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Mythologie
 
 

 

 

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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE PREMIER : Une république née dans le sang

(septembre 1870 à mai 1871)

 

III : La commune de Paris (mars à mai 1871)

           

            1° Naissance de la Commune de Paris (février à mars 1871) – Les préliminaires de paix avec la Prusse, ratifiés par l’assemblée nationale le 27 février 1871, furent très mal acceptés par les départements annexés et par la capitale. Ainsi, 35 députés des territoires cédés, outrés, décidèrent de quitter la séance ; à Paris, les citadins assistèrent impuissants au défilé de l’armée prussienne sous l’Arc de Triomphe (les Prussiens occupèrent les Champs Elysées du 1er au 3 mars 1871.).

 

La guerre étant terminée, les députés décidèrent d’un commun accord de quitter Bordeaux afin de s’installer à Versailles à partir du 20 mars (ces derniers préféraient s’installer dans une cité sous contrôle prussien que dans une capitale en ébullition.).

Versailles - Aspect de la place d'armes depuis l'ouverture des séances de l'Assemblée nationale, Le Monde Illustré, N° 729, 1er avril 1871.

Toutefois, les députés adoptèrent en l’espace de quelques semaines une série de décrets impopulaires, qui ne firent qu’exacerber les tensions dans la capitale.

L'opéra de Versailles, siège du Sénat de février 1871 à janvier 1879, château de Versailles, Versailles.

Ainsi, le 15 février, la solde de la garde nationale fut supprimée (privant de revenus plusieurs milliers de familles modestes.) ;  le 10 mars, les Parisiens furent contraints de s’acquitter de leur taxe professionnelle et de leurs loyers (mais beaucoup d’entre eux, suite à plusieurs mois de siège, étaient au bord de la ruine et ne pouvaient donc pas s’acquitter de leurs dettes.) ; le 15 mars, l’armée de la Loire fut dissoute ; enfin, les députés décidèrent de confisquer les canons de Paris, afin d’éviter tout risque de révolte.

 

Dans la soirée du 17 mars, alors que le célèbre anarchiste Auguste Blanqui[1] était arrêté à Bretenoux, dans le Lot, le général Joseph Vinoy[2] fut chargé de récupérer les canons parisiens, entreposés à Montmartre, Belleville et aux Buttes-Chaumont[3].

Buste d'Auguste Blanqui, musée Carnavalet, Paris.

 

Toutefois, si les militaires s’étaient rendus à Montmartre dans la nuit du 17 au 18 mars, afin de ne pas s’attirer les foudres des Parisiens, le transport de ces engins de siège fut retardé car l’armée manquait de chevaux.

Un des canons de la garde nationale installé sur la butte Montmartre, 1871.

Ainsi, quand les Parisiens se réveillèrent, le 18 mars au matin, ils s’opposèrent à ce qu’on enlève « leurs » canons (à noter que ces engins de siège avaient été payés suite à une souscription privée, financée par les habitants de la capitale.). Le général Claude Lecomte, qui avait été autorisé par Thiers à utiliser la force si besoin ordonna à ses hommes de faire feu sur la foule. Toutefois, les militaires, hésitants, décidèrent de mettre en l’air les crosses de leurs fusils[4] et fraternisèrent avec les habitants de Montmartre.

La butte Montmartre en 1866, par Alfred AUTEROCHE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

Le général Lecomte, quant à lui, fut désarçonné et incarcéré dans le quartier général des bataillons fédérés[5] de l’arrondissement de Montmartre. Puis, plus tard dans l’après midi, il fut fusillé rue des rosiers[6], en compagnie du général Jacques Léon Clément Thomas (qui avait participé à la répression des journées de juin 1848[7].), un septuagénaire qui avait été appréhendé alors qu’il faisait sa promenade matinale (à noter que le député Georges Clémenceau[8], alors maire du XVIII° arrondissement[9], tenta de s’interposer mais en vain.).

Exécution des généraux Lecomte et Thomas, le 18 mars 1871 (à noter qu'il s'agit d'un montage photographique).

 

Dans la journée du 18 mars, les Parisiens érigèrent des barricades dans les rues de la capitale, et marchèrent vers l’Hôtel de ville.

