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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXIV - Rome, de 215 à 213

 

4. Début d'une nouvelle année de campagne - 213 ([XXIV, 44] à [XXIV, 49])

 

Entrée en charge des nouveaux consuls (15 mars)

[XXIV, 44]

(1) On fit donc le partage des provinces et des armées. On confia aux consuls la guerre contre Hannibal avec le commandement des deux armées de Sempronius et du consul Fabius. Elles étaient chacune de deux légions. (2) Le préteur M. Emilius, chargé par le sort de la juridiction des étrangers, remit ses pouvoirs à M. Atilius, son collègue, préteur de la ville, et prit lui-même le commandement de Lucérie et des deux légions qu'avait commandées Q. Fabius, en ce moment consul. (3) P. Sempronius eut pour département Ariminum, et Cn. Fulvius Suessula, avec deux légions chacun. Fulvius devait se mettre à la tête des légions urbaines, et Tuditanus recevoir les siennes de M. Pomponius.

(4) M. Claudius fut continué dans son commandement en Sicile: ce commandement avait pour limites celles de l'ancien royaume d'Hiéron. Le propréteur Lentulus conserva l'ancienne province; P. Otacilius, la flotte. On n'y envoya point de nouvelle armée. (5) M. Valerius eut la Grèce et la Macédoine avec la légion et la flotte qu'il avait déjà. Q. Mucius avec l'ancienne armée, qui était composée de deux légions, eut la Sardaigne; C. Terentius, une légion qu'il commandait déjà, et le Picénum.

(6) On enrôla en outre deux légions urbaines et vingt mille alliés. Tels furent les chefs et les troupes qui devaient soutenir l'empire romain contre tant de guerres commencées déjà ou qu'il avait à craindre.

(7) Les consuls, après avoir enrôlé les deux légions urbaines et complété les autres, expièrent, avant de quitter la ville, les prodiges qui avaient été annoncés. (8) Les murailles et les portes avaient été frappées de la foudre, et, dans la ville d'Aricie, le temple même de Jupiter avait été atteint du feu du ciel. Les yeux, les oreilles du peuple avaient été frappés par d'autres illusions, auxquelles toutefois on ajoutait foi. À Terracine, sur le fleuve, on avait vu des apparences de vaisseaux longs qui ne s'y trouvaient pas, et dans le temple de Jupiter Vicilinus, qui est sur le territoire de Compsa, le bruit des armes avait retenti. À Amiterne, les eaux avaient roulé du sang.

(9) Quand tous ces prodiges eurent été expiés, d'après la décision des pontifes, les consuls partirent, Sempronius pour la Lucanie, Fabius pour l'Apulie. Fabius le père se rendit au camp de Suessula pour servir comme lieutenant de son fils. (10) Le fils vint à la rencontre du père, précédé des licteurs qui se taisaient par respect pour un si grand homme. Déjà le vieillard avait passé à cheval onze faisceaux, quand le consul ordonna au licteur le plus proche de faire attention à sa charge. Celui-ci ayant alors crié à Maximus de descendre de cheval, le vieillard descendit, en disant: "J'ai voulu voir, mon fils, si tu comprenais bien que tu es consul."

Un personnage compromettant: Dasius Altinius

[XXIV, 45]

(1) Dasius Altinius d'Arpi vint la nuit en secret, avec trois esclaves, trouver le consul, et lui promit que si une récompense lui était assurée, il lui livrerait Arpi. (2) Fabius en instruisit le conseil, et tous furent d'avis qu'il fallait frapper de verges et faire périr comme transfuge ce perfide ennemi des deux nations, qui, après la défaite de Cannes, comme si la fidélité devait toujours être du côté de la fortune, s'était retiré auprès d'Hannibal et avait déterminé la défection d'Arpi; (3) et maintenant que Rome, contre ses espérances et ses voeux, ressuscitait, pour ainsi dire, il offrait une nouvelle et plus honteuse trahison à ceux qu'il avait déjà trahis. Toujours du parti contraire à celui qu'il a embrassé, infidèle allié, ennemi sans foi, après les deux misérables qui avaient voulu trahir Faléries et le roi Pyrrhus, il fallait en faire un troisième exemple pour les transfuges.

