I. PRÉFACE de Dion
Cassius
I. {lacune}
... J’ai lu à peu près tout ce que divers historiens ont écrit sur les Romains ;
mais je n’ai pas tout inséré dans mon ouvrage : j’ai dû choisir et me borner. Si
j’ai fait usage des ornements du style, autant que mon sujet le comportait, ce
n’est pas une raison pour révoquer en doute ma véracité , comme cela est arrivé
à l’égard d’autres écrivains : car je n’ai rien négligé pour unir le mérite du
style à l’exactitude historique. Je commencerai mon récit à l’époque où la
lumière brille dans les traditions qui nous sont parvenues sur la terre que nous
habitons ; je veux dire sur la contrée où Rome a été fondée.
II-VI. Notions
géographiques sur l'Italie ancienne
II. Le nom d’Ausonie
n’appartient proprement, comme l’écrit Dion Cocceianus, qu’au pays des Aurunces,
situé entre celui des Campaniens et celui des Volsques, le long de la mer.
Plusieurs ont pensé qu’elle s’étendait jusqu’au Latium, ce qui fit appeler
Ausonie l’Italie entière.
III. Les Liguriens habitent la côte maritime, depuis la Tyrrhénie
jusqu’aux Alpes et au pays des Gaulois, comme le rapporte Dion.
IV. Les Iapyges et les Apuliens sont établis sur les bords du golfe
Ionien. Les peuples de l’Apulie sont, suivant Dion, les Peucétiens, les
Poedicules, les Dauniens, les Tarentins et les habitants de Cannes. La plaine de
Diomède est située aux environs de l’Apulie Daunienne.
V. La Messapie et l’Iapygie reçurent plus tard le nom de Salentie et
celui de Calabre. La ville de Diomède, Argyrippe, changea aussi le sien et fut
appelée Arpi par les Apuliens.
VI. Là, où se trouve maintenant Chôné, était une contrée nommée
primitivement Oenotrie : Philoctète vint s’y fixer après la destruction d’Ilion,
comme le disent Denys, Dion Cocceianus et tous ceux qui ont écrit l’histoire des
Romains.
VII. Évandre,
fondateur de Pallantium
Avant J.-C. 1330
VII. Evandre,
né en Arcadie, partit de Pallantium avec une troupe de ses compatriotes, pour
aller établir une colonie ; il fonda sur les bords du Tybre une ville qui, de
nos jours, forme une partie de Rome : elle reçut le nom de Pallantium, en
mémoire de la ville d’Arcadie qui s’appelait ainsi : dans la suite, ce nom
perdit un "lamda" et un "nu"
VIII. Arrivée
d'Énée en Italie; rois Albains
Avant J.-C. 1270
VIII.
Cinquante-cinq ans s’étaient écoulés depuis Hercule, lorsqu’Énée, après la prise
de Troie, vint, comme nous l’avons dit, en Italie, dans le pays des Latins. Il
aborda près de Laurente, appelée aussi Troie, sur les bords du fleuve Mumicius,
avec son fils Ascagne ou Ilus qu’il avait eu de Créuse. Là, tandis que ses
compagnons mangeaient l’ache, ou la partie la plus dure des pains qui leur
servaient de tables (ils n’en avaient pas une seule) ; une truie blanche
s’élança de son vaisseau vers un mont, qui prit d’elle le nom de Mont Albain.
Elle mit bas trente petits, présage certain qu’au bout de trente ans, les
descendants d’Énée seraient maîtres de ce pays, où ils exerceraient une
domination mieux établie. Guidé par ce présage, il mit un terme à sa vie
errante, immola cette truie et se prépara à bâtir une ville.
Latinus ne le permit pas : il fit la guerre ; mais il fut vaincu et donna la
main de Lavinie, sa fille, à Enée qui fonda une ville et la nomma Lavinia.
Latinus et Turnus, roi des Rutules, s’arrachèrent mutuellement la vie, en
combattant l’un contre l’autre : Énée devint roi. A son tour, il succomba près
de Laurente, dans une guerre contre ces mêmes Rutules et le Tyrrhénien Mézence :
Lavinie, son épouse, était alors enceinte. Ascagne, fils de Créuse, régna : il
remporta une victoire décisive sur Mézence qui, après avoir refusé de recevoir
des ambassadeurs, lui avait déclaré la guerre et voulait soumettre à un tribut
annuel tous les états de Latinus. Les Latins grandirent en nombre et en
puissance : lorsqu’arriva la trentième année, indiquée par la truie mystérieuse,
ils dédaignèrent Lavinium et bâtirent une autre ville, appelée Albe la Longue,
c’est-à-dire "Leukên Makran", à l’occasion de cette truie qui fit donner aussi à
une montagne voisine le nom de Mont Albain. Les tatues des dieux, emportées de
Troie, retournèrent seules à Lavinium. Après la mort d’Ascagne régna, non pas
Iule, son fils ; mais Silvius, fils d’Énée et de Lavinie, ou suivant d’autres,
Silvius, fils d’Ascagne. Silvius eut pour fils le second Énée ; celui-ci Latinus
; Latinus Capys ; Capys Tiberinus ; Tiberinus Amulius ; Amulius Aventinus.
