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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXI - Rome, de 219 à 218

3. Rome se prépare à la guerre ([XXI, 16] à [XXI, 22])

 

Réactions à Rome après la chute de Sagonte

[XXI, 16]

(1) Ce fut presque en même temps que les députés, de retour de Carthage, n'annoncèrent que des dispositions hostiles, et qu'on apprit la ruine de Sagonte. (2) Alors le sénat, consterné, et vivement touché du sort d'un peuple allié qui avait péri d'une manière indigne, rougit de ne l'avoir point secouru, et conçut de la fureur contre Carthage et des craintes pour l'avenir: il semblait qu'Hannibal fût déjà aux portes de Rome; les esprits troublés par tant d'émotions à la fois, s'agitaient plutôt qu'ils ne prenaient de résolution. (3) Jamais on n'avait eu à combattre un adversaire plus terrible et plus belliqueux; jamais Rome n'avait montré tant d'inertie, de faiblesse. (4) La conquête de la Sardaigne, de la Corse, de l'Istrie, de l'Illyrie, avait été pour les armes romaines un jeu d'escrime, et non une lutte réelle. Les Gaulois avaient causé un tumulte plutôt qu'une guerre; (5) mais les Carthaginois, ces superbes ennemis qui ont vieilli dans le rude métier des armes, qui, pendant vingt-trois ans, toujours victorieux en Espagne, n'ont connu que des succès sous trois généraux, Amilcar, Hasdrubal, et Hannibal, aujourd'hui leur chef intrépide, les Carthaginois, tout fiers de la ruine récente de la plus riche cité, ont passé l'Hèbre, (6) traînant après eux une foule de nations espagnoles, que suivront bientôt les Gaulois toujours avides de guerres. On aura l'univers entier à combattre en Italie et sous les murs de Rome.

Mobilisation à Rome (mars 218)

[XXI, 17]

(1) Déjà l'on avait assigné les départements aux consuls; alors ils reçurent ordre de les tirer au sort. L'Espagne échut à Cornélius, la Sicile avec l'Afrique à Sempronius. (2) On décréta six légions pour cette année, des corps de troupes alliées, à la volonté des consuls, une flotte aussi nombreuse qu'il serait possible. (3) On leva, parmi les Romains, vingt-quatre mille hommes d'infanterie et dix-huit cents chevaux; parmi les alliés; quarante mille fantassins et quatre mille quatre cents hommes de cavalerie. La flotte était de deux cent vingt quinquérèmes et de vingt vaisseaux légers. (4) Ensuite l'on manda au peuple de signifier, d'ordonner la guerre contre Carthage. Des prières publiques eurent lieu dans la ville, et l'on supplia les dieux d'accorder une heureuse issue à la guerre que le peuple allait entreprendre. (5) Le partage des troupes se fit ainsi entre les consuls: Sempronius eut deux légions, composées de quatre mille fantassins, de trois cents chevaux; on ajouta de troupes auxiliaires, seize mille hommes d'infanterie et dix-huit cents de cavalerie, plus cent soixante quinquérèmes et douze vaisseaux légers. (6) Envoyé en Sicile avec ses forces de terre et de mer, Tibérius Sempronius devait passer en Afrique, si l'autre consul suffisait pour chasser les Carthaginois de l'Italie. (7) Cornélius reçut moins de troupes, parce que le préteur Lucius Manlius, qui se rendait dans la Gaule, avait lui-même un corps d'armée assez considérable. (8) Il eut aussi un nombre de vaisseaux fort limité; on lui donna seulement soixante quinquérèmes. L'ennemi, disait-on, ne viendrait point par mer, et il n'y avait pas à redouter de combat naval. Cornélius eut ensuite deux légions romaines avec leur cavalerie, quatorze mille fantassins et seize cents chevaux de troupes alliées. (9) Deux légions romaines et leurs six cents cavaliers, dix mille fantassins et mille chevaux auxiliaires, furent dirigés vers la Gaule, qui allait devenir, cette année, le théâtre de la guerre punique.