L'Hôtel de ville, vers 1860, par Jan Ostoja Faustin de MIODOUCHESKI, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

Thiers, ne pouvant compter que sur 6 000 gardes nationaux, n’était pas en mesure de résister à cette nouvelle insurrection. Ainsi, il décida de quitter Paris, laissant la capitale entre les mains des émeutiers. A noter toutefois que Thiers, politique expérimenté, avait déjà été confronté à une situation de ce style[10]. Ce dernier savait donc qu’il était plus aisé d’abandonner la ville afin de la reconquérir plus tard quartier par quartier, plutôt que de s’installer dans une position défensive et attendre les assauts de l’ennemi.

Nos malheurs (sic.) - La place Pigalle dans la matinée du 18 mars, Le Monde Illustré, N° 728, 25 mars 1871.

 

Les manifestants, suite au départ des forces de l’ordre, envahirent l’Hôtel de ville sans coup férir. Les Blanquistes, partisans de l’anarchiste Auguste Blanqui, proposèrent de marcher vers Versailles, mais la majorité, hésitante[11], refusa cette idée. Plus tard dans la journée, l’on décida que des élections municipales se dérouleraient le 26 mars prochain.   

 

            2° Paris vit sous la Commune (mars à avril 1871) – Si l’insurrection du 18 mars s’était faite sans trop de violences, plusieurs milliers de Parisiens décidèrent de quitter la ville afin de se réfugier à Versailles (bourgeois et nobles, ces derniers provenaient des quartiers aisés, à l’ouest de la capitale.).

Cela bouleversa l’équilibre socio-économique de la capitale, qui comptait 1,8 millions d’habitants lors du recensement de 1866. Car, en raison du départ d’un grand nombre de bourgeois, ce furent les classes populaires, regroupées à l’est et au nord de Paris, qui se retrouvèrent en majorité[12].

Nos malheurs (sic.) - Barricades de la rue de Paris, à Belleville, Le Monde Illustré, N° 728, 25 mars 1871.

 

A noter par ailleurs que plusieurs villes de France s’insurgèrent contre le gouvernement, imitant la capitale (Lyon, Marseille, Toulouse, Limoges, etc.). Toutefois, les autorités locales parvinrent à mettre rapidement fin aux troubles.

 

a) L’élection du Conseil de la Commune (26 mars 1871) : le 26 mars 1871, des élections furent organisées afin d’élire les 92 membres du Conseil de la Commune. Toutefois, si les élections se déroulèrent à priori sans pressions ou fraudes, le taux d’abstention fut élevé, en raison des départs récents et des soldats toujours retenus prisonniers en Prusse.

 

Au final, le scrutin entraîna l’élection d’un large panel de courants politiques : ainsi, l’on retrouvait des républicains modérés ; des jacobins, admirateurs de la révolution de 1789 et favorables à la centralisation ; des radicaux, partisans d’une république fédérale ; des anarchistes ; etc.

Pour la première fois depuis bien longtemps, les avocats cédaient la place aux classes populaires, qui récupérèrent la majorité des sièges (25 ouvriers, 12 artisans, 4 employés et 6 commerçants, contre 3 avocats, 3 médecins, 1 ingénieur et 12 journalistes.)

Toutefois, 19 élus (bourgeois et modérés.) décidèrent de quitter le Conseil au bout de quelques jours, n’appréciant guère qu’une simple assemblée communale s’arroge les prérogatives d’un gouvernement national (à noter que ces 19 élus ne furent pas remplacés.).

 

Rapidement, le Conseil se trouva divisé en deux clans : d’un côté les jacobins, majoritaires, partisans de mesures autoritaires ; de l’autre les anarchistes et les radicaux, minoritaires, cherchant à faire adopter des mesures sociales.

Toutefois, si les jacobins étaient en majorités, ils ne s’opposèrent pas à l’adoption de plusieurs réformes sociales.

 

Le 28 mars, lors d’une importante cérémonie sous les murs de l’Hôtel de ville, la création de la Commune de Paris fut officiellement annoncée aux Parisiens.

Paris - Proclamation de la Commune sur la place de l'Hôtel de ville, Le Monde Illustré, N° 730, 8 avril 1871.

