (de son vrai nom Marcus Cocceius Nerva.) était né en novembre 30, en Ombrie. Issu d’une famille de sénateurs, le jeune homme décida de suivre le cursus honorum : il fut questeur et préteur sous Néron (d’ailleurs, il participa en 65 à la répression de la conjuration de Pison[1].), puis consul en 71 et 90 (sous Titus et Domitien.). En 93, il tomba en disgrâce, et s’exila à Tarente.

Nerva était au courant du complot fomenté contre Domitien, mais n’y avait pas participé. Le soir du crime, il était nommé Empereur par le sénat, qui prononçait la damnatio memoriae à l’encontre de Domitien (Nerva prit alors le nom d’Imperator Nerva Caesar Augustus.).

 

L’on peut néanmoins se demander pourquoi ce fut Nerva qui fut choisi ce jour là. Ce dernier avait alors plus de 60 ans, était de constitution fragile, n’avait pas d’expérience militaire, et n’avait jamais gouverné de provinces. Sans doute s’imaginait t’on que Nerva serait un vieillard facile à manipuler ? 

 

a) Le règne de Nerva : Nerva eut un des règnes les plus courts de l’histoire de Rome, mais cet Empereur n’en fut pas moins un excellent souverain.

Nerva commença par faire le serment de ne pas faire exécuter de sénateurs, puis rappela les Romains qui avaient été bannis par Domitien (comme le philosophe Dion Chrysostome.). En outre, il décida de punir les délateurs, grâce auxquels Domitien avait pu faire exécuter de nombreux Romains.

Les premières mesures mises en places par le nouvel Empereur furent favorablement accueillies par les Romains, mais pas par l’armée et la garde prétorienne (comme nous l’avons vu précédemment, Domitien avait promulgué de nombreuses lois en leur faveur.). Deux légions se soulevèrent, l’une en Germanie et l’autre en Pannonie, mais le calme revint bientôt. Quant aux prétoriens, Nerva leur donna une forte somme d’argent pour acheter leur loyauté.

 

Nerva fit en sorte d’assainir les finances de la ville, mises à mal par les guerres et les travaux de construction de Domitien (il fit néanmoins achever la construction du futur forum de Nerva.).

Le forum de Nerva.

Pour ce faire, il supprima un temps les jeux et les distributions de blé gratuites, mais les rétablit peu après.

Par la suite, l’Empereur décida d’aider les couches les moins favorisées de la population : dans le domaine agricole, il divisa des grands domaines en de nombreuses parcelles distribuées aux plébéiens ; il constitua un fonds afin de subvenir aux funérailles des pauvres ; créa l’institution alimentaire afin que les enfants des indigents soient nourris aux frais de l’État ; etc.

 

b) L’adoption de Trajan : à l’automne 97, selon les ordres de Nerva, Casperius Aelianus remplaça Petronius Secondus au poste de préfet du prétoire.

Cependant, les prétoriens, bien qu’ayant été rétribués par Nerva lors de son accession au trône, désiraient toujours que les responsables de la mort de Domitien soient punis. Casperius Aelianus insista auprès de Nerva, qui finit alors par céder. Les prétoriens assassinèrent alors leur ancien chef, Petronius Secondus.

Par la suite, ils obligèrent Nerva à faire un discours en public afin qu’il les remercient de cette initiative.

 

La situation dans laquelle se trouvait alors Nerva était dangereuse. En effet, il était déjà arrivé que des prétoriens mécontents assassinent l’Empereur (Caligula, Galba, etc.).

En octobre 97, afin de couper court à toute tentative de coup d’État, Nerva décida d’adopter Trajan. Ce dernier était un général réputé, et se trouvait à l’époque à la tête de l’armée du Rhin, en qualité de légat de Germanie supérieure.

Le sénat approuva cette décision, et conféra à Trajan le titre de César, l’imperium et la puissance tribunicienne.

Les prétoriens durent alors s’incliner, sachant qu’ils ne pouvaient s’opposer aux légions romaines.

 

Cette même année, Trajan remporta une victoire en Germanie, et prit le surnom de Germanicus, qu’il partagea avec Nerva (ce dernier se rebaptisa alors Imperator Nerva Caesar Augustus Germanicus.).

En janvier 98, Nerva et Trajan prirent conjointement la charge de consul. Cependant, l’Empereur mourut quelques semaines après.

Nerva fut alors divinisé par le sénat. A sa mort, sa titulature était la suivante : Imperator Nerva Caesar Augustus Germanicus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis II, Imperator II, Pater Patriae.

 

            2° Trajan (98 à 117) – Trajan (de son vrai nom Marcus Ulpius Traianus.) naquit à Italica, en Bétique (une cité qui se trouvait près de l’actuelle Séville, en Andalousie.) en septembre 53.

Buste de Trajan, vers 100 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

Issu d’une famille de militaires (ses ancêtres s’étaient installés en Hispanie suite à la seconde guerre punique[2].), Trajan fut tribun militaire en Syrie, questeur en 78, préteur en 84. Lors de la tentative d’usurpation de 89, Trajan, à la tête de l’armée d’Hispanie, fut chargé d’aller mettre fin à l’insurrection[3]. Loyal à Domitien, ce dernier le nomma consul en 91.

Buste à l'effigie de Marcus Ulpius Trajanus, père de Trajan, vers 110 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

Puis, en 97, Trajan fut nommé légat de Germanie supérieure. C’est alors que Nerva décida d’en faire son fils adoptif (Trajan prit alors le nom de Caesar Divi Nervae Filius Nerva Traianus Germanicus.).

En janvier 98, Nerva mourut, et Trajan monta alors sur le trône (il reçut alors le nom d’Imperator Caesar Divi Nervae Filius Nerva Traianus Augustus Germanicus.). Il fut le premier Empereur à ne pas être Italien.

 

a) Les guerres sous Trajan : Trajan fut le dernier Empereur à se lancer dans des guerres de conquêtes. En effet, ses successeurs se contentèrent de mettre en place des politiques défensives, afin de protéger les possessions romaines.

 

L'Empire romain à la fin du règne de Trajan, en 117 (vous pouvez faire un "clic droit" sur la carte afin de faire un zoom).

 

Trajan commença par s’attaquer à la Dacie (le conflit dura de 101 à 102.). A cette époque, les Romains payaient un tribu aux Daces, afin que ces derniers ne les attaquent pas (en effet, en 89, les légions romaines avaient du quitter la Dacie précipitamment à cause de la tentative d’usurpation organisée en Germanie.).

