CHAPITRE PREMIER :
L’Empire autoritaire (1852 à
1860)
II : Vers l’Empire libéral (1857 à 1860)
1° Les élections législatives de
1857 – Le Corps législatif, comme nous l’avons vu précédemment, était
composé de 260 députés élus pour six ans au suffrage universel direct.
Toutefois, si leur mandat n’arrivait à expiration qu'en 1858,
Napoléon III décida de provoquer une élection législative anticipée au
cours de l’été 1857.
En
effet, le chef de l’Etat comptait profiter de sa popularité encore intacte,
d’autant plus que ses adversaires politiques (légitimistes, orléanistes et
républicains.) étaient encore particulièrement divisés.
Au
final, le scrutin consacra la victoire des candidats officiels, soutenus par
le gouvernement. Ces derniers récoltèrent ainsi 5 471 000 voix (soit 90%
des suffrages.), contre seulement 665 000 pour les candidats de
l’opposition.
Toutefois, le vote fut marqué par une forte abstention (plus de 35 % des
inscrits.) et de nombreuses irrégularités furent commises (bourrages
d’urnes, menaces contre les opposants politiques, etc.).
A
noter enfin que les districts électoraux furent organisés de façon à noyer
le vote citadin (souvent libéral.) dans la masse de la population rurale
(plus attachée à Napoléon III.).
Ainsi, les bonapartistes récupérèrent la grande majorité des 260 sièges
vacants, contre seulement cinq pour les républicains (ces derniers furent
élus suite aux élections complémentaires d’avril 1858.).
2° L’attentat d’Orsini et ses conséquences (janvier à mars
1858) – Alors que le second Empire semblait solidement établi depuis
cinq ans, un dramatique évènement rappela à tous à quel point le régime
était intimement lié à la personne de Napoléon III[1].
a)
L’attentat d’Orsini (janvier 1858) : le 14 janvier en soirée,
l’Empereur et son épouse quittèrent les Tuileries afin d’assister à une
représentation à l’opéra. Alors que le couple impérial traversait la rue Le
Peletier, accompagné par la Cour et un escadron de lanciers, trois bombes
éclatèrent à quelques minutes d’intervalles.
Plus d’une centaine de personnes furent fauchées par l’explosion, et le
carrosse de Napoléon III fut renversé par la déflagration.
L'attentat d'Orsini, le 14 janvier 1858, par H. VITTORI, XIX°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, l’Empereur et son épouse sortirent indemne de l’attentat, et
décidèrent d’assister à la représentation afin de rassurer le public qui se
trouvait dans la salle.
Très rapidement, les auteurs de l’attentat furent arrêtés et emprisonnés.
Les prévenus étaient Felice Orsini, Giuseppe Pieri, Antonio
Gomez et Carlo di Rudio.
Felice Orsini, par Louis BUCHHEISTER, milieu du XIX° siècle,
musée Carnavalet, Paris (à gauche) ; Carlo di Rudio (à droite).
b)
Felice Orsini, partisan de l’unité italienne : Orsini, né en Romagne
en décembre 1819, était le fils d’un militaire italien ayant combattu sous
les ordres de Napoléon I° au sein de l’armée d’Italie.
Le
jeune homme, favorable à une réunification de la péninsule italique,
combattit l’armée autrichienne au cours de la
première guerre d’indépendance italienne[2],
puis fut élu député à Rome en février 1849 (la république romaine avait été
proclamée suite à l’exil du pape Pie IX.).
Buste de Pie IX, 1932,
musée du Vatican, Rome.
Toutefois, suite à l’intervention française du printemps 1849[3],
les Romains furent contraints de capituler et le pape fut restauré.
Orsini, furieux, tenta alors de soulever d’autres villes d’Italie, avant
d’être arrêté et incarcéré à Vienne par la police autrichienne. Parvenant à
s’échapper de sa prison en mars 1856, Orsini se réfugia à Londres, où il
décida de préparer un attentat contre Napoléon III, jugé responsable de
l’échec de la république romaine.
L’objectif d’Orsini était d’éliminer l’Empereur afin de déclencher une
nouvelle révolution en France, qui ne tarderait pas à avoir d’importantes
répercutions de l’autre côté des Alpes.
Après avoir confectionné plusieurs bombes, Orsini décida de recruter
plusieurs complices (Giuseppe Pieri, Antonio Gomezet Carlo di Rudio.),
eux aussi partisans de l’unité italienne reconvertis dans le terrorisme.
Ayant repéré les habitudes de l’Empereur, les quatre conspirateurs
décidèrent de mettre leur plan à exécution le 14 janvier au soir (à noter
que Pieri, reconnu par un policier, fut incarcéré et ne put donc pas
participer à l’attentat.).
Lors du passage du convoi impérial, Gomez, Rudio et Orsini lancèrent leurs
bombes, puis parvinrent à prendre la fuite.
Trois des bombes de l'attentat d'Orsini, milieu du XIX°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, grâce à la confession de Pieri, les trois terroristes furent
rapidement arrêtés et emprisonnés à la Conciergerie[4].
c)
Les suites de l’attentat d’Orsini : Orsini, reconnaissant sa
culpabilité dans l’attentat, fut condamné à mort avec ses compagnons en
février 1858 (seul Carlo di Rudio fut condamné à la déportation au bagne de
Cayenne[5].).
A
la veille de sa mort, en mars 1858, Orsini écrivit une lettre à l’Empereur,
lui rappelant l’action de Napoléon I° dans la péninsule italique, et
l’invitant à se faire partisan de l’unité de l’Italie.
Le
lendemain, Orsini, Pieri et Gomez montèrent sur l’échafaud et furent
guillotinés.
Au
final, l’attentat d’Orsini, bien que manqué, entraîna un brusque
durcissement du régime. Ainsi, plusieurs hauts fonctionnaires furent démis
de leurs fonctions ; la surveillance de l’instruction publique fut accrue ;
l’enseignement de l’histoire et la philosophie fut supprimé au lycée.
Par ailleurs, Adolphe Augustin Marie Billault, ministre de
l’Intérieur depuis juin 1854 (le poste était précédemment occupé par le
comte de Persigny.), fut remplacé par le général
Charles Marie Esprit Espinasse[6].
Le général Charles Marie Esprit Espinasse.
Ce
dernier, dès sa prise de fonction, ordonna aux préfets de procéder à
l’arrestation des hommes les plus dangereux de leur département (en règle
générale les personnes ayant été condamnés pour raisons politiques entre
1848 et 1852.). Rapidement, près d’un millier d’hommes furent arrêtés, dont
un peu moins de la moitié furent condamnés à la déportation en Guyane.