La déclaration de guerre

[XXI, 18]

(1) Toutes les dispositions étaient prises; mais, pour mettre les formes de leur côté, avant d'engager la lutte, les Romains envoient en Afrique cinq ambassadeurs d'un âge vénérable, Quintus Fabius, Marcus Livius, Lucius Aemilius, Caius Licinius et Quintus Baebius, avec ordre de demander aux Carthaginois si c'était au nom du gouvernement qu'Hannibal avait assiégé Sagonte. (2) S'ils en convenaient, comme on devait s'y attendre, et en revendiquaient la responsabilité, la guerre serait déclarée au peuple carthaginois. Arrivés à Carthage,(3) les députés furent introduits dans le sénat; et Fabius se borna à faire la question prescrite. Alors un des Carthaginois: (4) "Romains, dit-il, votre première ambassade était déjà téméraire, lorsque vous exigiez qu'on vous livrât Hannibal, comme auteur du siège de Sagonte. Mais celle d'aujourd'hui, plus mesurée dans les termes, est, dans la réalité, plus violente encore; (5) car alors c'était Hannibal qu'on accusait, qu'on réclamait. Maintenant c'est à nous que vous prétendez arracher l'aveu de la faute, et, sur cet aveu, nous demander aussitôt satisfaction. (6) Pour moi, je pense que la question est de savoir, non pas si l'entreprise contre Sagonte fut le résultat d'une volonté publique ou personnelle, mais si elle fut légitime ou injuste. (7) À nous seuls en effet appartient le droit d'interroger et de punir notre concitoyen, si, de son chef, il a transgressé nos ordres. Un seul point reste à discuter avec vous: y a-t-il violation de la foi jurée? (8) Or, puisqu'il vous plaît d'établir pour les généraux une distinction entre les actes d'autorité publique et ceux d'autorité privée, nous avons avec vous un traité conclu par le consul Lutatius. En stipulant les intérêts des alliés des deux peuples, on ne fit pas mention des Sagontins; ils n'étaient point encore vos alliés. (9) Mais, direz-vous, ils sont exceptés dans le traité fait avec Hasdrubal. Ici, la réponse est facile; vous-même me l'avez fournie: (10) un premier traité, rédigé par Lutatius, ne vous liait point, parce qu'il n'avait reçu ni la sanction du sénat ni celle du peuple; aussi votre gouvernement en exigea-t-il un second. (11) Si donc un traité n'est sacré avec vous qu'autant qu'il porte autorisation expresse de votre part, devons-nous, à notre tour, nous croire engagés par les conventions qu'Hasdrubal a signées à notre insu? (12) Au reste, ne parlez plus de Sagonte et de l'Hèbre: depuis longtemps vous formez d'ambitieux projets; qu'ils éclatent aujourd'hui!" Il dit; (13) alors Fabius fait un pli à sa toge, et dit: "Je porte ici la paix ou la guerre; choisissez." - " Choisissez vous-même!" lui crie-t-on avec une égale fierté. - (14) "La guerre!" répond Fabius en secouant sa toge. - "La guerre!" répètent les Carthaginois, "et nous saurons la soutenir, comme nous l'acceptons."

Activité diplomatique en Espagne

[XXI, 19]

(1) Une question positive et une déclaration de guerre parurent plus convenables à la dignité du peuple romain qu'une dispute de mots sur la foi des traités, surtout après la destruction de Sagonte. (2) En effet, une discussion verbale eût-elle rien décidé, et quel parallèle pouvait-on établir entre le traité d'Hasdrubal et le premier traité de Lutatius, qui avait été modifié, (3) et qui contenait cette clause précise: valable seulement avec l'approbation du peuple; tandis que le traité d'Hasdrubal ne renfermait aucune restriction semblable; que, pendant sa vie, un long silence l'avait ratifié, et qu'après sa mort même, aucun article n'avait subi le moindre changement? (4) Mais, en admettant les premières conventions, les Sagontins n'étaient-ils pas compris dans la clause qui exceptait les alliés des deux nations? Car on n'avait point ajouté: ceux; qui l'étaient alors, ni ceux qui pourraient l'être par la suite. (5) Et, puisqu'il y avait liberté sur ce point, eût-il été juste de refuser l'alliance à un peuple prodigue envers nous de ses services, et ensuite de ne pas défendre en lui notre allié? Nous devions seulement aux Carthaginois de ne pas chercher à séduire leurs alliés, et, en cas de défection volontaire, d'interdire aux rebelles toute amitié avec nous. (6) Les ambassadeurs, en quittant Carthage, passèrent en Espagne, d'après l'ordre qu'ils avaient reçu de parcourir cette contrée, pour lui faire embrasser notre parti, ou la détacher de celui des Carthaginois. (7) Ils s'arrêtèrent chez les Bargusiens, qui leur firent un favorable accueil, parce que la domination carthaginoise leur était devenue insupportable. Plusieurs peuples au-delà de l'Hèbre furent tentés par l'espoir d'une fortune nouvelle. (8) Arrivée ensuite chez les Volcians, l'ambassade reçut une réponse qui, répandue bientôt dans toute l'Espagne, détourna les autres peuples d'une alliance avec Rome. (9) "N'avez-vous point de honte, Romains, leur dit un vieillard dans le conseil, de demander que nous préférions votre amitié à celle de Carthage, lorsque les Sagontins, pour l'avoir fait, se sont vus trahis par vous, leurs alliés, plus cruellement qu'ils n'ont été perdus par les Carthaginois, leurs ennemis? (10) Cherchez, croyez-moi, des amis, dans les lieux où n'est point connu le malheur de Sagonte; les ruines de cette cité seront pour le peuple de l'Espagne une leçon aussi terrible que solennelle, qui leur apprendra à ne point se fier à la parole, à l'alliance de Rome." (11) On intima aux députés l'ordre de sortir aussitôt du territoire des Volcians, et leurs négociations ne furent pas plus heureuses dans le reste de l'Espagne. Aussi, après un voyage inutile, ils passent dans les Gaules.