 

b) Les réformes de la Commune : dès le 29 mars, les membres du Conseil de la Commune, installés à l’Hôtel de ville, décidèrent de mettre en place dix commissions, correspondant à peu près aux ministères d’alors (exécutive, militaire, justice, finances, enseignement, etc.).

Pendant près de deux mois, les communards votèrent l’application de nombreuses lois, dont la plupart, abrogées suite à l’échec de la Commune, furent reprises par la troisième république bien des années plus tard.

 

Dans un premier temps, le Conseil de la Commune décida d’adopter une série de décrets symboliques. Ainsi, le drapeau rouge fut officiellement adopté le 28 mars, à l’instar du calendrier révolutionnaire[13] (1871 correspondant à l’an 79 de la république.).

Par ailleurs, la Colonne Vendôme[14], considérée comme un symbole du despotisme, fut détruite le 16 mai 1871. L’Hôtel particulier d’Adolphe Thiers, jugé comme responsable de la défaire, fut lui aussi démoli à la mi-mai.

La destruction de la Colonne Vendôme, le 16 mai 1871.

Cortège funéraire passant devant l'Hôtel particulier d'Adolphe Thiers, Le Monde Illustré, N° 737, 27 mai 1871.

 

Par ailleurs, les communards firent voter une série de mesures sociales : prolongation des échéances de loyer[15], le 29 mars ; suspension des poursuites pour le non-paiement des taxes, le 12 avril ; enfin, le 16 avril, un délai de trois ans fut accordé aux Parisiens pour s’acquitter de ces dettes.

Par la suite, le 10 avril, il fut décidé de verser une pension aux veuves et orphelins des gardes nationaux tués pendant la guerre ; le 25 avril, un décret ordonna la réquisition des logements abandonnés afin de donner un toit aux Parisiens sinistrés lors du bombardement de la capitale (à noter que les communards, dans un souci de légalité, ne touchèrent pas aux réserves monétaires de la Banque de France, préférant lui demander une avance.).

 

La question du ravitaillement, quant à elle, fut moins délicate qu’au cours du siège, car suite à la signature de l’armistice, plusieurs tonnes de vivres étaient arrivées dans la capitale. Toutefois, afin de venir en aide aux familles les plus modestes, des cantines et boucheries municipales furent mises en place (l’objectif était de jouer contre l’inflation, de nombreux marchands n’hésitant pas à augmenter les prix lors de la raréfaction des denrées alimentaires.).

 

Enfin, un important décret fut adopté par le Conseil de la Commune le 2 avril 1871, prévoyant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la gratuité de l’enseignement[16], et proclamant la laïcité[17].

 

c) Les Parisiens prennent goût à la politique : tout comme pendant la Révolution française, les clubs politiques se multiplièrent dans Paris… d’autant plus que les membres du Conseil de la Commune, responsables devant les électeurs parisiens, constamment contrôlés, pouvaient être révoqués en cas de faute.

A noter toutefois que la plupart des clubs étaient concentrés dans les quartiers du centre de Paris, les arrondissements de l’ouest, les plus aisés, n’en comptant aucun.

 

Sous la Commune, la Presse parisienne connut une multiplication des nouveaux journaux, à l’instar de ce qui s’était passé pendant la révolution de 1789.

Ainsi, outre les titres déjà existants, plus de 70 nouvelles revues furent créées au printemps 1871. Toutefois, la multiplication des journaux hostiles à la Commune, tout comme la progression des troupes de Thiers sous les murs de la ville, entraînèrent un net durcissement de la liberté de la presse.

 

            3° La contre offensive de Thiers, le second siège de Paris (avril à mai 1871) – Alors que les communards contrôlaient Paris, Thiers, réfugié à Versailles depuis le 18 mars, fourbissait ses armes.

Thiers tordant le cou du coq gaulois, 1869, musée Carnavalet, Paris.

Ce dernier, soutenu par l’assemblée nationale, avait aussi l’appui d’Otto von Bismarck[18]. Ainsi, alors que la convention autorisait uniquement la présence de 40 000 soldats français dans le bassin parisien, le chancelier prussien fit libérer près de 60 000 prisonniers de guerre qui vinrent rapidement rejoindre l’armée de Thiers.

