1°
Bombardements aériens sur Londres et Paris (janvier à mars 1915)
– Alors que les alliés soumettaient Berlin à un lourd blocus maritime,
l’année 1915 fut inaugurée par une nouvelle offensive allemande, opérée par
des zeppelins.
Bombardement zeppelin.
Les zeppelins, dirigeables à voilure rigide, avaient été conçus à partir de
1899 par l’ingénieur allemand Ferdinand
von Zeppelin[1].
A
l’aube de la Grande guerre, bien que cette technologie ne soit pas
complètement fiable, une vingtaine d’aéronefs avaient été construits ;
ainsi, l’armée allemande en racheta une quinzaine en 1914.
Pendant les premiers mois de la guerre, les Zeppelins furent utilisés pour
des missions de reconnaissance, au dessus de la mer du Nord et de la
Baltique (l’objectif était de permettre à la flotte allemande d’intercepter
les navires ennemis.).
Puis, l’Empereur Guillaume II autorisa le bombardement de cibles civiles en
début d’année 1915 : le 19 janvier, 50 kilos de bombes furent lâchées sur
Londres, qui ne disposait pas de défenses aériennes efficaces à cette date ;
courant mars, Paris fut la cible d’une attaque similaire.
Afin de se prémunir contre les bombardements zeppelins, les alliés
s’équipèrent de projecteurs de recherche ; les mitrailleuses de calibre 4
furent converties en armes anti-aériennes. Cependant, la plupart des
zeppelins furent détruits grâce à d’efficaces raids aériens.
Le dernier raid des zeppelins, nuit du 29 au 30 janvier 1916,
par Maurice BOURGUIGNON, 1916, musée Carnavalet, Paris.
Les raids zeppelins se poursuivirent en 1916, larguant près de 200 tonnes de
bombes, mais cessèrent peu à peu au cours des années suivantes en raison des
progrès de la défense anti-aérienne.
A
noter toutefois que si les raids zeppelins cessèrent, l'aviation allemande
(plus rapide et moins fragile.) prit la relève, bombardant la capitale
jusqu'à la fin de la guerre.
Bombardements allemands sur
Paris, 1918.
2° La bataille de Champagne
(mi-décembre 1914 à mi-mars 1915) – Comme nous l’avons vu
précédemment, le front s’était stabilisé, en fin d’année 1914, sur une ligne
mer du Nord-Aisne-Lorraine-Alsace.
L’Etat-major français, considérant que les Allemands avaient perdu la course
à la mer, décida donc de lancer une grande offensive à la mi-décembre 1914.
En effet, Joffre cherchait à obtenir une rupture du front et la reprise de
la guerre de mouvement.
Le général Joseph Joffre, par Joseph Félix BOUCHOR, 1915,
musée Carnavalet, Paris.
L’objectif était donc d’attaquer en direction de Cambrai, afin de dégager
Soissons ; par ailleurs, d’autres attaques sur lancées sur le reste des
lignes ennemies.
Cependant, l’Etat-major français sous estimait la capacité de résistance des
Allemands. Ainsi, malgré d’importants combats (principalement entre Noyon
et Perthes.), l’ennemi ne recula pas.
Les combats cessèrent donc en fin d’année 1914, sauf en Champagne où les
Français avaient quelque peu progressé. Les offensives se poursuivirent
jusqu’à la mi-mars 1915, sans que la ligne de front allemande ne soit
percée.
Au
final, la bataille de Champagne fit près de 90 000 victimes dans les
deux camps.
Cet échec permit toutefois de démontrer à l’Etat-major français que les
alliés, se reposant trop sur le canon de 75, avaient omis de s’équiper
d’artillerie lourde. Ce retard technologique sur l’armée allemande ne fut
rattrapé qu’en début d’année 1916.
La Guerre, par Marcel
GROMMAIRE, 1925, musée d'art moderne, Paris.
3° La deuxième bataille d’Ypres, l’apparition des gaz de
combat (avril à mai 1915) – La première bataille d’Ypres, comme nous
l’avons vu précédemment, s’était conclue sur un Statu quo : les
Allemands, bien que supérieurs en nombre, n’étaient parvenus à repousser la
ligne de front ennemie.
a)
La bataille de Gravenstafel (22 au 23 avril 1915) : à la mi-avril
1915, alors que les troupes franco-anglaises étaient rejointes par des
soldats originaires du Canada (à noter que cet Etat était alors un dominion[2]
britannique.), les Allemands bombardèrent Ypres.
