Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre IX - Rome, de 321 à 304

 

2. Guerres étrusques - 312 à 304 ([IX, 29] à [IX, 46])

 

La censure d'Appius Claudius Caecus (312)

[IX, 29]

(1) Au moment où la guerre des Samnites était presque terminée, avant toutefois que le sénat de Rome fût entièrement délivré de ce soin, se répandit le bruit d'une guerre avec les Étrusques. (2) Il n'y avait point, à cette époque, de nation dont les armes, après celles des Gaulois, fussent plus redoutées, soit à cause de sa proximité soit à cause de sa nombreuse population. (3)Aussi, tandis que l'un des consuls demeurait dans le Samnium pour y poursuivre les restes de la guerre, P. Decius, qu'une grave maladie avait retenu à Rome, nomma, par ordre du sénat, un dictateur, qui fut C. Junius Bubulcus. (4) Celui-ci, ainsi que l'exigeait la gravité du péril, enrôle toute la jeunesse, fait préparer, avec la plus grande activité, des armes et tout ce qui est nécessaire; et, sans se laisser éblouir par de si grands préparatifs, il suspend tout projet d'agression, bien décidé à rester tranquille, à moins que les Étrusques ne viennent attaquer d'eux-mêmes. (5) Les Étrusques, de leur côté, s'attachèrent de la même manière à préparer et à suspendre la guerre. Ni les uns ni les autres ne franchirent les limites de leur territoire.

Cette année fut signalée aussi par la censure mémorable d'Ap. Claudius et de C. Plautius. C'est toutefois le nom d'Appius qui réveillera chez la postérité de plus beaux souvenirs, (6) parce qu'il construisit une route et fit arriver de l'eau dans Rome, travaux qu'il acheva à lui seul. (7) Son collègue, n'osant pas lutter plus longtemps contre le blâme né de l'odieuse et partiale révision du sénat, avait abdiqué sa magistrature. (8) Appius, qui conservait cette opiniâtreté de tout temps héréditaire dans sa famille, garda seul la censure. (9) C'était d'après l'autorisation de ce même Appius, que les Potitius, famille qui était en possession du sacerdoce particulier, consistant à desservir le très grand autel d'Hercule, avaient, pour se débarrasser d'un ministère qui les gênait, formé des esclaves publics aux cérémonies de ce culte. (10) Les écrivains rapportent, à ce sujet, une chose qu'il est impossible de lire sans étonnement, et qui est bien faite pour réprimer la hardiesse des novateurs en fait de rites et de cultes: c'est que la famille des Potitius, qui alors formait douze branches et comptait jusqu'à trente mâles en âge de puberté, périt entière dans l'année, et se trouva éteinte. (11) La colère des dieux ne se borna pas à anéantir le nom des Potitius; elle atteignit même le censeur Appius, qui, quelques années après, perdit entièrement la vue.

La grève des joueurs de flûte (311)

[IX, 30]

(1) Aussi les consuls de l'année suivante, C. Junius Bubulcus et Q. Aemilius Barbula, qui étaient revêtus de cette dignité, Bubulcus pour la troisième fois et Barbula pour la seconde, ne furent pas plus tôt entrés en charge, qu'ils se plaignirent au peuple de ce qu'on avait dégradé le sénat par une révision pleine d'injustice, en rejetant des personnages recommandables, pour leur substituer des hommes peu estimés; (2) ils déclarèrent qu'ils ne tiendraient aucun compte de ces choix, faits sans distinction du bon et du mauvais, et qui étaient l'ouvrage du caprice et de la passion; puis ils reproduisirent à l'instant l'ancienne liste du sénat, telle qu'elle existait avant la censure d'Ap. Claudius et de C. Plautius. (3) Cette année aussi le peuple nomma pour la première fois à deux commandements, l'un et l'autre pour le service de l'armée. L'un était celui des tribuns des soldats; il fut décidé que le peuple en créerait seize pour quatre légions, tandis qu'auparavant, à l'exception de quelques-uns dont l'élection lui était abandonnée, ils étaient au choix des dictateurs et des consuls. Cette loi fut présentée par les tribuns du peuple L. Atilius et C. Marcius. (4) L'autre était celui des duumvirs maritimes, chargés de l'équipement et de la réparation de la flotte, dont il fut pareillement décidé que le choix appartiendrait au peuple: l'auteur de ce plébiscite fut le tribun du peuple M. Decius.

(5) Il arriva la même année un événement peu digne d'être raconté, et que je passerais sous silence, s'il n'eût paru intéresser la religion. Les joueurs de flûte, mécontents de ce que les derniers censeurs leur avaient interdit de prendre part aux banquets dans le temple de Jupiter, ce qui était consacré par un antique usage, se retirèrent tous à Tibur. en sorte qu'il ne resta personne à Rome pour jouer pendant les sacrifices. (6) Cet incident alarma la religion du sénat, et les sénateurs envoyèrent engager les habitants de Tibur à faire leur possible pour que ces hommes fussent rendus aux Romains. (7) Les Tiburtins, ayant protesté de leur bon vouloir, font d'abord venir les joueurs de flûte dans le lieu où s'assemblait leur sénat, et les exhortent à retourner à Rome. Voyant qu'ils ne pouvaient les y décider, ils usent envers eux d'un stratagème en rapport avec le caractère de cette espèce d'hommes.

(8) Un jour de fête, sous prétexte que la musique ajouterait à la joie des festins, chacun les invite séparément, et le vin, dont les gens de cette profession sont ordinairement avides, leur est prodigué à tel point, qu'ils s'endorment profondément; (9) et quand ils sont ainsi plongés dans le sommeil, on les jette sur des chariots, et on les transporte à Rome. Ils ne s'en aperçurent que le lendemain, lorsque le jour les surprit, pleins d'ivresse, sur les chariots, laissés au milieu du Forum. (10) Alors il se fit un grand concours de peuple, et l'on obtint d'eux qu'ils resteraient à Rome. Il leur fut accordé de se promener chaque année, durant trois jours, par la ville, en chantant et en se livrant à cette joie licencieuse qu'ils font éclater encore aujourd'hui. On leur rendit aussi le droit de prendre part aux banquets dans le temple du dieu, toutes les fois qu'ils joueraient pendant les sacrifices.

Ces choses se passaient durant les préparatifs de deux grandes guerres.

Les Romains sortent vainqueurs d'une embuscade tendue par les Samnites (311)

[IX, 31]

(1) Les consuls se partagèrent leurs provinces: le Samnium échut à Junius, la nouvelle guerre d'Étrurie à Aemilius. (2) Les Samnites, qui n'avaient pu emporter de vive force Cluviae, ville du Samnium, après l'avoir réduite par la famine, avaient déchiré de verges d'une manière barbare la garnison romaine, qui s'était rendue à discrétion, puis l'avaient massacrée. (3) Junius, indigné de cette cruauté, et n'ayant rien de plus pressé que d'assiéger à son tour Cluviae, enleva cette place le jour même où il attaqua ses murs, et fit main basse sur tous ceux qui étaient en âge de porter les armes. (4) De Cluviae, l'armée victorieuse fut dirigée sur Bovianum. C'était la capitale des Samnites Pentri, et la cité infiniment la plus riche du Samnium, et la mieux pourvue d'armes et de soldats. (5) Là, comme il n'existait pas autant de ressentiment, on enflamme par l'espoir du butin les soldats, qui s'emparent de la ville. Les ennemis furent donc traités avec moins de rigueur. On recueillit plus de butin qu'on n'en avait jamais tiré de tout le Samnium, et il fut généreusement abandonné tout entier au soldat.

(6) Comme il n'y avait point de lignes de bataille, point de camp, point de villes qui pussent arrêter le soldat romain tout puissant par ses armes, les chefs des Samnites s'appliquèrent unanimement à chercher un lieu propre aux embuscades, où l'armée romaine, attirée en désordre par l'espoir du pillage se laisserait aisément surprendre et envelopper. (7) Des paysans se donnant pour transfuges, quelques prisonniers, dont les uns étaient tombés par hasard entre les mains des soldats, et dont les autres s'étaient laissé prendre à dessein, annoncèrent au consul qu'une immense quantité de bétail se trouvait rassemblée dans des pâturages écartés, au milieu d'un bois; et l'uniformité de ces rapports, qui d'ailleurs étaient vrais, le détermina à conduire promptement les légions s'emparer de cette proie. (8) Là, une nombreuse armée de Samnites s'était postée en embuscade le long du chemin; et, dès qu'elle vit les Romains engagés dans le défilé, elle se leva tout à coup en poussant des cris, et fondit avec un grand bruit sur les légions, qui n'étaient nullement sur leurs gardes.

(9) D'abord la surprise causa un trouble qui dura tout le temps qu'on mit à s'armer, et à rassembler au centre les bagages: mais après que chacun se fut débarrassé de sa charge, et eut pris ses armes, de toutes parts les troupes se rallièrent autour de leurs enseignes, formant leurs rangs en soldats depuis longtemps habitués au service; et d'elle-même sans le commandement de personne, l'armée se mettait déjà en ligne de bataille.