Plus tard, le 1er février 1858, le général Espinasse présenta au
Corps législatif un projet de loi de sûreté générale. Le texte prévoyait
ainsi de punir de prison ou de transportation sans jugement quiconque
aurait été impliqué dans les soulèvements républicains organisés entre 1848
et 1852.
Toutefois, ce projet de loi ne fit pas l’unanimité au sein du Corps
législatif, assemblée pourtant composée de partisans de l’Empereur. En
effet, la peine de transportation était plus onéreuse que l’habituelle
déportation, car, outre le financement du voyage, elle requérait le
financement de gardes sur place.
Finalement, la loi de sûreté générale fut adoptée à une large majorité,
malgré quelques protestataires (une vingtaine de députés votèrent contre au
sein du Corps législatif ; au Sénat, seul le général
Patrice de Mac Mahon[7]afficha son hostilité au texte.).
La
loi de sûreté générale fut toutefois très mal acceptée par l’opinion
publique, surtout dans les milieux urbains, plus libéraux.
Ainsi, en mars 1858, Napoléon III décida de mettre la loi en sommeil (elle
ne sera plus appliquée jusqu’en 1870.), et proclama une amnistie général en
août 1859 (suite au retour de l’expédition d’Italie.). Ainsi, de nombreux
déportés furent ainsi autorisés à rentrer en France, mais d’autres, tels que
le socialiste Louis Blanc[8]ou l’écrivain
Victor Hugo[9],
décidèrent de rester en exil.
Louis Blanc (à gauche) ; Victor Hugo, homme de lettres, par BONNAT, fin du XIX° siècle,
château de Versailles, Versailles (à droite).
Puis, à partir de 1860, Napoléon III décida de donner une nouvelle inflexion
au second Empire, diminuant la censure, autorisant le droit de réunion, et
s’appuyant d’avantage sur l’assemblée.
Cette évolution parlementaire du régime entraîna l’apparition de l’Empire
libéral.
3° L’expédition d’Italie (avril à juin 1859) – La
question de l’unité italienne était un réel problème pour Napoléon III.
Ainsi, depuis dix ans, Napoléon III se trouvait tiraillé entre deux
idéologies contradictoires : d’un côté, les catholiques n’appréciaient guère
ce mouvement unitaire, qui menaçait le pouvoir du pape ; d’un autre côté,
l’Empereur souhaitait soutenir les Italiens[10],
afin de redonner naissance au royaume
d’Italie[11].
a)
L’Italie, de la chute de l’Empire à la première guerre d’indépendance
italienne (1815 à 1849) : à la chute du premier Empire, l’Italie, qui
formait pour la première fois depuis près de 1500 ans un Etat quasiment
unifié, se retrouva morcelée conformément aux accords signés lors du
congrès de Vienne.
Le congrès de Vienne.
Ainsi, les duchés de Parme et de Modène, la république de Lucques, le duché
de Toscane, les Etats pontificaux et le royaume de Naples furent rétrocédés
à leurs anciens propriétaires ou à des vassaux de l’Autriche ; l’ancien
royaume d’Italie, transformé en duché, fut complété par la république de
Venise afin de former le royaume lombard-vénitien, sous domination de
l’Autriche ; enfin, le royaume de Piémont Sardaigne, qui avait retrouvé son
intégrité territoriale (cet Etat avait été transformé en plusieurs
départements par Napoléon I°.), reçut la région de Gênes, la Savoie et le
comté de Nice.
Charles Albert, roi de Piémont Sardaigne depuis avril 1831, était
parvenu au cours de son règne à réformer le royaume, développer l’industrie,
abaisser les droits de douane, et abolir le système féodal.
Charles Albert, roi de Piémont Sardaigne.
Puis, suite à la révolution française de 1848, Charles Albert décida
d’accorder à son peuple une constitution, le statut albertin. Le
partage du pouvoir se ferait désormais entre la couronne et deux assemblées,
l’une élue au suffrage censitaire, l’autre nommée par le roi.
En
outre, il adopta le drapeau vert-blanc-rouge de l’ancienne république
cisalpine, agrémenté du blason de la Savoie.
C’est à partir de cette date que Charles Albert se lança dans une politique
de réunification de la péninsule italique, déclenchant la première guerre
d’indépendance italienne en mars 1848.
Dans un premier temps, le conflit donna l’avantage aux Piémontais, soutenus
par Rome, la Toscane et le royaume de Naples.
Toutefois, en avril 1848, le pape Pie IX désavoua la conduite des
armées italiennes, craignant peu être un schisme avec les catholiques
autrichiens. Malgré tout, si certaines troupes romaines refusèrent d’obéir
au Saint père, le roi de Naples Ferdinand II utilisa l’allocation du
pape comme un prétexte pour se retirer du conflit.
Ferdinand II, roi de Naples.
Finalement, les Autrichiens remportèrent la victoire en juin 1848, à l’issue
de la bataille de Milan, et Charles Albert dut se résoudre à demander
un armistice. En août, le roi du Piémont signa la capitulation, rendant à
l’Autriche ses frontières fixées en 1815 par le congrès de Vienne.
Malgré la défaite des Piémontais, deux insurrections éclatèrent en Toscane
et dans les Etats pontificaux, réclamant l’union de l’Italie et la poursuite
de la lutte contre l’Autriche.
A
Rome, le pape fut chassé et contraint de se réfugier à Gaète (novembre
1848.). En février 1849, la république romaine fut proclamée, bientôt
rejointe par Giuseppe Garibaldi[12]et ses troupes.
Guiseppe Garibaldi en mars 1848, par Auguste ETIENNE,
1856, musée des Invalides, Paris.
Napoléon III, face à la véhémence des catholiques français, se retrouva
contraint d’intervenir à Rome au printemps 1849, parvenant à rétablir le
pape sur son trône courant juin.
A
noter toutefois que Charles Albert, qui n’avait pas accepté sa défaite de
l’année passée, décida de briser l’armistice en mars 1849.
Toutefois, ce dernier fut lourdement battu par une armée autrichienne en
infériorité numérique, au cours de la bataille de Novare.
Charles Albert fut alors contraint d’abdiquer en faveur de son fils,
Victor Emmanuel II, puis s’exila au Portugal (il y mourut en juillet
1849.).
Victor Emmanuel II, gravure publiée dans Le journal illustré,
1865.
