1° Le court ministère Brisson
(avril à décembre 1885) – Nommé président du conseil le 7 avril 1885,
suite à l’affaire du Tonkin, Brisson forma un ministère marqué à gauche.
Henri Brisson, Le Monde Illustré, N° 1285, 12 novembre 1881.
Récupérant le portefeuille de la Justice, le nouveau chef du gouvernement
confia à Charles de Freycinet le ministère des Affaires étrangères
; René Goblet fut nommé ministre de l’Instruction publique, des Beaux arts
et des Cultes ; Sadi Carnot
fut nommé ministre des Travaux
publics ; enfin, le général Campenon retrouva son poste à la Guerre.
a)
Les élections législatives d’octobre 1885 : début octobre 1885, de
nouvelles élections législatives furent organisées. Ces dernières, bien que
consacrant une fois de plus la victoire de la gauche, virent les partis de
droite faire un score plus qu’honorable (ces derniers, mettant en place un
programme commun, avaient fait campagne contre les expéditions outre mer et
la persistance de la crise économique.).
Ainsi, les bonapartistes récupérèrent 65 sièges, les monarchistes 73, et les
conservateurs 63 (soit plus de 200 élus, contre seulement 88 lors du
suffrage de 1881.).
A
gauche, les radicaux-socialistes obtenaient 60 sièges, soit 15 de plus qu’il
y a quatre ans ; suite à la scission de l’Union républicaine de Gambetta,
les membres de ce parti s’étaient divisés entre radicaux (40 sièges.) et
républicains (200 sièges.) ; enfin, l’on retrouvait aussi 83 modérés.
Les républicains, ne disposant plus d’une nette majorité, furent donc
contraints de se rapprocher des radicaux pour gouverner, ce qui entraîna une
augmentation de l’instabilité ministérielle.
b)
Les élections présidentielles de décembre 1885, la démission de Brisson :
en fin d’année 1885 furent organisées les élections présidentielles, le
mandat de Jules Grévy arrivant à son terme. Le président sortant, affaibli,
décida toutefois de se représenter devant l’insistance de son gendre
Daniel Wilson.
Les élections furent finalement un succès pour Grévy, qui fut réélu le 28
décembre 1885 avec près de 80% des suffrages.
Ces adversaires malheureux étaient Charles de Freycinet (2,5%.) et Henri
Brisson (11%.). Ce dernier, suite à son échec aux élections, décida alors de
présenter sa démission à Grévy.
2° Le troisième ministère Freycinet, la montée du boulangisme
(1886) – Le 7 janvier 1886, ce fut Charles de Freycinet qui fut nommé
président du conseil, pour la troisième fois.
Ce
dernier, conservant le portefeuille des Affaires étrangères, constitua alors
un nouveau gouvernement. L’on y retrouvait René Goblet, confirmé au
ministère de l’Instruction publique, des Beaux arts et des Cultes ; Sadi
Carnot, transféré aux Finances ; Charles Baïhaut aux Travaux
publics ; ainsi que le général Georges
Ernest Jean Marie Boulanger
à la Guerre.
Le général Boulanger.
a)
Les réformes du général Boulanger : ce dernier ne tarda guère à faire
parler de lui. Ainsi, dès janvier, le général Boulanger fit accélérer
l’adoption et la mise en fabrication du fusil Lebel modèle 1886.
L’objectif était de donner un successeur aux fusils
Chassepot
(adopté en 1866.) et
Gras
(adopté en 1874.), la Prusse ayant
adopté l’année précédente le Mauser Gewehr 71/84, possédant un
magasin tubulaire (les cartouches y étaient stockées les unes derrière les
autres, réduisant drastiquement le temps de recharge.).
Fusil Chassepot (en haut) et fusil Gras
(en bas).
Si
le Chassepot avait prouvé sa supériorité lors de la guerre de 1870 (l’engin
avait une portée de tir de plus d’un kilomètre.), il ne pouvait tirer qu’un
coup et s’encrassait rapidement. Le fusil Lebel, au contraire, était équipé
d’un magasin tubulaire pouvant contenir 8 cartouches, disposait d’une portée
de quatre kilomètres, et tirait des balles composées de nitrocellulose (il
s’agissait de poudre ne produisant pas de fumée lors du tir, et ne déposant
que peu de résidus de combustion sur l’arme.).
Fusil Lebel (en haut) et fusil Mauser Gewehr 71/84
(en bas).
A
noter par ailleurs que le ministre des la Guerre introduisit plusieurs
changements au sein de l’armée : autorisation du port de la barbe,
réorganisation du contre-espionnage, remplacement des paillasses par des
sommiers, durée du service militaire réduite de cinq à trois années,
suppression des dispenses pour les ecclésiastiques et les jeunes bourgeois
faisant des études.
Les réformes du général Boulanger,
caricature publiée dans Le Grelot, vers 1886.
Ces quelques réformes lui attirèrent la sympathie des militaires mais aussi
des conservateurs, Boulanger incarnant l’esprit de revanche de cette France
meurtrie par la guerre de 1870. Le général, considéré comme « l’homme
providentiel », reçut aussi le soutien de la Ligue des patriotes de
Paul Déroulède,
comptant près de 200 000 membres à travers toute la France.
Paul Déroulède, par Jean François PORTAELS, 1877, musée des
Invalides, Paris.
b)
La loi d’exil (juin 1886) : en mars 1886, une somptueuse fête fut
organisée à l’Hôtel Galliera
par Philippe d’Orléans, en l’honneur des fiançailles de sa fille Amélie
avec Charles, prince du Portugal. Puis, le 15 mai, le mariage fut
célébré.
Amélie et Charles du Portugal.
Cette cérémonie fut jugée scandaleuse par les républicains, d’autant plus
qu’aucun membre du gouvernement n’y avait été invité.
Ainsi, les députés promulguèrent une nouvelle loi d’exil le 23 juin
1886, interdisant l’accès et le séjour sur le sol français aux chefs des
familles ayant régné sur la France ; en outre, il était interdit aux hommes
de ces familles de servir dans l’armée.
De
ce fait, Philippe d’Orléans fut contraint de s’exiler en Angleterre ;
Victor Jérôme Frédéric Napoléon Bonaparte, quant à lui, décida de se
réfugier en Belgique.
Par la suite, le général Boulanger épura les cadres monarchistes et
impérialistes de l’armée, tels que Joachim Joseph Napoléon Murat,
petit fils du maréchal Murat ; Robert d’Orléans, duc de
Chartre, fils de Ferdinand Philippe d’Orléans (décédé en 1842, il
était l’ainé de Louis Philippe I°.) ; Louis d’Orléans, duc de Nemours
(second fils de Louis Philippe.) ; Ferdinand d’Orléans, duc d’Alençon
(fils du précédent.) ; et Henri d’Orléans, duc d’Aumale (il était le
cinquième fils de Louis Philippe.).
La
fermeté de Boulanger lui valut les applaudissements des élus radicaux à la
Chambre des députés.
Le général Boulanger, par J. WILLIAMSON, fin du XIX° siècle,
musée Carnavalet, Paris.
En
fin d’année 1886, le gouvernement Freycinet fut mis en minorité par la
Chambre des députés. Le président du conseil décida alors de présenter sa
démission à Jules Grévy, qui le remplaça par René Goblet.