(10) Le consul, arrivé à l'endroit où le combat devait présenter les chances les plus hasardeuses, saute à bas de son cheval, puis atteste Jupiter, Mars et les autres dieux, que ce n'était nullement le soin de sa gloire, mais le désir de procurer du butin au soldat, qui l'avait conduit en ce lieu, (11) et qu'on ne pouvait le blâmer que d'avoir eu trop à coeur d'enrichir le soldat aux dépens de l'ennemi; que ce blâme, le courage des soldats pouvait seul l'en justifier; (12) qu'il leur suffirait de faire un commun effort, et de se porter tous d'un même esprit contre cet ennemi, vaincu en bataille rangée, dépouillé de ses camps, de ses villes, qui cherchait une dernière ressource dans le stratagème des embûches, et qui mettait sa confiance dans le lieu, non dans les armes. (13) Mais quelle position, ajouta-t-il, était désormais inexpugnable à la valeur romaine? Il rappela les forteresses de Fregellae, de Sora, et toutes les circonstances où l'on avait triomphé des obstacles du lieu.

(14) Animé par ces paroles, le soldat, oubliant toutes les difficultés, marche contre l'armée ennemie suspendue sur sa tête. Les légions ne furent pas sans essuyer quelques pertes, tout le temps qu'il leur fallut gravir la hauteur qu'elles avaient en face. (15) Une fois aussi que les premières enseignes eurent atteint le sommet du plateau, et que le corps d'armée sentit qu'il était parvenu à prendre position sur un sol uni, l'épouvante repassa dans l'âme des traîtres, qui, se dispersant et jetant leurs armes, cherchèrent à regagner ces mêmes retraites où ils s'étaient tenus cachés peu auparavant; (16) mais, victimes alors de leur propre ruse, les lieux difficiles où ils s'étaient empressés d'attirer l'ennemi les arrêtaient eux-mêmes. Il y en eut donc fort peu qui trouvèrent une issue pour fuir. Vingt mille hommes environ furent taillés en pièces, et le Romain vainqueur courut à ce butin de troupeaux que l'ennemi avait de lui-même pris soin de lui offrir.

Victoire romaine sur une coalition étrusque (311)

[IX, 32]

(1) Tandis que ces événements se passent dans le Samnium, tous les peuples de l'Étrurie, à l'exception des Arrétins, avaient déjà pris les armes; et l'attaque de Sutrium, ville alliée des Romains, qui était comme la clef de l'Étrurie, avait été le début de cette grande guerre. (2) Aemilius; l'autre consul, s'y rendit avec son armée, pour délivrer les alliés de ce siège. À l'arrivée des Romains, les Sutriniens s'empressèrent de faire transporter des vivres dans leur camp, placé sous les murs de la ville. (3) Les Étrusques passèrent le premier jour à délibérer s'ils traîneraient la guerre en longueur, ou s'ils en hâteraient les opérations. Les chefs ayant mieux aimé agir que temporiser, le lendemain, au lever du soleil, le signal du combat est arboré, et l'armée s'avance en bataille.

(4) Lorsque le consul est averti, il fait distribuer sur-le-champ des ordres pour que le soldat mange, et que, ses forces affermies par la nourriture, il prenne les armes. Ces ordres sont exécutés. (5) Le consul, quand il vit les troupes en armes et bien disposées, les fit sortir du camp, et les rangea en bataille à peu de distance de l'ennemi. On s'observa quelque temps des deux côtés, chacun des deux partis attendant que ses adversaires fissent retentir le cri d'attaque et engageassent le combat; (6) et il était déjà plus de midi, qu'il n'avait pas encore été lancé un seul trait de part ni d'autre. Enfin, ne voulant pas se retirer sans avoir combattu, les Étrusques poussent le cri d'attaque, leurs trompettes sonnent la charge, et leurs enseignes se portent en avant. Les Romains, de leur côté, ne s'avancent pas au combat avec moins de promptitude: (7) les deux armées se choquent avec animosité. L'ennemi l'emporte par le nombre, le Romain par la valeur.

(8) Tant que le combat resta indécis, il moissonna de part et d'autre un grand nombre de soldats, et c'étaient les plus braves. La balance ne commença à pencher que lorsque la réserve des Romains se fut portée aux premières lignes, et qu'à des troupes fatiguées succédèrent des troupes fraîches. (9) Les Étrusques, dont les premières lignes ne se trouvèrent appuyées par aucunes réserves fraîches, furent tous tués en avant et autour de leurs enseignes. Jamais aucun combat n'eût offert moins de déroute, ni plus de carnage, si la nuit ne fût venue protéger les Étrusques obstinés à mourir; et même les vainqueurs abandonnèrent le champ de bataille avant les vaincus. (10) Le signal de la retraite ne fut donné qu'après le coucher du soleil, et les deux armées se retirèrent de nuit dans leur camp.

(11) De tout le reste de l'année, il ne se passa rien de mémorable auprès de Sutrium; car, du côté de l'armée ennemie, toute la première ligne avait été détruite dans une seule affaire, les troupes laissées alors en réserve étant à peine suffisantes pour la défense du camp; (12) et, de celui des Romains, il y eut tant de blessures, qu'il périt beaucoup plus de monde par leurs suites après le combat, qu'il n'en avait été tué dans le combat même.

Poursuites contre le censeur Appius Claudius (310)

[IX, 33]

(1) Q. Fabius, consul de l'année suivante, retrouva la guerre sous les murs de Sutrium: on lui avait donné pour collègue C. Marcius Rutilus. (2) Au reste, Fabius amena de Rome du renfort, et il arriva aux Étrusques une nouvelle armée tirée de leur pays.

(3) Il y avait déjà bien des années qu'on ne voyait plus naître aucune querelle entre les magistrats patriciens et les tribuns, lorsqu'il s'en éleva une, suscitée par un membre de cette famille, qui était alors comme fatale aux tribuns et au peuple. (4) Le censeur Ap. Claudius, quand ses dix-huit mois furent révolus, espace de temps fixé pour la censure par la loi Aemilia, bien que son collègue C. Plautius eût abdiqué sa magistrature, ne put être contraint par aucun moyen à abdiquer. (5) P. Sempronius, qui était tribun du peuple, lui intenta une action pour qu'il eût à se démettre de la censure à l'époque déterminée, acte non moins juste que populaire, et qui fut aussi agréable à tout excellent citoyen qu'à la multitude. (6) Comme ce tribun relisait à différentes reprises le texte de la loi Aemilia, et qu'il comblait d'éloges son auteur, le dictateur Mam. Aemilius, pour avoir resserré dans l'espace de dix-huit mois la censure auparavant quinquennale, et restreint un pouvoir que cette longue durée rendait exorbitant, (7) " Dis-nous donc, ajouta-t-il, Ap. Claudius, ce que tu aurais fait si tu eusses été censeur à l'époque où le furent C. Furius et M. Geganius?" (8) Appius de soutenir, que l'interpellation du tribun avait fort peu de rapport à son affaire; (9) car, bien que la loi Aemilia eût obligé ces censeurs, puisqu'elle fut portée durant leur magistrature, que le peuple en avait ordonné l'exécution depuis qu'ils avaient été créés censeurs, et que ce qui avait été ordonné par le peuple en dernier lieu était ce qui faisait règle et autorité; cependant ni lui, ni aucun de ceux qui avaient été créés censeurs postérieurement à la promulgation de cette loi, ne pouvaient être tenus de s'y soumettre.

Procès d'Appius Claudius (suite)

[IX, 34]

(1) Ce sophisme d'Appius n'obtenant l'approbation de personne, le tribun reprit: "Le voilà, Romains, le descendant de cet Appius, qui, créé décemvir pour une année, se nomma lui-même pour la seconde; et, la troisième, sans avoir été nommé ni par lui-même, ni par qui que ce fût, retint, simple particulier, les faisceaux et le pouvoir, (2) et qui ne se démit de sa magistrature qu'écrasé par ce pouvoir mal acquis, mal géré, mal prorogé.

(3) "C'est cette même famille, Romains, dont la violence et les injustices vous contraignirent de quitter votre patrie, et d'occuper le mont Sacré. C'est contre elle que vous vous ménageâtes l'assistance tribunitienne; (4) c'est à cause d'elle que deux armées du peuple s'établirent sur l'Aventin; c'est elle qui s'opposa toujours aux lois contre l'usure et aux lois agraires; (5) elle qui prohiba les mariages entre personnes de classe patricienne et de classe plébéienne; elle qui ferma au peuple l'accès aux magistratures curules: c'est là un nom bien plus ennemi de votre liberté que celui des Tarquins."

(6) Ainsi donc, Ap. Claudius, depuis déjà cent ans que Mam. Aemilius fut dictateur, de tant de personnages du rang le plus élevé et du caractère le plus ferme que Rome a eus pour censeurs, pas un n'a lu la loi des Douze-Tables? pas un ne savait que ce qui fait loi, c'est ce que le peuple a ordonné en dernier lieu? (7) Loin de là, ils le savaient tous; et voilà pourquoi ils ont obéi à la loi Aemilia plutôt qu'à cette antique loi qui créa pour la première fois des censeurs, parce que le peuple l'avait votée la dernière, et que, lorsqu'il y a deux lois contraires, la nouvelle abroge toujours l'ancienne. (8) Prétends-tu, Appius, que le peuple n'est pas lié par la loi Aemilia? ou qu'il l'est, et que toi seul tu ne l'es pas? (9) La loi Aemilia tenait lié C. Furius et M. Geganius, ces fougueux censeurs, qui montrèrent quel mal une pareille magistrature pouvait faire à la république, quand, par dépit de voir leur puissance limitée, ils privèrent du droit de suffrage Mam. Aemilius, le premier homme de son temps durant la guerre comme durant la paix. (10) Depuis, elle a lié pendant cent ans tous les censeurs, et lie aujourd'hui C. Plautius, ton collègue, créé sous les mêmes auspices, en vertu du même plébiscite. (11) Est-ce que le peuple ne l'avait pas créé censeur pour jouir de tous les droits attachés à sa dignité? ou serais-tu l'être par excellence, à qui cette prérogative unique soit dévolue? (12) Celui que tu créeras roi des sacrifices, parce qu'il aura le titre de roi, se dira-t-il créé roi très légitime de Rome? Qui crois-tu que contentera une dictature de six mois, un interrègne de cinq jours? Qui auras-tu l'audace de créer dictateur pour ficher le clou, ou pour donner des jeux? (13) combien ne dois-tu pas trouver sots et ineptes ceux qui, dans l'intervalle de vingt jours, après avoir fait de grandes choses, abdiquaient la dictature, ou qui se démettaient d'une magistrature pour quelque vice dans leur élection?"