Décébale, le chef des Daces, fut vaincu à la bataille de Tapae, en 101. Néanmoins, il conserva son statut de roi client de Rome. Les Daces s’engagèrent alors à fournir des soldats, des machines de guerre, et à raser leurs fortifications. Trajan, quant à lui, reçut le titre d’Imperator Caesar Divi Nervae Filius Nerva Traianus Augustus Germanicus Dacicus.

Cependant, Décébale ne respecta pas ses engagements, et une nouvelle guerre éclata (de 105 à 106). Les Daces furent vaincus, et Décébale, acculé, décida de se suicider plutôt que de se rendre. La Dacie devint alors une province impériale.

A Rome, l’on éleva la Colonne trajane, commémorant les victoires de Trajan en Germanie et en Dacie.

La colonne Trajane (à noter que la statue de Trajan, qui se trouvait à l'origine au sommet de l'édifice, fut remplacée au XVI° siècle par une statue représentant Saint Pierre.), Rome.

 

En 105 et 106, Rome intervint aussi en Orient, contre les Nabatéens. Ces derniers vivaient au nord ouest du Sinaï, et leur cité la plus renommée était Petra (la fameuse cité troglodyte avait été fondée au I° siècle avant Jésus Christ.).

Aulus Cornelius Palma Frontonianus, légat de Syrie, fut chargé de marcher contre les Nabatéens. La guerre fut de courte durée, et se solda par la victoire des légions romaines.

C’est ainsi que fut créée la province romaine d’Arabie. Une légion placée dans Bostra, la capitale, s’assura de la protection de la frontière orientale.

Soldat romain de l'époque de Trajan, II° siècle après Jésus Christ, Neues museum, Berlin.

 

Une autre expédition menée par Trajan eut lieu entre 114 et 116, et l’opposa aux Parthes Arsacides (qui contrôlaient alors la Perse.).

En 110, Axidares, souverain d’Arménie, mourut. Le roi de Perse Arsace XXIV Pacorus I, son père, décida alors de mettre un autre de ses fils sur le trône, Parthamasieris. Puis, en 115, Arsace XXIV mourut, et ce fut un autre de ses fils, Arsace XXV Chosroes, qui monta sur le trône. Aujourd’hui, l’on ne sait pas exactement quel fut le prétexte qu’invoquèrent les Romains pour intervenir en Perse, et les premiers mois de l’expédition de Trajan restent d’ailleurs assez flous.

Dans un premier temps, l’expédition de Trajan fut une réussite. En effet, les Romains s’emparèrent de l’Arménie et de la Mésopotamie, descendant jusqu’au golfe persique.

Cependant, les Parthes parvinrent à se réorganiser et se firent plus menaçants. En 116, Trajan, qui rêvait d’imiter Alexandre le Grand et de progresser jusqu’à l’Indus, dut mettre un terme à ses ambitions. En outre, il dut renoncer à son projet d’annexion de la Mésopotamie. Il plaça alors le frère d’Arsace XXIV Chosroes sur le trône de Perse, qui prit le nom d’Arsace XXVI Parthamasieris (c’est lui qui avait été nommé roi d’Arménie en 110.).

L’Arménie et la Mésopotamie furent les conquêtes les plus éphémères que l’Empire romain connut, car elles ne survécurent pas à Trajan (ce dernier, suite à cette campagne, prit le nom d’Imperator Caesar Divi Nervae Filius Nerva Traianus Augustus Germanicus Dacicus Parthicus.).

 

b) Politique intérieure sous Trajan : Trajan est aujourd’hui considéré comme le meilleur Empereur que connut Rome (d’ailleurs, les sénateurs lui accordèrent en 114 le titre d’optimus princeps, ce qui signifie ‘le meilleur des princes’.).

En outre, si cet Empereur laissa un agréable souvenir dans les mémoires, l’une des raisons est que Trajan protégea de nombreux auteurs (Pline le Jeune, Tacite, Plutarque, Dion Chrysostome, etc.), dont certains firent plus tard le récit élogieux de sa vie.

Trajan allégea les impôts et refondit les monnaies, les Romains ayant mis la main sur de nombreuses mines d’or de Dacie ; il mit en place un aide financière vis-à-vis des familles pauvres de Rome, l’Alimenta (il s’agissait d’une allocation financée par les intérêts des prêts faits aux propriétaires terriens.) ; incita les vétérans à fonder des colonies, favorisant ainsi la romanisation de l’Empire ; et permit aux cités de faire évoluer leur statut plus facilement[4].

L’Empereur décida de couvrir Rome de monuments prestigieux, comme la colonne Trajane et le forum de Trajan (construits suite aux guerres contre les Daces.), les marchés de Trajan, et les thermes de Trajan. Il érigea aussi l’arc de Bénévent en Italie ; le kiosque de Trajan à Philae en Égypte ; et fit construire plusieurs ponts, sur le Danube, le Tigre et le Tage.

Copie en plâtre de la colonne trajane, Victoria & Albert Museum, Londres.

Les marchés de Trajan (à noter que cet édifice fut utilisé comme forteresse au cours du Moyen âge.).

Cependant, c’est sous son règne qu’eut lieu la troisième persécution à l’encontre des chrétiens.

 

c) La mort de Trajan : en 117, Trajan mena sa dernière expédition militaire. Cette fois ci, il s’agissait de mater les juifs d’Orient se révoltant contre Rome. Cependant, l’Empereur n’eut pas le temps de mener cette expédition à bien, car il mourut peu de temps après, en août 117, alors qu’il se trouvait en Cilicie (au sud de l’actuelle Turquie.).

A sa mort, Trajan fut divinisé par le sénat. Sa titulature était alors la suivante : Imperator Caesar Divi Nervae Filius Nerva Traianus Optimus Augustus Germanicus Dacicus Parthicus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis XXI, Imperator XIII, Consul VI, Pater Patriae.

 

            3° Hadrien (117 à 138) – Hadrien (de son vrai nom Publius Aelius Hadrianus.) naquit en janvier 76 à Italica, en Bétique (dans l’actuelle Andalousie.). Les ancêtres d’Hadrien étaient originaires de la cité d’Hadria, en Italie (c’est de là que provenait leur cognomen.).

