1° Le
duché de Normandie – L’Angleterre ne fut bien sûr pas le seul pays
touché par les invasions. La France eut aussi à souffrir de ces
Northmen.
Ces derniers pillèrent le pays pendant de nombreuses années, profitant de la
faiblesse du pouvoir royal de l’époque.
En 911, le roi franc Charles III le simple
accepta la requête d’un important chef normand, Hrolf ou Rollon,
qui possédait toute la Normandie. Ce dernier souhaitait que le souverain
officialise ses possessions. Charles III accepta, à condition que Rollon se
convertisse au christianisme et s’engage à défendre le royaume. Ce dernier
accepta, et ainsi naquit la Normandie.
Baptême de Rollon,
enluminure extraite
des Grandes Chroniques de Saint-Denis, Bibliothèque municipale de
Toulouse.
L’invasion viking prenait fin en France, mais
elle continuait dans bien des régions du globe : les
Varègues,
imposant leur loi aux Slaves,
fondèrent la Russie ; des Norvégiens s’installèrent en Islande, puis au
Groenland. L’un d’eux, Leif, fils d’Erik le Rouge, découvrit
une terre qu’il baptisa Vinland : l’Amérique.
La Normandie, sous la tutelle de
ses nouveaux maîtres, devint un duché, où régnaient l’ordre et la justice.
Les Normands reconstruisirent villes, abbayes, ports, etc. La région
retrouvait sa prospérité.
Le fils de Rollon, Guillaume
Longue Epée, continua la politique de son père. Les années passèrent, et
finalement, ce fut au tour de Robert, surnommé le Diable
(impétueux, le jeune homme se faisait beaucoup d’ennemis.), d’être à la tête
du duché.
Mais Robert le Diable mourut tôt, à l’âge de 25
ans, ne laissant qu’un bâtard âgé de sept ans comme héritier, le jeune
Guillaume (le duc avait
eut un enfant avec sa femme Arlette, fille de pelletier,
mais ne s’étaient pas mariés.).
Les barons normands profitèrent
de cette occasion pour se révolter, bien que Robert eut fait jurer fidélité
à ces derniers. C’est alors que la Normandie devint la proie de guerres
privées : les seigneurs s’attaquèrent les uns les autres, n’ayant plus de
duc pour les punir.
La situation devenant dangereuse,
le frère d’Arlette décida de cacher son neveu dans un famille de paysans, où
il y vécut en secret jusqu’à sa majorité.
A l’âge de 14 ans,
Guillaume fut majeur, et décida de reprendre son pays en main. Seulement,
les barons ne l’entendirent pas de cette oreille. Sous l’instigation de son
cousin, Guy de Bourgogne, plusieurs d’entre eux se réunirent à Bayeux, afin
d’attirer le duc dans un guet-apens et l’assassiner.
Prévenu de ce piège, Guillaume
parvint à s’échapper, se réfugiant chez un seigneur lui étant resté fidèle,
au château de Falaise.
Le jeune duc savait qu’en restant
isolé, il ne pouvait vaincre. Il se tourna donc vers son suzerain, le roi de
France, Henri I°.
Ce dernier aurait préféré que son
dangereux vassal se fasse éliminer, mais il devait remplir son devoir de
seigneur. En effet, sans cela, ses autres vassaux ne lui auraient plus fait
confiance. La monarchie capétienne étant encore faible, le roi préféra aider
Guillaume qu’avoir à juguler une rébellion en France.
Grâce à l’aide d'Henri I°,
Guillaume parvint à battre ses ennemis en 1047 au cours de la bataille de
Val des Dunes, près de Caen. Puis il poursuivit son cousin Guy de Bourgogne
jusqu’au château de Brionne, qui tomba après trois ans de siège.
Au final, Guillaume parvint à se
faire reconnaître duc de Normandie par tous ses barons, de gré comme de
force.