(14) "Mais qu'ai-je besoin de remonter aux temps reculés? Naguère, il n'y a pas dix ans, le dictateur C. Maenius, faisant des enquêtes avec une sévérité qui menaçait la sûreté de quelques personnages puissants, fut accusé par ses ennemis d'être lui même coupable du crime qui était la matière de ses poursuites; et, pour pouvoir aller au-devant de cette accusation, en redevenant particulier, il abdiqua la dictature. (15) Je n'exige pas de toi cette modération; car tu dégénérerais de la famille la plus impérieuse et la plus hautaine. Ne sors pas de charge un jour, une heure plus tôt qu'il n'est nécessaire, pourvu que tu n'excèdes pas le temps déterminé: (16) c'est assez d'ajouter un jour, un mois à la censure. Je gérerai la censure, dit-il, trois ans et six mois de plus que ne le permet la loi Aemilia, et je la gérerai seul. Certes, voilà déjà qui ressemble à la royauté."

(17) "Subrogeras-tu un collègue, que tu n'as même pas le droit de subroger à la place d'un censeur mort? (18) Tu te repens sans doute, religieux censeur, d'avoir fait passer des mains des plus nobles pontifes dans des mains d'esclaves le ministère de notre plus antique solennité, de la seule qu'ait instituée le dieu même qui en est l'objet? (19) Une famille plus ancienne que l'origine de cette ville, famille sanctifiée par l'hospitalité des dieux immortels, s'est, grâce à toi et à ta censure, entièrement éteinte, dans l'année: si même, par cet attentat, ce que je frémis à l'idée de présager, tu n'as pas compromis la république entière."

(20) "La ville fut prise le lustre, où, pour ne pas sortir de magistrature, L. Papirius Cursor se donna un nouveau collègue en subrogeant M. Cornelius Maluginensis au censeur C. Junius, son collègue décédé. (21) Et combien son ambition ne fut-elle pas plus modérée que la tienne, Appius? L. Papirius ne géra la censure ni seul, ni au-delà du temps fixé par la loi; cependant il n'a trouvé personne qui, dans la suite, l'ait pris pour exemple: tous les censeurs ont depuis abdiqué leur magistrature après la mort de leur collègue. (22) Toi, ni le terme de ta censure expiré, ni la renonciation de ton collègue à sa magistrature, ni la loi, ni la pudeur, ne t'arrêtent. Tu places la fermeté dans l'orgueil, dans l'audace, dans le mépris des dieux et des hommes."

(23) "Pour moi, Ap. Claudius, par respect pour la majesté de cette magistrature que tu as gérée, je voudrais non seulement qu'on ne portât pas sur toi la main, mais que tu n'eusses pas encouru ce langage sévère. (24) Mais ces paroles que je viens de faire entendre, ton obstination et ton orgueil n'ont forcé de les prononcer, et, si tu n'obéis à la loi Aemilia, j'ordonnerai qu'on te conduise en prison; (25) car nos aïeux ayant statué, pour les comices censoriaux, que, si deux candidats ne réunissent pas le nombre de suffrages exigé par la loi, les comices seront ajournés sans qu'on en proclame aucun, je ne souffrirai pas que toi, qui ne pourrais être créé censeur seul, tu gères seul la censure."

(26) Après avoir parlé à peu près en ces mots, il donna l'ordre d'arrêter le censeur et de le conduire en prison. Six tribuns approuvèrent l'action de leur collègue; mais trois reçurent l'appel d'Appius, et, au très grand mécontentement de tous les ordres, il géra seul la censure.

L'armée consulaire met les Étrusques en déroule (310)

[IX, 35]

(1) Tandis que ces choses se passent à Rome, déjà les Étrusques faisaient le siège de Sutrium. Le consul Fabius avait pris sa route par le bas des montagnes, pour porter secours aux alliés, et tenter de franchir, s'il le pouvait, sur quelque point, les lignes des assiégeants, lorsqu'il rencontra l'armée ennemie s'avançant en ordre de bataille. (2) La vaste plaine qu'il avait sous les yeux lui laissant découvrir l'immense multitude d'hommes qui la composaient, le consul, pour suppléer au petit nombre des siens par l'avantage de la position, détourne un peu la marche de ses troupes, leur fait gagner le penchant des hauteurs (dont le sol, raboteux, était semé de pierres), puis de là fait face à l'ennemi. (3) Les Étrusques, ne voyant que leur multitude, en laquelle seule ils mettaient leur confiance, et oubliant tout le reste, s'apprêtent au combat avec une telle précipitation et une telle ardeur, que, jetant de côté leurs armes de trait pour en venir plus promptement aux mains, ils tirent leurs épées en marchant à l'ennemi. (4) Les Romains, au contraire, de lancer et des traits et des pierres, que le lieu leur fournissait en grande quantité. (5) Cette grêle de projectiles donc, lors même qu'elle ne frappait que les boucliers et les casques, troublant ceux qu'elle ne blessait pas (il n'était pas facile aux ennemis de gravir la hauteur pour engager l'affaire de plus près, et ils n'avaient plus d'armes de trait pour combattre de loin), (6) les soldats restaient à la même place, exposés aux coups, n'ayant déjà plus une seule partie de leur armure qui fût en état de les garantir suffisamment. Comme quelques-uns même lâchaient pied, et qu'il y avait de l'instabilité et de la fluctuation dans le corps de bataille, les hastats et les princes, renouvelant le cri de charge, fondent sur les Étrusques l'épée à la main. (7) Ceux-ci ne purent soutenir cette impétueuse attaque: ils tournent le dos et regagnent leur camp en fuyant dans le plus grand désordre. Mais les cavaliers romains, qui avaient traversé obliquement la plaine, s'étant présentés à leur rencontre, ils abandonnent le chemin du camp, et gagnent les montagnes. (8) De là, ces troupes, presque sans armes et criblées de blessures, pénètrent dans la forêt ciminienne. Le Romain, après avoir tué plusieurs milliers d'Étrusques, prit trente-huit étendards, s'empara aussi du camp des ennemis, où il trouva un butin considérable. On s'occupa ensuite des moyens de poursuivre l'ennemi.

 

La traversée de la forêt ciminienne

[IX, 36]

(1) La forêt ciminienne était alors plus impénétrable et d'un aspect plus effrayant, que ne l'étaient, dans ces derniers temps, les forêts de la Germanie; et jusque-là pas un individu, même parmi la classe des marchands, n'avait osé s'y aventurer. Dans l'armée, il n'y avait presque personne qui se sentît la hardiesse d'y pénétrer, excepté le général lui-même. Quant à tous les autres, ils n'avaient pas encore perdu le souvenir de la funeste journée des Fourches Caudines. (2) Alors un de ceux qui se trouvaient présents (c'était un frère du consul, que les uns nomment M. Fabius, les autres Céson, que d'autres enfin appellent C. Claudius, et qu'ils donnent comme son frère utérin seulement) prit l'engagement d'aller reconnaître les lieux, et d'en rapporter avant peu des nouvelles certaines en tout point. (3) Élevé à Caeré chez des hôtes, il y avait puisé la connaissance des lettres étrusques, et la langue étrusque lui était familière. J'ai vu, dans des auteurs, qu'à cette époque il était aussi commun d'instruire les jeunes Romains dans les lettres étrusques, qu'il l'est aujourd'hui de les instruire dans les lettres grecques; (4) mais il est plus vraisemblable que la connaissance de la langue étrusque était quelque chose de particulier à celui-là qui, par un déguisement si audacieux, s'exposa au milieu des ennemis. Il avait, dit-on, pour unique compagnon un esclave élevé avec lui, et sachant par conséquent la même langue. (5) À leur départ, ils se bornèrent à prendre de courtes notions sur la nature du pays où ils allaient entrer, et à graver dans leur mémoire les noms des principales peuplades, de peur que, dans la conversation, leur hésitation sur quelque point important ne vînt à les déceler.