(4) Fabius, au contraire, le père du consul, disait que c'était oublier l'état on se trouvaient les affaires, que de vouloir, au milieu de la guerre, porter sur chacun, comme si l'on était en paix, un jugement libre de toute considération extérieure; (5) qu'alors qu'il fallait avant tout penser à tous les moyens possibles d'empêcher quelque allié d'abandonner le peuple romain, ils voulaient, sans tenir aucun compte de cette position, faire un exemple de ceux qui se repentaient et reportaient avec regret leurs regards sur l'alliance à laquelle ils avaient renoncé. (6) Que s'il était permis de quitter les Romains, et défendu de jamais revenir à eux, il ne fallait pas douter que Rome n'aurait bientôt plus un seul allié et que tous les peuples de l'Italie se joindraient aux Carthaginois. (7) Il était loin cependant de penser qu'on dût accorder la moindre confiance à Altinius, mais il voulait prendre un moyen terme. (8) Il fallait, pour le moment, ne le regarder ni comme ennemi ni comme allié, mais le mettre en surveillance, quoique libre, dans quelque ville fidèle, peu éloignée du camp et l'y garder pendant toute la guerre; que, la guerre une fois terminée, on verrait s'il avait mérité par sa première trahison plus de châtiments que d'indulgence par son retour.

(9) L'avis de Fabius fut adopté; Altinius fut chargé de chaînes, lui et ses compagnons; on garda pour la lui rendre une quantité d'or assez considérable qu'il avait apportée. (10) Il fut placé à Calès. Là, pendant le jour, on le laissait libre, quoique suivi de ses gardiens, et la nuit, on le renfermait. (11) À Arpi, sa patrie, on le regretta d'abord, et l'on fit quelques recherches. Mais bientôt la nouvelle se répandit par toute la ville, et comme il en était le chef, sa perte y fit naître quelque tumulte. Dans la crainte d'un changement, on envoya avertir Hannibal.

(12) Le Carthaginois ne s'affligea pas de cet événement. Depuis longtemps, en effet, il se défiait d'Altinius comme d'un traître, outre qu'il trouvait une occasion de s'emparer des biens d'un homme si riche et de les vendre. (13) Du reste, pour faire croire qu'il se laissait aller, non pas à son avidité, mais à sa colère, il se montra sévère jusqu'à la cruauté. (14) Il fit venir au camp la femme et les enfants d'Altinius, les interrogea d'abord sur sa fuite, puis sur ce qu'il avait laissé chez lui d'or et d'argent, et lorsqu'il fut bien instruit de tout, il les fit brûler vivants.

La prise d'Arpi

[XXIV, 46]

(1) Fabius partit de Suessula et vint d'abord assiéger Arpi. Il s'établit à cinq cents pas environ de la ville, examina de près sa position et celle de ses remparts, et voyant que la partie la mieux fortifiée était la plus négligemment gardée, il résolut de concentrer sur ce point ses attaques. (2) Après s'être pourvu de tout ce qui est nécessaire pour un siège, il réunit les centurions les plus braves de toute l'armée, leur donna pour chefs des tribuns, hommes de coeur, mit à leur disposition six cents soldats, ce qui lui parut suffisant, et leur donna l'ordre de porter, au signal de la quatrième veille, des échelles au lieu désigné.

(3) Il y avait là une porte basse et étroite, qui donnait sur une rue solitaire dans une partie déserte de la ville. Il leur enjoint de franchir cette porte avec leurs échelles, puis de se diriger vers le mur, et de briser en dedans les serrures, et une fois maîtres de cette partie de la ville, d'en avertir l'armée en sonnant de la trompette, afin que le consul fit avancer le reste des troupes, que de son côté il tiendrait tout convenablement disposé.

(4) Ces mesures furent exécutées avec activité, et ce qui paraissait devoir être un obstacle les aida plus que tout le reste à tromper l'ennemi. Ce fut une pluie violente qui, tombant au milieu de la nuit, força les gardes et les sentinelles à s'éloigner de leurs postes et à se réfugier dans des maisons. (5) D'abord le fracas de l'orage empêcha d'entendre le bruit que faisaient les Romains en enfonçant la porte, puis la chute plus lente et plus mesurée de la pluie, venant frapper les oreilles des gardes, les endormit pour la plupart. (6) Une fois maîtres de la porte, les Romains placent dans la rue leurs trompettes à égales distances et leur ordonnent de sonner pour avertir le consul. (7) À ce signal convenu entre eux, le consul fait avancer ses troupes, et quelques instants après il entre dans la ville par la porte qui vient d'être brisée.