Alors qu’il était âgé d’une dizaine d’année, son compatriote Trajan décida de devenir son tuteur. Hadrien passa son enfance à Athènes, où il se prit de passion pour l’antiquité grecque.

Une fois adulte, il entreprit le cursus honorum : il fut tribun, questeur, préteur, légat, puis consul.

Par la suite, Hadrien épousa une petite nièce de l’Empereur, Vibia Sabina. Ce mariage avait été arrangé par Pompeia Plotina (francisé en Plotine.), l’épouse de Trajan, afin de faciliter l’accession d’Hadrien au pouvoir.

Buste de Vibia Sabina, vers 130, Altes museum, Berlin (à gauche) ; buste de Plotine, 129 après Jésus Christ, musée du Vatican, Rome (à droite).

Cependant, l’Empereur n’ayant pas eu d’enfants, ce n’est que sur son lit de mort, en 117, qu’il décida finalement d’adopter Hadrien et d’en faire son successeur.

 

Buste d'Hadrien, vers 127 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

Le nouvel Empereur, qui avait déjà plus de quarante ans, reçut la titulature suivante : Imperator Caesar Traianus Hadrianus Augustus.

 

a) Politique extérieure d’Hadrien : bien que Trajan ait adopté Hadrien principalement pour sa valeur militaire, ce dernier ne poursuivit pas la politique de son prédécesseur. A partir d’Hadrien, Rome ne fit plus aucune conquête, se contentant de protéger et conserver les provinces déjà conquises. C’est ainsi qu’il abandonna les provinces d’Arménie et de Mésopotamie, dont Trajan s’était emparé en 116 (il conserva néanmoins la Dacie et l’Arabie, deux provinces annexées par Rome en 106.).

Hadrien fut le premier à consolider véritablement le limes, désireux de garantir l’intégrité des frontières de l’Empire. L’Empereur fit construire de longs murs de protection, le long du Rhin ; des forteresses et des retranchements, le long du Danube ; ainsi que le mur Hadrien (vallum hadriani.), en Bretagne, afin de se protéger des attaques des Calédoniens (qui vivaient dans l’actuelle Ecosse.).

Sesterce à l'effigie d'Hadrien, vers 130, Deutsches historisches museum, Berlin.

 

Le règne d’Hadrien fut agité par une seule guerre, qui eut lieu en Judée. En 132, l’Empereur décida d’ériger un temple dédié à Jupiter à l’emplacement de l’ancien temple de Jérusalem (détruit en 70 lors de l’expédition de Titus[5].).

Les juifs, outrés, décidèrent alors de se révolter, menés par Simon Bar Kokhba (‘fils de l’étoile’, en araméen.). Son père Hizkiya étant considéré comme un descendant de David, de nombreux sages virent Bar Kokhba comme étant le Messie.

En 132, la Judée s’insurgea, malgré l’opposition d’une partie du clergé (qui devait sans doute se souvenir de la violence de la conquête romaine de 70.). Les légions romaines présentes dans cette province furent prises au dépourvu, et ne surent mettre un terme à cette flambée de violence.

Hadrien répliqua fermement, envoyant douze légions en Judée, soit plus du tiers de l’armée romaine. Bar Kokhba at ses partisans ne purent rivaliser bien longtemps contre les Romains, et se retrouvèrent encerclés dans la forteresse de Betar, au sud ouest de Jérusalem.

Suite à un long siège, la forteresse fut prise par les légions romaines, et tous les insurgés qui s’y trouvaient furent massacrés (Bar Kokhba y compris.).

L’Empereur fut sans pitié envers les insurgés : Jérusalem fut rebaptisée Aelia Capitolina, et devint une colonie romaine interdite aux juifs (cette situation dura jusqu’au IV° siècle.) ; la province de Judée fut rebaptisée Palestine (du nom des Philistins, un peuple ennemi des juifs, disparus à l’époque du roi David.). Outre les milliers de juifs qui perdirent la vie lors de la guerre, des milliers d’autres quittèrent la Judée, provocant ainsi la diaspora (dispersion des juifs à travers le monde.).

En rentrant à Rome, Hadrien refusa de célébrer son triomphe dans les rues de Rome.

 

b) Réformes administratives sous Hadrien : Hadrien, une fois monté sur le trône, décida de réformer l’administration et le droit.

Jusqu’à son règne, les ministères étaient entre les mains des affranchis. L’Empereur décida alors de confier cette tâche à la classe des chevaliers, qui se rapprochèrent ainsi de l’Etat et du pouvoir.

En outre, Hadrien réorganisa le consilium principis (le conseil privé qui assistait l’Empereur.), y faisant rentrer de nombreux jurisconsultes (ces derniers étaient des patriciens, spécialisés en droit romain.).

Il fit aussi publier l’Édit perpétuel (Edictum perpetuum praetoris.) par Salvius Iulianus, une compilation de tous les édits promulgués par les préteurs. Il s’agissait de la première remise en ordre du corpus juridique romain.

Buste d'Hadrien, vers 120-130, Neues museum, Berlin.

 

c) Hadrien, un Empereur voyageur : Hadrien passa les deux tiers de son règne à visiter son Empire, se rendant en Hispanie, Gaule, Bretagne, Germanie, Grèce, Asie mineure, Syrie, Égypte, Afrique, etc.

Accompagné dans ses déplacements par de nombreux architectes, il fit bâtir de nombreux monuments dans les provinces qu’il visita. C'est ainsi que fut achevée la construction du gigantesque temple de Jupiter olympien (à ne pas confondre avec le temple de Zeus olympien situé à Olympie.), dont les travaux, débutés sous Pisistrate[6], étaient restés inachevés pendant près de 700 ans ; furent aussi érigés les termes d'Hadrien à Leptis Magna, en Afrique proconsulaire.

Temple de Jupiter olympien, Athènes, août 2011.

Rome ne fut cependant pas en reste, Hadrien y faisant construire le temple de Vénus et de Rome, le mausolée d’Hadrien (aujourd’hui château Saint Ange.), le pons aelianus (aujourd’hui pont Saint Ange.), et le Panthéon[7].

Temple de Vénus et de Rome (érigé vers 137 après Jésus Christ.), Rome.

Maquette du mausolée d'Hadrien (à noter que nous ne savons pas aujourd'hui à quoi ressemblait le mausolée à l'origine), musée du château Saint Ange, Rome.