Puis, le 22 avril, la IV° Armée allemande d’Albert de Wurtemberg vaporisa
d’importantes quantités de chlore, en violation des conventions de
La Haye de 1899 et 1907, qui interdisaient l’utilisation des gaz de
combat[3].
Le
nuage, porté par le vent, se dirigea lentement vers les tranchées françaises
de Gravenstafel. Les soldats, effrayés par ce gaz brûlant le nez, les yeux,
la gorge et les poumons, se retirèrent précipitamment, laissant un vide de 8
kilomètres sur le front allié.
Schéma montrant le fonctionnement et la
diffusion des gaz de combat allemands (la légende indique : "Cette nouvelle
barbarie teutonne, au début de son emploi et malgré l'héroïsme de nos
troupes, avait jeté une perturbation qui, heureusement, n'a pas eu de
suites, en raison des mesures prises par nos armées").
Cependant, mal équipés et craignant d’être eux-mêmes victimes du chlore, les
Allemands ne lancèrent pas de contre-offensive. Ainsi, dans la nuit du 22
avril, les troupes canadiennes décidèrent de se redéployer afin de combler
la brèche.
b)
La bataille de Saint Julien (24 avril au 4 mai 1915) : mais les
Allemands, disposant de 168 tonnes de chlore déployées dans près de 5 700
bonbonnes, ne comptaient pas en rester là.
Ainsi, le 24 avril, une nouvelle attaque au gaz fut lancée contre les
Canadiens ayant pris position à Saint Julien, au nord-est d’Ypres.
Cependant, cette fois ci les alliés ne furent pas pris de court ; ainsi, les
Canadiens confectionnèrent des masques à gaz de fortune, en réalité de
simples mouchoirs imbibés d’eau ou d’urine[4].
Masque à gaz primitif, musée de
l'Infanterie, Montpellier.
Dans la journée du 4 mai, les Canadiens furent relevés par des troupes
françaises, anglaises et indiennes.
c)
La bataille de Frezenberg (8 au 13 mai 1915) : ayant échoué à
Gravenstafel et à Saint Julien, les Allemands lancèrent une nouvelle
offensive le 8 mai, en direction de Frezenberg.
Ces derniers, s’appuyant sur leur artillerie lourde, parvinrent à repousser
les Anglais qui se trouvaient là. Cependant, bien que s’appuyant à nouveau
sur des gaz de combat le 10, les Allemands progressèrent d’à peine 2
kilomètres.
d)
La bataille de Bellewaarde (24 au 25 mai 1915) : la dernière
offensive allemande eut lieu à Bellewaarde, position tenue par les
Britanniques. Utilisant leur gaz de combat, les Allemands parvinrent à
progresser d’environ un kilomètre.
Fantassin allemand, 1915, musée des Invalides, Paris.
e)
Conséquences de la deuxième bataille d’Ypres : bien que parvenant à
conserver leurs position dans la plupart des cas, les alliés furent
contraints de reculer de quelques kilomètres, principalement à cause des gaz
de combat ennemis.
Cependant, cet « effet de surprise » ne dura qu’un temps ; ainsi, très
rapidement les alliés s’équipèrent de contre-mesures, et développèrent leurs
propres gaz asphyxiants.
Les Allemands, quant à eux, avaient réussi à se rapprocher d’Ypres, qui
n’était plus qu’à cinq kilomètres environ de leurs positions.
Cependant, les pertes étaient lourdes dans les deux camps. Côté alliés, les
Britanniques avaient perdu près de 60 000 hommes, contre 10 000 pour les
Français (plus 6 000 Canadiens et 1 500 Belges.). Les Allemands, quant à
eux, déploraient la disparition de 35 000 soldats.
4° L’Italie rejoint la
Triple-Entente, le front italien (mars à décembre 1915) –
Un évènement majeur se déroula au printemps 1915.
a)
L’Italie entre en guerre (23 mai 1915) : bien que membre de la
Triplice depuis 1881[5],
l’Italie décida de participer à la première guerre mondiale aux côtés des
alliés, déclarant la guerre à l’Allemagne le 23 mai 1915.