(6) Ils se mirent en chemin, déguisés en bergers avec des armes de paysans, des faux et deux gésum. Mais ni la connaissance de la langue, ni la nature du vêtement et des armes, ne les cachèrent comme le peu d'apparence qu'il y avait que quelque étranger pût se hasarder à entrer dans la forêt ciminienne. (7) Ils pénétrèrent, dit-on, jusque chez les Camertes ombriens. Là, le Romain osa avouer qui ils étaient: introduit dans le sénat, il proposa, de la part du consul, un pacte d'alliance et d'amitié. (8) Après avoir été cordialement accueilli, il fut invité à annoncer aux Romains que l'armée, si elle entrait dans ces lieux, trouverait des vivres pour trente jours, et que la jeunesse des Camertes Ombriens, sous les armes, serait prête à obéir aux ordres du général. (9)

Quand ces particularités eurent été rapportées au consul, faisant partir, à l'entrée de la nuit, les bagages, et les faisant suivre par les légions, il demeura avec la cavalerie, (10) et le lendemain, après le lever du soleil, il alla se montrer aux postes ennemis disposés en dehors de la forêt. Lorsqu'il eut tenu assez longtemps l'ennemi en alarme, il se retira dans son camp, et aussitôt, sortant par une porte opposée, il atteignit le gros de l'armée avant la nuit. (11) Le lendemain, dès le point du jour, il occupait les sommets des montc ciminiens. Découvrant de là les riches campagnes de l'Étrurie, il y répand ses soldats. (12) Déjà l'on avait enlevé un butin considérable, lorsque les cohortes de paysans étrusques, levées à la hâte, viennent tout à coup, à l'instigation des principaux habitants de cette contrée, attaquer les romains; mais elles le font avec si peu d'ordre, que ces hommes sans discipline, en voulant recouvrer leur butin, faillirent devenir eux-mêmes la proie de l'ennemi. (13) Après les avoir taillés en pièces ou mis en fuite, après avoir dévasté une grande étendue de pays, le Romain, vainqueur et chargé de toutes sortes de richesses, rentre dans le camp. (14) Il s'y trouvait par hasard cinq députés et deux tribuns du peuple, venus signifier à Fabius, de la part du sénat, de ne pas s'engager dans la forêt ciminienne: enchantés d'être arrivés trop tard pour arrêter le cours de la guerre, ils s'en retournèrent à Rome porter la nouvelle d'une victoire.

Nouvelle victoire des Romains sur les Étrusques. Conclusion d'une trève de trente ans (310)

[IX, 37]

(1) Cette expédition du consul, loin d'avoir mis fin à la guerre, n'avait fait que l'étendre; car tout le pays situé au pied des monts ciminiens avait souffert de la dévastation, et ses malheurs avaient soulevé d'indignation non seulement les peuples de l'Étrurie, mais encore ceux de l'Ombrie qui les avoisinaient. (2) Aussi une armée, comme on n'en avait jamais vu auparavant de si considérable, vint prendre position devant Sutrium. Non contents de lever le camp qu'ils avaient an milieu de la forêt, les Étrusques, dans l'impatience de combattre, se hâtent de porter leurs troupes en rase campagne. (3) Lorsqu'elles sont rangées en bataille, ils ne bougent pas de la position qu'ils ont choisie d'abord, ayant laissé aux Romains un espace vis-à-vis pour ranger aussi les leurs; puis, s'apercevant que l'ennemi n'acceptait point le combat, ils s'approchent de ses palissades. (4) Quand les troupes voient que les premiers postes eux-mêmes ont été retirés dans l'intérieur des retranchements, elles crièrent tout à coup à leurs généraux de donner ordre qu'on leur apporte là du camp la nourriture de ce jour; qu'elles demeureront sous les armes, et que la nuit, ou du moins à la pointe du jour, elles envahiront le camp ennemi.

(5) L'armée romaine ne montre pas moins d'impatience; mais elle est contenue par l'autorité du général. Vers la dixième heure du jour, le consul ordonne aux soldats de prendre de la nourriture; il leur enjoint d'être armés, à quelque heure du jour ou de la nuit qu'il leur donne le signal. (6) Dans une courte allocution qu'il leur adresse, il vante les guerres des Samnites, et rabaisse les Étrusques: « Il ne fallait, dit-il, comparer cet ennemi à l'autre, ni pour la bravoure, ni pour le nombre. De plus, il tenait en réserve un moyen de succès qu'ils connaîtraient quand il en serait temps, mais qui, pour le moment, ne devait pas être divulgué." (7) Il tâchait de faire croire, par ces paroles ambiguës, qu'on trahissait les ennemis, afin de relever le courage des soldats, effrayés de leur nombre; et comme les Étrusques restaient ainsi sans se retrancher, cette supposition paraissait plus vraisemblable. Leur repas fini, les soldats se livrent au sommeil; puis, environ trois heures avant le jour, on les éveille sans bruit, et ils prennent les armes. (8) On distribue des haches aux valets d'armée, pour abattre les palissades et combler les fossés; les troupes sont rangées en bataille dans l'intérieur des retranchements; des cohortes d'élite sont placées au passage des portes.

(9) Ensuite, le signal étant donné un peu avant le jour, moment qui, dans les nuits d'été, est celui du plus profond sommeil, les palissades sont renversées, et l'armée sort en bataille. Elle fond sur les ennemis étendus çà et là; il se fait un massacre général de ces hommes surpris, les uns sans mouvement, les autres à moitié endormis dans leurs gîtes, la plupart courant tumultueusement aux armes. Un petit nombre eut le temps de s'armer; (10) et ceux-là même, n'ayant point de signal certain, point de chef pour se rallier, sont mis en déroute par le Romain, et poursuivis par sa cavalerie. Ils dirigèrent leur fuite les uns vers le camp, les autres vers la forêt. Ce fut là qu'ils trouvèrent le refuge le plus sûr; car le camp, placé en rase campagne, fut pris le même jour. Le consul se fit remettre l'or et l'argent; le reste du butin fut abandonné au soldat. Soixante mille ennemis environ furent tués ou pris dans cette journée.

(11) Selon quelques historiens, ce combat si mémorable fut livré au-delà de la forêt ciminienne, près de Pérouse; et l'on craignit beaucoup à Rome que l'armée, ayant sa retraite coupée par cette forêt si dangereuse, ne se trouvât enveloppée par les Étrusques et les Ombriens qui s'étaient levés de toutes parts. (12) Mais, en quelque endroit que se soit livré ce combat, l'avantage demeura aux Romains. Par suite de cette victoire, Péruse, Cortone et Arretium, cités qui, en ce temps-là, formaient à peu près la tête de la confédération étrusque, envoyèrent des députés demander aux Romains paix et alliance, et obtinrent une trêve de trente ans.

Opérations dans le Samnium; défaite romaine (310)

[IX, 38]

(1) Tandis que ces événements se passent en Étrurie, l'autre consul, C. Marcius Rutilus, enleva aux Samnites Allifae, qu'il emporta de vive force. Beaucoup d'autres places et de bourgades furent détruites impitoyablement, ou tombèrent en notre pouvoir sans coup férir.

(2) Dans le même temps, la flotte romaine, sous les ordres de P. Cornelius, que le sénat avait préposé à la côte maritime, se rendit à Pompéi, d'où elle fit une descente en Campanie. Les troupes navales, étant parties de ce point pour ravager le territoire de Nuceria, se bornèrent d'abord à dévaster précipitamment la partie la plus voisine de la mer, pour pouvoir regagner en sûreté leurs vaisseaux; mais l'appât du butin les ayant, comme il arrive en pareil cas, entraînés plus loin, ils donnèrent l'éveil aux ennemis. (3) Personne ne s'offrit à leur rencontre, tandis que, dispersés de tous côtés dans les champs, ils auraient pu être exterminés jusqu'au dernier; ce fut seulement à leur retour que, marchant sans précaution, parce qu'ils n'étaient plus qu'à peu de distance de la flotte, ils furent atteints par des paysans, qui leur reprirent le butin, et leur tuèrent même une partie de leur monde: ceux qui échappèrent au massacre furent repoussés en désordre vers les vaisseaux.

(4) Autant l'expédition de Q. Fabius au-delà de la forêt ciminienne avait causé d'effroi à Rome, autant, lorsque la nouvelle en était parvenue dans le Samnium, elle avait causé de joie aux ennemis. Ils publiaient: "Que l'armée romaine, investie, était tenue en échec, qu'elle se trouvait dans une aussi funeste situation qu'aux Fourches Caudines; (5) que la même témérité avait conduit dans d'impraticables défilés une nation toujours avide de conquêtes, et que là, les obstacles des lieux, autant que les armes des ennemis, lui opposaient une barrière infranchissable." (6) Déjà se mêlait à leur joie une sorte d'envie, de ce que la fortune avait transporté des Samnites aux Étrusques l'honneur d'humilier les Romains dans leurs guerres. (7) Ils rassemblent donc au plus vite ce qu'ils avaient d'armes et de soldats, pour écraser le consul C. Marcius, décidés à passer sur-le-champ en Étrurie au travers des Marses et des Sabins, si Marcius ne leur offrait pas la possibilité de le combattre. (8) Le consul se porta au-devant d'eux; on se battit de part et d'autre avec un acharnement extrême, et le succès fut indécis. Quoique le carnage eût été à peu près le même des deux côtés, cette affaire eut cependant pour les Romains la couleur d'une défaite, parce qu'ils avaient perdu quelques chevaliers, des tribuns des soldats, un lieutenant, et (ce qui était plus remarquable) parce que le consul avait lui-même reçu une blessure.

(9) Comme à tout cela se joignaient encore (ainsi qu'il arrive ordinairement) les exagérations de la renommée, une vive terreur s'empara des sénateurs, et ils voulaient nommer un dictateur. Personne ne doutait que le choix ne dût tomber sur Papirius Cursor, qui était alors regardé comme le plus habile des généraux; (10) mais on ne pouvait pas faire parvenir sûrement un message dans le Samnium, où se présentaient partout des dangers, et l'on n'avait pas la certitude que le consul Marcius vécût encore. Fabius, l'autre consul, était personnellement ennemi de Papirius. (11) Le sénat, dans la crainte que cette haine ne devînt un obstacle au bien public, fut d'avis de lui envoyer une députation prise parmi les personnages consulaires. (12) Il fut recommandé à ces députés de ne pas se borner à des considérations de voeu public, mais d'user aussi de leur propre influence pour le déterminer à faire à la patrie le sacrifice de ses ressentiments.