Le château Saint Ange, Rome, été 2009.

Le Panthéon, Rome (la coupole de l'édifice resta une des plus grande au monde jusqu'à la fin du XV° siècle.).

A Tibur (aujourd’hui Tivoli.), Hadrien fit construire le palais Hadrien, dont il reste encore quelques traces de nos jours. Cette gigantesque habitation représente une sorte de condensé des souvenirs de voyages de l’Empereur.

Vues du Palais Hadrien.

 

d) Vie privée, succession et mort d’Hadrien : Hadrien, de par son éducation à Athènes, était passionné par la civilisation grecque. Adoptant le port de la barbe, qui était encore d’usage en Grèce, il lança bientôt une mode, reprise par de nombreux Romains.

Outre ses compétences militaires (très vite remarquées par Trajan.), Hadrien était quelqu'un de très cultivé, doué en mathématiques, chant et littérature. D’ailleurs, il composa de nombreux vers, en latin ou en grec, dont nous avons conservé quelques fragments.

Enfin, selon les auteurs antiques, Hadrien était doté d’une excellente mémoire, pouvant restituer de mémoire le contenu d’un livre qu’il venait de lire, ou faire plusieurs choses en même temps (comme dicter, écrire et discuter.).

 

L’Empereur, dont le mariage avec Vibia Sabina fut infructueux, jeta son dévolu sur le jeune Antinoos (ce dernier était né en Bithynie vers 110 après Jésus Christ.). Hadrien le rencontra probablement vers 120, lors de son voyage dans la province d’Asie.

 

Statue de Vibia Sabina, vers 126 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris (en 1875, un navire rapportant en France la tête de la statue sombra suite à un incendie. Ce n'est qu'en 1995 que cet élément, noirci par le feu, fut finalement retrouvée dans la rade de Toulon. Toutefois, rendue fragile à cause de l'incendie, la tête fut remplacée sur la statue par une copie en plâtre).

Cependant, Antinoos se noya dans le Nil, en 130. Hadrien, attristé par la mort de son favori, décida alors d’ériger une ville en son honneur, Antinoupolis. En 131, Hadrien organisa les Antinoeia, des jeux réservés aux éphèbes[8], mêlant épreuves physiques et musicales. Cette cérémonie fut bien accueillie en Grèce, mais mit plus de temps à s’implanter à Rome. De nos jours, nous avons retrouvé beaucoup de statues représentant Antinoos, commandées par l’Empereur.

Buste d'Antinoos d'inspiration égyptienne.

 

Hadrien, vieillissant, décida de choisir son successeur, en 136. N’ayant pas d’enfants, il décida d’adopter Lucius Aelius Verus. Ce dernier, âgé déjà de 35 ans, était de santé fragile, et n’avait pas l’expérience du pouvoir.

Statue de Lucius Aelius Verus, II° siècle après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

La même année, il fit exécuter Lucius Iulius Ursus Servianus, un sénateur qui avait été consul à trois reprises. Ce dernier était suspecté de vouloir mettre son propre fils au pouvoir, Gnaeus Pedanius Fuscus.

Cependant, Aelius Verus mourut en janvier 138, et Hadrien dut trouver un autre successeur. Son choix se porta alors sur Antonin, qui fut forcé d’adopter Marc Aurèle, ainsi que Lucius Verus, le fils du défunt Aelius Verus.

 

Hadrien, souffrant d’arthrose depuis des années, finit par s’éteindre en juillet 138. A sa mort, sa titulature était la suivante : Imperator Caesar Traianus Hadrianus Augustus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis XXII, Imperator II, Consul III, Pater Patriae.

A la fin de sa vie, ses rapports avec le sénat étaient devenus exécrables, et l’Empereur ne fut pas divinisé. Antonin dut contraindre les sénateurs à effectuer la cérémonie de l’Apothéose[9], qui finalement eut lieu six mois après la mort d’Hadrien.

Buste d'Hadrien âgé, vers 140 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

 

4° Antonin le Pieux (138 à 161) – Antonin (de son vrai nom Titus Aurelius Fulvius Boionus Arrius Antoninus.) naquit en septembre 86 dans le Latium.

Buste d'Antonin (copie d'après l'antique), fin du XV° siècle, musée du Louvre, Paris.

Sa famille était cependant originaire de Nemausus (l’actuelle Nîmes.), en Gaule narbonnaise. L’enfant fut élevé dans la campagne romaine, surveillé par ses deux grands parents, qui avaient été consuls à plusieurs reprises.

Antonin perdit son père alors qu’il était enfant, et sa mère, Arria Fadilla, épousa en secondes noces un ancien consul du nom de Julius Lupus.

Grâce à la fortune de ses aïeuls, Antonin détenait de grandes propriétés agricoles. En outre, il faisait des prêts à bas taux aux petits exploitants, grâce à l’argent que lui rapportaient ses briqueteries[10]. De sa jeunesse, Antonin conserva toujours cet attrait pour la campagne et son amour pour la vie de famille.

En 112, Antonin épousa Faustine, une nièce de Vibia Sabina (l’épouse d’Hadrien.), et fille du sénateur Marcus Annius Verus (le grand père de Marc Aurèle.).

Buste de Faustine, fin du II° siècle après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

Issu d’une famille aristocratique, Antonin commença alors le cursus honorum : il fut successivement questeur, préteur et consul. Hadrien, qui avait remarqué le jeune homme, décida alors de lui confier la charge de juge administrateur en Ombrie et en Étrurie. Antonin fut par la suite proconsul d’Asie.

A son retour d’Asie, Hadrien accueillit alors Antonin au sein du consilium principis, le conseil impérial.

En 138, à la mort de Verus, son successeur, Hadrien décida de faire d’Antonin son héritier (Antonin prit alors le nom d’Imperator Titus Aelius Caesar Antoninus.). Cependant, l’Empereur obligea son successeur à adopter Marc Aurèle, ainsi que Lucius Verus, le fils d’Aelius Verus.

Buste de Marc Aurèle enfant, par Massimiliano SOLDANI BENZI, XVIII° siècle, Bode museum, Berlin (à gauche) ; Buste de Verus enfant (à droite).

Hadrien mourut en juillet 138, et Antonin monta sur le trône (il prit alors le nom d’Imperator Caesar Titus Aelius Hadrianus Augustus.), alors âgé de plus de cinquante ans.