A
noter cependant que le roi d’Italie Victor Emmanuel III ne
s’engageait pas gratuitement : en effet, France et Angleterre s’engageaient
à lui céder, dès la fin du conflit, les terres irrédentes.
Victor Emmanuel III.
En
effet, la théorie de l’irrédentisme était apparue en Italie à partir
de 1870. Cette doctrine revendiquait l’annexion des territoires de langue
italienne, ainsi que certains territoires ayant appartenu à des Etats
italiens.
Ainsi, Victor Emmanuel III réclamait principalement le Trentin et
l’Haut-Adige, Trieste, l’Istrie, ainsi que la côte de Dalmatie (il
s’agissait de territoires appartenant à l’Autriche.).
Prétentions italiennes sur l'Istrie au début
du XX° siècle.
L’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de la Triple-Entente fut bénéfique
pour deux raisons : ainsi, non seulement elle permettait d’ouvrir un nouveau
front de guerre ; par ailleurs, une des voies de ravitaillement des
Empires centraux[6]était désormais coupée.
b) Les quatre première batailles de l’Isonzo (juin à décembre 1915) :
l’Italie ayant décida de prendre part à la Grande guerre fin avril 1915, les
premiers combats opposant Italiens et Autrichiens se déroulèrent en juin
1915.
L’Etat-major italien, s’appuyant sur sa grande supériorité numérique, décida
de lancer une offensive sur l’Isonzo, un fleuve séparant l’Italie de
Trieste, important port autrichien sur l’Adriatique.
Mais les Autrichiens, bien que moins nombreux, étaient dotés d’un meilleur
armement, et disposaient d’une artillerie plus puissante.
Quatre batailles de l’Isonzo furent livrées, entre juin et décembre
1915, mais elles ne permirent pas aux Italiens de prendre Trieste.
A gauche, fantassin italien du 3°
régiment alpin ; à droite, fantassin italien du 150° régiment d'Infanterie,
1916, musée des Invalides, Paris.
Au
final, l’armée italienne déplora d’importantes pertes, pour une progression
très relative : 130 000 tués côté italien contre 85 000 pour les
Autrichiens.
5° Première et deuxième batailles
de l’Artois, bataille de Loos et deuxième bataille de Champagne (mai à
novembre 1915) – Alors que la deuxième bataille d’Ypres
battait son plein, le général Joffre décida de lancer une offensive de
grande ampleur sur les lignes allemandes, entre Lens et Arras.
A
noter que c’est à cette période que fut fabriqué le casque Adrian,
destiné à équipé les armées à compter de septembre 1915 (l’Etat-major
français déplorait trop de pertes depuis 1914 à cause de blessures à la tête[7].).
Cependant, cet équipement n’était pas destiné à arrêter les balles, mais à
protéger la tête des éclats d’obus.
Trois casques Adrian (Infanterie,
chasseurs à pieds, Infanterie coloniale), musée de l'Infanterie,
Montpellier.
Les autres belligérants, à la même époque, décidèrent d’adopter des
protections de ce type[8] :
le casque Brodie côté britannique (breveté en 1915 mais diffusé en
grandes quantités au printemps 1916.), et le stahlhelm côté allemand
(adopté début 1916 en remplacement des traditionnels casques à pointe.).
A gauche, cervelière française ; à droite, casque allemand modèle1916 et
cuirasse de guetteur, musée des Invalides, Paris.
a)
La première bataille de l’Artois (9 au 15 mai 1915) : début mai, le
général Foch, à la tête de la X° Armée, fut chargé d’attaquer les positions
ennemies.
Le
9 mai 1915, suite à une intense préparation s’artillerie, les Français se
lancèrent à l’assaut, parvenant à prendre près de quatre kilomètres de
terrain à l’ennemi.
Médecin-lieutenant du 5° régiment de cuirassiers à pied
Cependant, alors que la route de Douai était proche, l’offensive fut stoppée
en raison d’un manque de réserves (en outre, les nouvelles positions étaient
difficilement défendables, et les Français furent contraints de reculer.).
Au
final, les pertes dans les deux camps furent considérables, et ce pour des
résultats médiocres (les Français progressèrent de quelques centaines de
mètres.). Ainsi, les Allemands déplorèrent la perte de 75 000 hommes, pour
100 000 défunts côté français (plus 11 000 morts pour les Britanniques.).