Ainsi, début avril 1871, l’armée des Versaillais, commandée par le maréchal Patrice de Mac Mahon[19], comptait près de 100 000 hommes[20].

 

a) Une offensive versaillaise rapide et efficace (avril à mai 1871) : le 5 avril 1871, le Conseil de la Commune, afin de faire face à l’offensive versaillaise, décida donc de décréter la mobilisation des Parisiens âgés de 19 à 40 ans. Les soldats de cette nouvelle armée, bien qu’étant au nombre de 160 000, n’avaient toutefois pas l’expérience du combat.

Ainsi, l’on estime que seuls 20 000 soldats avaient eu une formation militaire ; les officiers de cette armée, plus politiques que militaires, eurent de grandes difficultés à diriger leurs troupes.

 

Face à un ennemi inférieur en nombre, les Versaillais lancèrent une offensive aussi rapide qu’efficace, au début du mois d’avril (ces derniers se concentrèrent sur l’ouest parisien, les forces prussiennes étant installées au nord et à l’est de Paris.).

Ainsi, les forces versaillaises occupèrent le fort du Mont Valérien, surplombant la banlieue ouest de Paris (2 avril 1871.) ; le même jour, prenant Courbevoie et le plateau de Châtillon, elles contraignirent les communards à se replier vers Neuilly[21], une commune limitrophe de Paris. La cité fut donc bombardée pendant trois semaines, puis, le 25 avril, une suspension d’armes autorisa la population à évacuer la ville (les communards se replièrent alors sur la capitale.).

Journée du 4 avril - Prise de la redoute de Châtillon par l'armée de Versailles, Le Monde Illustré, N° 731, 15 avril 1871.

 

Début mai, les Versaillais s’attaquèrent au fort d’Issy et au village des Moulineaux[22] ; puis, à partir du 8 mai, les quartiers de l’ouest parisien (15° et 16° arrondissements.) furent bombardés. Le même jour, Adolphe Thiers envoya un ultimatum au Conseil de la Commune, sommée de déposer les armes. 

Finalement, le 21 mai 1871, les forces versaillaises pénétrèrent dans Paris par la porte de Saint Cloud, qu’un citadin était parvenu à ouvrir faute de surveillance. C’est ainsi que débuta le dernier acte du second siège de Paris, la semaine sanglante

 

b) La Commune de Paris sous pression (avril à mai 1871) : à Paris, le Conseil de Commune devait non seulement faire face à la menace versaillaise, mais en outre prendre garde aux nombreux Parisiens qui étaient de plus en plus nombreux à souhaiter la victoire d’Adolphe Thiers.

 

Le 5 avril 1871, le  Conseil de la Commune adopta le décret des otages, afin de faire répliquer aux exactions commises par l’armée versaillaise : ainsi, pour chaque communard exécuté, trois otages seraient abattus[23].

Puis, afin de s’assurer d’un meilleur contrôle de la population, le Conseil de Commune décida, le 1er mai, d’instaurer un Comité de salut public[24].

Cette décision jacobine choqua les radicaux, courant minoritaire, cet organisme étant jugé incompatible avec les aspirations démocratiques de la Commune.

 

Enfin, la liberté de la Presse fut révisée à la baisse, en raison des multiples journaux anti-communards. Ainsi, début avril plusieurs revues furent interdites de publication ; à la mi-avril, les journaux jugés favorables aux intérêts de l’armée versaillaise furent eux aussi interdits.  

A Paris - Scènes du boulevard à l'occasion de journaux supprimés, Le Monde Illustré, N° 733, 29 avril 1871.

Courant mai, alors que le combat contre les forces de Thiers battait son plein, plus de 20 revues furent supprimées.

 

c) La semaine sanglante (21 à 28 mai 1871) : suite à la prise de la porte de Saint Cloud, comme nous l’avons vu précédemment, l’armée versaillaise pénétra dans la capitale (21 mai 1871.). Le maréchal Mac Mahon, qui dirigeait l’offensive, s’empressa d’occuper Auteuil et Passy, communes laissées sans protection par la Commune.