Ainsi, la première guerre d’indépendance italienne s’achevait sur un échec.
b)
La préparation de l’expédition d’Italie, l’entrevue de Plombières (été
1858 à printemps 1859) : suite au violent attentat d’Orsini, si les
diplomates italiens avaient pu craindre un recul de Napoléon III sur la
question italienne, il n’en fut rien. Au contraire, l’Empereur autorisa la
diffusion du testament d’Orsini, puis reprit contact avec Camillo Benso,
comte de Cavour, président du conseil de Piémont Sardaigne.
Camillo Benso, comte de Cavour.
Les deux hommes se rencontrèrent finalement à Plombières les 21 et 22
juillet 1858. Napoléon III, en échange de la Savoie et du comté de Nice,
accepta alors d’intervenir en Italie.
Les deux hommes imaginèrent ainsi un plan de réorganisation de l’Italie, qui
serait divisée en plusieurs Etats autonomes, regroupés au sein d’une
confédération : au nord, le royaume de Piémont Sardaigne, grossi par la
Vénétie et la Romagne ; un Etat central, réunissant les territoires
pontificaux et la Toscane ; au sud, le royaume des Deux-Siciles.
La
confédération serait alors dirigée par le pape.
En
fin d’année, Napoléon III décida de préparer son armée à une expédition en
Italie ; puis, début 1859, le prince
Napoléon Joseph Charles Paul Bonaparte[13],
cousin de Napoléon III, fut envoyé au Piémont afin d’épouser Clotilde de
Savoie, fille de Victor Emmanuel II.
Napoléon Joseph Charles Paul Bonaparte.
L’Empereur, soucieux de ne pas être attaqué sur ses arrières en vu du
prochain conflit contre l’Autriche, s’assura en outre de la neutralité de la
Russie et de l’Angleterre (des négociations eurent lieu avec ces deux pays
pendant plusieurs semaines, retardant ainsi le début des hostilités et
provocant la fureur de Cavour.).
A
Vienne, l’Empereur François Joseph[14]
n’appréciait pas le comportement des Piémontais, qui se préparaient
activement à un futur conflit contre l’Autriche. Ainsi, ce dernier envoya un
ultimatum à Cavour le 12 avril 1859 : si ce dernier ne mettait pas fin aux
préparatifs de guerre, les Autrichiens attaqueraient le Piémont.
François Joseph d'Autriche.
Cavour ayant toutefois rejeté l’ultimatum, l’Autriche décida d’entamer les
hostilités. C’est ainsi que débuta la deuxième guerre d’indépendance
italienne.
c)
Les débuts de l’expédition d’Italie (avril à mai 1859) : fin avril,
l’Autriche ayant déclaré la guerre au Piémont, le général Ferenc Gyulai
fut chargé d’intervenir en Italie.
Le général Ferenc Gyulai, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1866.
Franchissant le Tessin le 29 avril (fleuve séparant la Lombardie du
Piémont.), les Autrichiens avancèrent lentement vers Turin. Ces derniers
s’emparèrent alors que quelques cités mal défendues par les Piémontais
(Novare, Vercelli, etc.).
Toutefois, malgré un début de campagne prometteur, le général Gyulai reçut
l’ordre de revenir sur ses pas afin de s’installer sur le fleuve Mincio, en
Lombardie, où les Autrichiens avaient remporté la victoire contre les
Piémontais lors de la première guerre d’indépendance italienne.
A
noter qu’en faisant rebrousse chemin, Gyulai perdait la possibilité de
battre l’armée piémontaise avant qu’elle n’ait fait jonction avec les
troupes françaises ; en effet, Napoléon III débarqua à Gênes le 11 mai 1859,
puis rejoignit les Piémontais à Alexandrie[15]
à la tête de l’armée française.
Visite de Napoléon III à Gênes, 1859, vers 1862-1865, musée de
la Marine, Paris.
Le
général Gyulai, apprenant l’arrivée des Français, décida alors d’envoyer une
trentaine de milliers d’hommes en reconnaissance au sud de Pavie. C’est
ainsi que les Autrichiens rencontrèrent les troupes du général
Elie Frédéric Forey[16],
le 20 mai 1859.
Le général Elie Frédéric Forey.
Les Autrichiens, s’acharnant sur un ennemi pourtant en infériorité numérique
(Forey disposait d’environ 20 000 hommes.), furent finalement repoussés.
La
bataille de Montebello donna ainsi la victoire aux Français, qui
eurent 80 tués et 500 blessés, contre près de 1 500 décédés dans le camp
adverse.
Combat de Montebello, le 20 mai
1859, par PHILIPPOTEAUX, milieu du XIX° siècle, château de
Versailles, Versailles.
d)
L’expédition d’Italie, de Palestro à Magenta (mai 1859) : fin mai,
alors que les chasseurs des Alpes[17]de Giuseppe Garibaldi s’emparaient de
Côme, importante cité du nord de l’Italie, les troupes franco-piémontaises
avançaient vers Milan, capitale de la Lombardie.
Les Piémontais, traversant le fleuve Sesia et s’emparant de Palestro, furent
alors attaqués par l’ennemi. Les Autrichiens, repoussés par les défenseurs
de la cité, décidèrent alors de se replier vers Cascina San Pietro, où se
trouvait un régiment piémontais.
Victor Emmanuel II, qui assistait à la bataille depuis le clocher de
Palestro, donna alors l’ordre au 3° régiment de zouaves de marcher vers
l’ennemi. Les Autrichiens, chassés hors de Cascina San Pietro, furent alors
repoussés jusqu’au pont de Brida, où beaucoup tombèrent dans le fleuve.
Régiment de zouaves au feu, musée de l'Infanterie,
Montpellier.
Ainsi, la bataille de Palestro donna la victoire aux alliés, qui
perdirent environ mille hommes (contre 2 500 côté autrichien.).
Au
même moment, alors que Victor Emmanuel II luttait à Palestro, une seconde
armée franco-piémontaise, commandée par Napoléon III, se rapprochait de
Milan, capitale de la Lombardie.
Gyulai, soucieux d’installer son armée dans une position plus défensive,
décida alors de s’établir le long du fleuve Tessin, situé à l’ouest de
Milan. Le général autrichien fit en outre sauter plusieurs ponts afin de
ralentir la marche de l’armée française.
Le
3 juin 1859, le génie français, protégé par l’artillerie, fut alors chargé
d’établir un pont de barques à Turbigo. Les militaires français, parvenant à
franchir le fleuve, repoussèrent finalement les Autrichiens qui se trouvaient là.