Une fois la révolte
terminée, le pays retrouva sa prospérité d’antan. La trêve de Dieu
fut proclamée en 1041, interdisant aux seigneurs de
se battre du jeudi au samedi (en souvenir de la
Passion du Christ.), ainsi que lors des temps forts de l’année liturgique
(Avent, Carême, Pâques, etc.). Le duc tenta de faire appliquer la
trêve de Dieu sur ses terres,
bien que la tâche fut loin d’être aisée.
Guillaume décida de faire venir
en Normandie des gens d’Italie et de Bourgogne, les chargeant de
reconstituer les abbayes de la région. De nombreux élèves apprirent à lire
et à écrire au sein de ces monastères.
Au milieu du XI° siècle, la
Normandie était, avec la Flandre, la région la plus puissante de France.
Le duc de Normandie,
qui était de la famille d’Edouard III, vint rendre visite à ce dernier peu
de temps avant sa mort. A son retour en Normandie, Guillaume annonça que le
roi d’Angleterre avait fait de lui son successeur.
En 1066, Edouard III le
Confesseur mourut, et son beau frère Harold II Godwin s’empara du trône. Le
duc de Normandie ne comptait pas se faire déposséder de la sorte.
2° L’invasion
normande (1066) – Harold invoquait sa qualité de beau frère du roi
défunt, Guillaume mettait en avant sa qualité de cousin et les dernières
volontés d’Edouard III.
Le duc de Normandie proposa de s’en remettre au
pape, mais Harold II ne voulut pas. Informé de ce refus, le pape Alexandre II fit de
Guillaume son favori, et publia une bulle qui excommunia Harold II et ses
partisans.
Le duc de Normandie fit
rassembler une gigantesque flotte (les chroniques de l’époque avancent le
chiffre, sans doute exagéré, de 2 000 navires.) à l’embouchure de la Dive.
L’on embarqua armes, chevaux, bagages, attendant impatiemment le départ pour
l’Angleterre.
Cependant, comme la saison était
mauvaise, la traversée fut retardée d’un mois, et les Normands ne partirent
que le 27 septembre de l’année 1066.
Guillaume le Conquérant naviguant vers l'Angleterre, par Gundisalvus de
Hinojosa, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques de Burgos,
XIV° siècle.
Pendant ce temps, en
Angleterre, Harold II Godwin battait à Stamforbridge, le 25 septembre 1066,
les Norvégiens de Harald le Sévère.
3° Bataille de
Hastings (14 octobre 1066) – Guillaume et ses hommes mirent pied en
Angleterre sans encombre, Harold II étant en train de lutter contre les
Norvégiens. Ce dernier n’avait pas fait garder la côte.
Les Normands débarquent en Angleterre, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
Apprenant que le duc de Normandie
venait de débarquer, Harold II se dépêcha de se rendre dans le sud de l’île.
Il rencontra l’armée de son rival près du village de Hastings, sur la lande
de Senlac.
Harold II prit position sur le flanc d’une
colline et disposa ses hommes en rangs serrés, comme une barrière humaine. A
l’avant, il plaça ses
axe men.
Le combat fut lancé le 14 octobre
au matin. L’affrontement fut sanglant, et Guillaume eut trois chevaux tués
sous lui. Il chargea à maintes reprises, à la tête de la cavalerie, mais il
fut repoussé à chaque fois par les Anglo-saxons.
La bataille de Hastings, par
Tom LOVELL .
Les pertes étant considérables
dans les deux camps, l’on crut Guillaume mort. Soudain, les Normands furent
pris de panique, et le duc dut alors enlever son casque pour leur redonner
courage.
Constatant que ses efforts
étaient inutiles, Guillaume décida de recourir à la ruse, et commanda une
fuite simulée. Se croyant victorieux, les Saxons se mirent à poursuivre
leurs ennemis. Soudain, les hommes de Guillaume firent volte face et
écrasèrent les hommes d’Harold II.
Pour en finir, le duc de
Normandie ordonna à ses archers de tirer en l’air, les flèches retombèrent
alors sur leurs ennemis comme une nuée mortelle. L’une d’elle atteignit
Harold II à l’œil et le tua.
Guillaume le Conquérant était victorieux.
