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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXIII - Rome, de 216 à 215

2. Guerre d'Espagne - 216 ([XXIII, 26] à [XXIII, 29])

 

Situation confuse; Hasdrubal contre les Tartésiens

[XXIII, 26]

(1) Tous ces événements, tous ces préparatifs qui occupaient l'Italie ne ralentissaient nullement la guerre d'Espagne, où les Romains jusqu'alors avaient été plus heureux. (2) Les deux Scipions, Publius et Cnéius, s'étaient partagé les troupes. Cnéius commandait l'armée de terre, et Publius la flotte. Hasdrubal, le général carthaginois, peu confiant dans ses soldats et dans sa flotte, se tenait loin de l'ennemi, à une distance et dans des positions où il n'avait rien à craindre. Après de longues et pressantes prières, il avait enfin obtenu d'Afrique un renfort de quatre mille fantassins et de cinq cents chevaux. (3) Plein d'espoir alors, il se rapprocha de l'ennemi, et fit lui-même équiper et préparer une flotte pour protéger les îles et les côtes.

(4) Mais, au milieu même de cette activité toute nouvelle qu'il imprimait déjà aux opérations, il fut paralysé par la trahison des chefs de ses vaisseaux. Depuis les reproches sévères que leur avait valus leur lâcheté lors de l'abandon de leur flotte auprès de l'Èbre, ils avaient été médiocrement fidèles à leur général, et au parti de Carthage. (5) Ces transfuges avaient tenté de soulever les Tartésiens, et quelques villes avaient été entraînées par eux à la révolte; l'une d'elles fut même prise d'assaut. (6) Il fallut donc quitter les Romains pour porter la guerre chez ce peuple. Hasdrubal entra en ennemi sur leur territoire, et résolut d'attaquer Chalbus, chef renommé des Tartésiens, qui, sous les murs de la ville prise par les révoltés quelques jours auparavant, avait campé à la tête d'une armée considérable.

(7) D'abord il envoya en avant des soldats armés à la légère, pour attirer l'ennemi au combat, et une partie de son infanterie reçut l'ordre de ravager sur plusieurs points la campagne, et de se saisir de ceux des ennemis qui s'y seraient répandus. (8) La terreur était au camp ennemi, en même temps que la fuite et le carnage dans la campagne. Mais bientôt, par différents chemins, les révoltés regagnèrent le camp, et alors leur frayeur se dissipa si complètement, qu'ils reprirent assez de courage, non seulement pour défendre leurs retranchements, mais même pour attaquer l'ennemi.

(9) Ils s'élancent donc en foule hors du camp, bondissant selon leur coutume; leur audace subite frappa de terreur l'ennemi, qui naguère s'était mis à les poursuivre. (10) Hasdrubal fit retirer son armée sur une colline assez escarpée, que protégeait encore une rivière qui passait au bas; il rappela ses troupes légères et sa cavalerie, qui s'était dispersée; et, comme si la hauteur de la colline et le fleuve n'eussent pas été une défense assez sûre, il fit fortifier son camp. (11) Dans cette terreur, qui s'empara alternativement des deux partis, il y eut quelques engagements. Le cavalier numide n'y put pas tenir tête au cavalier espagnol, ni le maure, avec ses javelots, au soldat armé de la cétra, aussi léger que lui, mais plus brave et plus vigoureux.

Hasdrubal prend le camp des déserteurs et reçoit l'ordre de partir en Italie

[XXIII, 27]

(1) Les révoltés, voyant que leurs provocations devant les palissades ne pouvaient attirer les Carthaginois au combat, et que, d'un autre côté, l'attaque du camp n'était pas chose facile, (2) allèrent à Ascua, où Hasdrubal, en entrant par le territoire ennemi, avait fait transporter ses grains et tous ses vivres: ils la prennent d'assaut, et se rendent maîtres de la campagne environnante. Dès ce moment, il n'y eut pas de pouvoir capable de les maintenir, soit dans la marche, soit au camp. (3) Hasdrubal s'aperçoit de cette négligence, résultat ordinaire d'un succès; il exhorte ses soldats à attaquer les ennemis, ainsi dispersés et sans enseignes pour se rallier; et, descendant de la colline, il marche en bataille sur leur camp. (4) Les sentinelles abandonnent leur poste et viennent en désordre annoncer la présence de l'ennemi.