Le
lendemain matin, le général Patrice de Mac Mahon décida de diviser l’armée
en deux colonnes. L’une, commandée par le général Charles Marie Esprit
Espinasse[18],
devait marcher vers Marcallo con Casone ; l’autre, dirigée par
Joseph Édouard de La Motte Rouge[19],
vers Boffalora sopra Ticino.
Toutefois, les Autrichiens firent sauter les ponts avant que les Français
n’aient pu les traverser, exposant ces derniers aux tirs d’artillerie. Mais
alors que la bataille semblait perdue, les Autrichiens, repoussés par Mac
Mahon à Boffalora sopra Ticino, décidèrent de se replier vers Magenta.
Le
général Espinasse, traversant à gué, fut alors blessé par un tir ennemi ;
mais les deux colonnes françaises, prenant l’ennemi en tenailles, parvinrent
à repousser les Autrichiens. Le général Gyulai, en effet, pensait se retirer
afin de lancer plus tard une contre attaque qui n’eut finalement pas lieu.
La garde impériale au pont de Magenta, par Eugène CHARPENTIER,
1860,
musée des Invalides, Paris.
La
bataille de Magenta, opposant deux armées de force équivalente
(59 000 Français contre 62 000 Autrichiens.), fut longtemps indécise, et
causa d’importantes pertes dans les deux camps. Ainsi, Napoléon III eut à
déplorer 650 morts et 3 000 blessés ; contre 1 300 décédés, 4 000 blessés et
4 500 prisonniers ou disparus côté autrichien.
L'aigle de la Garde impériale au soir de Magenta, par
Guillaume Urbain REGAMEY, musée de l'Infanterie, Montpellier.
A
noter enfin qu’au soir de la bataille, Mac Mahon fut nommé maréchal de
France ; l’année suivante, il reçut le titre de duc de Magenta.
Le maréchal Mac Mahon, par
VERNET, milieu du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.
Le
lendemain de la bataille de Magenta, les troupes autrichiennes furent
contraintes d’évacuer Milan, et, le 6 juin 1859, Napoléon III et Victor
Emmanuel II défilèrent vainqueurs dans les rues de la ville.
Pendant ce temps, à Parme, Modène et en Toscane, territoires s’étant
révoltés au début du conflit, des gouvernements provisoires furent établis,
contrôlés par un commissaire du roi du Piémont.
e)
L’expédition d’Italie, la bataille de Solferino (mai à juin 1859) :
Les Autrichiens, suite à la bataille de Magenta, décidèrent de s’établir sur
l’Adda, fleuve qui délimitait autrefois la frontière entre la Lombardie et
la Vénétie.
Arrivé à Vérone, le général Gyulai fut alors relevé de ses fonctions par
l’Empereur autrichien François Joseph I°, qui décida de prendre le
commandement.
Les Français ayant franchi l’Adda et s’étant emparés de Bergame et Brescia,
les troupes autrichiennes décidèrent de reculer vers l’Oglio, vers la Chiese,
puis finalement vers le Mincio.
L’objectif de François Joseph était d’attaquer les troupes
franco-piémontaises lorsqu’elles traverseraient la Chiese ; toutefois, grâce
à l’efficacité du corps du génie français, les alliés avaient déjà traversé
la Chiese et se dirigeaient maintenant vers le Mincio.
Le
24 juin, les deux imposantes armées (190 000 soldats côté franco-piémontais
contre environ 160 000 côté autrichien.) s’affrontèrent finalement au cours
de la bataille de Solferino.
Episode de la bataille de Solferino, le 24 juin 1859, par
Jules Alfred RIGO, entre 1859 et 1866, musée des Invalides, Paris.
A
noter cependant qu’il n’y eut pas un champ de bataille, mais trois. En
effet, les combats eurent lieu dans les villages de San Martino, au nord ;
Solferino, au centre ; Medole, au sud.
Toutefois, les deux armées étant de taille équivalente, et ne disposant pas
de véritable plan d’action, les affrontements de tardèrent pas à dégénérer
en carnage.
A
San Martino, l’offensive française fut dirigée par le général Félix
Philibert Mollard. Les Autrichiens, bien qu’en infériorité numérique,
parvinrent à riposter efficacement du haut des positions qu’ils avaient
adopté. Ils ripostèrent jusqu’au soir, le gros de l’armée autrichienne ayant
décidé de se replier au-delà du Mincio.
Bataille de Solferino,
le 24 juin 1859, par YVON, milieu du XIX° siècle, château de
Versailles, Versailles.
A
Medole, ce fut le général Adolphe Niel[20]qui fut chargé de commander l’offensive
française. Ce dernier décida alors de déployer ses forces au nord est de
Medole, afin d’empêcher une partie de l’armée ennemie de porter secours aux
autrichiens combattant à Solferino.
Le général Niel, gravure
publiée dans Le journal
illustré, 1867.
Niel, bien que disposant d’une armée en infériorité numérique, parvint
toutefois à repousser les assauts de l’adversaire jusqu’au soir.
A
Solferino se livra l’affrontement le plus important de la bataille. En
effet, les Autrichiens résistèrent pendant longtemps aux assauts de Mac
Mahon, si bien que Napoléon II fut contraint d’engager la
garde impériale[21]dans le combat.
Chasseur à pied de la garde impériale en grande tenue (à gauche.), et soldat
du régiment des zouaves de la garde impériale (à droite.), 1854-1870,
musée des Invalides, Paris.
Finalement, ce n’est qu’en cours d’après midi avec l’arrivée des troupes du
général Canrobert, que les Français remportèrent finalement l’offensive.
Le maréchal Canrobert, château de Vincennes, Paris.
La
bataille de Solferino fut l’affrontement le plus sanglant de la campagne
d’Italie. Ainsi, les alliés eurent à déplorer 2 500 morts, 12 000 blessés et
3 000 prisonniers ou disparus ; les Autrichiens, quant à eux, eurent 3 000
morts, 10 000 blessés et près de 9 000 prisonniers ou disparus.
La bataille de Solferino, le 24 juin 1859, par Eugène
CHARPENTIER, 1861,
musée des Invalides, Paris.
A
noter toutefois que de nombreux combattants ne moururent pas lors de
l’affrontement, mais quelques jours plus tard en raison de leurs blessures
ou du manque d’hygiène.
f)
La fin de l’expédition d’Italie, la paix de Zurich (juillet à novembre
1859) : la bataille de Solferino, si elle avait consacré une fois de
plus la victoire des alliés, ne mettait pour autant pas fin à la guerre.
