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L'Angleterre sous les Plantagenêts (XII° - XIV° siècle)

CHAPITRE PREMIER : Henri II (1154 - 1189)

II : Henri II et l'Eglise

 

            1° Origine de la querelle entre Henri II et Thomas Becket – Possédant de vastes et riches domaines, le roi crut que rien ne pourrait lui résister. Il tenta de prendre le contrôle de l’Eglise d’Angleterre, de disposer de son clergé et de ses biens, souhaitant en faire une Eglise purement nationale, détachée de Rome.

Pour réussir sans que cela ne fasse trop de scandale, il lui fallait des complices au sein du clergé. En 1161, il fit nommer archevêque de Canterbury une de ses créatures, Thomas Becket.

Fils d’un Saxon, bourgeois de Londres, Becket fit ses études à Paris, travaillant les lois et les sciences. Alors qu’il était encore jeune, il fut remarqué par la haute société normande, et l’archevêque de Canterbury en fit son archidiacre. Ce dernier n’avait cependant pas beaucoup de vocation ecclésiastique, mais il séduit cependant Henri II, qui le fit chancelier.

Thomas Becket avait une vie de courtisan. Il aimait le luxe et les plaisirs, autant que le roi d’Angleterre, lui même bien frivole et bien léger. Alors que ce dernier lui proposa la charge épiscopale, ce dernier refusa. D’une part, il ne se sentait pas digne de cette tâche ; de l’autre, il ne partageait pas les vues qu’avait Henri II sur l’Eglise.

Ce dernier passa outre, et nomma tout de même Becket. Ce dernier, une fois nommé, changea complètement. Il quitta ses riches habits, revêtant une bure de moine, rompit avec les grands du royaume, mais accueillit les pauvres à sa table.

Le peuple fut enthousiasmé par un tel archevêque, mais le roi était loin de l’être, furieux de constater que celui qu’il croyait être un allié était devenu un adversaire. 

Cependant, déterminé à ne pas modifier ses projets, le roi proclama les statuts de Clarendon.

 

            2° Les statuts de Clarendon (1164) – Par ces statuts, le roi prétendait simplement fixer les anciennes coutumes du royaume. Mais en fait, ces derniers n’étaient rien d’autre que la mainmise de la royauté sur l’Eglise anglaise.

Le roi s’attribuait les revenus des évêchés lorsque ceux ci étaient vacants, dirigeait et confirmait l’élection des évêques, contrôlait l’usage de l’excommunication, enlevait les clercs à leurs juges les évêques, etc.

Toutes ces dispositions, présentées à Clarendon en 1164, furent acceptées par les évêques.

Becket lui même refusa d’abord, mais ses confrères, qui redoutaient les persécutions du roi, réussirent à le convaincre. Il promit donc de signer les statuts. Mais, peu de temps après, il se rendit compte qu’il avait sacrifié à sa peur les droits de l’Eglise, et se repentit.

Le jour où on le requit afin d’apposer sa signature au bas des statuts, Becket fut inflexible, refusant de signer.

Le roi, furieux, l’assigna devant une nouvelle assemblée, à Northampton, pour rendre compte de son administration comme chancelier. Becket s’y rendit, revêtu de ses habits d’archevêque, et fut alors déposé comme parjure et rebelle au roi. Mais alors qu’un comte allait lire la sentence d’emprisonnement, Becket en appela au pape, et quitta la salle, entouré par la foule.

Le soir même, il quitta l’Angleterre et se réfugia en France.

 

            3° Exil de Thomas Becket (1164 – 1170) – Son exil en France dura sept ans. Manque de chance pour Becket, à cette époque, le pape Alexandre III était en pleine lutte contre l’Empereur Frédéric Barberousse, et avait du lui aussi, se réfugier en France[1]. Le pape ne pouvait alors pas de faire un nouvel ennemi en la personne du roi d’Angleterre Henri II.           

Becket trouva un temps refuge auprès du roi Louis VII, puis dut ensuite vivre d’aumônes dans une hôtellerie de Sens.

En 1166, dans l’église de Vézelay, près d’Auxerre, le jour de l’ascension, Becket monta en chaire, et prononça l’excommunication contre les défenseurs des statuts de Clarendon et les détenteurs des biens de l’église de Canterbury.

Henri II, qui était alors à Chinon, en Touraine, entra dans une colère noire en apprenant la nouvelle.

 

            4° Retour de Thomas Becket (1170) – En 1170, Alexandre III était de retour en Italie, et l’avait emporté contre l’Empereur d’Allemagne. Il pouvait donc s’occuper plus attentivement de l’Eglise d’Angleterre.

Le pape menaça le roi Henri II, et ce dernier, qui craignait les attaques de l’Eglise, accepta de se réconcilier avec Becket. L’entrevue eut lieu à Fréteval, dans une vaste prairie, non loin de Châteaudun. Tout s’y passa paisiblement de part et d’autre, mais Becket ne fut pas dupe ; il savait qu’en revenant en Angleterre, sa vie serait en danger.

Il décida toutefois de débarquer sur l’île, acclamé par le peuple qui l’accompagna jusqu’à l’église de Canterbury.

 

            5° Mort de Saint Thomas Becket (décembre 1170) – Les adversaires de Becket étaient dépités de voir leur adversaire vainqueur. Ce dernier les frappait de ses censures[2] qu’il lançait avec l’autorisation et au nom du pape.

Les ennemis de Becket décidèrent alors de se débarrasser de lui. Alors que ce dernier célébrait une messe dans son église, quatre assassins parurent. L’archevêque, qui refusa de fuir devant la menace, fut alors tué.

L'assassinat de Thomas Becket, copie d'une peinture de l'église Saint Vincent à Saint-Flour, XV° siècle, Cité de l'architecture, Paris.

 

            6° Réactions suite au meurtre de Thomas Becket – Cet assassinat eut un immense retentissement. Le peuple de Canterbury fit de Becket un martyr. L’émotion gagna toute l’île, et l’indignation ne fut pas moins grande en France.

Le roi dut désavouer les meurtriers (bien que ce dernier fut sans doute mis au courant de leurs intentions.), et tenta de se justifier auprès du pape, prétendant que le crime s’était commis à son insu.

L’Eglise excommunia les assassins et ceux qui les avaient aidé dans leur tâche ; le roi d’Angleterre évita de peu l’excommunication, à condition qu’il abolisse les statuts de Clarendon.

Le roi accepta les conditions, promit au pape un tribut pour la guerre contre les musulmans, et s’engagea à prendre la croix[3].

Deux ans après, Alexandre III déclara solennellement Thomas Becket martyr et Saint. Le décret papal fut lu à Londres, dans la grande salle de Westminster.

Ampoule de pèlerinage représentant les miracles et le martyr de Saint Thomas Becket, début XIII° siècle, musée de Cluny, Paris.

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[1] Pour plus de détails sur la lutte entre Frédéric Barberousse et Alexandre III, voir le 6, section II, chapitre troisième, l’Empire germanique et l’Eglise.

[2] Une censure ecclésiastique était la condamnation, après examen, d’une opinion ou d’un texte.

[3] C’est à dire se croiser, participer à la croisade.

 

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