3° Le ministère Goblet, l’affaire Schnæbelé (janvier 1886 à
mai 1887) – Le nouveau président du conseil, suite à sa nomination, mit
en place un nouveau gouvernement (décembre 1886.). A noter cependant que ce
dernier fut expurgé de ses éléments radicaux, le nouveau ministère s’étant
rapproché des conservateurs.
Ainsi, Goblet conservait le portefeuille de l’Instruction publique, des
Beaux arts et des Cultes ; Boulanger fut confirmé à la Guerre ; la plupart
des ministres du précédent gouvernement furent eux aussi renouvelés dans
leurs fonctions.
Le
principal fait marquant de ce ministère fut l’affaire Schnæbelé,
scandale qui éclata en avril 1887.
Comme nous l’avons vu précédemment, le général Boulanger s’était attiré de
nombreuses sympathies en se présentant comme le « général revanche »,
vengeur de la France humiliée par la guerre de 1870.
Ce
dernier, multipliant les provocations envers l’Allemagne (érections de
baraquements dans le Territoire de Belfort,
interdiction de faire jouer des opéras allemands dans la capitale, etc.),
avait développé un important réseau d’espionnage dans les départements
annexés par le deuxième Reich suite à la guerre de 1870. Pour ce faire, le
ministre de la Guerre s’était appuyé sur plusieurs fonctionnaires
connaissant bien la région.
Cependant, le chancelier Otto von Bismarck ne tarda guère à prendre
connaissance de ces activités d’espionnage français, vraisemblablement à
cause d’agents doubles parmi les fonctionnaires lorrains collaborant avec
Boulanger (à noter qu’en mars 1887, Bismarck fit voter une loi augmentant
les effectifs de l’armée allemande de 40 000 hommes, ce qui entraina de
vives tensions des deux côtés de la frontière.).
Une rue de Berlin pendant la nuit,
par Lesser URY, 1889, Alte Nationalgalerie, Berlin.
Les Allemands décidèrent alors de tendre un piège à un de ces espions
français, choisissant Guillaume Schnæbelé, commissaire de police
résidant à Pagny sur Moselle, dans le département de la Meurthe
(c'est-à-dire en Lorraine française.).
Ainsi, ce dernier fut invité à rendre visite à son homologue d’Ars sur
Moselle (dans le département de la Moselle, en Lorraine allemande.), au
prétexte que le poteau délimitant la frontière allemande avait été
vandalisé.
Toutefois, alors que Schnæbelé se trouvait sur la frontière
franco-allemande, attendant son homologue, le commissaire de police fut
interpellé par deux agents des services de renseignement allemands. Par la
suite, Schnæbelé fut incarcéré et interrogé sur ses activités.
L'arrestation de Guillaume Schnæbelé.
A
Paris, l’arrestation de Schnæbelé fit scandale. Ainsi, la Chambre des
députés proposa d’envoyer un ultimatum au gouvernement allemand ; le général
Boulanger, soutenu par Goblet, se déclara prêt à décréter la mobilisation
générale des troupes.
Toutefois, le président de la république n’était pas partisan d’un nouveau
conflit avec l’Allemagne, la France étant toujours sans alliés et ses
chances de remporter la guerre trop faibles.
Emile Flourens, le ministre des Affaires étrangères, n’était pas non
plus favorable au déclenchement d’un nouvel affrontement avec l’Allemagne.
Ainsi, il décida d’envoyer un simple courrier à Berlin, demandant des
précisions quant à l’arrestation de Schnæbelé. En effet, que son arrestation
ait eu lieu ou non en territoire allemand, ce dernier s’y était rendu en
raison d’une convocation officielle (retrouvée dans son bureau.), qui avait
valeur de sauf-conduit en droit international.
Finalement, Bismarck, empêtré dans des difficultés politiques en Allemagne,
décida de faire relâcher Schnæbelé fin avril, classant l’affaire sans suite.
A
Paris, cette affaire entraîna une rupture entre Boulanger et les députés
radicaux, ces derniers reprochant au ministre de la guerre sa politique
personnelle, véritable casus belli vis-à-vis de l’Allemagne, et qui
aurait pu entrainer de graves conséquences.
Ainsi, le 17 mai 1887, les radicaux parvinrent à faire tomber le ministère
Goblet.
4° Le court ministère Rouvier (mai à octobre 1887) –
Suite à la démission de Goblet, ce fut
Maurice Rouvier
qui fut chargé de constituer un nouveau ministère (31 mai 1887.).
Maurice Rouvier, Le Monde Illustré,
N° 1287, 26 novembre 1881.
Le
nouveau venu, ancien membre de l’Union républicaine, récupéra le ministère
des Finances ; Emile Flourens fut confirmé aux Affaires étrangères ; Armand
Fallières (président du conseil en début d’année 1883.) eut l’Intérieur.
a)
L’éviction de Boulanger (juillet 1887) : le général Boulanger, sur la
sellette depuis l’affaire Schnæbelé, perdit son portefeuille de la Guerre,
ce qui entraîna de vives protestations de ces admirateurs, qui critiquèrent
ce « ministère allemand. »
En
raison de sa grande popularité, le gouvernement décida d’écarter Boulanger
en le nommant commandant du 13° corps d’armée à Clermont Ferrand.
Le
8 juillet, près de 10 000 partisans du général bloquèrent le départ de son
train à la gare de Lyon, collant des affiches portant l’inscription « il
reviendra ! »
Le départ du général Boulanger pour Clermont Ferrand, perturbé par des
manifestations.
b)
Le scandale des décorations (octobre 1887) : en septembre 1887 éclata
le scandale des décorations, une affaire qui provoqua l’indignation
de la classe politique et entama durablement le « capital confiance »
qu’avait engrangé la troisième république depuis 1871.
Ainsi, la presse révéla un trafic de décorations, organisé par Daniel Wilson,
gendre de Jules Ferry, président de la république (il avait épousé Alice
Grévy en octobre 1881.).
Daniel Wilson et Alice Grévy.
Parlementaire influent, Wilson avait installé ses bureaux dans une des ailes
de l’Elysée. Il y recevait hommes d’affaires, politiques et militaires, qui,
en échange de décorations, versait d’importantes sommes d’argent à Wilson.
Ce
dernier investissait ensuite les fonds récoltés dans ses entreprises, mais
en profitait aussi pour financer une vingtaine de journaux, destinés à
augmenter son influence en province.
A
noter que si les activités de Wilson étaient connues par de nombreux
notables depuis un certain temps, il n’était pas aisé de mettre en
accusation le gendre du président de la république, protégé par l’immunité
parlementaire.
Rouvier, qui tenta de protéger Wilson, fut mis en minorité par la Chambre
des députés et contraint de démissionner (19 novembre 1887.) ; Grévy, quant
à lui, fut poussé à la démission par les radicaux (Clémenceau initia la
grève des ministres le 20 novembre, chaque député nommé par le chef de
l’Etat devrait refuser de former un nouveau gouvernement.).
Assiette à soupe, par Alfred le Petit, fin du XIX° siècle, musée Carnavalet,
Paris. Cette dernière porte l'inscription suivant : La Violette, Jules Grévy
: Modeste comme cette fleur, l'ex-président de la république, dégoûté
de la politique, met au billard tout son bonheur (en effet, il était
de notoriété publique que Grévy, président peu actif, avait une passion pour
le billard).