On crie aux armes; (5) chacun, selon qu'il est armé, s'élance au combat, sans attendre ni commandement ni enseignes, sans observer aucun ordre. Déjà les premiers sont engagés, que quelques-uns accourent encore par petites troupes, et que les autres n'ont pas quitté le camp. (6) D'abord leur audace seule épouvanta un instant l'ennemi; mais bientôt, dans cette attaque de quelques individus contre des masses, sentant bien le danger où les met l'infériorité du nombre, ils se regardent entre eux; repoussés de toute part, ils se forment en cercle; (7) ils s'appuient les uns contre les autres, ils entrelacent leurs armes, et alors circonscrits dans un étroit espace, ayant à peine la liberté de mouvoir leurs armes, ils sont enveloppés par les ennemis et massacrés pendant une grande partie du jour. (8) Un petit nombre s'ouvre une issue et gagne les forêts et les montagnes. La terreur était si grande que le camp fut abandonné, et que, le lendemain, la nation entière vint se soumettre.

(9) Cette soumission ne fut pas de longue durée; Hasdrubal avait reçu, presque aussitôt après, l'ordre de conduire sans délai son armée en Italie. À peine la nouvelle s'en fut-elle répandue en Espagne que presque tous les esprits se tournèrent vers les Romains. (10) Hasdrubal écrivit aussitôt à Carthage combien avait été funeste le bruit de son départ, et que s'il partait réellement, il n'aurait pas passé l'Èbre que l'Espagne serait aux Romains. (11) Qu'en effet, outre qu'il n'avait à laisser à sa place ni soldats ni général, les généraux romains étaient tels, qu'à peine avec des forces égales, on pouvait leur résister; (12) qu'ainsi donc, si l'on attachait quelque importance à la possession de l'Espagne, on lui envoyât un successeur avec une armée considérable; que même au cas où tout réussirait au nouveau général, un pareil commandement ne le laisserait pas oisif.

Rencontre d'Himilcon et d'Hasdrubal

[XXIII, 28]

(1) Cette lettre fit d'abord beaucoup d'impression sur le sénat. Toutefois la guerre d'Italie étant d'une bien autre importance, la décision du sénat au sujet d'Hasdrubal et de ses troupes fut maintenue. (2) Himilcon, avec une armée suffisante et une flotte renforcée de plusieurs vaisseaux, fut envoyé pour maintenir et défendre l'Espagne sur terre aussi bien que sur mer. (3) Dès qu'il a débarqué son armée et les équipages de la flotte, il fortifie son camp, met à sec ses vaisseaux, les entoure de palissades, et lui-même, à la tête d'une troupe de cavaliers d'élite, il s'avance à marches forcées, non sans la circonspection nécessaire, au milieu de ces populations toutes suspectes ou ennemies; il parvient auprès d'Hasdrubal.

(4) Il lui fait part du décret et des ordres du sénat, reçoit en retour ses instructions sur la direction de la guerre en Espagne, et revient à son camp. La rapidité de sa marche avait plus que tout le reste assuré sa sécurité; car sur chaque point, il s'était retiré avant que les ennemis eussent pu se concerter contre lui. (5) Hasdrubal n'opéra son mouvement qu'après avoir levé une forte contribution en argent dans tous les pays où s'étendait sa domination. (6) Il n'ignorait pas qu'Hannibal avait souvent acheté à prix d'or un passage; qu'il n'avait obtenu les secours des Gaulois qu'en les payant; que s'il eût tenté sans argent un si immense trajet, il serait à peine parvenu au pied des Alpes. Hasdrubal recueillit donc à la hâte les impôts, et descendit vers l'Èbre.

(7) Dès que l'armée romaine avait eu connaissance des décrets de Carthage et de la marche d'Hasdrubal, les généraux n'avaient plus pensé qu'à réunir leurs armées, et ils se préparaient à s'opposer à la marche tentée par Hasdrubal, (8) bien persuadés que s'il parvenait avec l'armée d'Espagne à rejoindre Hannibal, à qui, bien que seul, l'Italie pouvait à peine résister, la ruine de l'empire romain serait inévitable. (9) Dominés par cette inquiétude, ils rassemblent leurs troupes sur l'Èbre, puis, passant le fleuve, ils délibèrent s'ils doivent aller camper en face d'Hasdrubal, ou se contenter d'attaquer les alliés de Carthage, et de détourner ainsi l'ennemi du chemin qu'il se proposait de prendre. (10) Ils se décident enfin à faire le siège d'Ibera, ville ainsi appelée du fleuve dont elle est voisine, la plus riche alors de toute la contrée.

