Abrégé de l'histoire universelle depuis Charlemagne jusques à
Charlequint
Chapitre XVIII : De la Papauté au Xe Siècle
avant qu'Othon le Grand ne se rendit maître de Rome. |
Le Pape Formose, fils du Prêtre Léon, étant Évêque de Porto, avait
été à la tête d'une faction contre Jean VIII et deux fois excommunié par ce
Pape; mais ces excommunications qui furent bientôt après si terribles aux Têtes
couronnées, le furent si peu pour Formose qu'il se fit élire Pape en 890.
Étienne VI aussi fils de Prêtre, successeur de Formose, homme qui joignait
l'esprit du fanatisme à celui de la faction, ayant toute sa vie haï Formose, fit
déterrer son corps qui était embaumé, et l'ayant revêtu des habits pontificaux,
le fit comparaître dans un Concile assemblé pour juger sa mémoire. On donna au
mort un Avocat, on lui fit son procès en forme, le cadavre fut déclaré coupable
d'avoir changé d'Évêché, et d'avoir quitté celui de Porto pour celui de Rome; et
pour réparation de ce crime, on lui trancha la tête par la main du bourreau, on
lui coupa trois doigts, et on le jeta dans le Tibre.
Le Pape Étienne VI se rendit si odieux par cette farce aussi horrible que folle,
que les amis de Formose ayant soulevé les citoyens, les chargèrent de fers, et
l'étranglèrent en prison.
La faction ennemie de cet Étienne fit repêcher le corps de Formose, et le fit
enterrer pontificalement une seconde fois.
Cette querelle échauffait les esprits. Sergius III qui remplissait Rome de ses
brigues pour se faire Pape, fut exilé par son rival Jean IX ami de Formose; mais
reconnu Pape après la mort de Jean IX il fit jeter une seconde fois Formose dans
le Tibre. Dans ces troubles Théodora mère de Marozie qu'elle maria depuis au
Marquis de Toscane, et d'une autre Théodora, toutes trois, célèbres par leurs
galanteries, avait à Rome la principale autorité. Sergius n'avait été élu que
par les intrigues de Théodora la mère. Il eut étant Pape un fils de Marozie
qu'il éleva publiquement dans son Palais. Il ne paraît pas qu'il fût haï des
Romains, qui naturellement voluptueux suivaient ses exemples plus qu'ils ne les
blâmaient.
Après sa mort les deux soeurs Marozie et Théodora procurèrent la Chaire de Rome
à un de leurs favoris, nommé Landon, mais ce Landon étant mort, la jeune
Théodora fit élire Pape son Amant Jean X Évêque de Bologne, puis de Ravenne, et
enfin de Rome. On ne lui reprocha point comme à Formose, d'avoir changé
d'Évêché. Ces Papes condamnés par la postérité comme Évêques peu religieux,
n'étaient point d'indignes Princes. Il s'en faut beaucoup. Ce Jean X que l'amour
fit Pape, était un homme de génie et de courage; il fit ce que tous les Papes
ses prédécesseurs n'avaient pu faire; il chassa les Sarrasins de cette partie de
l'Italie nommée le "Garillan".
Pour réussir dans cette expédition, il eut l'adresse d'obtenir des troupes de
l'Empereur de Constantinople, quoique cet Empereur eût à se plaindre autant des
Romains rebelles que des Sarrasins. Il fit armer le Comte de Capoue. Il obtint
des milices de Toscane, et marcha lui-même à la tête de cette armée, menant avec
lui un jeune fils de Marozie et du Marquis Adelbert: ayant chassé les Mahométans
du voisinage de Rome, il voulait aussi délivrer l'Italie des Allemands et des
autres étrangers.
L'Italie était envahie presqu'à la fois par les Bérengers, par un Roi de
Bourgogne, par un Roi d'Arles. Il les empêcha tous de dominer dans Rome. Mais au
bout de quelques années Guido, frère utérin de Hugo Roi d'Arles, Tyran de
l'Italie, ayant épousé Marozie toute puissante à Rome, cette même Marozie
conspira contre le Pape si longtemps Amant de sa soeur. Il fut surpris, mis aux
fers, et étouffé entre deux matelas.
Marozie, maîtresse de Rome, fit élire Pape un nommé Léon, qu'elle fit mourir en
prison au bout de quelques mois. Ensuite ayant donné le siège de Rome à un homme
obscur, qui ne vécut que deux ans, elle mit enfin sur la Chaire Pontificale Jean
XI son propre fils, qu'elle avait eu de son adultère avec Sergius III.
Jean XI n'avait que 24 ans quand sa mère le fit Pape; elle ne lui conféra cette
dignité qu'à condition qu'il s'en tiendrait uniquement aux fonctions d'Évêque,
et qu'il ne serait que le Chapelain de sa mère.
On prétend que Marozie empoisonna alors son mari Guido, Marquis de Toscane. Ce
qui est vrai, c'est qu'elle épousa le frère de son mari Hugo Roi de Lombardie,
et le mit en possession de Rome, se flattant d'être avec lui Impératrice; mais
un fils du premier lit de Marozie se mit alors à la tête des Romains contre sa
mère, chassa Hugues de Rome, renferma Marozie et le Pape son fils dans le
Château Saint Ange. On prétend que Jean XI y mourut empoisonné.
Un Étienne VII Allemand de naissance, élu en 939, fut par cette naissance seule
si odieux aux Romains, que dans une sédition le peuple lui balafra le visage au
point qu'il ne put jamais depuis paraître en public.
Quelque temps après un petit-fils de Marozie, nommé Octavien, fut élu Pape à
l'âge de 18 ans par le crédit de sa famille. Il prit le nom de Jean XII en
mémoire de Jean XI son oncle. C'est le premier Pape qui ait changé son nom à son
avènement au Pontificat. Il n'était point dans les Ordres quand sa famille le
fit Pontife. C'était un jeune-homme qui vivait en Prince, aimant les armes et
les plaisirs. On s'étonne que sous tant de Papes si scandaleux et si peu
puissants, l'Église Romaine ne perdit ni ses prérogatives, ni ses prétentions;
mais alors presque toutes les autres Églises étaient ainsi gouvernées. Le Clergé
d'Italie pouvait mépriser les Papes, mais il respectait la Papauté, d'autant
plus qu'ils y aspiraient; enfin dans l'opinion des hommes la place était sacrée,
quand la personne était exécrable.
Pendant que Rome et l'Église étaient ainsi déchirées, Bérenger qu'on appelle "le
Jeune", disputait l'Italie à Hugues d'Arles. Les Italiens, comme le dit
Luitprand contemporain, voulaient toujours avoir deux Maîtres pour n'en avoir
réellement aucun: fausse et malheureuse politique, qui les faisait changer de
tyrans et de malheurs. Tel était l'État déplorable de ce beau Pays, lorsqu'Othon
le Grand y fut appelé par les plaintes de presque toutes les Villes, et même par
ce jeune Pape Jean XII réduit à faire venir les Allemands qu'il ne pouvait
souffrir.
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