(13) Les députés s'étant rendus auprès de Fabius, et, en lui remettant le sénatus-consulte, y ayant joint des instances conformes à leurs instructions, le consul, les yeux baissés vers la terre, ne proféra pas une parole, et se retira en les laissant dans l'incertitude de ce qu'il allait faire. (14) Ensuite, durant le silence de la nuit (comme c'est l'usage), il nomma L. Papirius dictateur. Comme les députés le félicitaient de cette belle victoire remportée sur lui-même, il garda obstinément le silence, et, sans leur répondre, sans parler de ce qu'il avait fait, il les congédia, d'un air fait pour annoncer qu'il comprimait dans sa grande âme une extrême douleur.

(15) Papirius nomma général de la cavalerie C. Junius Bubulcus. Comme il présentait aux curies la loi qui devait lui conférer l'autorité sur les troupes, il se trouva que la curie Faucia fut la première à donner son suffrage, ce qui étant d'un fâcheux augure, lui fit remettre l'assemblée à un autre jour; car cette curie était décriée à cause de deux grandes calamités, la prise de Rome et la paix Caudine, qui eurent lieu les deux années où elle avait voté la première. (15) Licinius Macer Macer jette encore sur cette curie l'odieux d'une troisième catastrophe, la perte essuyée sur les bords de la Cremera.

Victoire romaine près du lac Vadimon (310)

[IX, 39]

(1) Le lendemain, le dictateur, après avoir pris de nouveau les auspices, fit passer la loi. S'étant ensuite mis en route avec les légions levées récemment sous l'impression de la terreur qu'avait excitée le passage de l'armée au-delà de la forêt ciminienne, il arriva à Longula; et, le consul Marcius lui ayant remis les anciens soldats, il conduisit ses troupes présenter la bataille aux ennemis, (2) qui n'eurent pas l'air de la refuser ; mais la nuit (comme on n'engageait le combat ni d'une part ni de l'autre) les surprit en ligne et sous les armes. (3) Ils restèrent quelque temps tranquilles, sans défiance de leurs forces, comme sans mépris pour l'ennemi, ayant leur camp à peu de distance.

(4) Durant ce temps-là, il se passa des événements en Étrurie. D'abord on livra une bataille à l'armée des Ombriens (affaire dans laquelle toutefois la perte de l'ennemi fut moindre que sa déroute, parce que, s'il s'était montré plein d'ardeur au commencement du combat, il renonça bientôt à le soutenir); (5) puis il y eut, près du lac Vadimon, un autre engagement dans lequel les Étrusques, dont l'armée, levée d'après la loi sacrée, se composait de guerriers ayant chacun un compagnon d'armes de son choix, combattirent à la fois et en plus grand nombre et avec plus d'intrépidité que jamais. (6) Les choses se passèrent avec une telle animosité de chaque part, qu'il ne fut pas lancé un seul trait d'un côté ni de l'autre. L'affaire s'engagea à l'épée; et l'action, commencée avec une extrême chaleur, s'échauffa de plus en plus par le combat même, dont le succès fut quelque temps douteux, au point que les Romains ne croyaient pas se mesurer avec ces Étrusques tant de fois vaincus, mais avec quelque nation toute nouvelle. (7) D'aucun côté, pas la moindre velléité de fuite: les hastaires sont tués; et pour que les enseignes ne restent pas sans défenseurs, la seconde ligne prend la place de la première. Ensuite, on fait donner tout le reste des troupes.

(8) L'on en vint à cet excès de détresse et de péril, que les cavaliers romains, laissant leurs chevaux, arrivèrent en première ligne d'infanterie, se faisant jour à travers des amas d'armes et de cadavres. Ce corps, apparaissant comme une nouvelle armée au milieu de troupes accablées de fatigues, jeta quelque désordre parmi les Étrusques. (9) Son impétuosité entraînant le reste des combattants, malgré l'excès de leur épuisement, ils parviennent ensemble à enfoncer les rangs des ennemis. (10) Alors l'opiniâtreté de ceux-ci commença à se laisser vaincre, et quelques-uns de leurs manipules à lâcher pied. Une fois qu'ils se mirent à tourner le dos, leur déroute ne tarda pas à être complète. (11) Cette journée porta un premier coup à la puissance des Étrusques, fondée sur une longue suite de prospérités. Toute la force de la nation fut détruite dans cette bataille; du même coup le camp fut pris et pillé.

Victoire romaine sur les Samnites. Capitulation de Pérouse (310)

[IX, 40]

(1) Chez les Samnites, la guerre, avec un péril égal, offrait des résultats non moins glorieux. Entre autres préparatifs guerriers, ils s'étaient appliqués à faire briller leurs combattants par une nouvelle armure éclatante. (2) Il y avait deux corps d'armée; ils donnèrent à l'un des boucliers ciselés en or, à l'autre des boucliers ciselés en argent. Voici quelle était la forme du bouclier : plus évasé vers l'endroit qui couvre la poitrine et les épaules, sa partie supérieure offrait une largeur égale; sa partie inférieure se rétrécissait en coin, pour qu'il fût plus maniable. (3) La poitrine du soldat était garantie par un tissu de feutre et sa jambe gauche par une bottine. Les casques étaient surmontés d'un panache, pour qu'ils fissent paraître plus grands ceux qui les portaient. Le vêtement des soldats aux boucliers dorés était de diverses couleurs; celui des soldats aux boucliers argentés était blanc. Ceux-ci formaient l'aile droite, les autres la gauche.

(4) Les Romains avaient déjà connaissance de cet appareil d'armes éclatantes; et ils savaient de leurs généraux, qu'un soldat devait être sans parure, n'avoir point d'armes brillantes d'or et d'argent, mais compter sur le fer et sur son courage; (5) car véritablement elles étaient moins des armes qu'une proie pour l'ennemi, ces armes luisantes avant l'action, et bientôt ternies au milieu du sang et des blessures ; (6) que la valeur était l'ornement du soldat; que toutes ces belles choses seraient le prix de la victoire, et passeraient de l'ennemi riche au vainqueur indigent."

(7) Cursor mène au combat ses soldats animés par ces paroles. Il prend pour lui le commandement de la droite, et donne celui de la gauche au général de la cavalerie. (8) Dès que l'on s'est joint, il s'engage avec l'ennemi une lutte terrible, et elle ne fut pas moindre entre le dictateur et le général de la cavalerie, pour décider qui des deux donnerait l'exemple de la victoire. (9) Le hasard fit que Junius ébranla le premier l'ennemi, dont l'aile droite se trouvait opposée à son aile gauche. L'éclatante blancheur des vêtements et des armes des soldats de cette partie de l'armée ennemie semblant annoncer que les Samnites les avaient dévoués à leur manière, Junius dit et répète qu'il va les immoler au dieu des enfers. Faisant ensuite avancer contre eux son aile, il jeta le désordre dans leurs rangs; et, dès ce moment, ce corps éprouva un désavantage prononcé.

(10) Dès que le dictateur s'en aperçut: "La victoire commencera-t-elle par l'aile gauche? dit-il; et l'aile droite, la partie de l'armée commandée parle dictateur, ne fera-t-elle, dans le combat, que suivre l'exemple d'autrui, et laissera-t-elle à d'autres la principale gloire du succès?" (11) Il excite les soldats. Ni les cavaliers ne le cèdent aux fantassins pour le courage, ni les lieutenants aux généraux pour le zèle. (12) M. Valerius à droite, P. Decius à gauche, tous deux personnages consulaires, se portent vers les cavaliers rangés sur les deux ailes; et, les exhortant à venir avec eux prendre une part à la gloire du combat, ils se jettent en travers sur les flancs de l'ennemi. (13) À cette nouvelle attaque, il y eut un mouvement de terreur qui, des deux extrémités, alla se propageant sur toute l'étendue de la ligne ennemie; et, pour augmenter cet effroi, les légions romaines s'ébranlent en poussant de nouveau le cri de charge. Alors les Samnites se mettent à fuir; (14) la campagne se couvre de leurs morts et de leurs magnifiques armures. Dans leur épouvante, leur camp fut d'abord un refuge; mais ils ne surent par même le conserver: avant la nuit, il fut pris, pillé et incendié.

(15) Le dictateur triompha en vertu d'un sénatus-consulte; les armes prises sur les ennemis prêtèrent à cette solennité un éclat extraordinaire. On les trouva d'une telle magnificence, que les boucliers dorés furent distribués aux orfèvres pour l'ornement du Forum. C'est de là, dit-on, que vint pour les édiles l'usage d'orner le Forum, lorsque l'on promenait les statues des dieux. (17) Toutefois, ces brillantes armes des ennemis, les Romains ne s'en servirent que pour honorer les dieux; mais les Campaniens, par orgueil à la fois et par haine des Samnites, en parèrent leurs gladiateurs (spectacle qui faisait leur amusement pendant les repas), et donnèrent à ces gladiateurs le nom de Samnites.

(18) Cette même année, le consul Fabius combattit, aux environs de Pérouse, les restes de l'armée étrusque, qui elle-même avait rompu la trêve; et la victoire ne fut ni douteuse ni difficile. (19) La prise de Pérouse eût infailliblement suivi (car le vainqueur était déjà sous ses murs), si des députés ne fussent sortis pour notifier la soumission de cette cité. (20) Après avoir mis garnison dans Pérouse, et envoyé devant lui à Rome, vers le sénat, des députations de l'Étrurie chargées de solliciter l'amitié des Romains, le consul revint, et entra triomphalement dans la ville, à l'occasion d'une victoire encore plus éclatante que celle du dictateur. (21) L'honneur même de la défaite des Samnites fut reporté en grande partie sur les lieutenants P. Decius et M. Valerius, que le peuple, aux comices suivants, nomma à une grande majorité l'un consul, l'autre préteur.

