Abrégé de l'histoire universelle depuis Charlemagne jusques à
Charlequint
Chapitre XXII : Conquête de la Sicile par les Normands. |
Le goût des pèlerinages et aventures régnait alors. Quelques
Normands ayant été en Palestine vers l'an 983, passèrent à leur retour sur la
Mer de Naples dans la Principauté de Salerne. Les Seigneurs de ce petit État
l'avaient usurpé sur les Empereurs de Constantinople. Gaimar, Prince de Salerne,
était assiégé dans sa Capitale par les Mahométans. Les Aventuriers Normands lui
offrirent leurs services, et l'aidèrent à faire lever le siège. De retour chez
eux, comblés des présents du Prince, ils engagèrent d'autres Aventuriers à
chercher leur fortune à son service. Peu à peu les Normands reprirent l'habitude
de leurs pères de passer les mers. Un d'eux, nommé Raoul, alla l'an 1016 avec
une troupe choisie offrir au Pape Benoît VIII ses services contre les
Mahométans. Le Pape le pria de le secourir plutôt contre l'Empereur d'Orient,
qui dépouillé de tout en Occident soutenait encore quelques droits contre
l'Église dans la Calabre et dans la Pouille. Les Normands auxquels il était
très-indifférent de se battre contre des Musulmans, ou contre des Chrétiens,
servirent très-bien le Pape contre leur ancien Souverain. Bientôt après Tancréde
de Hauteville, du territoire de Coutance en Normandie, alla dans la Pouille avec
plusieurs de ses enfants, vendant toujours leurs services à qui les payait le
mieux. Ils passèrent des petites armées du Duc de Capoue à celles du Duc de
Salerne; ils servirent contre les Sarrasins, s'armèrent ensuite contre les
Grecs, et enfin contre les Papes, ayant pour ennemi tous ceux qu'ils pouvaient
dépouiller.
Le Pape Léon IX se servit contre eux d'excommunications. Guillaume Fierabra fils
de Tancréde, et ses frères Humfroy, Robert et Richard, Chefs de ces Normands,
après avoir vaincu la petite armée du Pape, l'assiégèrent dans un Château près
de Bénévent, le prirent prisonnier, le gardèrent plus d'une année, et ne le
relâchèrent que quand il fut attaqué d'une maladie, dont il alla mourir à Rome.
Il fallut bientôt que la Cour de Rome pliât sous ces nouveaux usurpateurs. Elle
leur céda une partie des patrimoines que les Empereurs d'Occident lui avaient
donné sans en être les maîtres.
Le Pape Nicolas II alla lui-même dans la Pouille trouver ces Normands, toujours
excommuniés et toujours donnant la loi. Il céda à Richard la Principauté de
Capoue, à Robert Guichard la Pouille, la Calabre et la Sicile entière, que
Robert Guichard commençait à conquérir sur les Sarrasins. Robert se soumit de
son côté envers le Pape à la redevance perpétuelle de douze deniers monnaie de
Pavie pour chaque paire de bœufs dans tous les Pays qu'on lui cédait, et lui fit
hommage de ce que ses frères et lui avaient conquis sur les Chrétiens et sur les
Mahométans. Enfin en 1101 Roger, petit-fils de Tancréde et frère de ce Boemond
si célèbre dans les Croisades, acheva de conquérir sur les Mahométans toute la
Sicile, dont les Papes sont demeurés toujours Seigneurs Suzerains.
|
|
|