Guillaume le Conquérant, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875
Cette victoire
impressionna les habitants du pays. La forteresse de Douvres ouvrit ses
portes au vainqueur, Canterbury puis Londres se soumirent à leur tour.
Guillaume se fit couronner roi
dans l’église de Westminster, le jour de noël 1066. les principaux chefs
saxons jurèrent fidélité au nouveau roi.
Guillaume le Conquérant et ses deux frères
(Odon et Robert), détail de la tapisserie de Bayeux.
Mais la pacification de
l’Angleterre dura encore dix ans, Guillaume devant faire face à des rebelles
anglais, danois, saxons, gallois, et même à son propre fils qui prétendait
s’emparer du pouvoir en Normandie.
Les Normands sont les nouveaux maîtres de l'Angleterre, gravure issue de
l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France,
1875
Les derniers résistants, réfugiés
dans les marais au nord est de Londres, furent finalement vaincus en 1076.
Alors qu’à son arrivée, Guillaume
avait mis en place une politique modérée (il confirma Londres dans ses
privilèges, ne confisqua pas les terres des seigneurs qui n’avaient pas
lutté contre lui, etc.), au bout de nombreuses années de luttes il ne fut
plus aussi magnanime.
Guillaume, fatigué et vieilli,
déposséda tous les Saxons révoltés et donna leurs terres à ses hommes. Le
nouvel état des propriétés fut consigné en 1086 dans un cadastre officiel,
conservé à Westminster, que les vaincus appelèrent Doomsday Book, le
livre du jugement dernier.
A partir de là, une foule de
seigneurs saxons et de grands propriétaires furent réduits à la mendicité,
alors que de simples Normands (bouviers, tisseurs, tailleurs, etc.) prirent
leur place.
Une foule d’abbés et d’évêques
saxons furent aussi touchés par ces spoliations, déposés et remplacés par
des Normands.
Guillaume établit en Angleterre
une royauté forte, alors qu’elle était à cette époque faible partout
ailleurs. Certains Saxons n’acceptèrent cependant jamais cette domination
normande et se réfugièrent dans les forêts, vivant en hors la loi (ils
furent appelés outlaws.).
4° Fin de
Guillaume le Conquérant – Duc de Normandie et roi d’Angleterre,
Guillaume était bien plus puissant que son suzerain le roi de France. Mais
son fils aîné, Robert Courte Heuse, réclamant la Normandie, lui avait
déclaré la guerre.
Son fils avait été encouragé par le roi de
France Philippe I°, qui s’inquiétait de la puissance de son vassal.
Au cours de l’été 1087, Guillaume
traversa la Manche et marcha sur Paris, dévastant tout sur son passage : les
moissons furent piétinées par les cavaliers, les vignes arrachées, les
arbres fruitiers coupés. La première ville qu’il rencontra fut Mantes, et il
la fit brûler.
Comme il galopait à travers les
décombres, son cheval mit les deux pattes avant dans des cendres brûlantes,
s’abattit et blessa Guillaume. La plaie n’était pas mortelle, mais la
fatigue et la chaleur l’aggravèrent.
Guillaume fut transporté à Rouen,
où il mourut six semaines après, le 10 septembre 1087.
La mort de Guillaume le Conquérant, Le Monde Illustré, N°
1682, 22 juin 1889.
La chronique raconte qu’à sa
mort, tous l’abandonnèrent, après avoir pillé ses biens. Son cadavre fut
emmené à Caen par un simple gentilhomme, et il fut enterré dans l’église
Saint Etienne, fondée par lui.
C’est alors que l’on descendait
le corps dans la tombe qu’un homme du peuple protesta que ce terrain était à
lui, et que le duc l’en avait dépossédé. Les prêtres donnèrent alors 60 sous
à l’homme pour avoir son autorisation.
Puis, l’on s’aperçut que la fosse était trop étroite pour faire rentrer le
corps. Il fallut forcer le cadavre, si bien qu’il creva. Les ecclésiastiques
eurent beau asperger la tombe d’encens et de parfum, tout le peuple se
dispersa avec dégoût. Les prêtres eux mêmes durent abréger la cérémonie.
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