Victoire romaine sur les Ombriens (308)

[IX, 41]

(1) Le consulat est continué à Fabius, pour prix de la glorieuse soumission de l'Étrurie; on lui donne pour collègue Decius. Valerius est créé préteur pour la quatrième fois. (2) Les consuls procédèrent au partage de leurs provinces. L'Étrurie échut à Decius, le Samnium à Fabius. (3) Celui-ci, s'étant dirigé sur Nuceria Alfaterna, refusa aux habitants la paix qu'ils lui demandaient alors, pour les punir de n'avoir point voulu l'accepter lorsqu'on la leur avait offerte, et, attaquant cette ville avec vigueur, la contraignit de se rendre. (4) Il y eut contre les Samnites un combat, dans lequel les ennemis furent vaincus sans beaucoup d'efforts; et l'on n'eût même pas fait mention de cette affaire, si elle n'était la première où les Marses se trouvèrent aux prises avec les Romains. Les Péligniens, dont la défection suivit celle des Marses, éprouvèrent le même sort.

(5) Les chances de la guerre étaient pareillement favorables à Decius, l'autre consul. Il avait contraint, par la frayeur, l'habitant de Tarquinies à fournir du blé à l'armée, et à demander une trêve de quarante ans. (6) Il prit de vive force plusieurs places des Volsiniens, en détruisit quelques-unes, de peur qu'elles ne servissent de retraite aux ennemis; et, promenant la guerre de tous côtés, il se fit tellement redouter, que la confédération entière des Étrusques demanda au consul un traité d'alliance. Mais il ne lui fut rien accordé à cet égard. Elle obtint une trêve d'un an, (7) à condition que la solde de l'armée romaine serait, pour cette année, à la charge de l'ennemi, qui fournirait en outre deux tuniques à chaque soldat. Voilà quel fut le prix de la trêve.

(8) La tranquillité dont on commençait à jouir du côté des Étrusques fut troublée par la soudaine défection des Ombriens, nation qui, si l'on excepte le passage de l'armée romaine sur son territoire, ne s'était aucunement ressentie des malheurs de la guerre. (9) Ayant mis sur pied toute leur jeunesse, et poussé à la révolte une grande partie des Étrusques, ils avaient créé une armée si puissante, que, laissant derrière eux Decius dans l'Étrurie, ils publiaient hautement qu'ils allaient marcher sur Rome pour l'assiéger, parlant d'eux-mêmes avec emphase, et des Romains avec mépris.

(10) Dès que le consul Decius est informé de leur projet, il quitte l'Étrurie, marche à grandes journées vers Rome, et prend position sur le territoire de Pupinia, l'oei1 ouvert sur tous les mouvements de l'ennemi. (11) À Rome, on ne méprisait pas non plus cette guerre des Ombriens; et leurs menaces seules avaient alarmé des habitants, à qui l'invasion des Gaulois avait appris combien leur ville était difficile à défendre. (12) Aussi envoya-t-on des députés au consul Fabius pour qu'il conduisît promptement son armée en Ombrie, dans le cas où la guerre des Samnites lui laisserait quelque relâche. (13) Le consul obéit, et gagna à marches forcées Mevania, où étaient alors les troupes des Ombriens.

(14) La soudaine arrivée du consul, qu'ils s'étaient figuré loin de l'Ombrie, retenu dans le Samnium par une autre guerre, épouvanta tellement les Ombriens, qu'ils étaient d'avis, les uns de se retirer vers leurs places fortes, les autres de renoncer à la guerre. (15) Un de leurs cantons (ils l'appellent Materina) non seulement contint les autres en armes, mais les entraîna sur-le-champ au combat. Ils attaquèrent Fabius comme il entourait son camp de palissades. (16) Dès que le consul vit cette multitude en désordre fondre sur ses retranchements, il fit quitter aux soldats les travaux, et les rangea en bataille, selon que le permettaient la nature du lieu et la circonstance. Pour toute exhortation, leur dépeignant, ce qui était vrai, la gloire qu'ils s'étaient acquise et chez les Étrusques et dans le Samnium, il leur enjoint d'en finir avec ce misérable reste de la guerre d'Étrurie, et de punir les insolents qui avaient menacé d'assiéger la ville de Rome.

(17) Ces paroles excitèrent un si vif transport chez les soldats, qu'un cri parti involontairement interrompit la harangue du général; et bientôt, sans en attendre l'ordre, tous les instruments guerriers sonnant à la fois, ils fondent précipitamment sur l'ennemi. (18) Il semble qu'ils n'aient affaire ni à des hommes, ni à des combattants; ils commencent (chose étonnante!) par arracher les enseignes des mains des porte-étendards; puis, saisissant les porte-étendards eus-mêmes, ils les traînent vers le consul. Ils en font autant de chaque soldat, qu'ils vont prendre tout armé dans sa ligne, pour l'amener dans la leur; et, s'il y a quelque part de la résistance, l'affaire se termine avec le bouclier plutôt qu'avec l'épée. Du choc du bouclier et d'un coup d'épaule, ils jettent les ennemis par terre. (19) Il y a plus de monde de pris que de tué; et un seul cri de mettre bas les armes est à l'instant porté dans toute la ligne ennemie. (20) Ce fut au milieu même du combat que la soumission fut jurée par ceux-là qui avaient les premiers conseillé la guerre. Le lendemain et les jours suivants, les autres peuples de l'Ombrie se rendent. Les Ocriculans seuls reçoivent la promesse d'un traité d'alliance.

Victoire sur les Samnites et les Herniques (307-306)

[IX, 42]

(1) Fabius, vainqueur d'un ennemi que le sort avait assigné à un autre, ramena son armée dans sa province. (2) Pour prix de si heureux succès, le sénat, à l'exemple du peuple, qui, l'année précédente, lui avait continué le consulat, lui prorogea le commandement de l'armée pour l'année suivante, où furent consuls Ap. Claudius et L. Volumnius, mesure qui éprouva une violente opposition de la part d'Appius.

(3) Je trouve, dans quelques annales, qu'Appius demanda le consulat étant censeur, et que L. Furius, tribun du peuple, s'opposa à son élection, jusqu'à ce qu'il eût abdiqué la censure. (4) Arrivé au consulat, comme son collègue fut chargé de la guerre qu'on avait à soutenir pour la première fois contre les Sallentins, il resta à Rome pour accroître son influence par les voies politiques, puisque d'autres se trouvaient en possession de la gloire militaire.

(5) Volumnius n'eut pas lieu d'être mécontent de sa province: il livra plusieurs combats heureux, et enleva de vive force plusieurs villes à l'ennemi: il était prodigue du butin; et à cette libéralité déjà si agréable par elle-même, il ajoutait du prix par ses manières affables; aussi était-il parvenu, par cette conduite, à rendre le soldat avide de périls et de fatigues.

(6) Le proconsul Q. Fabius livra, près de la ville d'Allifae, à l'armée des Samnites, une bataille dont le succès ne fut aucunement douteux. Les ennemis furent mis en déroute et repoussés jusque dans leur camp, où ils n'auraient pu se maintenir, si le jour n'eût été très avancé. Toutefois le camp fut cerné avant la nuit, et gardé étroitement pendant toute sa durée, pour que personne ne pût s'en échapper. (7) Le lendemain, le jour paraissait à peine, que les ennemis commencèrent à capituler. Il fut stipulé que ce qu'il y avait de Samnites sortirait avec un simple vêtement. On les fit tous passer sous le joug. (8) Quant aux alliés des Samnites, il ne fut rien statué à leur égard: ils furent vendus à l'encan, au nombre d'environ sept mille. Ceux qui s'étaient déclarés citoyens herniques furent mis en réserve et veillés de près. (9) Fabius les envoya tous à Rome, au sénat; et, après une enquête pour savoir si c'était comme soldats fournis par leur pays, ou comme volontaires qu'ils avaient fait la guerre pour les Samnites contre les Romains, (10) on les répartit chez les différents peuples du Latium pour y être gardés. Les nouveaux consuls, P. Cornelius Arvina et Q. Marcius Tremulus (car ils étaient déjà nommés), eurent ordre de mettre toute cette affaire en délibération dans le sénat. (11) Cette mesure blessa fortement les Herniques. Il se tint une assemblée de tous les peuples de ce nom à Anagnia, dans le cirque appelé Maritime; et là, tous les Herniques, excepté ceux d'Aletriurn, de Ferentinum et de Verulae, déclarèrent la guerre au peuple romain.

Reprise de l'agitation dans le Samnium. Soumission du peuple hernique (306)

[IX, 43]

(1) Dans le Samnium aussi, il éclata de nouveaux mouvements, provenant de ce que Fabius s'en était éloigné. Calatia et Sora furent emportées, les garnisons romaines tombèrent au pouvoir de l'ennemi, qui exerça d'horribles cruautés sur les soldats prisonniers. (2) P. Cornelius y fut donc envoyé avec une armée. On assigne à Marcius de nouveaux ennemis (car déjà la guerre contre les Anagniens, les Herniques et autres peuples était chose décidée). (3) D'abord, les ennemis occupèrent avec tant de soin tous les points de communication entre les camps des consuls, qu'il eût été impossible au courrier le plus leste de passer; (4) et, pendant plusieurs jours, chacun des deux consuls resta dans une complète ignorance de ce qui se passait, éprouvant beaucoup d'inquiétude sur la situation de son collègue. L'alarme gagna même jusqu'à Rome, où elle fut si vive, que l'on enrôla sous la foi du serment tous ceux qui étaient en âge de supporter les fatigues de la guerre, et que l'on forma deux nouvelles armées prêtes à entrer en campagne au premier événement imprévu.