A
la suite de cette première bataille de l’Artois, les deux camps
mirent fin aux combats pendant plusieurs mois. Ainsi, après un été reposant,
les affrontements reprirent courant septembre 1915.
b)
Deuxième bataille de l’Artois (15 septembre à début novembre 1915) :
suite à un été relativement calme, l’Etat-major français lança une nouvelle
offensive en Artois, à la mi-septembre 1915.
Au
même moment, les Britanniques reçurent l’ordre d’attaquer la ligne La Bassée-Lens ;
alors que les II° et IV° Armées lançaient une nouvelle offensive en
Champagne (nous reviendrons sur ces deux assauts au paragraphe suivant.).
La
deuxième bataille de l’Artois débuta à la mi-septembre 1915, lorsque
les Français parvinrent à prendre Souchez, puis Vimy, deux villages non loin
d’Arras.
Cependant, la seconde ligne allemande parvint à stopper efficacement
l’avancée française.
c)
La bataille de Loos (25 septembre au 14 octobre 1915) : alors que les
Français lançaient une offensive de grande ampleur sur Arras, les
Britanniques, quant à eux, attaquaient Loos (une position au nord-ouest de
Lens.).
Afin d’appuyer leur progression, les troupes anglaises utilisèrent du chlore
(140 tonnes dans 5 100 bombonnes.), mais les vents ne furent pas favorables.
Ainsi, le nuage de gaz stagna entre les deux lignes de front, puis reflua
vers les tranchées britanniques. Par ailleurs, les Allemands bombardèrent
les positions ennemies, faisant exploser les bombonnes non utilisées, ce qui
vaporisa encore plus de gaz dans l’atmosphère.
Malgré cette déconvenue, les Britanniques parvinrent à prendre Loos, ainsi
que la redoute de Hohenzollern, une importante fortification
allemande.
La charge du régiment écossais à Loos, octobre 1915.
Mais les Allemands, lançant une importante contre-offensive le 3 octobre,
parvinrent à reprendre la redoute ; par ailleurs, ces derniers lancèrent une
nouvelle attaque le 8, soutenue par un bombardement intensif des positions
alliées, mais sans grand résultats.
Comme les Allemands ayant lancé l’offensive du 8 octobre avaient perdu 80%
de leurs officiers, les Britanniques tentèrent un nouveau coup de force le
13, mais il se solda sur un échec (les Anglais ne parvinrent qu’à prendre
une petite partie de la redoute de Hohenzollern.).
Début novembre 1915, une pluie abondante vint mettre un terme aux combats.
Au
final l’offensive fit 50 000 morts côté anglais, contre 25 000 environ pour
les Allemands.
d)
La deuxième bataille de Champagne (25 septembre 1915 au 6 novembre 1915) :
comme nous l’avons vu précédemment, les Français étaient parvenus à enfoncer
la ligne de front ennemie en Champagne, en début d’année 1915.
L’Etat-major français décida donc d’y lancer une nouvelle offensive le 25
septembre, afin de soutenir les attaques alliées opérées en Artois et à
Loos.
Ainsi, la II° Armée, sous le commandement du général
Philippe Pétain[9],
et la IV° Armée du général de Langle de Cary, parvinrent à enfoncer les
lignes allemandes, progressant de trois kilomètres en territoire ennemi.
Le général Pétain.
Cependant, l’Etat-major allemand dépêcha en hâte des renforts afin de
bloquer la progression des Français. Ces derniers furent contraints de
mettre un terme à leur offensive le 29 septembre ; cependant, les Allemands
lancèrent une contre-attaque à partir du 30 octobre, parvenant à récupérer
une bonne partie des territoires abandonnés aux Français.
La seconde bataille de Champagne, par Georg SCHOBEL, 1915, Deutsches historisches museum, Berlin.
Au
final, d’importantes pertes humaines étaient à déplorer pour un résultat une
nouvelle fois médiocre. Ainsi, les Français avaient perdu 140 000 hommes
lors de cette offensive, contre 72 500 pour les Allemands (plus 25 000
capturés.).