Si Trajan reçut le titre d’optimus princeps (‘le meilleur des princes’.), certains historiens considèrent que c’est sous Antonin que l’Empire romain connut son apogée. 

En 139, soit un an après son accession au pouvoir, Antonin reçut son surnom de Pius (‘pieux’.). En effet, ce dernier refusa de signer des condamnations, afin de ne pas inaugurer son règne par un mauvais présage.

 

a) Les finances sous Antonin : Antonin fut un très bon Empereur. Il proscrit les délateurs, et condamna fermement les fonctionnaires provinciaux soupçonnés de malversations. Par contre, ceux qui s’acquittaient de leur charge avec honnêteté étaient reconduits dans leurs fonctions pendant plusieurs années.

Toujours en ce qui concerne les finances de l’Empire, Antonin supprima de nombreux emplois inutiles, et réduisit considérablement le train de vie de la cour impériale.

Cet argent ainsi économisé servit à construire de nombreux édifices, ou à réparer les cités touchées par des catastrophes (tremblements de terre, incendies, etc.). Il termina ainsi la construction du mausolée d’Hadrien, et fit ériger le temple d’Antonin et Faustine (en l’honneur de son épouse, morte en 140.). En outre, il fit restaurer le phare d’Alexandrie, qui avait été bâti en 280 avant Jésus Christ[11]. Des monuments datant de cette époque ont été retrouvés dans la plupart des provinces romaines du II° siècle après Jésus Christ.

 

b) La législation sous Antonin : Antonin poursuivit l’œuvre législative de son père adoptif, publiant le Digeste (il s’agit d’un recueil de lois promulguées par l’Empereur, et préparées en collaboration avec d’éminents jurisconsultes.). La protection des esclaves fut accrue (le maître qui tuait son esclave était coupable d’homicide.), et le statut de la femme évolua (le mari infidèle n’avait plus le droit d’accuser sa femme d’adultère ; des fondations charitables furent mises en places des jeunes filles pauvres, les jeunes faustiniennes.), ainsi que celui de l’enfant (l’adopté recevant obligatoirement au moins une part des biens de l’adoptant.).

 

c) Lettres, religion, jeux : Antonin prit un soin tout particulier à restaurer la religion romaine. Il fit ainsi en sorte de respecter le culte, et de remettre la pratique religieuse au goût du jour. Antonin le Pieux fut ainsi considéré par beaucoup de ses concitoyens comme un nouveau Numa Pompilius[12].

Vis-à-vis des chrétiens, l’Empereur fut tolérant, et il n’y eut pas de persécutions sous son règne.

Antonin, qui était un véritable humaniste, favorisa l’essor des lettres. C’est sous son règne que de nombreux écrivains se firent connaître, comme Appien, Apulée, Aulu-Gelle, Pausanias, etc.

En 147, il fit célébrer avec faste les jeux séculaires (reprenant la datation de l’Empereur Claude, qui les avait célébrés en 47 après Jésus Christ.).

 

d) Les guerres sous Antonin : bien que l’Empereur adopta la politique strictement défensive de son père adoptif, Rome dut néanmoins ramener l’ordre dans certaines provinces (Germanie, Dacie, Numidie, Egypte.).

Antonin parvint en outre à contenir les Parthes, qui avaient des vues sur l’Empire romain. L’Empereur protégea aussi les cités grecques implantées sur la côte du Pont Euxin (l’actuelle mer noire.) contre les attaques des Scythes.

Antonin le Pieux, II° siècle après Jésus Christ, Petit Palais, Paris.

 

L’expédition militaire la plus importante eut néanmoins lieu en Bretagne, menée par Quintus Lollius Urbicus. Ce dernier était un africain numide romanisé, et avait suivi un cursus honorum plus qu’honorable (tribun en Germanie, questeur à Rome, légat en Asie, tribun de la plèbe, préteur.). Remarqué par l’Empereur Hadrien, Lollius Urbicus fut alors nommé légat en Pannonie, puis participa à la répression de la révolte de Bar Kohkba. Suite à cette campagne victorieuse, il fut fait consul, gouverneur de Germanie inférieure, puis gouverneur de Bretagne.

Lollius Urbicus lança alors une expédition contre les Brigantes, vivant à la frontière séparant la Bretagne de la Calédonie (entre l’Angleterre et l’Ecosse.).

Cette expédition fut un succès, et les Romains entreprirent la construction du mur d’Antonin, situé plus au nord que le mur d’Hadrien[13].

 

e) Mort d’Antonin : Antonin le Pieux mourut en mars 161, alors qu’il se trouvait dans une de ses maisons de campagne.

De son mariage avec Faustine, il avait eu deux fils morts en bas âge, et deux filles, Aurelia Fadilla et Faustine la Jeune (cette dernière épousa d’ailleurs Marc Aurèle.). L’Empereur ne s’était pas remarié, mais avait prit comme concubine Galeria Lysistrata, une affranchie de Faustine.

N’ayant donc pas d’héritiers mâles, l’Empire échut donc aux deux fils adoptifs d’Antonin, Marc Aurèle et Lucius Verus.

A sa mort, la titulature d’Antonin était la suivante : Imperator Caesar Titus Aelius Hadrianus Antoninus Pius, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis XXIV, Imperator II, Consul IV, Pater Patriae.

Temple d'Antonin et de Faustine, Rome (à noter que l'édifice a réussi à survivre aux ravages du temps car il fut converti en église.).

 

            5° Marc Aurèle (161 à 180) À la mort d’Antonin, ce fut son fils adoptif Marc Aurèle qui monta sur le trône.

Buste de Marc Aurèle, vers 161 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

De son vrai nom Marcus Annius Catilius Severus, Marc Aurèle naquit à Rome en avril 121. Ses ancêtres, originaires de la province Romaine de Bétique, en Hispanie (l’actuelle Andalousie.), furent des hommes illustres. Son arrière grand père était de rang prétorien, son grand père avait été consul et préfet de Rome (il était le père de Faustine, l’épouse de l’Empereur Antonin.), son père fut préteur.

Cependant, le père de Marc Aurèle mourut jeune, et l’enfant fut donc adopté et élevé par son grand père (le jeune homme reçut alors le nom de Marcus Annius Verus.). Elevé à proximité de la cour d’Hadrien, l’Empereur ne tarda pas à remarquer le caractère de Marc Aurèle.