Les gardes nationaux qui se trouvaient là furent fusillés sans procès, alors que le Conseil de la Commune se réunissait pour la dernière fois.

L'armée versaillaise fusille sans procès les communards capturés lors des combats.

Suite à l’entrée de l’armée dans la capitale, de nombreux Parisiens favorables à Thiers arborèrent un brassard, aidant les militaires dans leurs quartiers respectifs. Par ailleurs, près de 400 000 lettres de dénonciations (dont 80% anonymes.) furent envoyées à l’assemblée nationale.

 

Le lendemain, 22 mai 1871, les Versaillais occupèrent le 15° et le 16° arrondissement, occupant la colline de Chaillot et la place de l’Etoile.

Les communards, quant à eux, oublièrent immédiatement l’idée d’une contre attaque commune et organisée. Au contraire, chacun rentra dans son quartier afin de le défendre, ce qui entraîna l’apparition de 500 barricades environ dans de nombreuses rues de la capitale.

La barricade, ou l'attente, en 1871, par DEVAMBEZ, fin du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.

Les Versaillais, grâce à leur importante supériorité numérique, parvinrent à progresser petit à petit, s’emparant en soirée du palais de l’Elysée, de la gare Saint Lazare, du Palais-Bourbon, des Invalides et de l’Ecole militaire[25] (où étaient stockés les canons de la Commune.).

La tour Saint Jacques reprise par les troupes versaillaises, mai 1871, par Gustave BOULANGER, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

A noter que la progression de Mac Mahon fut lente, car de nombreuses exécutions sommaires eurent lieu.

Affiche du comité de salut public, 22 mai 1871, musée de Montmartre, Paris.

 

Le 23 mai, suite à de violents combats, les Versaillais s’emparèrent de l’Opéra, du faubourg Montmartre et de la place de la Concorde. Encore une fois, plusieurs milliers de communards furent fusillés sans procès dans les quartiers occupés par les forces de Thiers.

Episode de la Commune, place de la Concorde, mai 1871, par Gustave BOULANGER, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

Barricade élevée à l'extrémité de la rue Royale, place de la Concorde, mai 1871.

Dans la soirée, les premiers incendies se déclarèrent. Ces derniers, déclenchés par les communards, ravagèrent entre autres le palais des Tuileries, le Palais d’Orsay, et le palais de la Légion d’honneur[26]. Le Louvre n’échappa à la destruction qu’en raison de l’action d’un officier de l’armée versaillaise, qui confia à ses hommes la tâche de contenir les flammes en provenance des Tuileries.

L'incendie des Tuileries, du côté de la rue de Rivoli.

A noter toutefois que les archives de Paris et les archives de la police furent détruites, à l’instar de tout l’Etat civil parisien.

 

A l’aube du 24 mai, alors que les incendies se propageaient dans la capitale, les combats faisaient rage. Les communards, en infériorité numérique, abandonnèrent l’Hôtel de ville avant d’y mettre le feu ; ces derniers livrèrent aussi aux flammes la préfecture de police et le palais de Justice.

Les ruines calcinées de l'Hôtel de ville.

Les Versaillais, quant à eux, s’emparèrent de la Banque de France, du palais Royal (en flammes.) et du Louvre. A nouveau, les rebelles capturés dans les quartiers conquis furent passés par les armes.

Afin de riposter contre les exactions commises par l’armée versaillaise, les communards, appliquant le décret des otages, exécutèrent Georges Darboy, archevêque de Paris (ce dernier avait été incarcéré le 4 avril 1871.), ainsi que six autres otages.

Les Martyrs (sic.) - Les derniers moments de monseigneur Darboy, Le Monde Illustré, N° 739, 10 juin 1871.

En fin de journée, les communards ne détenaient plus que quelques quartiers de l’est parisien (11°, 12°, 19° et 20° arrondissements.), ainsi que quelques îlots de résistance.

Paris en proie aux flammes.

 

Le 25 mai, l’armée versaillaise concentra son offensive contre la butte-aux-cailles, un quartier de l’est parisien, situé dans le 13° arrondissement.