(5) Au reste, la guerre des Herniques n'était pas faite, à beaucoup près, pour inspirer la terreur qu'elle causait en ce moment, et fut loin de répondre à l'ancienne gloire de cette nation. (6) Ils n'osèrent pas hasarder une seule tentative digne d'être mentionnée: dans l'espace de quelques jours, ils se laissèrent dépouiller trois fois de leur camp; et pour s'assurer une trêve de trente jours, afin d'envoyer à Rome une députation vers le sénat, ils s'engagèrent à fournir deux mois de solde et du blé, plus une tunique pour chaque soldat. (7) Le sénat les renvoya devant Marcius, auquel un sénatus-consulte conféra le pouvoir de décider du sort de ce peuple, et Marcius reçut à discrétion les Herniques.

Cependant, dans le Samnium, l'autre consul, supérieur en forces, avait le désavantage des lieux. (8) Les ennemis avaient fermé tous les chemins, et s'étaient assurés des passages, pour qu'il ne pût arriver par là de convois. Bien que le consul leur présentât chaque jour la bataille, il ne pouvait les attirer au combat; (9) et il était aisé de voir que, si le Samnite avait tout à craindre d'une affaire, il serait funeste au Romain que la guerre traînât en longueur. (10) L'arrivée de Marcius, qui, après avoir soumis les Herniques, se hâta de venir au secours de son collègue, ôta à l'ennemi la possibilité d'éviter plus longtemps une action; (11) car les Samnites sentirent bien que, s'ils ne s'étaient pas jugés suffisamment en forces, même contre une seule armée, la jonction de deux armées consulaires, s'ils la laissaient s'effectuer, leur enlèverait toute espérance. Ils attaquent donc Marcius au moment où il arrivait avec son armée encore dans tout le désordre de la marche.

(12) Marcius fait transporter promptement les bagages au centre, et range ses troupes en bataille autant que la circonstance le permettait. D'abord les cris qui parvinrent jusqu'au camp, ensuite la vue de la poussière qui s'élevait au loin, jetèrent l'alarme dans le camp de l'autre consul. (13) Celui-ci donne ordre de prendre les armes sur-le-champ, fait sortir promptement ses troupes en bataille, et arrive en travers de l'armée ennemie, qu'il trouve occupée d'un autre combat. (14) Il crie alors aux siens que ce serait le comble de l'ignominie, s'ils souffraient que l'autre armée eût pour elle l'une et l'autre victoire, et s'ils ne faisaient tourner à leur gloire personnelle la guerre dont ils étaient personnellement chargés. (15) Il se fait jour à l'endroit où il avait porté son attaque, perce à travers les ennemis, marche droit à leur camp, et, le trouvant vide de défenseurs, le prend et y met le feu.

(16) Dès que les flammes sont aperçues par les soldats de Marcius, et que l'ennemi, en se retournant, les voit derrière lui, la déroute devient générale parmi les Samnites; mais, sur tous les points, leur fuite est arrêtée par le carnage, et nulle part ils n'ont de refuge assuré. (17) Déjà trente mille ennemis avaient été taillés en pièces, et les consuls, après avoir donné le signal de la retraite, rassemblaient leurs troupes en un seul corps d'armée, s'adressant mutuellement des félicitations, lorsque apparurent tout à coup dans l'éloignement de nouvelles cohortes ennemies. C'étaient des recrues levées pour compléter l'armée. Alors le carnage recommença. (18) Sans attendre l'ordre des consuls, sans avoir reçu le signal, les vainqueurs s'avancent contre elles en criant qu'il faut donner au Samnite novice une rude leçon. (19) Les consuls cèdent à l'ardeur des légions, sachant bien que des soldats nouveaux, joints à des vétérans abattus par leur déroute, n'auraient pas même la hardiesse de tenter un combat. (20) Ils ne furent pas trompés dans leur attente. Toutes les troupes des Samnites, les anciennes comme les nouvelles, gagnent en fuyant les montagnes voisines. L'armée romaine gravit ces montagnes; il n'est plus nulle part de lieu sûr pour les vaincus, et ils sont précipités des sommets qu'ils avaient occupés. Dès ce moment, tous, d'une commune voix, demandèrent la paix. (21) Alors on les obligea à fournir à l'armée du blé et la solde d'une année, et à donner une tunique pour chaque soldat; après quoi, ils envoyèrent au sénat des députés, chargés de solliciter un traité.

(22) Cornelius fut laissé dans le Samnium. Marcius revint à Rome où il triompha des Herniques. On lui décerna une statue équestre dans le Forum: c'est celle qui est placée devant le temple de Castor. (23) On rendit à trois peuples du nom hernique, ceux d'Aletrium, de Verulae et de Férentinum, leurs lois, qu'ils préférèrent au droit de cité; on leur accorda aussi la permission de se marier entre eux, privilège qui resta quelque temps affecté à ces trois peuples, seulement, dans toute la nation hernique. (24) Quant à ceux d'Anagnia, et aux autres qui avaient pris les armes contre les Romains, on leur accorda le droit de cité, mais sans y joindre le droit de suffrage; et on leur ôta leurs assemblées, ainsi que la liberté de former des mariages d'une cité à une autre. De plus, les fonctions de leurs magistrats furent réduites à la seule inspection sur les sacrifices.

(25) Cette même année, le censeur C. Junius Bubulcus entreprit la construction du temple de la déesse Salus, qu'il avait fait voeu d'élever étant consul, pendant la guerre des Samnites. Conjointement avec son collègue M. Valerius Maximus, il fit faire des chemins vicinaux, dont le trésor public supporta la dépense. (26) Ce fut encore cette même année qu'on renouvela, pour la troisième fois, le traité avec les Carthaginois. Les ambassadeurs qui étaient venus à cet effet de Carthage, furent traités avec bienveillance et comblés de présents.

Triomphe des consuls pour leurs victoires dans le Samnium (305)

[IX, 44]

(1) La même année, il y eut aussi un dictateur, P. Cornelius Scipion, avec un général de la cavalerie, P. Decius Mus. (2) Ils furent nommés pour tenir les comices consulaires, qu'ils tinrent en effet, parce qu'aucun des deux consuls n'avait pu abandonner les opérations de la guerre. (3) Les nouveaux consuls furent L. Postumius et Ti. Minucius. Pison place ces consuls immédiatement après Q. Fabius et P. Decius, supprimant les deux années où furent élevés au consulat, ainsi que nous l'avons rapporté, Claudius avec Volumnius, et Cornelius avec Marcius. (4) On ne sait si c'est par un défaut de mémoire en rédigeant ses annales, ou si c'est à dessein, les regardant comme apocryphes, qu'il n'a point fait mention de ces deux consulats.

(5) Cette année, les Samnites firent des incursions dans la plaine de Stella, partie du territoire de la Campanie. (6) Les consuls qui furent envoyés tous deux à cette occasion dans le Samnium, prirent chacun une route différente: Postumius gagna Tifernum, et Minucius Bovianum. Postumius fut le premier qui en vint aux mains avec l'ennemi, près de Tifernum. (7) Les uns rapportent que les Samnites furent complètement vaincus, et qu'on leur prit vingt mille hommes; (8) les autres qu'on se retira des deux côtés avec un avantage égal.

Postumius, feignant la crainte, fit, par une marche de nuit, gagner secrètement les montagnes à ses troupes et que les ennemis, l'ayant suivi, prirent position à deux mille pas de lui, sur des hauteurs également fortifiées. (9) Le consul, afin de leur persuader que son intention n'avait été que de se ménager un campement sûr et avantageux pour les subsistances (comme il l'était en effet), n'eut pas plus tôt achevé de retrancher son camp, qu'il le pourvut abondamment de toutes les choses utiles: (10) mais, à la troisième veille, laissant à sa garde un fort détachement, et emmenant ses légions, auxquelles il ne fait prendre que leurs armes, il les conduit, par le plus court chemin, à son collègue, qui restait aussi dans l'inaction vis-à-vis d'un autre corps de troupes ennemies.

(11) Alors Minucius, par le conseil de Postumius, en vient aux mains avec les ennemis. Le combat s'étant prolongé fort avant dans le jour, sans que la chance se prononçât, Postumius tombe tout à coup, avec ses légions fraîches, sur l'armée ennemie déjà épuisée de lassitude, (12) et a bientôt exterminé ces troupes, que l'excès de la fatigue et leurs blessures empêchaient même de fuir. On prit vingt et un étendards; et l'on se porta ensuite vers le camp de Postumius. (13) Là, deux armées victorieuses, attaquant un ennemi déjà abattu par la nouvelle qu'il venait de recevoir, ne tardent pas à l'enfoncer et à le mettre en fuite. Vingt-six étendards, le général des Samnites, Statius Gellius, et une multitude considérable d'ennemis, tombèrent au pouvoir des vainqueurs, qui s'emparèrent aussi des deux camps.