Toutefois, comme Grévy refusait de démissionner, une violente campagne de
presse se déclencha à la fin novembre, bientôt relayée par la rue (le 2
décembre, plusieurs centaines de Parisiens manifestèrent place de la
Concorde afin de réclamer le départ de Grévy.).
"Wilsonneries", caricature publiée par La jeune garde, 1887 (l'on reconnait
Wilson, au centre, distribuant de l'argent à Rouvier, à sa droite. La
légende indique "Bon appétit, messieurs... Ô ministres intègres..", il
s'agit de vers issus de la pièce de théâtre "Ruy Blas", par Victor Hugo).
Finalement, le chef de l’Etat décida d’abandonner ses fonctions, envoyant à
la Chambre des députés sa lettre de démission : j’en appelle à la
France ! Elle dira que, pendant neuf années, mon gouvernement a assuré la
paix, l’ordre et la liberté.
Le
lendemain, le quotidien conservateur Le Gaulois publia une analyse
mordante de la lettre de Jules Grévy : c’est le mari qui, après avoir
constaté son infortune, s’écrie : j’ai fermé la porte très fort, ils ont
bien vu que je n’étais pas content.
Quant à Daniel Wilson, mis en accusation en décembre 1887, il fut condamné à
deux ans de prison en février 1888 ; toutefois, le gendre du président fit
appel de la décision et fut finalement acquitté le 27 mars de la même année.
5° L’élection de Sadi Carnot (décembre 1887) – Le 3
décembre 1887, dès le lendemain de la démission de Jules Grévy, la Chambre
des députés organisa un vote afin d’élire le nouveau président de la
république.
Plusieurs élus décidèrent alors de se présenter aux élections
présidentielles : à gauche, l’on retrouvait le radical Henri Brisson,
candidat malheureux aux suffrages de 1886 ; les anciens présidents du
conseil Jules Ferry et Charles de Freycinet, toute deux représentant les
républicains ; ainsi que Sadi Carnot, proche des modérés.
A
droite, deux candidats s’étaient présentés, les généraux
Félix Gustave Saussier
et Félix Antoine Appert,
tous deux conservateurs.
Sadi Carnot et le général Saussier.
Au
premier tour, Carnot était en tête avec 35% des suffrages, suivi de près par
Ferry (25%.) et le général Saussier (17,5 %.). Les autres candidats étaient
loin derrière, Freycinet et Appert recevant environ 8% des suffrages,
Brisson seulement 3%.
Cependant, les manifestations se multiplièrent suite à l’annonce des
résultats. Ainsi, des rumeurs commencèrent à circuler, faisant état d’un
coup d’Etat organisé par les socialistes au cas où Ferry (haï à
l’extrême-gauche en raison de sa politique coloniale.) serait élu.
Clémenceau, craignant l’arrivée d’un président à la personnalité trop
affirmée, appela alors à voter pour Sadi Carnot (votons
pour Carnot, c’est le plus bête, mais il porte un nom républicain.).
Freycinet et Ferry, souhaitant éviter une nouvelle Commune mais aussi faire
barrage à la droite, décidèrent alors de se désister.
Ainsi, ce fut Sadi Carnot qui récolta la majorité des suffrages (75%), suivi
de très loin par Saussier (22%.). Les autres candidats franchirent à peine
le seuil des 1% de votes favorables.
Suite à son élection, le nouveau président de la république confia à son ami
Pierre Tirard
la charge de chef du gouvernement.
Pierre Tirard.
6° La crise boulangiste (janvier 1888 à avril 1889) – Le
président du conseil, suite à sa nomination, mit en place un ministère
composés de républicains modérés.
Tirard, récupérant le ministère des Finances, confirma Fallières à la
Justice et Flourens au Affaires étrangères. L’on retrouvait aussi
Emile Loubet
aux Travaux publics, ainsi que le
général François Auguste Logerot à la Guerre.
Emile Loubet vers 1888.
Une des premières décisions de Logerot fut de mettre à la retraite le
général Boulanger (17 mars 1888.), qui, depuis son exil à Clermont Ferrand,
se trouvait au centre de toutes les intrigues politiques (en janvier, ce
dernier avait reçu un financement de Victor Bonaparte, prétendant impérial,
afin de se présenter aux élections législatives partielles de février.).
Le
général, désespéré de voir sa carrière militaire ruinée, décida alors de se
lancer ouvertement dans la lutte politique.
Se
trouvant à la tête d’une coalition hétéroclite de mécontents (nationalistes,
revanchards, bonapartistes, monarchistes et quelques radicaux.), le général
fut élu député en juillet 1888, faisant une entrée triomphale au sein de
l’hémicycle.
A
noter qu’entretemps le gouvernement Tirard, mis en minorité à l’assemblée
suite à un vote négatif concernant une révision mineure de la constitution,
avait été dissous (fin mars 1888.).
Sadi Carnot décida alors d’accorder sa confiance à
Charles Floquet,
un radical, qui composa un ministère plus marqué à gauche que le précédent.
Caricature de Charles Floquet.
Ainsi, outre le nouveau président du conseil, qui s’était réservé le
ministère de l’Intérieur, l’on retrouvait René Goblet aux Affaires
étrangères, et Charles de Freycinet à la Guerre.
L’arrivée de Boulanger au sein de l’assemblée fit grand bruit, et, très
rapidement, le général eut une violente altercation avec Floquet, le nouveau
président du conseil.
Dès le lendemain, les deux hommes se battirent en duel. Boulanger, militaire
expérimenté et meilleur bretteur, avait toutes les chances de gagner ;
toutefois, le président du conseil, bien que sexagénaire, provoqua la
surprise en blessant le général au cou (13 juillet 1888.).
Duel entre le général Boulanger et Charles Floquet.
Boulanger, humilié et affaibli, ne souhaitait pas en rester là. Financé par
Marie Adrienne Anne Victurnienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart,
duchesse d’Uzès (cette dernière, fervente orléaniste, pensait ainsi
favoriser le retour du duc d’Orléans.), Boulanger reçut de nombreux soutiens
en provenance des monarchistes, déçus d’avoir manqué la restauration et
soucieux d’affaiblir les républicains.
En
janvier 1889, le général se présenta à de nouvelles élections législatives
partielles, sur un programme en trois mots :
dissolution, révision, constituante.
Elu à une large majorité, Boulanger célébra sa victoire au restaurant
Chez Durand, place de la Madeleine, entouré par 50 000 partisans.
Ces derniers interpellèrent alors le général, l’incitant à marcher sur
l’Elysée afin de prendre le pouvoir. Mais Boulanger, prudent, préféra rester
dans la légalité : pourquoi voulez vous que j’aille conquérir
illégalement le pouvoir quand je suis sûr d’y être porté dans six mois par
l’unanimité de la France ?
A gauche, caricature anti-boulangiste,
présentant le général comme un bélier (tenu entre autres par Napoléon III)
destiné à faire tomber la république ; à droite, caricature pro-boulangiste
présentant le général en lutte contre une république corrompue.
Le
14 février 1889, le gouvernement Floquet fut mis en minorité à la Chambre
des députés, suite au rejet d’un projet de loi visant à réformer les
modalités des élections législatives.
Carnot décida alors de confier à nouveau la charge de président du conseil à
son ami Pierre Tirard.