Ainsi, les communards qui se trouvaient là, au nombre de 3 500, étaient parvenus à riposter efficacement depuis le début de la semaine sanglante ; mais les Versaillais, grâce à leur supériorité numérique, parvinrent à encercler l’ennemi, qui fut contraint de se replier vers les quartiers situés à l’est de la capitale.

En fin d’après midi, toute la rive gauche était entre les mains des troupes versaillaises.

Les incendies de Paris, le 24 mai 1871, par Jules GIRARDET, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

Dans la journée du 26 mai, alors que les Communards ne contrôlaient plus que Belleville, La Villette et Charonne, les Versaillais, continuant leur progression, parvinrent à prendre le Panthéon et le faubourg Saint Antoine.

Une fois de plus, ces derniers se livrèrent à de massives exécutions, éliminant toute trace de résistance dans les quartiers occupés. Les communards, quant à eux, fusillèrent rue Haxo 47 otages détenus à la prison de la Roquette[27].

Exécution des 47 otages rue Haxo, le 26 mai 1871 (à noter qu'il s'agit d'un montage photographique).

 

Le 27 mai, les Buttes-Chaumont furent prises par les Versaillais, mais les combats se poursuivaient dans le cimetière du Père Lachaise[28], situé dans le 20° arrondissement. En effet, les communards y avaient installé leur artillerie, la nécropole étant bâtie sur une colline.

Assaut d'un cimetière par les troupes régulières, mai 1871, par Gustave BOULANGER, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

Les deux belligérants s’affrontèrent au milieu des tombes pendant toute la journée ; mais, au final, les communards furent contraints de déposer les armes. 147 d’entre eux furent fusillés sans procès au pied d’un pan de mur du cimetière[29].

L'agonie de la Commune - Marins, infanterie de marine et 74° régiment de ligne purgeant le Père-Lachaise des derniers insurgés, le samedi 27 mai à 8 heures du soir, Le Monde Illustré, N° 741, 24 juin 1871.

Dans la soirée, les Versaillais bombardèrent le quartier de Belleville, à l’est de Paris, dernier bastion des communards.

 

Au petit matin du 28 mai, l’armée versaillaise pénétra dans Belleville, et les combats s’y poursuivirent jusqu’au lendemain. A une heure de l’après midi, rue Ramponeau, les Versaillais parvinrent à prendre la dernière barricade. La semaine sanglante s’achevait enfin.

Dessin humoristique symbolisant la fin de la Commune (la légende indique : Bourgeois, le voilà sur le dos, tâchez voir de ne pas le remettre encore sur ses pattes.), Le Monde Illustré, N° 756, 7 octobre 1871.

 

d) Bilan de la semaine sanglante : la semaine sanglante ne fut pas baptisée ainsi sans raisons. En effet, outre les affrontements qui avaient coûté la vie à plus de 20 000 communards dans les rues de Paris (contre 850 tués et 6 500 blessés côté versaillais, plus les 480 otages exécutés par la Commune.), la répression, d’une sévérité sans pareille, fit plusieurs milliers de victimes.

 

Ainsi, l’on estime que Thiers fit exécuter 10 000 personnes, en s’appuyant sur les cours prévôtales[30], établies fin mai ; en outre, sur les 45 000 communards incarcérés par les forces de l’ordre, environ 5 000 furent condamnés à la déportation (pour la plupart vers la Nouvelle Calédonie.). Enfin, plusieurs milliers de détenus furent transférés dans des prisons de l’ouest de la France, dans des conditions hygiéniques souvent déplorables.

Dessins humoristiques caricaturant les cours prévôtales (à gauche, l'officier demande au prévenu : Comment bous appelez vous ? Ce à quoi ce dernier répond : Sous la Commune, on m'appelait colonel. A droite, le soldat encourage le détenu : Vous avez de la chance ! Votre dossier brûlé ! Le communard lui répond : Vous êtes gentil ! Une lacune dans l'histoire de France !), Le Monde Illustré, N° 756, 7 octobre 1871.