Hadrien, peu de temps avant sa mort, désigna Lucius Aelius Verus comme son fils adoptif. Puis l’Empereur fiança Marc Aurèle avec la fille de son successeur.

Cependant, Aelius Verus mourut avant Hadrien, et ce dernier décida alors d’adopter Antonin, obligeant néanmoins ce dernier à prendre comme héritiers Marc Aurèle (qui prit le nom de Marcus Aelius Aurelius Verus.) et Lucius Verus (le fils d’Aelius Verus.).

Marc Aurèle, alors adolescent, porta un vif intérêt à la philosophie, et plus particulièrement au stoïcisme[14]. Cet attrait pour cette matière influença Marc Aurèle jusqu’à sa mort.

Par la suite, Marc Aurèle épousa Faustine la Jeune, la fille d’Antonin.

Buste de Faustine la Jeune, vers 160, Altes museum, Berlin (à noter que le buste et le piédestal ont été réalisés au XVIII° siècle).

En 147, investi de la puissance tribunicienne, il fut associé à l’Empire par son père adoptif.

A la mort d’Antonin, Marc Aurèle devint Empereur, recevant le titre d’Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus. En outre, il associa à l’Empire son frère adoptif, Lucius Verus.

 

Lucius Verus, quant à lui, naquit à Rome en décembre 130 (son premier nom était Lucius Ceionus Commodus.). Il était le fils de Lucius Aelius Verus, qu’Hadrien avait dans un premier temps désigné comme son successeur. Cependant, Aelius Verus mourut en janvier 138, et Hadrien dut trouver un autre successeur. Son choix se porta alors sur Antonin, qui fut alors forcé d’adopter Lucius Verus (qui fut alors baptisé Lucius Aelius Aurelius Commodus.) et Marc Aurèle.

Buste de Lucius Verus.

Lorsqu’Antonin mourut, l’Empire échut à Marc Aurèle. Néanmoins, le nouvel Empereur partagea son trône avec son frère adoptif, qui reçut alors le nom d’Imperator Caesar Lucius Aurelius Verus Augustus.

 

a) Politique intérieure sous Marc Aurèle : Marc Aurèle et son frère passèrent le plus clair de leur temps à tenter de protéger l’Empire des invasions. Il est pour cela difficile de porter un jugement objectif sur le règne de ces souverains, d’autant plus que les sources concernant cette période sont lacunaires.

Marc Aurèle fonda des établissements éducatifs et alimentaires (les puella Faustinianae.), à destination des jeunes filles pauvres. En outre, il annula les dettes envers le trésor impérial.

 

Cependant, un des faits marquants du règne de Marc Aurèle fut la persécution contre les chrétiens (c’est sous son règne que furent martyrisés Blandine et l’évêque Pothin.). En effet, l’Empereur n’acceptait pas l’attachement que les chrétiens avaient pour le Christ, considérant qu’ils étaient une menace pour la cohésion de l’Empire.

 

Respectueux à l’égard du sénat, les Romains eurent néanmoins du mal à cerner Marc Aurèle, Empereur philosophe. En effet, lors des jeux du cirque, ce dernier lisait ou donnait des audiences, et n’appréciait pas de voir le sang couler (par exemple, il n’assista pas aux persécutions contre les chrétiens.).

Cependant, la philosophie de Marc Aurèle lui fut d’un faible secours sur le champ de bataille.

 

b) La guerre contre les Parthes (161 à 166) : C’est à partir du règne de Marc Aurèle que l’Empire commença à être attaqué par des ennemis de plus en plus nombreux et de plus en plus vindicatifs.

 

En 161, les Parthes, menés par le roi Arsace XXVIII Vologes III, envahirent la province romaine de Syrie, écrasant les troupes du légat Caius Sedatius Severianus. Lucius Verus se rendit alors dans cette province, afin d’en découdre avec les envahisseurs (il emmena avec lui une partie de l’armée du Rhin.).

Cependant, l’Empereur préférant profiter des beautés de l’Orient, décida de laisser la direction des opérations à deux de ses généraux, Statius Priscus et Caius Avidius Cassius.

Statius Priscus avait commencé sa carrière sous Hadrien, lors de la répression de la révolte de Bar Kokhba, en 132[15]. Par la suite, il mena d’autres opérations militaires en Mésie et en Dacie, avant d’être nommé gouverneur de Cappadoce.

Les opérations furent un franc succès : en 165, alors que Statius Priscus prenait Artaxata et restaurait Sohaemus, un protégé de Rome, sur le trône d’Arménie, son confrère Avidius Cassius battait les Parthes, et s’emparait de Séleucie du Tigre et de Ctésiphon (la capitale du royaume.).

Arsace XXVIII Vologes III dut alors négocier avec les Romains en 166, leur cédant la Mésopotamie.

En 166, les deux Empereurs célébrèrent leur triomphe à Rome. Marc Aurèle prit alors le nom d’Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus Armeniacus Medicus Parthicus Maximus, et Lucius Verus se baptisa Imperator Caesar Lucius Aurelius Verus Augustus Armeniacus Parthicus Maximus Medicus (en outre ce dernier épousa Annia Lucilla, la fille de Marc Aurèle.).

Buste d'Annia Lucilla.

Cependant, lorsque les armées d’Orient rentrèrent en Italie, elles amenèrent avec elle la terrible peste antonine, qui frappa le pays entre 165 et 190[16].

 

c) La guerre contre les barbares du Danube (166 à 180) : cependant, à peine la guerre contre les Parthes était elle terminée qu’une nouvelle menace apparut, cette fois ci sur la frontière du Danube. En effet, en 166, de nombreuses tribus barbares (principalement Marcomans et Quades, mais aussi Alains et Sarmates.) décidèrent de passer la frontière. Ils envahirent alors la Pannonie, puis pénétrèrent en Italie.

En 167, les deux Empereurs décidèrent alors de marcher contre les barbares. Concentrant leur attaque sur les Alpes, ils parvinrent à obtenir le retrait des Quades en 168.

Les deux Empereurs passèrent alors l’hiver à Aquilée, une cité située sur la côte adriatique. C’est alors que Lucius Verus mourut en janvier 169, affaibli par sa vie de débauches et frappé par la peste. Marc Aurèle regretta peu son frère adoptif, qui menait une vie dissolue et avec lequel il devait partager le pouvoir, mais le fit néanmoins déifier par le sénat (à sa mort, sa titulature était alors la suivante : Imperator Caesar Lucius Aurelius Verus Augustus Armeniacus Parthicus Maximus Medicus, Tribuniciae Potestatis IX, Imperator V, Consul III, Pater Patriae.).