Ainsi, les Autrichiens détenaient toujours les forteresses du
quadrilatère (Vérone, Mantoue, Legnano et Peschiera.), érigées entre le
Pô, le Mincio et l’Adige ; en outre, Napoléon III était vivement critiqué en
France par l’opinion catholique, qui voyait la guerre d’indépendance
italienne comme une menace envers l’indépendance du Saint siège ; enfin,
l’Empereur avait appris de son épouse Eugénie, restée à Paris, que l’armée
prussienne procédait à des démonstrations militaires le long du Rhin.
Au
vu de ces éléments, Napoléon III décida de prendre contact avec François
Joseph, lui offrant un armistice dès le 6 juillet 1859.
Les deux Empereurs se rencontrèrent finalement à Villafranca di Verona, le
11 juillet, soucieux de trouver une issue favorable à la seconde guerre
d’indépendance italienne.
L’Autriche devait céder la Lombardie (excepté Mantoue et Peschiera.) au
Piémont (mais conservait la Vénétie.) ; les ducs de Toscane, Parme et Modène[22],
chassés par les révolutions, retrouveraient leurs trônes respectifs ; enfin,
une confédération italienne, présidée par le pape, devait rapidement voir le
jour.
L’armistice de Villafranca fut confirmé le 11 novembre 1859, lors de la
signature du traité de Zurich.
L'Autriche en 1865.
Victor Emmanuel II fut amèrement déçu par cette paix bien trop rapide, qui
de surcroit avait été signée sans son accord. Camillo Benso, comte de
Cavour, donna alors sa démission de président du conseil au roi du Piémont
(mais fut à nouveau nommé à ce poste dès 1860.).
Toutefois, si Napoléon III n’avait pas complètement respecté ses engagements
envers le Piémont, Victor Emmanuel II rétrocéda toutefois la Savoie et le
comté de Nice[23]
à la France (mars 1860.), conformément aux accords de Plombières.
Allégorie de l'annexion de la Savoie, Charles Emile WATTIER,
vers 1860, musée Carnavalet, Paris.
A
noter que dans un premier temps, Niçois et Savoyards ne furent guère
enchantés de rentrer dans le giron français ; toutefois, un plébiscite
organisé en avril 1860 donna la victoire au partisans du « oui[24]. »
La France en 1860.
g)
Epilogue : les plébiscites unitaires et l’expédition des Mille (1859 à
1861) : malgré la signature du traité de Zurich, Victor Emmanuel II ne
souhaitait pas pour autant mettre un terme au mouvement unitaire. Par
ailleurs, les populations de Toscane, de Parme et de Modène n’étaient guère
enchantées à l’idée de retrouver leurs ducs respectifs.
Ainsi, fut organisé entre juillet 1859 et avril 1860 une vaste série de
plébiscites, en faveur de l’unification italienne. Le « oui » l’emporta avec
une large majorité, à Rome, en Vénétie, en Sicile, à Naples, dans les
Marches, en Ombrie, en Toscane, à Parme et à Modène.
Par la suite, Victor Emmanuel II put annexer pacifiquement Parme, Modène et
la Toscane (printemps 1860.) ; le royaume des Deux-Siciles, conquis par les
troupes de Garibaldi, fut annexé début 1861 ; enfin, les territoires
pontificaux furent amputés des Marches, de l’Ombrie et de la Romagne.
Victor Emmanuel II, se faisant couronner roi d’Italie en mars 1861, se
trouvait à la tête d’un royaume presque entièrement réunifiée. Ne lui
échappait que la Vénétie, restée entre les mains des Autrichiens ; et Rome,
Napoléon III ayant interdit au souverain piémontais de s’emparer de la cité[25].
4° La constitution d’un nouvel empire colonial – A son
arrivée au pouvoir, Napoléon III avait hérité d’un bien maigre héritage
colonial. Ainsi, outre ses possessions algériennes, la France ne disposait
que de quelques territoires disséminées sur la surface du globe (la
Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, plusieurs comptoirs en
Inde, Saint Pierre et Miquelon, Mayotte, quelques îles polynésiennes[26].).
a)
Une nouvelle impulsion pour un nouvel empire colonial : dans un
premier temps, Napoléon III ne s’intéressa guère aux colonies ; toutefois,
gagné aux thèses des saint-simoniens[27],
l’Empereur décida finalement de favoriser une politique d’intervention et
d’expansion outre mer. Afin de mettre à bien ses projets, Napoléon III
s’appuya sur son ministre de la Marine et des Colonies, Justin Napoléon
Samuel Prosper, comtede Chasseloup-Laubat.
Le comte de Chasseloup-Laubat, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1866.
Ce
dernier, nommé à ce poste en novembre 1860, décida de moderniser la marine
française (multiplication des bateaux à vapeur et des cuirassiers.), afin
d’améliorer la capacité d’intervention des troupes coloniales[28].
La Jeanne d'Arc, corvette cuirassée (1867 à 1883), musée de la Marine,
Paris.
b)
Conquêtes africaines - Sénégal, Madagascar et Algérie : Au Sénégal,
le colonel Louis Léon César Faidherbe, gouverneur de 1854 à 1865,
consolida les positions françaises dans cette région. Ainsi, il parvint à
repousser les Toucouleur à l’est du Haut Sénégal, puis les Maures
au sud du pays. En mai 1858, Faidherbe annexa le territoire des
Wolofs sur la côte ouest, parvenant à relier Saint Louis à la presqu’île
du Cap Vert.
Le général Faidherbe, par Marie Madeleine RIGNOT DUBAUX, 1884,
musée des Invalides, Paris.
Grâce au développement économique de cette colonie, le port de Dakar fut
inauguré en 1866, et les premiers rails de la ligne de chemin de fer
Dakar-Niger[29]
(reliant le Sénégal au Mali.) furent posés.
Sur la côte est africaine, les Français parvinrent à établir leur domination
sur Madagascar, puis rapidement sur l’archipel des Comores (1860.). Deux
années plus tard, ce fut au tour de Djibouti d’être soumise au giron
français.
En
Egypte, si les Français n’établirent pas de colonies, le vice roi Ismaïl
Pacha céda à la France une concession (30 novembre 1854.), en prévision
du percement du canal de Suez.
Ismail Pacha, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1867.