Ce
dernier, ayant reçu le soutien des radicaux (l’objectif était de lutter
activement contre la menace boulangiste.), forma donc un nouveau
gouvernement.
Tirard, outre sa charge de président du conseil, récupérait le ministère du
Commerce et de l’Industrie ; Jean
Antoine Ernest Constans
était nommé ministre de l’Intérieur ; Maurice Rouvier reçut le
portefeuille des Finances ; Fallières eut l’Instruction publique et les
Beaux arts ; enfin, Freycinet était confirmé à la Guerre.
Jean Antoine Constans.
L’une des premières actions du second ministère Tirard fut de discréditer
Boulanger et de couper ses appuis.
Ainsi, Constans, le ministre de l’Intérieur, décida de s’attaquer à la Ligue
des patriotes de Paul Déroulède, en vertu de la loi sur les sociétés
secrètes.
Le procès de la Ligue des patriotes - L'audience du 2 avril à la 8° chambre
correctionnelle, Le Monde Illustré, N° 1672, 13 avril 1889.
Puis, le 1er avril 1889, il courir le bruit qu’un ordre
d’arrestation devait être porté contre Boulanger, et que le même jour la
Chambre des députés voterait la levée de son immunité parlementaire.
Effrayé, le général quitta la capitale dès le lendemain afin de se réfugier
à Bruxelles ; quelques jours après, l’assemblée leva son immunité
parlementaire ; enfin, à la mi-août 1889, le général Boulanger fut condamné
par contumace pour complot contre la sûreté intérieure, détournement de
fonds et corruption.
Suite à son départ précipité de Paris,
Boulanger résida en Belgique en compagnie de sa maitresse. Lorsque
celle-ci mourut, le 16 juillet 1891, le général décida de la suivre
dans la tombe, et se suicida d’un coup de revolver le 31 septembre
de la même année.
Le suicide du général Boulanger.
7° L’exposition universelle de Paris (mai à octobre 1889) –
Le 6 mai 1889, Sadi Carnot inaugura l’exposition universelle de Paris,
la quatrième de son histoire après celles de 1855, 1867
et 1878 (le thème de
cet évènement était le centenaire de la Révolution française.).
A gauche, Sadi Carnot proclamant l'ouverture de l'exposition universelle, Le Monde Illustré, N°
1676, 11 mai 1889 ; à droite,
Sadi Carnot et ses ministres devant l'Opéra de Paris, fragment du
Panorama du siècle (exécuté à l'occasion de l'exposition
universelle, il représentait les personnalités marquantes du siècle écoulé),
par Henri GERVEX et Alfred STEVENS, 1889, musée Carnavalet, Paris.
Suite à l'inauguration, les visiteurs découvrirent les deux principaux
édifices érigés à l'occasion de l'exposition universelle de 1889 : la galerie des machines et la
tour Eiffel.
La galerie des machines.
Le
premier bâtiment était à l’époque la plus importante structure métallique
d’Europe, mesurant 420 mètres de long sur 110 de large.
Les pavillons des arts et de l’industrie, installés dans cette galerie,
contribuèrent au développement de l’Art nouveau.
Le dôme central de la galerie des machines durant l'exposition de 1889,
par Louis BEROUD, musée d'Orsay, Paris.
La galerie des machines, Le Monde
Illustré, N° 1686, 20 juillet 1889.
La
tour Eiffel, dont les travaux avaient commencé en 1887, fut elle aussi un
des succès de l’exposition, accueillant deux millions de visiteurs.
Toutefois, bien qu’étant présenté comme une merveille technologique (haute
de 318 mètres, la tour resta longtemps l’édifice le plus haut du monde.),
l’œuvre d’Eiffel fut vivement critiquée par de nombreux intellectuels, tels
que Guy de Maupassant, Charles Gounod, Charles Lecomte de
Lisle, Alexandre Dumas fils, et Paul Verlaine : nous
venons […] protester de toutes nos forces […] au nom de l'art
et de l'histoire français menacés, contre l'érection, en plein cœur de notre
capitale, de l'inutile et monstrueuse tour Eiffel […]. Sans tomber
dans l'exaltation du chauvinisme, nous avons le droit de proclamer bien haut
que Paris est la ville sans rivale dans le monde. […] La ville de
Paris va-t-elle donc s'associer plus longtemps aux baroques, aux mercantiles
imaginations d'un constructeur de machines, pour s'enlaidir irréparablement
et se déshonorer ? Car la tour Eiffel […] c'est […] le
déshonneur de Paris. Il suffit, d'ailleurs, pour se rendre compte de ce que
nous avançons, de se figurer un instant une tour vertigineusement ridicule,
dominant Paris, ainsi qu'une gigantesque et noire cheminée d'usine, écrasant
de sa masse barbare Notre Dame, […] le Louvre, le dôme des Invalides,
l’Arc de Triomphe, tous nos monuments humiliés, toutes nos architectures
rapetissées, qui disparaîtront dans ce rêve stupéfiant. Et pendant vingt ans
nous verrons s'allonger sur la ville entière, frémissante encore du génie de
tant de siècles, nous verrons s'allonger comme une tache d'encre l'ombre
odieuse de l'odieuse colonne de tôle boulonnée.
Les travaux de construction de la tour Eiffel.
Mais l’édifice, qui n’était à l’origine que provisoire, parvint finalement à
résister aux projets de démantèlements, pour devenir aujourd’hui l’un des
symboles de Paris et de la France.
L'exposition universelle de
1889 vue du ciel.
Outre ces deux édifices, plusieurs attractions étaient proposées aux
visiteurs : les pavillons des pays participant à l'exposition, installés sur
le Champ de Mars ; une fontaine installée devant la galerie des machines,
reliée à un courant électrique, changeait de couleur au son de la musique
jouée par une fanfare ; un « village nègre », composé de 400
indigènes, était situé non loin des pavillons coloniaux ; le spectacle « Wild
West Show » de Buffalo Bill ; une reconstitution de la Bastille
sur l'esplanade des Invalides ; enfin, comme en 1878, des ballons captifs
furent loués aux visiteurs afin de pouvoir admirer l'exposition depuis le
ciel.
Le pavillon du Mexique, Le Monde
Illustré, N° 1686, 20 juillet 1889.
Le pavillon de l'Annam et du Tonkin,
Le Monde Illustré, N° 1701, 2 novembre 1889.
La fontaine monumentale du Champ de Mars,
Le Monde Illustré, N° 1698, 12 octobre 1889.
La Buffalo Bill's company - Une scène du
combat entre les cow-boys et les indiens, Le Monde Illustré,
N° 1679, 1er juin 1889.
L’exposition universelle fut aussi l’occasion pour de nombreux visiteurs de
découvrir de nouvelles technologies : l’électricité, qui commençait
peu à peu à remplacer les éclairages au gaz dans la capitale ; la soie
artificielle ; ainsi que le perfectionnement de l’outillage dans
l’industrie de la houille et de l’acier.
Par ailleurs, la machine à calculer de Léon Bollée (permettant de
faire 100 divisions, 120 racines carrées ou 250 multiplications en une
heure.) remporta une médaille d'or.
Machine à calculer de Léon Bollée, 1889, musée des Arts & Métiers, Paris.