 

La guerre contre les barbares était cependant loin d’être terminée.

Les Marcomans n’avaient pas abandonné la lutte, et les Romains partirent se battre sur les rives du Danube. Marc Aurèle concentra dans cette zone la moitié des légions de l’Empire, en créa deux nouvelles, et recruta de nombreux soldats (gladiateurs, esclaves, etc.). Afin de mener cette guerre à bien, l’Empereur s’appuya sur deux proches, Tiberius Claudius Pompeianus et Publius Helvius Pertinax.

Le premier était un chevalier originaire de Syrie. Faisant preuve de sa bravoure au combat, il avait rapidement gravi les échelons, et Marc Aurèle lui accorda la main de sa fille, veuve de Lucius Verus. Pertinax, quant à lui, était né à Albe, d’origine modeste (son père était un ancien affranchi.). Professeur de grammaire, il décida de changer de métier et s’engagea dans l’armée. Par la suite, il se distingua lors de l’expédition contre les Parthes, ainsi qu’en Bretagne et sur le Danube. Il fut par la suite procurateur en Dacie et en Italie. Lors de la guerre contre les barbares, il fut appelé par Claudius Pompeianus.

Alors que Marc Aurèle combattait en Pannonie, Pertinax chassait les envahisseurs de Rhétie et de Norique.

 

Vers 175, les Romains avaient pris l’avantage sur leurs ennemis quand éclata la révolte d’Avidius Cassius en Asie (victorieux, Marc Aurèle prit le nom d’Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus Armeniacus Medicus Parthicus Maximus Germanicus Sarmaticus.).

Colonne de Marc Aurèle, Rome (cette œuvre commémore la victoire de l'Empereur sur les Germains.).

 

d) La révolte d’Avidius Cassius (175) : en 175, le général Avidius Cassius, qui avait brillamment servi Marc Aurèle au cours de la guerre contre les Parthes, décida de profiter de la rumeur de la mort de Marc Aurèle pour se révolter (cependant, l’on ne sait pas aujourd’hui si Avidius crut honnêtement à cette rumeur, ou bien si cette dernière ne fut pour lui qu’un prétexte.).

Soutenu par les légions d’Egypte et une bonne partie de l’Orient, Avidius Cassius fut néanmoins contré par Martius Verus, gouverneur de Cappadoce, qui décida de marcher contre lui. Cependant, Avidius Cassius fut rapidement assassiné, en juillet 175. Ses assassins envoyèrent alors sa tête à Marc Aurèle, qui refusa de la voir et demanda à ce qu’elle soit enterrée.

 

Marc Aurèle décida alors de se rendre en Orient, soucieux de mettre à mal la rumeur comme quoi il était décédé. L’Empereur était alors accompagné de son fils Commode et de son épouse Faustine, qui mourut en chemin.

Buste de Commode enfant.

Il traversa la Cilicie, la Syrie, l’Égypte et la Grèce. A Athènes, Marc Aurèle et son fils furent initiés aux mystères d’Éleusis. En outre, l’Empereur y rencontra de nombreux philosophes.

En rentrant à Rome, en novembre 176, Marc Aurèle fit célébrer son triomphe pour sa victoire sur les tribus barbares du Danube. Cependant, cette victoire fut de courte durée, car les barbares franchirent à nouveau le Danube en 177.

Statue équestre de Marc Aurèle, Rome (il semblerait que la survie de cette œuvre soit due au fait qu'elle fut confondue avec une statue de Constantin, premier Empereur chrétien.).

 

e) La fin de règne (177 à 180) : Marc Aurèle continua à lutter contre les Barbares jusqu’à sa mort, en 180. Il mourut probablement frappé par la peste, à Vindobona, en Pannonie (aujourd’hui Vienne, en Autriche.).

Marc Aurèle, contrairement à ses prédécesseurs, avait eu de nombreux enfants de son épouse Faustine, bien que ses fils moururent presque tous en bas âge. Il désigna donc comme successeur celui qui était encore vivant, Commode (qui était alors âgé d’une vingtaine d’années.).

A sa mort, Marc Aurèle reçut la titulature suivante : d’Imperator Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus Armeniacus Medicus Parthicus Maximus Germanicus Sarmaticus, Tribuniciae Potestatis XXIV, Imperator X, Consul III, Pater Patriae.

 

Marc Aurèle laissa de lui un ouvrage, véritable condensé de sa philosophie stoïcienne : Pensées pour moi-même. Ces textes, que l’Empereur écrivait chaque soir lors de ses campagnes contre les barbares, nous sont parvenus en intégralité.

 

            6° Commode (180 à 192) – Commode (de son vrai nom Lucius Aurelius Commodus.) naquit en août 161. Il était de fait fils unique, sachant que son jumeau Antoninus Geminus, ainsi que son frère cadet étaient morts en bas âge.

Buste d'Antoninus Geminus, vers 170 après Jésus Christ (à gauche) ; buste de Commode, vers 178 après Jésus Christ (à droite), musée du Louvre, Paris.

Certaines sources affirment que Commode n’aurait pas été le fils de Marc Aurèle, mais qu’il aurait été le fruit de l’union entre l’impératrice Faustine et un gladiateur. Les infidélités de l’épouse de Marc Aurèle n’étaient un secret pour personne, mais la thèse affirmant que Commode ne serait pas son fils semble néanmoins peu crédible (quoi qu’il en soit elle est aujourd’hui invérifiable.).

En 166 déjà, suite à la guerre contre les Parthes, Marc Aurèle avait associé son fils au pouvoir (Commode prit alors le nom de Lucius Aurelius Commodus Caesar.). Puis, suite à la guerre contre les barbares du Danube (où le jeune homme avait prit les surnoms de Germanicus et Sarmaticus.), il fut associé à l’Empire, en 177 (Commode prit alors le nom d’Imperator Caesar Lucius Aurelius Commodus Augustus Germanicus Sarmaticus.).  

Quoi qu’il en soit, c’est avec l’arrivée de Commode au pouvoir (ce dernier prit à cette occasion le nom d’Imperator Caesar Aurelius Commodus Augustus Germanicus Sarmaticus.), en 180, que se clôt l’ère des Cinq bons Empereurs (Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin et Marc Aurèle.).