(14) Le lendemain, on commença le siège de Bovianum, qui fut bientôt emportée; et la gloire de ces brillants avantages fut couronnée par le triomphe des deux consuls. (15) Quelques historiens disent que le consul Minucius, rapporté dans son camp, grièvement blessé, mourut de sa blessure; que M. Fulvius fut nommé à sa place, et que ce fut lui qui, envoyé prendre le commandement de l'armée de Minucius, s'empara de Bovianum. (16) La même année, Sora, Arpinum, Cesennia, furent reprises sur les Samnites. On plaça dans le Capitole une grande statue d'Hercule, dont on fit la dédicace.

Fin de la guerre contre les Èques (304)

[IX, 45]

(1) Sous le consulat de P. Sulpicius Saverrio et de P. Sempronius Sophus, les Samnites, soit pour mettre fin à la guerre, soit pour gagner du temps, envoyèrent à Rome des députés demander la paix. (2) Il fut répondu à ces députés, qui parlaient d'un ton suppliant, que si les Samnites n'avaient pas maintes fois demandé la paix lorsqu'ils se préparaient à la guerre, on aurait pu, en discutant de part et d'autre les conditions, parvenir à un accommodement; mais que, pour le présent, les Romains, abusés jusqu'à ce jour par de vaines paroles, ne pouvaient s'en rapporter qu'à des faits; (3) que le consul P. Sempronius serait bientôt dans le Samnium avec une armée; qu'il ne serait pas possible de le tromper sur la disposition des esprits soit à la guerre, soit à la paix; qu'il instruirait le sénat de tout ce qu'il aurait découvert par lui-même; que les députés n'auraient qu'à suivre le consul lorsque celui-ci quitterait le Samnium. (4) Cette année, l'armée romaine, en parcourant le Samnium, ayant rencontré partout des dispositions pacifiques, et de l'empressement à lui fournir des vivres, on renouvela l'ancien traité avec les Samnites.

(5) Les armes romaines se tournèrent ensuite contre les Èques, de tout temps ennemis des Romains, mais qui, restés dans l'inaction pendant beaucoup d'années, avaient caché leur haine sous les apparences d'une paix qu'ils trahissaient sourdement. Tant qu'avait subsisté la confédération des Herniques, ils avaient fourni, de concert avec ceux-ci, des secours aux Samnites; (6) après la réduction des Herniques, la nation presque entière, sans être aucunement désavouée en cela par son conseil public, avait pris du service chez les ennemis; et depuis que les féciaux, après le traité conclu à Rome avec les Samnites, étaient venus leur demander satisfaction, (7) ils disaient hautement qu'on voulait les éprouver, afin que la peur de la guerre les fît consentir à devenir Romains: que les Herniques avaient fait voir combien cette condition était désirable, puisque tous ceux d'entre eux auxquels avaient été conféré le droit de cité romaine avaient beaucoup mieux aimé garder leurs lois; (8) et que ceux, à qui l'on n'avait pas laissé la liberté de choisir ce qu'ils préféraient, regarderaient toujours le droit de cité romaine comme un châtiment.

Ces propos insolents, jetés publiquement dans leurs assemblées, déterminèrent le peuple romain à faire la guerre aux Èques. (9) Les deux consuls, partis pour cette nouvelle guerre, allèrent se poster à quatre milles du camp des ennemis. (10) L'armée des Èques (comme depuis un grand nombre d'années ils n'avaient point fait la guerre en leur nom), ressemblait à des troupes levées à la hâte; ayant à peine des chefs, elle était sans subordination, et la confusion y régnait. (11) Les uns veulent que l'on marche au combat, les autres qu'on se borne à défendre le camp; la plupart songent à leurs terres qui vont être dévastées, à leurs villes dans lesquelles il n'a été laissé que de faibles garnisons, et dont la ruine est certaine. (12) Aussi, lorsque, parmi un grand nombre d'avis, il en fut proposé un qui, sacrifiant l'intérêt général, tournait chacun vers la considération de ses intérêts particuliers: (13) lorsqu'il fut question de sortir du camp à la première veille, chacun de son côté, pour tout transporter dans les villes et s'y défendre à l'abri des murailles, cet avis reçut une approbation aussi vive que générale.

(14) Pendant que les ennemis se dispersaient dans les campagnes, les Romains, au point du jour, sortent de leur camp et se forment en bataille, et, n'apercevant personne s'avancer à leur rencontre, marchent à grands pas vers le camp des ennemis. (15) Mais là, ne voyant point de postes en avant des portes, et n'entendant point ce bruit confus de voix ordinaire dans les camps, ce silence inaccoutumé les étonne, ils s'arrêtent dans la crainte d'une embuscade. (16) Ayant ensuite franchi la palissade et trouvé tout abandonné, ils se mettent sur les traces de l'ennemi: mais, comme il s'était dispersé de tous côtés, ces traces qui se prolongeaient également dans toutes les directions, les embarrassèrent d'abord. (17) Ils ne tardèrent pas à être instruits par leurs éclaireurs du parti qu'avaient pris les ennemis; et alors promenant successivement la guerre d'une ville à l'autre, ils prirent de vive force quarante et une places dans l'espace de cinquante jours. La plupart furent rasées et brûlées, et la nation des Èques fut presque entièrement détruite. (18) On triompha des Èques, dont les désastres furent un exemple pour les Marruciniens, les Marses, les Péligniens et les Frentins, qui envoyèrent à Rome des députés demander paix et amitié. On accorda à ces peuples l'alliance qu'ils sollicitaient.

L'édilité curule de Cneius Flavius (304)

[IX, 46]

(1) La même année, le scribe Cn. Flavius, fils de Cneius, né d'un père affranchi, avec très peu de fortune, mais homme plein de finesse et de faconde, fut élevé à l'édilité curule. (2) Je trouve dans quelques annales que, comme il exerçait les fonctions d'appariteur auprès des édiles, voyant que la tribu appelée la première à donner son suffrage, le nommait édile lui-même, et qu'on ne voulait point recevoir sa nomination, à cause de sa profession de scribe, il vint déposer son greffe, et affirmer par serment qu'il ne le reprendrait jamais. (3) Licinius Macer soutient qu'il l'avait abandonnée quelque temps auparavant; il se fonde sur ce qu'antérieurement Flavius avait été tribun, et qu'il avait exercé deux sortes de triumvirats, le triumvirat de nuit, et un autre pour l'établissement d'une colonie. (4) Au reste (et c'est là un point sur lequel on se trouve d'accord), il disputa toujours de hauteur avec les nobles, qui méprisaient sa basse extraction. (5) Il dévoila au public les formules de jurisprudence qui étaient en réserve entre les mains des pontifes, comme au fond d'un sanctuaire; et, pour mettre les citoyens à portée de connaître par eux-mêmes les jours où la religion permettait de vaquer aux procès, il fit placer autour du Forum le tableau des fastes. (6) La dédicace qu'il fit d'un temple de la Concorde, élevé sur l'emplacement d'un ancien temple de Vulcain, souleva surtout l'orgueil des nobles. Le souverain pontife, Cornelius Barbatus, se trouva forcé, par une décision unanime du peuple, de lui dicter les formules sacrées, bien qu'il soutînt que, d'après la coutume des anciens Romains, il n'appartenait qu'à un consul ou à un général de faire la dédicace d'un temple. (7) C'est pourquoi, d'après un arrêté du sénat, il fut présenté à la sanction du peuple une loi dont les dispositions étaient, qu'on ne pourrait jamais faire la dédicace d'un temple ou d'un autel sans un ordre exprès du sénat ou de la majorité des tribuns du peuple.

(8) Voici une particularité qui aurait peu d'intérêt par elle-même, si elle ne servait à montrer la fierté que les plébéiens savaient opposer à l'orgueil des nobles. (9) Flavius étant venu visiter son collègue malade, et une troupe de jeunes nobles, qui se trouvaient dans l'appartement de celui-ci, étant, d'un commun accord, restée assise au moment de son arrivée, il fit apporter là sa chaise curule, et, du siège de sa dignité, il contempla l'embarras et le dépit de ses ennemis.

(10) Au reste, Flavius avait été nommé édile par la faction du Forum, qu'avait beaucoup fortifiée la censure d'Ap. Claudius. Celui-ci avait, le premier, dégradé le sénat en y introduisant des fils d'affranchis. (11) Du moment que ces choix, odieux à tous, eurent été repoussés, et qu'il se vit privé, dans le sénat, du crédit qu'il s'était flatté d'y acquérir, il corrompit le Forum et le Champ de Mars, en répandant le menu peuple par toutes les tribus; (12) et les comices où fut nommé Flavius se trouvèrent si mal composés, que la plupart des nobles quittèrent leurs anneaux d'or et leurs colliers. (13) À dater de cette époque, Rome fut divisée en deux partis: l'un des gens de bien, aimant les bons citoyens et cherchant à les porter aux emplois; l'autre composé de la faction du Forum. (14) Cette scission dura jusqu'à la censure de Q. Fabius et de P. Decius, ou Fabius, et pour le rétablissement de la concorde, et pour que les comices ne fussent pas dans la main de ce qu'il y avait de plus abject, écuma toute cette lie du Forum, et la jeta dans quatre tribus, qu'il appela les tribus de la ville. (15) Cette sage mesure, comme nous l'apprennent les historiens, fut accueillie avec une si vive reconnaissance, que Fabius, pour avoir ainsi rétabli l'équilibre entre les différents ordres, reçut le surnom de Maximus, que tant de victoires n'avaient pu lui acquérir. C'est le même, dit-on, qui institua, pour l'ordre équestre, la cavalcade des ides de Quinctilis.


 

 
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