Par ailleurs, les forces versaillaises commirent de nombreux abus dans Paris, fusillant les habitants suspectés d’appartenir à la Garde nationale ; les femmes transportant des allumettes, accusées d’être des pétroleuses[31] ; les communards blessés dans les hôpitaux ; ainsi que de nombreux Parisiens et Parisiennes qui eurent le malheur de vivre dans les quartiers de l’est de la capitale, derniers bastions communards.

Les incendiaires - Les pétroleuses et leurs complices (à noter que cette illustration se rapproche involontairement de la caricature.), Le Monde Illustré, N° 738, 3 juin 1871.

 

A noter que le régime de la Terreur, mouvement ultra-révolutionnaire vivement critiqué aujourd’hui en raison de ses méthodes extrémistes, ne fit « que » 15 000 victimes en un an, de l’été 1793 à juillet 1794. A titre de comparaison, la répression de la Commune entraîna la mort de 30 000 personnes, et ce en l’espace de trois semaines…  

 

Au final, la Commune laissa des stigmates dans Paris pendant de nombreuses années. Ainsi, les travaux de reconstruction des bâtiments détruits pendant la semaine sanglante coutèrent plusieurs millions de francs (certains édifices, comme les Tuileries, ne furent jamais reconstruits.). Par ailleurs, l’état de siège fut maintenu jusqu’en 1876, l’autorisation préalable [32] pour tous les journaux fut rétablie, les cafés et restaurants devaient respecter une heure de fermeture imposée par le gouvernement.

La cour du Carrousel et les ruines des Tuileries, par Siebe TEN CATE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

En 1873, il fut décidé de bâtir la basilique du Sacré Cœur de Montmartre[33], sur le lieu même où avait été déclenché la Commune de Paris, le 18 mars 1871 (l’objectif était d’expier les « crimes » de la Commune.) ; enfin, la troisième république ne promulgua des lois d’amnistie qu’à partir de 1880, soit près de dix ans après les affrontements.

la basilique de Montmartre, été 2007.

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[1] Blanqui, né en février 1805, était un anarchiste ayant participé à plusieurs insurrections. Ainsi, il organisa une révolte contre le roi des Français Louis Philippe en mai 1839 (pour en savoir plus à ce sujet, voir le c), section I, chapitre quatrième, la monarchie de Juillet.), participa à la violente manifestation du 15 mai 1848 contre le gouvernement de la jeune seconde république (voir le a), 1, section II, chapitre troisième, la seconde république.), et tenta un nouveau coup de force suite à l’assassinat du journaliste Victor Noir par un cousin de Napoléon III (b), 4, section I, chapitre troisième, le second Empire.). A noter que Blanqui fut surnommé l’Enfermé, en raison de ses longues années de captivité.

[2] Vinoy, né en août 1800, s’engagea dans l’armée en 1823, puis fit carrière en Algérie. Il participa à l’expédition de Crimée et à la campagne d’Italie.

[3] Les canons y avaient été entreposés fin février 1871, peu avant l’annonce de l’entrée des Prussiens dans la capitale, afin de soustraire les engins de siège aux regards de l’ennemi.

[4] Au XIX° siècle, dresser les crosses des fusils signifiait que les militaires fraternisaient avec les manifestants.

[5] La garde nationale, le 3 mars 1871, s’était rebaptisée Fédération de la Garde nationale (c’est pour cette raison que les soldats ayant participé à la Commune furent parfois surnommés « fédérés. »).

[6] Aujourd’hui partiellement rue Chevalier de La Barre.

[7] Les journées de juin 1848 avaient couté la vie à 4 000 manifestants, ce à quoi l’on peut ajouter 1 500 exécutions, 25 000 arrestations et près de 11 000 condamnations à des peines de prison ou de déportation en Algérie. Pour en savoir plus, voir le 3, section II, chapitre troisième, la seconde république.

[8] Né en septembre 1841, Clémenceau fit des études de médecine (son grand père était médecin dans l’armée de Napoléon.), puis partit enseigner aux Etats Unis, suite à la guerre de sécession. Apprenant que la France était entrée en guerre contre la Prusse, il décida de rejoindre Paris, fréquentant les milieux républicains, et manifestant son hostilité envers les partisans de la paix. Par la suite, Clémenceau fut élu maire de Montmartre (novembre 1870) et député (février 1871.). 