8° Les élections législatives d’octobre 1889, la chute du
ministère Tirard – De nouvelles élections législatives furent organisées
à l’automne 1889. A noter toutefois que les scores réalisés par les
différents partis au mois d’octobre ne furent guères différents de ceux
obtenus en 1885.
L'afficheur municipal au travail (la légende, non dénuée d'humour, indique :
"qui qu'aime les électeurs ? C'est ma sœur").
A
droite, les bonapartistes obtinrent 52 sièges, les boulangistes 72, les
royalistes 86 (soit 210 sièges au total contre 201 en 1885.
A
gauche, les grands gagnants étaient les radicaux, qui récupéraient 100
sièges (contre seulement 40 lors du dernier scrutin.). Les républicains,
quant à eux, conservaient leur hégémonie sur l’assemblée, récupérant 216
sièges. Les modérés, enfin, étaient en baisse, ne disposant que de 38 élus.
En
mars 1890, Tirard fut mis en difficulté suite à la démission de Constans, le
ministre de l’Intérieur. Le président du conseil décida alors de se retirer,
laissant sa place à Charles de Freycinet.
Le
nouveau président du conseil, nommé pour la quatrième fois, forma un
gouvernement composé d’une bonne partie des ministres du cabinet précédent.
Ainsi, conservant le ministère de la Guerre, Freycinet confia le ministère
de la Justice à Fallières ; Constans reçut l’Intérieur ; Jules Méline fut
nommé ministre de l’Agriculture ;
Alexandre Félix Joseph Ribot
eut les Affaires étrangères ; enfin,
Rouvier fut confirmé aux Finances.
Alexandre Ribot.
9° Le long ministère Freycinet (mars 1890 à février 1892),
Léon XIII et le ralliement – Ce quatrième ministère Freycinet fut
surtout marqué par les remous causés par les propos du pape
Léon XIII
au sujet de la jeune république française.
Le pape Léon XIII.
Ainsi, alors que les précédents occupants de la chaire de Saint Pierre
étaient ouvertement conservateurs, et partisans d’un rétablissement de la
monarchie en France, Léon XIII, au contraire, souhaitait mettre un terme à
cette querelle vieille de près d’un siècle.
Un
premier tollé dans l’opinion catholique eut lieu suite au toast d’Alger
(novembre 1890.), alors que le cardinal Charles Martial Allemand
Lavigerie, cardinal d’Alger, prononça le discours suivant, lors d’une
réception à laquelle avaient été conviés des officiers de Marine de passage
dans cette cité : l'union, en présence de ce passé qui saigne encore, de
l'avenir qui menace toujours, est en ce moment, en effet, notre besoin
suprême. L'union est aussi […] le premier vœu de l’Eglise et de ses
Pasteurs à tous les degrés de la hiérarchie. […] Quand la volonté
d'un peuple s'est nettement affirmée, que la forme d'un gouvernement n'a
rien en soi de contraire, comme le proclamait dernièrement Léon XIII, aux
principes qui seuls peuvent faire vivre les nations chrétiennes et
civilisées, lorsqu'il faut, pour arracher enfin son pays aux abîmes qui le
menacent, l'adhésion sans arrière-pensée à cette forme de gouvernement, le
moment vient de déclarer enfin l'épreuve faite et, pour mettre un terme à
nos divisions, de sacrifier tout ce que la conscience et l'honneur
permettent, ordonnent à chacun de nous de sacrifier pour le salut de la
patrie.
Le port d'Alger, par Jules Alexis MUENIER, 1888, musée
d'Orsay, Paris.
Alors qu’en France, cette déclaration fit scandale dans les milieux
légitimistes, le souverain pontife officialisa sa position en février 1892,
diffusant l’encyclique Au milieu des sollicitudes, publiée en
français.
Ainsi, l’objectif du pape n’était pas d’apporter son soutien à la politique
anticléricale adoptée à l’époque (fermeture des écoles catholiques,
suppression des signes religieux, etc.), mais d’inciter les catholiques à
reconnaitre et à rallier la jeune république (l’objectif était aussi
d’empêcher l’extrême gauche anticléricale de gouverner seule.).
Cependant, les déclarations du souverain pontife ne firent que déchirer les
catholiques en deux clans : d’un part, les ralliés, qui acceptèrent
de participer à la vie politique française ; d’autre part, les monarchistes
toujours partisans d’un rétablissement de la royauté, soutenus par la
majorité des évêques de France.
A
noter par ailleurs que Léon XIII, humaniste et libéral, dénonça la
concentration de pouvoir des grands industriels et des grands propriétaires
terriens, qui imposaient un joug quasi-servile à la multitude des
prolétaires (le pape n’était toutefois pas non plus favorable au communisme,
ce dernier considérant que la propriété était un droit inaliénable pour
chaque être humain.).
A
noter que fut adoptée le 11 janvier 1892 la loi Méline, établissant
le retour au protectionnisme.
De nombreux députés étaient favorables à cette mesure, voyant la fermeture
des frontières comme le moyen idéal de diminuer les importations, limiter le
chômage, et développer l’industrie française.
Quelques semaines plus tard, le 18 février 1892, Freycinet, mis en minorité
à la Chambre des députés, décida de présenter sa démission à Sadi Carnot.
Son successeur fut Emile Loubet, qui, récupérant le ministère de
l’Intérieur, confirma Freycinet à la Guerre, Ribot aux Affaires étrangères,
et Rouvier aux Finances.
10° Le scandale de Panama (1876 à 1892) – En novembre
1854, le vice-roi d’Egypte Ismaïl Pacha avait cédé une concession à
la France, en prévision du percement du futur canal de Suez. La
supervision des travaux fut confiée au diplomate Ferdinand, comte de
Lesseps,
qui, après plus d’une décennie de tracasseries en tous genres,
inaugura le canal le 17 novembre 1869.
L'inauguration du canal de Suez.
a)
Des premiers travaux de recherche à l’adoption du tracé du canal de
Panama (1876 à 1878) : reconnu internationalement, de Lesseps rejoignit
à l’été 1876 une équipe d’ingénieurs chargée d’explorer la région du Panama
et d’y trouver une route qui conviendrait le mieux au percement d’un futur
canal.
Ferdinand, comte de Lesseps.
Puis, une fois les travaux de recherche achevés,
Lucien Napoléon Wyse-Bonaparte,
qui dirigeait l’expédition, parvint à obtenir des Etats Unis de Colombie
une concession pour la construction du canal (mars 1878.).
Au
printemps 1879, la Société de géographie
de Paris,
intéressée par le projet, décida de réunir un congrès international
(comptant 136 membres, en provenance de 26 pays.),
en vue du percement du futur canal.
La
même année, de Lesseps fit part de son projet d’études devant le congrès,
proposant de percer un canal à niveau, long de 75 kilomètres, dans l’isthme
de Panama. Le coût de la construction, deux fois plus élevé qu’un canal à
écluses,
était estimé à 600 millions de francs
; toutefois, les plans du comte de Lesseps furent approuvés par la
majorité des congressistes.
b)
Des travaux difficiles entrainent des problèmes financiers (1879 à 1888)
: en juillet 1879, de Lesseps donna naissance à la compagnie
universelle du canal interocéanique de Panama, une société anonyme
destinée à recevoir les fonds pour mener à bien le projet.