Plutôt que de passer par l’Egypte afin de relier le Nil (comme l’avaient
fait les pharaons de l’Antiquité.), il fut au contraire décidé de percer
directement en direction du lac Amer.
Toutefois, en raison de difficultés diplomatiques causées par l’Angleterre
(les Anglais craignaient que le canal ne menace leur route commerciale en
direction des Indes.), les travaux commencèrent en avril 1859.
Finalement, le canal de Suez fut inauguré le 17 novembre 1869, en présence
de l’Impératrice Eugénie, du prince de Galles Edouard[30],
et du prince de Prusse Frédéric
Guillaume[31].
L'inauguration du canal de Suez.
La
question de l’Algérie, au contraire, resta un épineux problème pendant tout
le règne de Napoléon III. En effet, les colons français n’étaient pas des
partisans de l’Empereur, et avaient désapprouvé le coup d’Etat du 2 décembre
1851[32].
Ainsi, dans un premier temps, Napoléon III laissa le gouvernement de
l’Algérie entre les mains de l’armée ; puis, en septembre 1860, il décida
finalement de visiter cette colonie.
Rentrant en France, l’Empereur décida de faire évoluer la situation,
présentant ses idées aux membres du gouvernement.
De
prime abord, en 1862, Napoléon III envisagea de faire de l’Algérie un
royaume arabe, confié à l’émir Abd el
Kader[33],
qui serait placée sous un protectorat français. Toutefois, ce projet fut mal
perçu par les militaires, aussi bien que par les colons d’Algérie.
L'émir Abd el Kader.
Quelques années plus tard, en 1865, après avoir visité une fois de plus le
pays, Napoléon III décida de partitionner l’Algérie en deux moitiés,
réservant la façade maritime pour les colons, et confiant l’intérieur des
terres (hauts plateaux et Sahara.) aux indigènes.
Dans le domaine juridique, un senatus consulte fut promulgué en avril
1863 afin de protéger les Algériens contre les expropriations abusives[34] ;
en juillet 1865, un autre senatus consulte accorda la nationalité
française aux indigènes[35].
Toutefois, les colons français ne partageaient guère les idéaux de
l’Empereur ; finalement, l’idée d’un royaume arabe uni à la France fut
écarté courant 1869.
c)
Conquêtes asiatiques - la seconde guerre de l’opium, Cambodge et
Cochinchine : dans le Pacifique, la France ne détenait que quelques îles
polynésiennes et la Nouvelle Calédonie, annexée en 1853. Toutefois, suite au
massacre du père Auguste Chapdelaine[36]
en Chine (février 1856.), Napoléon III décida d’intervenir en
Extrême-Orient.
Le père Auguste Chapdelaine.
A
noter toutefois que des raisons plus mercantiles poussèrent France et
Angleterre à se lancer dans cette seconde guerre de l’opium.
La Chine en 1860.
La
Chine, depuis le XVI° siècle, avait ouvert son commerce aux marchands
européens. Toutefois, les relations commerciales furent toujours très
difficiles, en raison des importantes taxes imposées par les souverains
Chinois.
Au
fil des siècles, l’Angleterre fut la principale nation européenne à
commercer avec la Chine. Toutefois, si les Anglais importaient beaucoup de
marchandise (principalement du thé, ainsi que de nombreuses
chinoiseries[37].),
ils ne vendaient que très peu, ce qui ne tarda pas à créer un important
déséquilibre commercial en Angleterre.
C’est alors que les marchands anglais eurent l’idée de vendre à la Chine une
drogue importée d’Inde, l’opium. En l’espace de quelques années, les ventes
ne firent que croître, et l’Empereur Yongzheng décida alors
d’interdire la vente de l’opium en 1729.
L'Empereur Yongzheng.
Bien des années plus tard, en 1839, constatant que l’interdiction ne portait
guère ses fruits, l’Empereur chinois Daoguang décida de saisir les
stocks de drogue et de les détruire, provoquant ainsi la première guerre
de l’opium.
Mais les Chinois, incapables de résister au corps expéditionnaire anglais,
furent contraints de capituler en 1842, signant le traité de Nankin.
L’Angleterre obtint alors l’île de Hong Kong[38] ;
l’ouverture de plusieurs ports chinois ; d’importantes indemnités de
guerre ; ainsi que des privilèges commerciaux.
En
1854, Angleterre, France et Etats Unis négocièrent auprès de l’Empereur
Xianfeng afin d’obtenir une révision du traité de Nankin. En effet, les
puissances occidentales souhaitaient principalement faire lever
l’interdiction du commerce d’opium[39] ;
et obtenir le droit de commercer dans le nord de la Chine et sur les rives
du fleuve Yang tsé Kiang.
L'Empereur Xianfeng.
Toutefois, la cour de Pékin refusa de se soumettre aux exigences des
occidentaux et coupèrent court aux négociations.
Rue de Tsien Sin à Pékin, gravure publiée dans Le journal illustré,
1867.
Alors que les puissances occidentales songeaient à un moyen de faire
pression sur le gouvernement chinois, l’Angleterre trouva en 1856 le
prétexte pour lancer une intervention militaire en Chine. Ainsi, des
officiers chinois avaient abordé un navire marchand anglais, l’Arrow,
suspecté de participer au trafic de contrebande (les marins britanniques
furent alors arrêtés et emprisonnés.).
L’Angleterre invita alors les Etats Unis et la Russie à participer au
conflit, mais seule la France se porta finalement volontaire (en raison de
l’exécution du père Chapdelaine, en février 1856.).
C’est ainsi que se déclencha la seconde guerre de l’opium.
Le
27 décembre 1857, le corps expéditionnaire franco-anglais s’empara de
Canton, le plus gros port chinois de l’époque. Puis, au printemps 1858, les
Européens s’emparèrent de l’embouchure du fleuve Pei Ho, ce qui leur permit
de remonter vers Tianjin (il s’agissait du principal port de commerce de
Pékin.) Les forts protégeant les rives furent pris, ouvrant alors la route
la capitale chinoise.
Prise de Canton,
musée des Invalides, Paris.
Effrayé, l’Empereur Xiangfeng accepta de négocier un armistice, signant en
juin 1858 le traité de Tianjin. Les autorités chinoises promirent
alors d’ouvrir le fleuve Yang tsé aux Européen ; autorisèrent
l’établissement de missions diplomatiques à Pékin, alors cité interdite aux
occidentaux ; payer des indemnités de guerre ; et légaliser le commercer de
l’opium.
Prise du Fort Lyn,
musée des Invalides, Paris.