6° La Bulgarie entre en guerre, la
démission de Viviani, la constitution du ministère Briand (mi-octobre 1915)
– Alors que la plupart des pays des Balkans étaient proches de la
Triple-Entente, la Bulgarie était un Etat historiquement proche des Empires
centraux. Ainsi, Théophile Delcassé, ministre des Affaires étrangères, fut
chargé de convaincre la Bulgarie de ne pas prendre part au conflit.
a)
La Bulgarie entre en guerre : Cependant, malgré les efforts déployés
par la France, le roi bulgare Ferdinand I°, après avoir signé un
traité d’alliance avec les Empires centraux à la mi-septembre 1915, décida
de participer à la première guerre mondiale contre la Triple-Entente (5
octobre 1915.).
Ferdinand I°, roi de Bulgarie.
Rappelons que la seconde guerre balkanique, qui avait opposé la Bulgarie à
ses voisins s’était soldée sur un échec[10].
Le roi Ferdinand, en participant au conflit, comptait bien s’emparer de la
Macédoine et d’une bonne partie de la Serbie.
Très rapidement, l’armée bulgare occupa
l’Albanie, le nord de la Grèce et la Dobroudja.
Cependant, l’entrée en guerre fut très mal vécue
par les Bulgares, et de nombreuses mutineries éclatèrent dans l’armée.
b) La démission de Viviani, la constitution du
ministère Briand : l’échec des négociations avec la Bulgarie fut une
terrible défaite diplomatique pour la France.
Ainsi, Delcassé fut donc contraint de
démissionner à la mi-octobre ; le 29, le gouvernement Viviani fut renversé,
très critiqué par la Chambre des députés en raison des échecs successifs de
Joffre.
Le chef de l’Etat décida alors de faire appel au
socialiste Aristide Briand, qui constitua rapidement un nouveau
gouvernement : ainsi, récupérant les Affaires étrangères, le président du
conseil nomma le général Gallieni ministre de la Guerre ; Viviani reçut le
portefeuille de la Justice ; Paul
Painlevé[11]eut le ministère de l’Instruction
publique et des Beaux-arts.
Aristide Briand.
Par ailleurs, Malvy fut confirmé à l’Intérieur,
Ribot et Doumergue aux ministères des Finances et des Colonies.
A noter toutefois que Joffre fut confirmé à son
poste de généralissime.
7° La longue bataille de
l’Hartmannswillerkopf (janvier à décembre 1915)
– Alors que l’Etat-major français se concentrait principalement sur
l’Artois et la Champagne, d’importants combats se déroulèrent sur le front
des Vosges, dans l’Hartmannswillerkopf[12],
au cours de l’année 1915.
Ainsi, de janvier à décembre 1915, les deux belligérants s’affrontèrent afin
de s’emparer de l’Hartmannswillerkopf, ce sommet offrant un indéniable
avantage tactique en raison de sa position (il permettait de surveiller la
plaine en contrebas, où étaient retranchées les deux armées.).
La côte 425, avril 1915, par Georges
SCOTT, musée de l'Infanterie, Montpellier.
Ainsi, à l’origine occupé par la VII° Armée du général Maud’huy,
l’Hartmannswillerkopf fut la principale cible des attaques allemandes. Les
deux belligérants occupèrent la position à tour de rôle pendant plusieurs
semaines, mais les Allemands, s’emparant du sommet fin avril, préférèrent
l’évacuer car ce dernier était devenu une cible facile pour l’artillerie
lourde.
Les combats de l'Hartmannswillerkopf, Le Monde Illustré, 8 mai
1915.
Jusqu’à la fin de l’année, les Français tentèrent en vain de récupérer leurs
positions perdues en contrebas du sommet, ce qui entraîna de violents
combats.
Les combats de l’Hartmannswillerkopf firent environ 15 000 morts et 60 000
blessés dans les deux camps.
8° La bataille des Dardanelles
(février 1915 à janvier 1916) – L’Empire ottoman ayant
déclaré la guerre aux pays de la Triple-Entente le 5 novembre 1914,
l’Etat-major britannique décida en février 1915 de lancer une offensive
alliée sur le détroit des Dardanelles (à noter qu’au même moment les
Britanniques progressaient en Mésopotamie, où ils avaient débarqué en fin
d’année 1914, en direction de Bagdad[13].).
La campagne de Mésopotamie (1914).
Joffre, bien qu’hostile au projet, décida toutefois de ne pas s’y opposer.