Échec des négociations en Gaule

[XXI, 20]

(1) Là un spectacle nouveau, effrayant, frappa leurs regards. Les Gaulois, suivant leur usage, étaient venus tout armés à l'assemblée. (2) Dans un discours où ils vantaient la gloire, la valeur du peuple romain et la grandeur de l'empire, les envoyés demandèrent aux Gaulois de ne point donner passage sur leurs terres et par leurs villes aux Carthaginois qui allaient porter la guerre en Italie. (3) On entendit alors des éclats de rire si violents et de tels murmures, que les magistrats et les vieillards purent à peine calmer les jeunes guerriers. (4) Quelle impudence! quelle sottise! s'écriait-on. Demander que nous attirions sur nous la guerre, pour l'empêcher de passer en Italie! que nos campagnes soient dévastées, pour préserver du pillage celles de l'étranger! (5) Le tumulte enfin apaisé, on répondit aux ambassadeurs qu'on n'avait ni à se louer des Romains, ni à se plaindre des Carthaginois, pour servir la querelle de Rome contre ses ennemis. (6) Et de là, on savait que le peuple romain chassait les Gaulois du territoire et des frontières de l'Italie, leur faisait payer tribut et subir mille outrages. (7) Cette réponse fut à peu près celle des autres peuplades de la Gaule. Pas une parole d'amitié, de paix, ne fut adressée à la députation avant son arrivée à Marseille. (8) Là, nos fidèles alliés, qui n'avaient épargné ni soins, ni peines pour avoir des renseignements précis, lui dévoilèrent tous les projets d'Hannibal. "D'avance il avait gagné les Gaulois; mais il ne pouvait même pas trop compter sur leurs bonnes dispositions, à cause de leur caractère farouche et indomptable, à moins de répandre l'or, dont cette nation est si avide, pour se concilier l'affection des chefs." (9) Après avoir parcouru ainsi l'Espagne et la Gaule, les députés revinrent à Rome, peu de temps après le départ des consuls pour leurs départements. Ils trouvèrent toute la ville en suspens dans l'attente de la guerre; un bruit assez certain annonçait que déjà les Carthaginois avaient franchi l'Hèbre.

Hannibal prend ses quartiers d'hiver à Carthagène (219-218)

[XXI, 21]