En
décembre 1880, Charles de Lesseps
procéda à l’émission du capital de la compagnie, sous la forme de 800 000
actions de 500 francs chacune. Près de 75 000 souscripteurs participèrent à
l’opération, mais ces résultats ne furent pas suffisants pour la compagnie,
qui ne récupéra que 30 millions sur les 400 espérés (août 1879.).
Malgré ces résultats en demi-teinte, les travaux débutèrent en 1881, mais la
compagnie rencontra au fil des mois une série de difficultés (épidémie de
malaria et de fièvre jaune à cause des moustiques pullulant dans la région ;
éboulement de terrain sur les pentes du massif de la Culebra, une colline
surplombant le canal ; manœuvres américaines qui n’appréciaient guère cette
présence française en Amérique centrale.).
Travaux dans le massif de la Culebra.
Ainsi, comme le coût du percement du canal avait été sous estimé lors du
congrès de 1879, de Lesseps se rapprocha d’hommes d’affaires en 1886, afin
que ces derniers fassent rentrer des liquidités dans la caisse de la
compagnie. Puis, en 1887, il fut contraint de revoir ses plans. Assisté par
l’ingénieur Gustave Eiffel,
un nouveau projet fut établi, prévoyant la construction de dix écluses sur
le tracé, afin de s’adapter au relief de la région.
Deux des hommes d’affaires contactés par de Lesseps étaient le baron
Jacob Adolphe Reinach, un immigré allemand établi à Paris au cours des
années 1850 et naturalisé français en 1871 ; ainsi que Cornelius Herz,
un médecin né en France de parents immigrés d’Allemagne et de confession
juive.
Les deux hommes, responsables de la publicité de la compagnie universelle du
canal interocéanique de Panama, décidèrent de se rapprocher de leurs
contacts à la Chambre des députés afin de faire voter une loi permettant à
la société, alors au bord de la faillite, d’émettre un nouvel emprunt. Grâce
à d’importants pots de vins versés à de nombreuses personnalités de la
classe politique (Charles Baïhaut, ministre des Travaux publics en 1886, à
l’origine hostile au projet, revint sur sa décision suite à la promesse
qu’il lui serait versé un million de Francs.), ce décret fut finalement
adopté en 1888.
Par ailleurs, Herz lança une vaste campagne de presse afin d’inciter les
petits épargnants à investir dans la compagnie (ce dernier finançait
plusieurs quotidiens, dont La Justice du député Clémenceau.).
b)
La liquidation judiciaire de la compagnie universel (1888 à 1889) :
le comte de Lesseps, suite à l’autorisation de la Chambre de procéder à un
nouvel emprunt, parcourut toute la France afin de trouver de nouveaux
actionnaires (juin 1888.)... mais il n’y eut que 100 000 souscripteurs alors
que le comte en espérait plus du double.
Finalement, malgré tous les efforts déployés ces derniers mois (les travaux
allaient bon train depuis les récentes rentrées d’argent dans les caisses.),
la compagnie fut finalement mise en liquidation judiciaire en février 1889,
causant d’importantes pertes financières aux familles ayant acheté des
actions de cette société.
De
nombreux mécontents firent entendre leurs voix suite à la liquidation de la
société, et une instruction fut ouverte. Toutefois, la classe politique fit
tout son possible pour la ralentir au maximum, soucieuse que le scandale
reste confiné dans les hautes sphères de l’Etat.
c)
L’éclatement du scandale de Panama (septembre à décembre 1892) :
ainsi, ce n’est qu’en septembre 1892 que le journaliste Edouard Drumont,
nationaliste et antisémite notoire,
révéla l’affaire dans son journal La Libre Parole. Ce dernier, ayant
en main des documents secrets appartenant au baron Reinach, s’attaqua à
l’ensemble de la classe politique, dénonçant les pots de vin versés par les
dirigeants de la compagnie ainsi qu’un système financier « dominé par des
mains juives. »
Caricature de Ferdinand de Lesseps, le "perceur de canaux".
Le
scandale de Panama fit grand bruit. Ainsi, le baron Reinach fut retrouvé
mort chez lui le 20 novembre 1892 ;
Cornelius Herz s’exila en Angleterre ; le 28 novembre, le ministère Loubet
fut mis en minorité à la Chambre des députés ; enfin, plusieurs ministres et
députés furent accusés de malversations.
Plus tard, en début d’année 1893, Ferdinand de Lesseps et Gustave Eiffel
furent condamnés à cinq ans de prison (ils parvinrent toutefois à y échapper
grâce à un vice de forme.) ; Charles de Lesseps n’eut pas la même chance que
son père et fut incarcéré ; Herz, réfugié en Angleterre, fut condamné par
contumace (il ne fut pas jugé par la justice anglaise en raison de son état
de santé.).
A
noter que les travaux de percement furent repris par les Etats Unis en
1903 ; en 1914, à l’aube de la première guerre mondiale, le canal de Panama
fut finalement inauguré.
11° Les ministères Ribot et Dupuy (décembre 1892 à décembre
1893) – Suite à l’éviction de Loubet, en fin d’année 1892, ce fut
Alexandre Félix Joseph Ribot qui fut nommé président du conseil.
Le
nouveau venu, conservant le ministère des Affaires étrangères, confia le
portefeuille de l’Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes à
Charles-Alexandre Dupuy ;
par ailleurs, il confirma Freycinet à la Guerre, Rouvier aux Finances, et
Loubet à l’Intérieur.
a)
Derniers remous du scandale de Panama, l’échec du ministère Ribot
(décembre 1892 à mars 1893) : toutefois, en début d’année 1893, les
dernières vagues du scandale de Panama continuaient d’éclabousser la classe
politique. Ainsi, Charles Baïhaut, ancien ministre des Travaux publics, fut
arrêté et condamné en mars pour corruption ; Georges Clémenceau, Charles de
Freycinet et Charles Floquet, eux aussi suspectés, échappèrent finalement
aux poursuites judiciaires.
Charles Baïhaut.
Cependant, Ribot décida de procéder à un remaniement ministériel en janvier
1893, afin de se débarrasser des ministres potentiellement impliqués dans le
scandale de Panama.
Ainsi, Freycinet, Rouvier et Loubet furent évincés de leurs postes
respectifs et remplacés par de nouveaux ministres.
Toutefois, ce nouveau ministère fut particulièrement bref, car Ribot fut
contraint de présenter sa démission à Sadi Carnot en mars 1893.
b)
Le ministère Dupuy, les élections législatives de l’été 1893 : suite
à cet évènement, le chef de l’Etat décida de confier la charge de président
du conseil à Charles-Alexandre Dupuy (4 avril 1893.).
Charles Dupuy.
Ce
dernier, s’entoura de ministres radicaux, récupéra le ministère de
l’Intérieur ; il confia le ministère de l’Instruction publique et des cultes
à Raymond Poincaré.
A
l’été 1893, quelques mois après l’arrivée de Dupuy à la tête du
gouvernement, furent organisées de nouvelles élections législatives.
Le
scrutin, organisé peu de temps après le scandale de Panama, fut marqué par
deux tendance : d’une part, une abstention particulièrement forte (près de
30% en moyenne.) ; d’autre part, par un renouvellement important de la
classe politique (190 nouveaux élus pour 581 sièges, soit environ 30%.)