Soumission d'Arpi et d'Atrinum; incendie à Rome

[XXIV, 47]

(1) Alors enfin les ennemis se réveillèrent; la pluie s'apaisait, et le jour était déjà proche. (2) Il y avait dans la ville une garnison carthaginoise de cinq mille hommes environ, et trois mille habitants étaient armés. Les Carthaginois les placèrent au premier rang, en face de l'ennemi, car ils voulaient éviter d'être eux-mêmes surpris par derrière.(3) On combattit d'abord dans les ténèbres, dans des rues étroites, les Romains s'étant emparés des rues et même des maisons les plus proches de la porte, afin qu'on ne pût les attaquer et les blesser du haut des toits. (4) Comme ils avaient quelques connaissances dans la ville, il s'établit des conversations entre eux et ceux d'Arpi. (5) Les Romains leur demandaient ce qu'ils voulaient, quels mauvais traitements de la part de Rome ou quels bienfaits des Carthaginois les avaient engagés, eux Italiens, à combattre contre les Romains, leurs anciens alliés, en faveur d'étrangers et de barbares, et à travailler ainsi à rendre l'Italie tributaire et esclave de l'Afrique. (6) Ceux-ci, pour se justifier, disaient que leurs chefs les avaient vendus, sans qu'ils fussent prévenus de rien, aux Carthaginois; qu'ils avaient été surpris et opprimés par un petit nombre d'entre eux.

(7) Le colloque ainsi commencé se propageant de part et d'autre, le préteur d'Arpi est amené par les siens devant le consul. Là, à la vue des enseignes, au milieu du combat, ils jurent alliance, et aussitôt les habitants prennent parti pour les Romains contre les Carthaginois. (8) Les Espagnols aussi, qui étaient à peu près mille, passent au consul sous la seule condition que l'on renverra, sans la maltraiter, la garnison carthaginoise. (9) On lui ouvrit les portes, et on la renvoya fidèlement à Hannibal, qu'elle rejoignit, saine et sauve, à Salapia. (10) Arpi revint donc aux Romains sans qu'il y eût d'autre victime qu'un seul homme, traître autrefois et maintenant transfuge. (11) Les Espagnols reçurent double ration: la république eut souvent occasion d'éprouver leur bravoure et leur fidélité.

(12) Tandis que l'un des consuls était en Apulie et l'autre en Lucanie, cent douze nobles cavaliers campaniens, sous prétexte d'aller piller le territoire ennemi, obtinrent des magistrats la permission de sortir de Capoue, et se rendirent au camp romain de Suessula. Ils déclarèrent aux portes qui ils étaient, et qu'ils voulaient parler au préteur. (13) C'était Cn. Fulvius qui commandait. Dès qu'il en fut averti, il donna l'ordre que dix d'entre eux fussent amenés devant lui sans armes; après avoir entendu leur demande (ils ne voulaient rien d'autre que de rentrer dans leurs biens après la prise de Capoue), il les reçut tous en grâce. (14) L'autre préteur, Sempronius Tuditanus avait emporté d'assaut la ville d'Atrinum. Il y prit plus de sept mille hommes, et une certaine quantité de cuivre et d'argent monnayé.

(15) À Rome il y eut un horrible incendie qui dura deux nuits et un jour. Tout fut consumé jusqu'au sol, depuis les Salines et la porte Carmentale, jusqu'à l'Aequimélium et la rue Jugarius. (16) De l'autre côté de la porte, le feu s'étendit au loin, et dévora beaucoup d'édifices, saints ou profanes, dans les enceintes consacrées à la Fortune, à la déesse Matuta et à l'Espérance.

Syphax, roi des Numides, nouvel allié des Romains

[XXIV, 48]

(1) Cette même année, les deux Scipions, après des succès brillants en Espagne, après avoir renoué beaucoup d'anciennes alliances et en avoir formé de nouvelles, portèrent leurs espérances jusque sur l'Afrique. (2) Syphax, roi des Numides, était devenu tout à coup l'ennemi de Carthage. (3) Ils envoyèrent auprès de lui trois centurions pour faire avec lui un traité d'amitié et d'alliance et lui promettre, s'il continuait à faire la guerre aux Carthaginois, que le sénat et le peuple romain lui en sauraient bon gré et feraient dans l'occasion tous leurs efforts pour lui en témoigner largement leur reconnaissance. (4) Cette députation fut agréable au Barbare. II eut avec les envoyés une conversation sur les moyens de faire la guerre, et d'après ce que lui dirent ces vieux soldats, en comparant cette merveilleuse organisation des troupes romaines avec celle de ses propres troupes, il sentit combien de choses il ignorait aussi.