Jusqu’à présent il a été question d’Albe et des Albains : ici commence
l’histoire de Rome. Aventinus eut deux fils, Numitor et Amulius, qui détrôna
Numitor et tua Aegeste, son fils, à la chasse. Quant à la soeur d’Aegeste, fille
du même Numitor et qui s’appelait Silvia ou Rhéa Ilia, il en fit une prêtresse
de Vesta, pour l’astreindre à la virginité : il craignait un oracle qui avait
prédit qu’il serait assassiné par les enfants de Numitor. Il fit donc périr
Aegeste et consacra sa soeur à Vesta, afin qu’elle restât fille et sans enfants
; mais étant allée chercher de l’eau dans un bois consacré à Mars, elle devint
enceinte et mit au monde Romulus et Rémus. La fille d’Amulius sauva Ilia par ses
prières : les deux jumeaux furent remis au berger Faustulus, mari de Laurentia,
pour être jetés dans le Tibre. Sa femme, récemment accouchée d’un enfant mort,
les recueillit et les nourrit.
Devenus grands, Romulus et Rémus gardaient des troupeaux dans les terres d’Amulius
: ils tuèrent quelques bergers de leur aïeul Numitor et se virent, dès lors, en
butte à mille pièges. Rémus fut pris : aussitôt Romulus courut annoncer la
captivité de son frère à Faustulus qui, à son tour, s’empressa de tout raconter
à Numitor. Celui-ci finit par reconnaître en eux les enfants de sa fille.
Romulus er Rémus, à la tête d’une troupe nombreuse, massacrèrent Amulius,
rendirent à Numitor, leur aïeul, la royauté d’Albe, et commencèrent à bâtir Rome
: Romulus alors était âgé de dix-huit ans. Avant cette grande Rome, élevée par
Romulus, près de la demeure de Faustulus, sur le mont Palatin, une autre qui
avait la forme d’un carré, fut fondée par Rémus et Romulus, beaucoup plus
anciens.
IX-XII. Romulus et
Rémus, fondateurs de Rome
IX. Dion dit
au sujet des Tyrrhéniens : "Je devais placer dans cette partie de mon ouvrage ce
que je viens de raconter sur ce peuple : je rapporterai de même, dans le moment
convenable, tels et tels autres faits qui, amenés par la suite de ma narration,
pourront en orner le tissu. Il suffira d’en faire autant pour toutes les
digressions qui seront nécessaires ; car je compose, suivant mes moyens, une
histoire complète des Romains : pour les autres peuples, je me bornerai à ce qui
aura quelque rapport avec cette histoire."
X. Il n’est
donné à l’homme ni de tout prévenir, ni de trouver un moyen d’éviter ce qui doit
nécessairement arriver. De cette jeune fille naquirent les vengeurs du crime d’Amulius.
XI. La
discorde éclata entre Rémus et Romulus. Les Romains bannirent le meurtrier de
Rémus.
Pour certains hommes, les positions les plus critiques sont moins dangereuses
que la prospérité.
Ils s’instruisirent eux-mêmes et ils instruisirent les autres.
Ceux qui se vengent n’arrivent jamais à une satisfaction complète, à cause du
mal qu’ils ont d’abord souffert ; et ceux qui redemandent à un homme plus
puissant qu’eux ce qu’il leur a ravi, bien loin de l’obtenir, perdent souvent
même ce qui leur restait encore.
An de Rome 1
XII. Romulus,
traçant sur le mont Palatin la figure de Rome qu’il allait fonder, attacha au
même joug un taureau et une génisse : le taureau penchait hors de l’enceinte, du
côté de la plaine ; la génisse penchait du côté de la ville. Par ce symbole,
Romulus exprimait le voeu que les hommes fussent redoutables aux étrangers, les
femmes fécondes et vouées aux soins domestiques. Il prit ensuite, hors de
l’enceinte, une motte de terre qu’il jeta en dedans, et il demanda aux dieux que
Rome grandit aux dépens des autres peuples.
XIII. Combat des
Romains et des Sabins; Hersilie
An de Rome 7
XIII. Hersilie
et les autres femmes de la même nation, à la vue des Romains et des Sabins
rangés en bataille, accourent du mont Palatin, tenant leurs enfants dans leurs
bras : plusieurs étaient déjà nés. Elles s’élancent soudains dans l’espace placé
entre les deux armées : tout dans leurs paroles, tout dans leurs actions excite
la pitié ; elles se tournent tantôt vers les uns, tantôt vers les autres, en
s’écriant : "Que faites-vous, ô nos pères ? Que faites-vous, ô nos époux ?