(1) Hannibal, après la chute de Sagonte, avait été prendre ses quartiers d'hiver à Carthagène. À la nouvelle de tous les actes, de tous les décrets de Rome et de Carthage, certain qu'il est et le chef et la cause de la guerre, (2) il fait vendre et partager les restes du butin; et, sans perdre un instant, il convoque les soldats espagnols de son aimée. (3) "Amis, dit-il, vous voyez, comme moi, qu'après avoir pacifié toute l'Espagne, nous sommes dans la nécessité, ou de terminer la guerre et de licencier l'armée, ou de transporter la guerre dans d'autres pays. (4) Oui, le seul moyen d'assurer à ces contrées les bienfaits de la paix et de la victoire, c'est d'aller chez d'autres peuples chercher la gloire et le butin. (5) Aussi, comme de lointains combats nous appellent, et que je ne saurais fixer l'époque où vous reverrez vos pénates et tout ce qui vous est cher, si vous voulez visiter vos familles, je vous accorde un congé. (6) Mais je vous attends ici, au retour du printemps, pour commencer, avec le secours des dieux, une expédition qui nous promet beaucoup de gloire et de butin." (7) Les Espagnols ne pouvaient qu'être flattés de la permission qu'on leur offrait de revoir leurs foyers: car ils regrettaient leurs familles, et prévoyaient pour l'avenir une plus longue séparation. (8) Le repos de tout un hiver leur fit oublier les travaux passés, allégea d'avance ceux qu'ils allaient souffrir, et rendit à leurs corps, à leurs âmes la vigueur nécessaire pour supporter de nouvelles fatigues. Les premiers jours du printemps les trouvèrent exacts au rappel. (9) Hannibal, après une revue de toutes ses troupes auxiliaires, passe à Cadix, pour acquitter un voeu en l'honneur d'Hercule. Il s'engage à de nouveaux sacrifices, si le succès couronne ses desseins. (10) Puis, partageant ses soins entre l'attaque et la défense, afin qu'au moment où il gagnera par terre l'Italie, en traversant l'Espagne et la Gaule, l'Afrique ne restât pas, du côté de la Sicile, exposée, ouverte aux attaques des Romains, il se proposa d'y laisser un corps d'armée formidable. (11) Il demanda donc à l'Afrique un renfort de troupes légères, et surtout d'archers. Ainsi les Africains devaient servir en Espagne, les Espagnols en Afrique, et tous, loin de leurs pays, déployer plus de zèle et de courage, parce qu'ils devenaient les garants mutuels de leur foi. (12) Il fit donc passer en Afrique treize mille huit cent cinquante fantassins armés de boucliers légers, et huit cent soixante-dix frondeurs baléares, avec douze cents cavaliers de différentes nations. (13) Il ordonne que la moitié de ces troupes forme la garnison de Carthage, et que l'autre soit répartie dans l'Afrique. En outre, ses recruteurs ont levé, dans les différentes villes de l'Espagne, quatre mille hommes d'élite, qui seront conduits à Carthage, pour lui servir à la fois d'otages et de défenseurs.

Le songe d'Hannibal

[XXI, 22]

(1) Il ne crut pas devoir négliger l'Espagne; car il n'ignorait point les tentatives qu'avaient faites à leur passage les ambassadeurs romains, pour gagner les chefs de cette contrée. (2) Hasdrubal, son frère, dont il connaît l'activité, commandera en ces lieux. Il lui laisse une armée presque tout africaine; car elle est composée de onze mille huit cent cinquante fantassins venus d'Afrique, de trois cents Liguriens et de cinq cents Baléares. (3) À cette infanterie il ajoute, pour corps de cavalerie, trois cents Libyphéniciens, race mixte de Phéniciens et d'Africains; environ dix-huit cents Numides ou Maures, qui habitent près de l'Océan; un petit détachement de deux cents cavaliers ilergètes, peuplade espagnole; et, pour compléter son armée de terre, quatorze éléphants. (4) Il lui donna aussi une flotte pour défendre les côtes de la mer, élément où les Romains avaient été victorieux, et où on pouvait penser qu'ils renouvelleraient leurs attaques: composée de cinquante galères à cinq rangs de rames, de deux à quatre rangs, et de cinq à trois, elle n'avait que trente-deux quinquérèmes et cinq trirèmes armées et garnies de rameurs. (5) De Cadix, Hannibal revint à Carthagène, où l'armée avait eu ses quartiers d'hiver; puis, longeant la ville d'Onusa, il s'avança vers l'Hèbre et la côte de la mer. (6) Là, dit-on, il vit en songe un jeune homme brillant d'un éclat divin, et qui lui disait: "Jupiter m'envoie pour te guider en Italie; suis-moi, sans jamais détourner la vue." (7) Saisi de respect, Hannibal le suit d'abord, sans regarder autour de lui ni derrière. Par un instinct de curiosité si naturel à l'homme, il se demande quel peut être l'objet qu'on lui défend de considérer; il brûle de le connaître. (8) Il jette un regard, et alors il voit derrière lui un serpent d'une grandeur prodigieuse, qui s'avance au milieu d'un vaste abattis d'arbres et d'arbrisseaux; puis il entend un coup de tonnerre suivi d'un violent orage. (9) Il demande ce que signifie ce monstre, ce prodige; on lui répond: "C'est la dévastation de l'Italie. Marche donc sans interroger les dieux, sans chercher à soulever le voile de l'avenir."

 
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