L’objectif de l’Etat-major britannique était de forcer le détroit des
Dardanelles afin de ravitailler les Russes en armes et munitions ; mais
aussi d’imposer un blocus maritime dans cette région, afin de contraindre
Constantinople[14]
à déposer les armes.
Plusieurs pays décidèrent de participer à l’expédition : l’Angleterre, la
France, l’Inde, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
a)
L’échec de l’offensive navale (mars 1915) : en mars 1915, les
Britanniques débutèrent leur offensive en effectuant un bombardement naval
des positions turques. Cependant, le détroit était rempli de mines
sous-marines ; en outre, les rivages avaient été fortifiés par l’armée
turque.
Ainsi, malgré d’importantes opérations de déminage, trois cuirassiers alliés
furent coulés[15] ;
en outre, deux navires français[16]
furent sérieusement endommagés.
L’Etat-major britannique décida alors de combiner l’opération navale avec
une offensive terrestre.
La bataille des Dardanelles (1915).
b)
L’échec de l’offensive terrestre (avril 1915 à janvier 1916) : le 24
avril, les troupes alliées débarquèrent au cap Helles, au sud de la
péninsule de Gallipoli. Cependant, l’effet de surprise fit long feu car les
Turcs, qui savaient qu’un débarquement allié était prévu, avaient pris soin
de fortifier leurs positions.
Débarquement des troupes françaises au cap Helles, Le Monde Illustré,
8 mai 1915.
Subissant de plein fouet le feu des armes turques, et ce trouvant dans
l’impossibilité de creuser des tranchées sur un sol rocailleux, les alliés
parvinrent à tenir leurs positions, mais au prix d’importantes pertes.
A
noter que les Britanniques avaient sous-estimé l’armée ottomane, qui était
cependant entraîné et équipée depuis plusieurs années par l’Allemagne.
L’Etat-major britannique, voyant que la situation était dans l’impasse,
décida donc de mettre en place un nouveau débarquement, cette fois-ci un peu
plus au nord, dans la baie de Suvla (6 août 1915.).
Débarquement dans la baie de Suvla, août 1915.
Cependant, les troupes alliées ne progressèrent pas, subissant, outre la
menace turque, la soif et la dysenterie.
Constatant les très importantes pertes (150 000 morts, 100 000 blessés et
150 000 malades.), l’Etat-major britannique décida finalement d’évacuer la
péninsule de Gallipoli courant octobre 1915[17].
A
noter néanmoins que l’attaque alliée avait été meurtrière pour les Turcs,
ces derniers déplorant la perte de 150 000 tués et 100 000 blessés.
Suite à l’échec de la bataille des Dardanelles, les combattants
furent transportés à Salonique, malgré la neutralité de la Grèce.
c)
Le front d’Orient (octobre à décembre 1915) : suite à l’échec des
Dardanelles, 65 000 Français et 15 000 Britanniques débarquèrent à
Salonique, entre octobre 1915 et janvier 1916. Désormais, l’objectif de
l’Etat-major était de faire jonction avec les troupes serbes, menacées par
les austro-allemands à l’ouest, et par les Bulgares à l’est.
Cependant, l’offensive alliée fut un échec : en effet, les Bulgares
empêchèrent les deux armées de faire jonction ; les Allemands, quant à eux,
parvinrent à prendre Belgrade, capitale de la Serbie.
De
nombreux Serbes, sous la houlette de leur roi
Pierre I°[18],
furent alors contraints de quitter leur pays. Le souverain serbe, à la tête
d’une cohorte de 160 000 hommes et 10 000 animaux, se mit alors en marche
vers la côte adriatique, où se trouvait une flotte franco-britannique.
Pierre I°, roi de Serbie, Le Monde
Illustré, N° 3001, 26 juin 1915.
Les Serbes en exil furent alors installés dans l’île de Corfou, sous
contrôle allié.
9° Le front est (janvier à
décembre 1915) – Comme nous l’avons vu précédemment, les
Russes avaient été contraints en août 1914 d’évacuer la Prusse orientale,
bien que parvenant toutefois à conserver leurs positions en Galicie.
a)
La seconde bataille des lacs de Mazurie (7 au 22 février 1915) : le
général von Hindenburg, soucieux de repousser les troupes russes, lança donc
une importante offensive en février 1915.