Toutefois, la ratification du traité de Tianjin fut particulièrement lente,
les autorités chinoises revenant sur leur promesse de légaliser le commerce
de l’opium et d’autoriser l’établissement de missions diplomatiques à pékin.
En
août 1860, Français et Anglais décidèrent alors de relancer le conflit,
remontant le fleuve Pei Ho en direction de la capitale chinoise.
La remontée du fleuve Pei Ho, musée des Invalides, Paris.
Fin septembre, les alliés se trouvaient à Palikao, dans la banlieue de
Pékin. Ces derniers furent alors attaqués par une armée de cavaliers
tartares supérieure en nombre (30 000 asiatiques contre 10 000
occidentaux.), mais parvinrent toutefois à remporter la bataille de
Palikao.
Quelques jours après l’affrontement, apprenant que les Européens
approchaient de Pékin, l’Empereur Xiangfeng décida de s’enfuir, confiant à
son frère Gong la fonction de négociateur. Toutefois, peu de temps
après leur arrivée, les troupes franco-anglaises s’installèrent sous les
murs de la capitale, non loin du palais d’été et de
l’ancien palais d’été[40].
Ces édifices, où étaient entassés depuis des siècles les objets d’art et les
lingots, furent dans un premier temps investi par officiers français et
anglais afin de partager les biens précieux ; puis, les palais furent livré
aux soldats qui les pillèrent et y mirent le feu (c’est ainsi que
d’importants trésors furent rapportés en France et en Angleterre à l’issue
du conflit.).
Combat de Chang Kia Ouang sous les murs de Pékin, musée des
Invalides, Paris.
Finalement, le prince Gong fut contraint de signer la convention de Pékin
le 25 octobre 1860, ratifiant le traité de Tianjin ; cédant le district de
Kowloon[41]
aux Anglais ; autorisant la liberté de culte ; autorisant l’Angleterre à
embarquer de la main d’œuvre chinoise vers l’étranger ; et s’engageant à
verser une indemnité de guerre à l’Angleterre et à la France .
La
Chine sortit considérablement affaiblie du conflit, d’autant plus que la
balance commerciale était très déficitaire (les exportations de thé ne
suffisaient pas à contrebalancer les fortes importations d’opium.).
Par ailleurs, l’Empereur Xiangfeng, trop affaibli, ne put empêcher les
Français de prendre pied en Cochinchine et au Cambodge.
En
effet, suite au massacre de missionnaires français en Cochinchine[42],
la flotte française s’empara de Saigon[43]
en 1859. Puis, en juin 1862, l’Empereur Tu Duc, souverain d’Annam[44],
céda la Cochinchine à la France, signant le traité de Saigon.
L’année suivante, Norodom I°, roi du Cambodge, accepta un protectorat
français[45].
Plus tard, en 1867, Rama IV, roi du Siam, décida lui aussi de placer
son pays sous protectorat français, en échange de l’annexion des provinces
cambodgiennes d’Angkor et de Battambang.
Les rois Tu Duc, Norodom I° et Rama IV.
L’objectif des Français était ainsi de s’installer dans ces régions
méridionales, l’établissement de colonies en Chine ayant été rendu
impossible en raison de la proximité des possessions anglaises.
Au
final, alors que les possessions françaises outre mer atteignaient une
superficie d’à peine 300 000 kilomètres² en 1848, elles dépassaient les un
millions de kilomètres² à la fin du règne de Napoléon III.
Réception des ambassadeurs du Siam
à Fontainebleau, le 27 juin 1861, par Jean Léon GEROME, 1864,
château de Versailles, Versailles.
[1]
Ce dernier avait un fils, Napoléon Eugène Louis Bonaparte,
mais ce dernier était encore un bébé (il était né en mars 1856.).
[2]
Pour en savoir plus sur le risorgimiento et la première guerre
d’indépendance italienne, voir le b), 1, section II, chapitre
cinquième, la seconde république.
[3]
Pour en savoir plus sur l’intervention française à Rome, voir le 2,
section II, chapitre cinquième, la seconde république.
[4]
Ancien palais des rois de France au cour du Moyen âge, l’édifice fut
reconverti en prison sous le règne du roi Charles V.
[5]
Carlo di Rudio, parvenant à s’échapper, immigra à New York en 1860.
Rejoignant l’armée américaine, il participa à la guerre de sécession
et aux guerres indiennes. Il mourut en 1910.
[6]
Ce dernier, né en avril 1815, avait fait carrière au cours de la
campagne d’Algérie, au sein de la Légion étrangère, puis avait participé à
l’expédition de Rome en 1849. En décembre 1852, il prit part au coup
d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte en envahissant le Palais bourbon,
siège de l’assemblée nationale.
[7]
Patrice de Mac Mahon, né en juillet 1808, était issu d’une famille
irlandaise réfugiée en France depuis la déchéance du roi
d’Angleterre Jacques II Stuart au XVIII° siècle. Intégrant
les rangs de l’armée après être sorti de l’école militaire de Saint
Cyr, le jeune homme fit carrière en Algérie, où il y obtint ses
galons de général.
[8]
Louis Blanc, ayant participé à la révolution de 1848, tenta de
mettre en place plusieurs réformes sociales. Toutefois, ce dernier
fut contraint de s’exiler suite à l’échec de la manifestation de
juin 1848.
[9]
Victor Hugo, écrivain célèbre, avait été, dans un premier temps,
partisan de Louis Napoléon Bonaparte. Toutefois, choqué par le coup
d’Etat de décembre 1851, il combattit sur les barricades avant de
prendre le chemin de l’exil.
[10]
Rappelons qu’en 1830, Napoléon III et son frère Napoléon Louis
avaient participé à une série d’insurrections ayant éclaté dans la
péninsule italique, réclamant au pouvoir le jeune Napoléon II,
fils de Napoléon Bonaparte.
[11]
Le royaume d’Italie, regroupant la Lombardie, la Vénétie et une
partie des Etats pontificaux, avait été créé par Napoléon I°.
[12]
Garibaldi, né en juillet 1807 à Nice, fut d’abord Français, puis
devint sujet Piémontais en 1814, suite au rattachement du comté de
Nice au royaume de Piémont-Sardaigne. S’engageant adolescent dans la
marine, Garibaldi voyagea dans toute la Méditerranée, vivant à Rome
et Constantinople, avant de regagner Nice. Partisan de
l’indépendance italienne, Garibaldi fut chassé du Piémont par
Charles Albert en 1834, et partit alors pour l’Amérique du sud. Ce
n’est qu’en 1848 qu’il rentra en Italie, se mettant au service du
Piémont puis de la république romaine.