Outre le scandale de Panama, qui avaient entrainé une baisse de confiance
des électeurs vis-à-vis de la classe politique (par exemple, Georges
Clémenceau ne fut pas réélu.),
les déclarations du pape Léon XIII concernant le ralliement à la jeune
république ne furent pas au goût des catholiques monarchistes.
Les grands perdants de ce scrutin furent les députés de droite, une fois
encore, qui récoltèrent moins d’une centaine de sièges (35 députés de
centre-droit et 58 monarchistes.).
A
gauche, les républicains conservaient leur hégémonie sur la Chambre des
députés, récoltant 317 sièges (soit 100 de plus qu’en 1889.) ; les radicaux,
quant à eux, maintenaient leur position avec 122 élus.
La
véritable nouveauté de ce scrutin fut la montée des voix des
radicaux-socialistes et des socialistes, récoltant respectivement 16 et 33
sièges.
c)
Le rapprochement franco-russe : suite aux élections législatives,
malgré cet important renouvellement de la classe politique, Dupuy conserva
son poste de président du conseil. Ce dernier put ainsi poursuivre le projet
d’alliance avec la Russie, initié depuis maintenant plusieurs années.
Ainsi, si un rapprochement entre la France et la Russie semblait se dessiner
depuis le congrès de Berlin,
qui s’était tenu à l’été 1878,
la Russie resta proche de l’Allemagne pendant encore une décennie.
En
effet, le tsar et l’Empereur allemand avaient renouvelé leur entente à
plusieurs reprises, que ce soit au sein de l’entente des trois Empereurs,
de 1873 à 1875, alliance militaire unissant Autriche, Russie et Allemagne ;
le traité des trois Empereurs, de 1881 à 1885 (cette fois il ne
s’agissait que d’une promesse de neutralité entre les trois pays.) ;
et le traité de Réassurance, de 1887 à 1890 (la Russie promettait de
rester neutre dans le cadre d’une attaque française contre l’Allemagne, et
l’Allemagne dans le cadre d’une attaque autrichienne en Russie.).
Frédéric III à un bal de la Cour,
1878, par Anton VON WERNER, 1895, Alte Nationalgalerie, Berlin.
Toutefois, en mars 1890, le jeune Empereur allemand
Guillaume II
refusa de renouveler le traité de
Réassurance, considérant que ses liens d’amitié avec le tsar Alexandre
III étaient largement suffisants (c'est aussi à cette époque que le
souverain prussien se débarrassa de Bismarck, qui occupait le poste de
chancelier depuis près de vingt ans).
Caricature britannique parodiant
l'éviction de Bismarck (Guillaume II, en haut de l'image, se débarrasse du
vieux "pilote" qui est prié de descendre à quai), par Joseph SWAIN, 1890, Deutsches historisches museum, Berlin.
C’est donc à partir de cette date que la Russie commença à se rapprocher
d’une France isolée diplomatiquement depuis la guerre de 1870.
De
prime abord, rien n’unissait ces deux pays ; ainsi, en Russie comme en
France, les élites contestèrent ce rapprochement : les aristocrates russes
n’acceptaient pas une alliance avec un pays républicain et ouvertement
réformiste ; les députés français, quant à eux, étaient outrés de s’allier
avec un pays autocratique et très conservateur.
Toutefois, Alexandre III, souverain francophile, savait qu’il avait besoin
des capitaux français afin de moderniser son pays ; Sadi Carnot, quant à
lui, était conscient de l’avantage stratégique que conférait une alliance
avec la Russie en cas de conflit contre l’Allemagne.
Ainsi, un premier accord secret fut signé le 27 août 1891, les deux
gouvernements prévoyant de se consulter en cas de menace de guerre ; puis,
le 17 août 1892, fut entérinée une convention militaire secrète
(mobilisation mutuelle en cas de mobilisation d’un des pays de la Triplice ;
intervention russe contre l’Allemagne en cas d’attaque contre la France ;
intervention française contre l’Allemagne en cas d’attaque contre la
Russie.).
Le nez de la Triplice, imité du "Laocoon" antique (le français
et le russe se promènent main dans la main ; à l'arrière plan, un italien,
un allemand et un Autrichien sont présentés comme empêtrés ; à droite,
derrière la statue, l'on retrouve un anglais qui n'apprécie guère le
rapprochement franco-russe), caricature du Petit Journal, 25 octobre 1896,
musée des Invalides, Paris.
Cette convention secrète fut rendue officielle en fin d’année 1893 ;
Alexandre III la ratifia en décembre, le gouvernement français en janvier
1894.
12° La crise anarchiste, les derniers mois de mandat de Sadi
Carnot (décembre 1893 à juin 1894) – Dupuy, fragilisé suite au départ
des ministres radicaux du gouvernement, fut contraint de présenter sa
démission le 25 novembre 1893.
Sadi Carnot décida alors de confier la charge de président du conseil à
Jean Casimir-Perier.
Jean Casimir Perier.
Le
nouveau venu, soucieux de mettre en place un gouvernement de centre-gauche,
écarta du pouvoir les radicaux et les monarchistes, préférant s’entourer de
ministres modérés et de ralliés (c'est-à-dire les catholiques, qui, suite à
l’appel du pape, décidèrent de participer à la vie politique de la troisième
république.).
Toutefois, le ministère Casimir-Perier fut contraint de faire face à la
montée de l’anarchisme, un mouvement qui n’avait cessé de croitre depuis la
crise économique de 1873.
L’anarchisme, du grec anarkhia, signifie « absence de commandement. »
Depuis la Révolution française, plusieurs penseurs et philosophes avaient
contribué à façonner cette pensée, depuis
Gracchus Babeuf
jusqu’à Pierre Joseph Proudhon.
Gracchus Babeuf (à gauche) ; Pierre Joseph Proudhon (à droite), école
française du XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Les anarchistes, rejetant la propriété et le divin, crurent leur heure
arrivée lors de la Commune de Paris, en mars 1871, mais l’armée versaillaise
réprima violemment ce mouvement en investissant les rues de la capitale et
fusillant à tour de bras.
Ainsi, ce n’est qu’au cours des années 1880, suite à l’adoption des décrets
d’amnistie accordés aux anciens communards, que le mouvement anarchiste
reprit de l’ampleur.
Ayant adopté le drapeau noir lors d’un meeting en mars 1882, les
anarchistes, vivant souvent dans des conditions difficiles,
n’acceptaient plus cette république « prise en otage » par la bourgeoisie,
pas plus que les scandales qui ébranlaient régulièrement la classe politique
et déconsidéraient le régime (scandale des décorations, crise boulangiste,
affaire de Panama, etc.).
a)
Les attentats de Ravachol (mars 1891) : la crise anarchiste fut
marquée par une série d’attentats, dont les premiers furent l’œuvre de
Ravachol
(de son vrai nom François Claudius
Koënigstein.).
Lors de la fondation de l’Internationale ouvrière (ou
Deuxième internationale.),
proclamée lors du congrès de Paris en juillet 1889, les membres de cette
organisation décidèrent que chaque 1er mai serait organisée la
fête du travail.
Illustration de "l'Internationale", chant révolutionnaire, par Théophile
STEINLEIN, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, en France comme à l’étranger, cette annonce ne fit guère
l’unanimité, et le gouvernement décida d’interdire les manifestations du 1er
mai (toutefois, des marches furent organisées en 1890 et 1891.).