La
seconde bataille des lacs de Mazurie fut un nouveau succès pour les
Allemands, qui parvinrent à enfoncer le flanc droit de l’armée ennemie.
Vaincus, les Russes, déplorant la perte de 55 000 tués et 90 000
prisonniers, reculèrent d’une centaine de kilomètres.
b)
L’offensive Gorlice-Tarnow (1er mai au 18 septembre 1915) :
puis, le 1er mai, Allemands et Autrichiens décidèrent de lancer
une offensive de grande ampleur afin de contraindre les Russes d’évacuer la
Galicie.
Ainsi, le général August von Mackensen[19],
à la tête de la XI° Armée allemande, attaqua la ligne ennemie entre
Gorlice et Tarnow. Au même moment, les soldats allemands se trouvant plus au
nord reçurent l’ordre d’attaquer.
Le général August von Mackensen.
Au
final, l’offensive Gorlice-Tarnow fut la victoire la plus brillante
des armées allemandes. Les Russes, repoussés jusqu’à la mi-septembre 1915,
abandonnèrent plus de 150 kilomètres à l’ennemi, perdant les conquêtes de
l’année dernière (ils furent contraints de s’établir sur une ligne Riga-Dvinsk-Câmpulung.).
Le front est (été 1915).
Ainsi, non seulement cette défaite constituait le plus grave revers pour
Nicolas II depuis le déclenchement de la Grande guerre ; en outre, les
pertes de l’armée russe furent colossales : 240 000 hommes, tués, blessés ou
disparus (contre 90 000 côté allemand.).
Suite à cette offensive, les Allemands ne parvinrent pas à prendre Riga,
important port russe sur la mer Baltique, mais ils s’emparèrent de Varsovie,
l’ennemi ayant été chassé de Pologne (mi-septembre 1915.).
10° Le théâtre africain (janvier à
décembre 1915) – L’année 1914 n’avait guère été favorable
aux Allemands combattant en Afrique. Ainsi, les alliés parvinrent à
poursuivre leur offensive en 1915, sauf en Afrique orientale allemande,
seule colonie allemande qui parvint à lutter efficacement contre les
Britannique.
a)
Campagne d’Afrique de l’ouest (août à décembre 1915) : comme nous
l’avons vu précédemment, l’année 1914 avait permis aux troupes
franco-britanniques de prendre le Togo, mais aussi la capitale du Cameroun.
Les Allemands se trouvant dans cette région, acculés, subirent une série de
revers en cours d’année 1915 : ainsi, ces derniers furent chassés de Garua
en juin 1915 ; ce réfugiant à Yaounda[20],
ils furent assiégés par les Français, qui parvinrent à prendre la cité en
novembre ; les dernières troupes allemandes de Yaounda, désespérées,
décidèrent alors de se rendre en Guinée espagnole[21],
où elles furent emprisonnées par les autorités.
A
noter toutefois le Cameroun, en fin d’année 1915, n’était pas totalement
entre les mains de la Triple-Entente. Ainsi, les dernières positions
allemandes dans la région ne tombèrent qu’en février 1916.
b)
Campagne d’Afrique du sud-ouest (août à décembre 1915) : ayant
réprimé la rébellion Maritz en fin d’année 1914, l’union d’Afrique du sud
décida de lancer une importante offensive contre le sud-ouest africain
allemand.
Les forces sud-africaines, commandées par le général
Jan Christiaan Smuts[22],
traversèrent la frontière courant mars ; à la mi-mai, elles s’emparèrent de
Windhoek, la capitale.
Le contingent sud-africain pendant la
campagne contre le sud-ouest africain allemand.
A
noter que les Allemands opposèrent toutefois une vive résistance, et
refusèrent de déposer les armes. Ces derniers, reculant vers Otavi, au nord,
furent cependant vaincus début juillet 1915.
La campagne de Namibie.
c)
Campagne d’Afrique de l’est (août à décembre 1915) : en 1915,
l’essentiel de la lutte se déroula sur le lac Tanganyika, les Britanniques
souhaitant impérativement contrôler cette zone stratégique.
Ainsi, trois navires de guerre y furent envoyés (soutenus par deux navires
belges.), mais ces derniers furent endommagés et coulés par la flotte
allemande.