Jusques à quand combattrez-vous ? Jusques à quand dureront vos haines
réciproques ? Réconciliez-vous avec vos gendres ; réconciliez-vous avec vos
beaux-pères ? Au nom de Pan, épargnez vos enfants ; au nom de Quirinus, épargnez
vos petit-fils. Ayez pitié de vos filles, ayez pitié de vos femmes. Si votre
haine ne peut s’éteindre, si le délire s’est emparé de vous et vous égare,
commencez par nous massacrer, nous pour qui vous combattez ; frappez, égorgez
d’abord ces enfants : quand les noms les plus saints , quand les liens du sang
ne vous uniront plus, vous n’aurez pas à craindre le plus grand des malheurs ;
celui de donner la mort, vous aux aïeux de vos enfants ; vous aux pères de vos
petits-fils." A ces mots, elles déchirent leurs vêtements et découvrent leur
sein et leur flanc : les unes heurtent les épées nues ; les autres se
précipitent sur ces épées avec leurs enfants. A ce spectacle, Romains et Sabins
versent des larmes : ils renoncent au combat et entrent sur-le-champ en
pourparlers, dans ce lui même, qui reçut, à cette occasion, le nom de Comitium.
XIV. Le peuple
romain est divisé en tribus
XIV. Tribu,
signifie le tiers, ou la troisième partie. Les gardes de Romulus, au nombre de
trois mille, comme le rapporte Dion dans le premier livre de son histoire,
furent divisés en trois parties appelées tribus ou "trittuas" que
les Grecs nommaient aussi "phulas". Chaque tribu fut partagée en dix
curies ou phrontistéries. (Cura, chez les latins, a la même signification
que "phrontis"). Les citoyens, compris dans la même tribu, se
réunissaient pour s’occuper de leurs intérêts communs. En Grec, les Curies
s’appellent "phatriai" et "phatriai", c’est-à-dire hétéries,
confréries, associations, collèges, à cause du droit accordé à tous les membres
d’exprimer ou de mettre au jour leur avis, en toute liberté et sans crainte. De
là encore, le nom de "phrateres" donné aux pères, aux parents et aux
instituteurs de la même tribu : peut-être aussi fut-il tiré du mot latin
Frater, qui signifie frère.
Il y a une grande différence entre établir de nouvelles tribus et donner un nom
particulier à celles qui existaient déjà.
XV. Conduite
despotique de Romulus envers le sénat
An de Rome 18-39
XV. Romulus se
montrait plein de dureté envers le Sénat et agissait en véritable tyran à son
égard : il rendit aux Véiens leurs otages, de sa propre autorité et sans le
consulter, ce qui arrivait souvent. Les Sénateurs en témoignèrent du
mécontentement ; Romulus irrité leur adressa des reproches sévères et finit en
disant : "Pères conscrits, je vous ai choisi, non pour me commander, mais pour
recevoir mes ordres."
XVI-XVII. Numa;
son règne comparé à celui de Romulus
An de Rome 40
XVI. Numa, en
sa qualité de Sabin, avait demeure sur le mont Quirinal ; le siège de son
gouvernement était situé dans la voie Sacrée. Il se tenait souvent dans le
voisinage du temple de Vesta : quelquefois il habitait la campagne.
Dion dit : "Je m’applique à écrire toutes les actions mémorables des Romains, en
temps de paix et en temps de guerre ; de telle manière qu’eux-mêmes et les
autres peuples n’aient à regretter l’absence d’aucun fait important."
Cet historien ajoute : "Les Romains se civilisèrent d’eux-mêmes, aussitôt qu’ils
connurent le culte des dieux. Par là, ils vécurent entre eux et avec les autres
peuples dans une paix profonde, durant tout le règne de Numa. Ce prince et
Romulus furent regardés comme un présent du ciel : ceux qui connaissent à fond
l’histoire des Sabins affirment qu’il naquit le jour même de la fondation de
Rome. Grâce à ces deux rois, cette ville fut bientôt puissante et sagement
constituée : le premier (il devait en être ainsi dans un Etat nouveau) lui
apprit les arts de la guerre, le second les arts de la paix, et Rome excella
dans les uns et les autres.
XVII. La
plupart des hommes méprisent les choses qui se rapprochent de leur nature, ou
qui sont sans cesse auprès d’eux ; parce qu’ils ne les croient pas au-dessus de
leur propre mérite. Au contraire, ils montrent une crainte religieuse pour
celles qui, placées loin de leurs regards ou s’écartant de leur nature,
paraissent avoir une grande supériorité. Numa le savait bien : aussi
consacra-t-il aux Muses un lieu particulier.
XVIII. Janus
XVIII. Suivant
Dion, historien de Rome, un ancien héros, appelé Janus, reçut pour prix de son
hospitalité envers Saturne la connaissance de l’avenir et du passé : voilà
pourquoi les Romains le représentent avec deux visages. Ils ont donné son nom au
mois de janvier et placé dans ce mois le commencement de l’année. |