Ainsi, le 1er mai 1891, des militants anarchistes organisèrent un
défilé dans les rues de Clichy, mais furent repoussés par les forces de
police suite à un échange de coups de feu ; les meneurs, arrêtés, furent
vivement molestés lors de leur incarcération (deux des meneurs furent par la
suite condamnés à des peines de prison ferme, le troisième fut acquitté.).
Cette affaire, occultée par la fusillade
de Fourmies,
qui eut lieu de même jour, ne manqua pas de susciter l’intérêt de Ravachol.
Place de l'église à Fourmies.
Ce
dernier, dérobant plusieurs kilos de poudre et de dynamite dans une carrière
de Soisy-sous-Etiolles,
décida dans un premier temps de faire sauter le commissariat de Clichy.
Cependant, devant la difficulté de la tâche, il décida plutôt d’exercer ses
représailles sur deux juristes ayant participé au procès de Clichy (les
attentats, organisés du 11 au 29 mars 1892, ne firent toutefois pas de
victimes mais causèrent d’importants dégâts matériels.).
Mais le 30 mars 1892, il fut arrêté en sortant du restaurant Véry, où
il avait été reconnu par un garçon de café.
L’instruction du procès ne se fit pas sans peine, entre les lettres de
menaces reçues par les jurés et l’explosion du Very, restaurant où avait
Ravachol avait été arrêté (25 avril 1892.).
A
la barre, le prévenu se vanta de son geste et se lança dans un véritable
dithyrambe anarchiste : la société est pourrie. Dans les ateliers, les
mines et les champs, il y a des êtres humains qui travaillent et souffrent
sans pouvoir espérer acquérir la millième partie du fruit de leur travail.
Ravachol à son procès.
Finalement, Ravachol ne fut condamné qu’aux travaux forcés à perpétuité ; mais,
en juillet 1892, il fut jugé lors d’un second procès, pour des crimes commis
avant l’affaire de Clichy. Cette fois ci, les faits reprochés étant plus
graves, Ravachol fut condamné à mort et exécuté à la mi-juillet 1892.
b)
L’attentat d’Auguste Vaillant à la Chambre des députés (9 décembre 1893),
les « lois scélérates » : L’exécution de Ravachol entraîna la colère des
milieux anarchistes, qui ne tardèrent pas à répliquer. L’un d’entre eux,
Auguste Vaillant,
soucieux de venger Ravachol, lança une bombe à clous au sein de la Chambre
des députés le 9 décembre 1893.
L'attentat de Vaillant à la Chambre des députés.
L’engin, blessant une cinquantaine de personnes (dont Vaillant lui même.),
ne fit toutefois pas de victimes, et l’auteur de l’attentat fut rapidement
arrêté.
Condamné à mort à l’issue du procès, Vaillant fut exécuté le 8 février 1894.
Suite à cet attentant, le président du conseil Jean Casimir-Perier décida de
promulguer une série de lois afin de lutter contre l’anarchisme, surnommées
lois scélérates par les milieux contestataires.
Le
premier décret (décembre 1893.), concernant la sûreté générale, prévoyait la
création de nouveaux délits (apologie de faits ou de crimes.), permettant
les autorités à procéder à des arrestations préventives ; le second décret
(décembre 1893.), concernant les associations de malfaiteurs, autorisait
l’arrestation de groupes suspectés de préparer des attentats.
c)
Les attentats d’Emile Henry (novembre 1892 à février 1894 ) :
toutefois, malgré l’adoption de cette série de mesures, les anarchistes ne
comptaient pas déposer les armes. Ainsi, se tint en avril 1894 le procès d’Emile
Henry,
accusé d’avoir fait sauter dans la capitale le commissariat de la rue des
Bons-Enfants (novembre 1892.), ainsi que le café Terminus (12 février
1894.).
Lors de son procès, le jeune homme révéla avoir rejoint les rangs de
l’anarchisme récemment, outré par les privilèges de la bourgeoisie, les
fortunes amassés par les industriels au détriment de leurs salariés, ainsi
que par les militaires qui n’hésitaient pas à tirer sur la foule.
Emile Henry acheva son plaidoyer sur ses mots : dans cette guerre sans
pitié que nous avons déclarée à la bourgeoisie, nous ne demandons aucune
pitié. Nous donnons la mort et nous devons la subir. C'est pourquoi
j'attends votre verdict avec indifférence. Je sais que ma tête ne sera pas
la dernière que vous couperez [...]. Vous ajouterez d'autres noms à
la liste sanglante de nos morts. Pendus à Chicago, décapités en Allemagne,
garrottés à Xérès, fusillés à Barcelone, guillotinés à Montbrison et à
Paris, nos morts sont nombreux ; mais vous n'avez pas pu détruire
l'Anarchie. Ses racines sont profondes : elle est née au sein d'une société
pourrie qui s'affaisse ; elle est une réaction violente contre l'ordre
établi ; elle représente les aspirations d'égalité et de liberté qui
viennent battre en brèche l'autoritarisme actuel. Elle est partout. C'est ce
qui la rend indomptable, et elle finira par vous vaincre et par vous tuer.
Emile Henry, condamné à mort, fut exécuté en mai 1894.
A
la même date, Casimir-Perier décida de remettre sa démission à Sadi Carnot,
dont le gouvernement était fragilisé depuis l’attentat de Vaillant à la
Chambre des députés.
Le
chef de l’Etat décida alors de confier la charge de président du conseil à
Charles Dupuy une seconde fois.
S’entourant d’une nouvelle génération de républicains, Dupuy, récupérant le
ministère de l’Intérieur et des Cultes, confia le portefeuille des Finances
à Raymond Poincaré ; Félix Faure
eut la Marine ;
Théophile Delcassé
reçut le ministère des Colonies.
d)
L’assassinat de Sadi Carnot (24 juin 1894) : le point final de cette
crise anarchiste eut lieu le 24 juin 1894 dans la soirée, lorsque
l’anarchiste italien Sante Geronimo
Caserio
poignarda le président de la république
Sadi Carnot (ce denier était arrivé à Lyon dans la matinée, afin d’inaugurer
l’Exposition universelle organisée dans cette ville.).
Caserio fut immédiatement arrêté, mais le chef de l’Etat, mortellement
blessé, décéda dans la nuit.
Lors de son procès, l’anarchiste annonça qu’il avait voulu venger Vaillant,
dont Carnot avait refusé la grâce. Condamné à mort malgré son jeune âge,
Caserio fut guillotiné en août 1894.
A
l’annonce de la nouvelle du décès du président de la république, plusieurs
actes de violence contre les immigrés italiens eurent lieu ; par ailleurs,
le troisième décret des lois scélérates fut adopté en juillet 1894 (ce
dernier, concernant la liberté de la presse, interdisait toute propagande
anarchiste dans les journaux.).
Suite à la mort de Sadi Carnot, le mouvement anarchiste connut un net
reflux, du moins en France, mais il persista en Europe et aux Etats Unis
jusqu’aux premières décennies du XX° siècle.
Par ailleurs, plutôt que de mettre en place un intérim en raison du décès de
Carnot, il fut décida d’organiser de nouvelles élections présidentielles,
qui entraînèrent la victoire de Jean Casimir-Perier le 27 juin 1894.
Tombe de Sadi Carnot, crypte du Panthéon, Paris.
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