[1]
Né en juillet 1838, Zeppelin rejoignit le Corps du Génie après être
sorti officier de l’école militaire de Ludwigsburg. Participant à la
guerre de Sécession américaine en tant qu’observateur, il
combattit lors de la guerre austro-prussienne de 1866, puis lors de
la guerre contre la France (1870). Quittant l’armée, Zeppelin
commença à travailler sur les ballons dirigeables à la fin du XIX°
siècle.
[2]
Rappelons que les dominions étaient des Etats libres au sein du
Commonwealth, l’Empire britannique.
[3]
A noter que les Français avaient utilisé des gaz lacrymogènes en
1914, pour des résultats quasiment nuls.
[4]
En effet, le chlore est un gaz soluble dans l’eau.
[5]
A noter qu’au déclenchement de la guerre, l’Italie avait décidé de
ne pas s’engager. En effet, elle estimait que l’Allemagne et
l’Autriche, lançant l’offensive contre la France et la Russie,
n’étaient pas « agressées » par les membres de la Triple Alliance
(la Triplice étant à la base une alliance défensive.).
[6]
A savoir l’Allemagne et l’Autriche, qui étaient deux Empires situés
au centre de l’Europe.
[7]
Au début du conflit, les soldats français disposaient d’une
cervelière, petite protection en métal destinée à être placée sous
le képi.
[8]
A noter que les casques allemands et britanniques, au contraire du
modèle français, pouvait être fabriqué à partir d’une seule pièce de
métal (ce qui rendait plus aisé sa fabrication de masse.).
[9]
Pétain, né en avril 1856, rentra à Saint Cyr en 1876. Catholique, il
ne participa à aucune conquête coloniale, restant cantonné en
France. Très tôt, Pétain s’opposa à la théorie de l’offensive à
outrance, préconisant au contraire des bombardements ciblés afin
d’affaiblir les positions ennemies. A noter qu’il ne fut nommé
général qu’au début de la guerre, fin août 1914, alors qu’il
comptait prendre prochainement sa retraite.
[10]
La Bulgarie avait été contrainte d’abandonner une partie de ses
Etats au profit de la Grèce, de la Roumanie, de la Serbie et de
l’Empire ottoman. Pour plus de détails sur la seconde guerre
balkanique, voir le b), 4, section III, chapitre troisième, la
troisième république.
[11]
Painlevé, né en décembre 1863, fit ses études à l’Ecole normale
supérieure, avant de devenir professeur de mathématiques. Entrant en
politique suite à l’affaire Dreyfus, Painlevé fut élu député en
1910, siégeant aux côtés des socialistes indépendants.
[13]
Les Britanniques parvinrent à remporter l’adhésion des tribus arabes
contre l’Empire ottoman en fin d’année 1915.
[14]
A noter que Constantinople ne fut renommée Istanbul qu’en 1930.
[15]
Le Bouvet, navire français, sauta sur une mine (à l’instar de
l’Irresistible de la Royal Navy.) ; l’Ocean, navire
britannique, fut coulé par un obus britannique.
[17]
L’évacuation des alliés dura jusqu’en janvier 1916.
[18]
Né en juin 1844, Pierre I° fit ses études à Saint Cyr, d’où il
sortit en 1864. Participant à la guerre de 1870 aux côtés de la
France, il fut blessé et emprisonné par l’ennemi, mais parvint
toutefois à s’échapper et à rejoindre l’armée française. Montant sur
le trône en 1903, Pierre I° mit en place un régime parlementaire,
imitant le modèle anglais (ce qui ne plût guère à Vienne, craignant
que la « contagion démocratique » ne s’étende aux Slovènes, aux
Croates et aux Bosniaques.). Ce faisant, il rompait avec la
politique de son prédécesseur, plus autoritaire et partisan d’un
rapprochement avec l’Autriche.
[19]
Von Mackensen, né en décembre 1849, participa à la guerre de 1870
contre la France, recevant le grade de lieutenant et la croix de
fer (en quelque sorte l’équivalent de la médaille militaire
française.). Intégrant l’Etat-major en 1891, Mackensen fut
anobli par Guillaume II en 1899.
[22]
Smuts était né en mai 1870 au sein d’une famille d’afrikaners (ces
derniers étant les descendants des colons européens non
anglophones.). Sa politique hostile à l’Allemagne fut donc mal
perçue par de nombreux Boers.