[9] Il est parfois nommé maire de Montmartre, l’arrondissement correspondant aux frontières de l’ancienne ville de Montmartre, rattachée à Paris sous le second Empire.

[10] Rappelons qu’il avait maté la seconde révolte des Canuts de Lyon, en avril 1834. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le a), 4, section III, chapitre deuxième, la monarchie de Juillet.

[11] A l’époque, les communards ne savaient pas s’ils formaient un conseil municipal (impactant Paris.) ou bien un gouvernement provisoire (impactant la France entière.).

[12] L’on comptait 400 000 ouvriers et 70 000 artisans en 1866.

[13] Le calendrier républicain avait été adopté le 5 octobre 1793, ors de la Révolution française. Ce dernier comptait dix mois de trente jours, auxquels étaient rajoutés cinq à six jours en fin d’année, les sans-culottides. A noter qu’outre l’année de 10 mois et les semaines de dix jours, les jours furent divisés en dix heures (mais ce dernier décret ne fut jamais appliqué.). Le calendrier révolutionnaire fut abrogé par Napoléon I° en septembre 1805. Pour en savoir plus, voir le e), 4, section II, chapitre quatrième, la Révolution française.

[14] La colonne Vendôme avait été érigée par Napoléon I° en mémoire de la victoire d’Austerlitz, le 2 décembre 1805. Pour plus de renseignements sur cette bataille, voir le 4, section II, chapitre deuxième, l’épopée napoléonienne.

[15] Rappelons que l’insurrection du 18 mars avait été déclenché en partie à cause du décret de l’assemblée nationale réclamant le paiement immédiat de la dette.

[16] A noter que la gratuité de l’enseignement ne fut effective que dans quelques écoles primaires de Paris.

[17] C’est ainsi que fut supprimé tout signe ostentatoire dans les écoles et collèges de la capitale.

[18] Ce dernier, soucieux de signer les accords de paix avec la France, ne pouvait se permettre de laisser Paris étendre la flamme de la révolte aux autres régions du pays.

[19] Rappelons que ce dernier avait capitulé sous les murs de Sedan, en septembre 1870.

[20] Il y eut 130 000 soldats de plus au mois de mai, grâce aux prisonniers de guerre libérés par Bismarck.

[21] Rebaptisée Neuilly sur Seine en 1897.

[22] La cité d’Issy fut rebaptisée Issy les Moulineaux en 1893.

[23] Toutefois, le décret des otages n’entra en application qu’à la fin mai.

[24] Rappelons que le premier Comité de salut public avait été instauré en avril 1793.

[25] L’Ecole militaire est un bâtiment situé face au Champ de Mars, a quelques centaines de mètres de la tour Eiffel. 

[26] Si certains de ces monuments, détruits suite aux incendies, furent reconstruits, les palais des Tuileries, résidence des souverains français depuis Louis XIV, fut rasé suite aux événements. Aujourd’hui, il ne reste rien de cet édifice.

[27] En 1938 fut bâtie l’église Notre Dame des Otages à l’emplacement où furent exécutés les prisonniers. A noter que cette dernière ne fut consacrée qu’en 2009.

[28] La création de ce cimetière fut décrétée par Napoléon I° en 1804. Il fut baptisé d’après le nom du confesseur de Louis XIV, le père François d’Aix, seigneur de La Chaise, qui avait construit sa résidence à l’endroit où se trouve le cimetière aujourd’hui.

[29] Cet emplacement fut plus tard nommé mur des Fédérés.

[30] Ces cours, fonctionnant sans jury et sans appel, avaient pour objectif de donner un semblant de légitimité aux exécutions massives.

[31] L’on nommait pétroleuses ces femmes accusées d’avoir incendié les monuments de la capitale en les arrosant de pétrole.

[32] Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agissait d’un document émis par le gouvernement, qui permettait au demandeur de créer un journal. A noter que la loi Serres de 1819 avait supprimé l’autorisation préalable.

[33] La basilique, dont les travaux débutèrent en juin 1875, ne fut achevée qu’en 1914 (elle fut consacrée en 1919.). A noter par ailleurs qu’il fallut attendre 1923 pour que la décoration intérieure soit terminée.

 
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