(5) Il leur demanda, avant tout, que pour agir en bons et fidèles alliés, deux des centurions seulement allassent rendre compte de leur ambassade à leurs généraux, et qu'un des trois restât auprès de lui pour enseigner aux Numides l'art militaire; que sa nation était tout à fait inhabile aux combats d'infanterie, et ne savait se servir que de ses chevaux; (6) que, dès l'origine, leurs ancêtres avaient combattu à cheval, et qu'eux-mêmes, depuis leur enfance, n'avaient pas appris à combattre autrement; qu'ayant un ennemi dont l'infanterie était excellente, pour ne pas lui être inférieur, il fallait qu'il organisât aussi une infanterie; (7) que son royaume produisait des hommes en abondance, mais qu'il ignorait la manière de les armer, de les équiper, de les disposer en troupes; que son armée, comme toute multitude rassemblée au hasard, ne présentait que des masses en désordre.

(8) Les envoyés répondirent qu'ils allaient faire à l'instant même ce qu'il demandait, après avoir reçu la parole du roi qu'il renverrait leur collègue si les généraux n'approuvaient pas leur conduite. (9) Celui qui resta auprès du roi se nommait Q. Statorius. Le Numide, avec les deux autres Romains, envoya en Espagne des ambassadeurs qui devaient recevoir la parole des deux généraux, (10) et travailler en même temps à gagner au plus tôt les Numides auxiliaires qui faisaient partie des garnisons carthaginoises. (11) Statorius, dans cette nombreuse jeunesse, créa au roi une infanterie. D'après la méthode romaine, il leur apprit à se former en ligne, à courir en suivant leurs enseignes, à garder leurs rangs. (12) Enfin il les accoutuma tellement au travail et à tout ce qu'exige la discipline militaire que bientôt le roi eut autant de confiance dans son infanterie que dans sa cavalerie. Il se rencontra avec les Carthaginois en plaine, et les défit dans une bataille régulière.

(13) Les Romains, de leur côté, gagnèrent beaucoup en Espagne à l'arrivée des envoyés du roi. Car les Numides, dès qu'ils en furent informés, passèrent en grand nombre aux Romains. Ainsi fut conclue l'alliance avec Syphax. À cette nouvelle, les Carthaginois envoyèrent une ambassade à Gala, lequel régnait sur une autre partie de la Numidie, dont les habitants sont appelés Mésules.

Un allié des Carthaginois: Masinissa, fils de Gala

[XXIV, 49]

(1) Gala avait un fils nommé Masinissa, âgé de dix-sept ans, jeune homme dont le caractère annonçait déjà qu'il rendrait son royaume plus vaste et plus considérable qu'il ne l'aurait reçu de son père. (2) Les députés annoncent à Gala que, puisque Syphax s'était uni aux Romains pour devenir, à l'aide de leur alliance, plus puissant contre les rois et les peuples de l'Afrique, (3) il était de l'intérêt de Gala de s'unir au plus tôt aux Carthaginois, avant que Syphax passât en Espagne ou les Romains en Afrique. Que l'on pourrait ainsi écraser Syphax, qui n'était encore allié de Rome que de nom. (4) Gala se laissa facilement persuader d'envoyer une armée, car son fils désirait cette guerre. Le jeune homme, unissant ses troupes à celles des Carthaginois, défit Syphax dans une grande bataille. Trente mille hommes, dit-on, y furent tués.

(5) Syphax, avec quelques cavaliers, s'échappa du champ de bataille, et se réfugia chez les Maurusiens, qui habitent tout à l'extrémité, sur le bord de l'océan, en face de Gadès. Au bruit de son nom, les barbares arrivèrent de tous côtés, et il en forma bientôt une immense armée. (6) Avant qu'il passât avec eux en Espagne, dont il n'était séparé que par un détroit, Masinissa arriva avec ses troupes victorieuses, et là, tout seul, sans aucun secours de Carthage, il soutint glorieusement la guerre contre Syphax.

(7) En Espagne, il ne se passa rien de mémorable, si ce n'est que les généraux romains attirèrent à eux la jeunesse des Celtibères, pour la même solde que celle dont ils étaient convenus avec les Carthaginois, (8) et ils envoyèrent en Italie plus de trois cents Espagnols des plus nobles familles, afin qu'ils essayassent de gagner ceux de leurs compatriotes qui servaient comme auxiliaires dans l'armée d'Hannibal. Il n'y eut dans toute cette année, en Espagne, qu'une seule chose de remarquable, c'est que les Celtibères furent les premiers soldats mercenaires que les Romains eussent jamais admis dans leurs armées. 

 

 
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