Buste à l'effigie de Commode, vers 196 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.

Commode inaugura son règne en traitant avec les barbares, et fit la paix en livrant les places fortes romaines à ses ennemis. L’Empereur, grisé par le pouvoir, comme Caligula l’avait été avant lui, laissa l’Empire entre les mains de Perennis, le préfet du prétoire. Assassiné par ses soldats, ce fut un affranchi, Cléandre, qui occupa ce poste à partir de 185.

En outre, en 183, il répudia son épouse, Bruttia Crispina, sous prétexte d’adultère, l’exila et la fit assassiner.

Buste de Bruttia Crispina, vers 180, Altes museum, Berlin.

 

Néanmoins, Commode, s’il s’attira rapidement les foudres du sénat, sut s’appuyer sur l’armée et le peuple. L’Empereur mit en place nombre de mesures purement démagogiques (donations, distributions gratuites de blé, lynchage par la foule du préfet du prétoire Cléandre lors de la disette de 189, etc.).

Ce qui est cependant resté dans les mémoires, ce sont ces spectaculaires jeux que donna l’Empereur, au cours de son règne. Les sources racontent que les combats étaient parfois si nombreux que le sable du Colisée était gorgé de sang.

Spectateurs sur les gradins du Colisée, musée du Colisée, Rome.

Commode, quant à lui, fasciné par la perfection physique, descendit dans l’arène de nombreuses fois. Il y affronta des animaux sauvages (gazelles, fauves, éléphants, etc.), ainsi que de nombreux gladiateurs. Il aimait aussi rejouer des grandes scènes de la mythologie, déguisant des handicapés en dragons ou en géants (qu’il tuait sous les yeux des Romains.). Les sources affirment que Commode, invaincu, aurait remporté plus de 1 000 victoires dans l’arène.

Ce dernier se fit alors ériger de nombreuses statues le représentant en costume d’Hercule.

Commode Hercule (copie d'après l'antique), par Nicolas COUSTOU, 1683, musée du Louvre, Paris.

Il ne persécuta cependant pas les chrétiens, sans doute grâce à l’influence de Marcia, sa favorite.

 

Empereur mégalomane, Commode décida de renommer les institutions et les mois du calendrier en son nom. Il décida en outre de renommer Rome, la capitale de l’Empire, en Colonia Lucia Annia Commodiana (Colonie Commodienne en français.).

 

La folie de l’Empereur entraîna un certain nombre de complots, dont beaucoup échouèrent (l’un d’entre eux impliqua en 182 Annia Lucilla, la propre sœur de Commode, ainsi que de nombreux sénateurs. Les conspirateurs furent alors tous exécutés.).

Finalement, en décembre 192, Marcia, la favorite de Commode, parvint à l’empoisonner. Cependant, comme l’effet était trop lent, ce fut un esclave nommé Narcisse (avec lequel l’Empereur s’entraînait au combat.) qui l’étrangla dans son bain.

 

Commode ne fut pas divinisé à sa mort[17]. En outre, il reçut la damnatio memoriae, comme Néron et Domitien avant lui.

La titulature de Commode, quant à elle, reflète bien la mégalomanie du personnage. Entre 182 et 185, il ajouta successivement les surnoms Pius, Germanicus Maximus, Britannicus et Felix à sa titulature (il se nommait alors Imperator Caesar Marcus Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus.). En 191, il décida de changer de nom, se baptisant désormais Imperator Caesar Lucius Aelius Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus

A sa mort, en 192, sa titulature était Imperator Caesar Lucius Aelius Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus, Hercules Romanus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis XVIII, Imperator VIII, Consul VII, Pater Patriae.

 

Suite à la mort de Commode, l’Empire romain devint le jouet de l’ambition de quelques généraux, désireux de s’emparer du pouvoir.

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[1] Pour en savoir plus sur la conjuration de Pison, voir le b), 4, section II, chapitre quatrième, histoire de la Rome antique.

[2] Pour en savoir plus sur la seconde guerre punique, voir le 6, section II, chapitre troisième, histoire de la Rome antique.

[3] Pour en savoir plus sur l’usurpation de 89, reportez vous au c), section III, chapitre quatrième, histoire de la Rome antique.

[4] Pour en savoir plus sur l’évolution du statut des cités, voir la section V, chapitre deuxième, histoire de la Rome antique.

[5] Pour en savoir plus sur l’expédition de Titus en Judée, voir le 2, section IV, chapitre quatrième, histoire de la Rome antique.

[6] Pour en savoir plus sur le tyran Pisistrate, voir le 3, section II, chapitre deuxième, histoire de la Grèce antique.

[7] Ce monument avait été érigé par Agrippa, le compagnon d’Auguste, en 27 avant Jésus Christ. Gravement endommagé par l’incendie de 80, Domitien l’avait fait restaurer. Cependant, il fut à nouveau détruit par un nouvel incendie, en 110. Hadrien fit donc construire un nouveau Panthéon sur les ruines de l’ancien. 

[8] On appelait éphèbes les adolescents qui venaient de quitter l’enfance, mais n’étaient pas encore rentrés dans le monde des adultes.,

[9] L’Apothéose était la cérémonie au cours de laquelle le défunt était divinisé.

[10] Les briqueteries étaient des industries où l’on fabriquait des briques.

[11] Pour en savoir plus, voir le dossier Les sept merveilles du monde, dans lequel une page est consacrée au phare d’Alexandrie.

[12] Pour en savoir plus sur Numa Pompilius, le second roi de Rome, voir le au 2, section III, chapitre premier, histoire de la Rome antique.

[13] Le mur d’Antonin étant cependant moins solide que le mur Hadrien, il fut progressivement abandonné au cours des siècles suivants.

[14] La théorie des stoïciens était que l’être humain devait vivre en harmonie avec la nature et la raison afin de pouvoir atteindre la sagesse et le bonheur (c’est de cette philosophie que provient le mot stoïque, désignant une personne affrontant avec courage et indifférence les difficultés de l’existence.).

[15] Pour en savoir plus sur la révolte de Bar Kokhba, voir le a), 3, section V, chapitre quatrième, histoire de la Rome antique.

[16] On qualifie cette maladie de peste, mais il s’agissait sans doute d’une épidémie de variole.

[17] Il fut néanmoins divinisé quelques années plus tard à l’instigation de Septime Sévère.

 
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