[13]
Le prince Napoléon, surnommé Plon Plon, était né en septembre
1822, fils de Jérôme Bonaparte et de Catherine de
Wurtemberg. Ce dernier fut le successeur en titre de Napoléon
III jusqu’à la naissance du fils de ce dernier, en mars 1856.
[14]
François Joseph était le fils de François Charles, frère
cadet de l’Empereur Ferdinand. A l’origine, François Charles avait
été choisi pour porter la couronne impériale, son aîné étant jugé
inapte. Toutefois, ce fut Ferdinand qui fut finalement choisi, ses
piètres capacités permettant au chancelier autrichien Klemens von
Metternich de s’arroger tous les pouvoirs.
[15]
Alexandrie fut bâtie en 1168 en l’honneur du pape Alexandre III.
Pour en savoir plus, voir le 7, section II, chapitre troisième,
l’Empire germanique et l’Eglise.
[16]
Forey, né en janvier 1804, fit ses études à Saint Cyr, avant d’être
envoyé en Algérie en 1830. Ralliant rapidement le second Empire,
Forey fut nommé général puis participa à la guerre de Crimée, où il
se fit remarquer par sa sévérité et son manque de tact.
[17]
Les chasseurs des Alpes étaient des volontaires combattant pour la
libération de la Lombardie. Cette unité, utilisant des tactiques de
guérilla (harcèlement, attaque de l’ennemi lorsque celui-ci est en
position d’infériorité.), était toutefois tenue d’obéir aux ordres
de l’armée de Victor Emmanuel II.
[18]
Ce dernier, né en avril 1815, avait fait carrière au cours de la
campagne d’Algérie, puis avait participé à l’expédition de Rome en
1849. En décembre 1852, il prit part au coup d’Etat de Louis
Napoléon Bonaparte en envahissant le Palais bourbon, siège de
l’assemblée nationale. Il fut ministre de l’Intérieur entre février
et juin 1858, suite à l’attentat d’Orsini.
[19]
Né en février 1804, de La Motte Rouge fit ses études à Saint Cyr.
Par la suite, il participa à l’expédition d’Espagne de 1823, à la
campagne de Belgique (1832.), et fut nommé général suite au coup
d’Etat du 2 décembre 1851.
[20]
Niel, né en octobre 1802, fit ses études à l’école polytechnique. Ce
dernier participa à la conquête de l’Algérie (1830.) et à la guerre
de Crimée (1855.).
[21]
La garde impériale, qui existait déjà sous Napoléon I°, était un
corps d’élite.
[22]
Rappelons que les ducs de Toscane, de Parme et de Modène étaient des
créatures de l’Autriche.
[23]
Hormis le village de Tende, que la France ne récupéra qu’en 1947.
[24]
15 000 « oui » contre 160 « non » à Nice ; 150 533 « oui » contre
235 « non » en Savoie.
[25]
Les Italiens obtinrent la Vénétie en 1866, à l’issue de la troisième
guerre d’indépendance italienne ; Rome en 1870, suite à la défaite
de la France face aux armées prussiennes.
[26]
Si ces différents territoires constituaient un héritage de l’époque
moderne, l’île de Tahiti était devenue un protectorat français en
1841, sous le règne de Louis Philippe I°. Pour en savoir plus à ce
sujet, voir le b), 3, section I, chapitre quatrième, la monarchie
de Juillet.
[27]
Le saint-simonisme était une doctrine philosophico-religieuse qui
avait été développée par Claude Henri de Rouvroy, comte de
Saint Simon, au début du XIX° siècle. Ce dernier pensait que tous
les hommes devaient être égaux à la naissance, et ne pouvaient se
distinguer qu’en fonction de leurs mérites. Ce dernier considérait
aussi la révolution industrielle comme une chance, et qu’il fallait
la favoriser (en faisant appel à des savants, en lançant une
politique de grands travaux ou en développant le commerce.) afin
d’augmenter le niveau de vie des Français. Enfin, Saint Simon
considérait que tous les Hommes étaient frères, et qu’il était du
devoir de chacun de s’associer et de s’entraider.
[28]
Une marine forte faisait défaut à la France depuis le règne de Louis
XVI.
[30]
Il s’agissait du fils de la reine d’Angleterre Victoria.
[31]
Il s’agissait du fils du roi de Prusse Guillaume I°.
[32]
Rappelons que la colonisation de l’Algérie avait commencé sous le
règne de Charles X, en 1830.
[33]
L’émir Abd el Kader avait mené la rébellion algérienne de 1840 à
1847. Finalement fait prisonnier, il fut libéré en 1852, puis
s’installa à Damas, en Syrie.
[34]
Comme cela avait parfois eut lieu dans le passé.
[35]
En contrepartie, ces derniers devaient renoncer aux lois
coraniques : polygamie, divorce, etc.
[36]
Ce dernier, reconnu coupable d’avoir propagé une « religion
perverse », fut condamné à mort et fut contraint de subir le
supplice du lingchi : le supplicié était découpé en petit
morceau (l’opium permettait au bourreau de maintenir la victime en
vie le plus longtemps possible.), puis finalement décapité.
[37]
Soie, porcelaine, objets laqués, etc. A noter que la mode chinoise
battit son plein à la fin du XVIII° siècle.
[38]
Hong Kong ne fut rendue à la Chine qu’en 1997. Aujourd’hui, cette
ville est la plus riche du pays.
[39]
Malgré le traité de Nankin et la reprise des importations d’opium en
Chine, l’interdiction était toujours de vigueur.
[40]
Les travaux de construction du palais d’été débutèrent en 1750,
alors que l’ancien palais d’été avait été érigé au cours du XVII°
siècle. A noter que si le palais d’été ne fut qu’endommagé, l’ancien
palais d’été fut complètement détruit.
[41]
Le district de Kowloon se trouve à proximité d’Hong Kong, ville
entre les mains des Anglais depuis 1842.
[42]
La Cochinchine correspond à la partie sud du Viet Nam actuel.
[43]
Aujourd’hui Hô-Chi-Minh-Ville, du nom du leader historique des
communistes vietnamiens, Ho Chi Minh, qui lutta pour
l’indépendance du pays.
[45]
L’objectif de Norodom était de mettre le Cambodge sous protection
française afin de mettre fin à la menace exercée par l’Annam (à
l’est.), et le Siam (à l’ouest.).