(11) Hasdrubal l'apprend, mais au lieu de porter secours à ses alliés, il va lui-même assiéger une ville, qui vient de se soumettre aux Romains. (12) Aussitôt les Romains abandonnent le siège d'Ibera, et tournent toute la guerre contre Hasdrubal.

Les Scipions battent l'armée d'Hasdrubal (automne 216)

[XXIII, 29]

(1) Pendant quelques jours les deux armées restèrent en présence à cinq milles l'une de l'autre; il y eut quelques légers engagements, mais pas de bataille rangée. (2) Enfin le même jour, comme de concert, des deux côtés, le signal du combat fut donné, et les deux armées descendirent dans la plaine.

(3) L'armée romaine fut formée en trois corps. Une partie des vélites fut mêlée aux soldats du premier rang; le reste se tint derrière les enseignes; la cavalerie garnit les ailes. (4) Les Espagnols formèrent le centre d'Hasdrubal; à la droite il plaça les Carthaginois, à la gauche les Africains et les mercenaires. La cavalerie fut distribuée sur les ailes, les Numides avec l'infanterie carthaginoise; les autres cavaliers avec les Africains.(5) Les Numides ne furent pas tous placés à la droite, mais ceux-là seulement qui, comme les sauteurs de profession, ont l'habitude de conduire avec eux deux chevaux au plus fort de la mêlée, et de sauter tout armés du cheval fatigué sur le cheval frais, tant est grande et leur agilité et la docilité de cette race de chevaux.

(6) Tel était l'ordre de bataille des deux armées; les généraux de chaque parti étaient également pleins de confiance; ni l'un ni l'autre n'avait de supériorité marquée quant au nombre ou à la bonté des troupes; cependant les dispositions des soldats étaient loin d'être les mêmes dans les deux armées. (7) Quoique les Romains combattissent loin de leur patrie, leurs chefs leur avaient facilement persuadé qu'ils combattaient pour l'Italie et pour Rome. Aussi, comme des hommes dont le retour dans la patrie dépendait du résultat de cette bataille, ils étaient bien résolus de vaincre ou de mourir. (8) Dans l'autre armée il y avait moins de détermination. Les soldats y étaient presque tous Espagnols, et ils aimaient mieux être vaincus en Espagne que de vaincre pour être traînés en Italie.

(9) Aussi, au premier choc, quand à peine les traits furent lancés, le centre d'Hasdrubal lâcha pied, et tourna le dos aux Romains qui se portaient vigoureusement en avant. (10) Le combat n'en fut pas moins acharné aux deux ailes. D'un côté les Carthaginois, de l'autre les Africains pressent l'armée romaine, la chargent sur les deux flancs, l'enveloppent dans une double attaque. (11) Mais en se réunissant par masses sur le centre, elle eut assez de force pour rejeter de chaque côté les deux ailes de l'ennemi. Il y avait donc deux combats (12) dans lesquels les Romains, qui avaient enfin enfoncé le centre, se trouvaient bien supérieurs et en nombre et en forces. Leur victoire ne fut pas douteuse. (13) Il périt dans le combat beaucoup de monde, et si les Espagnols n'eussent pas fui en désordre quand la bataille commençait à peine, de toute l'armée ennemie bien peu eussent survécu. (14) La cavalerie ne fut presque pas engagée; car les Maures et les Numides, dès qu'ils virent le centre ébranlé, s'enfuirent confusément, chassant même les éléphants devant eux, et laissant ainsi les ailes à découvert.

(15) Hasdrubal resta jusqu'à ce que la déroute fût bien décidée, et il s'échappa avec quelques hommes seulement du milieu du carnage. (16) Les Romains prirent son camp et le pillèrent. Ce combat leur rallia tous ceux qui hésitaient encore en Espagne et enleva à Hasdrubal tout espoir, non seulement de transporter en Italie ses troupes, mais même de rester en sûreté en Espagne. (17) À Rome, où cette nouvelle fut annoncée par des lettres des Scipions, on se réjouit moins de la victoire, que de l'impossibilité où se trouvait désormais Hasdrubal d'arriver en Italie.

 

 
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