CHAPITRE DEUXIEME : L'Empire byzantin, entre Antiquité et Moyen
âge
II : Les Justiniens, de Justin II à Phocas (565 à 610)
1°
Justin II (565 à 578) – A sa mort, Justinien I° ne laissait pas de fils
derrière lui. Le trône échut donc à son neveu Justin II, né en 520. Ce
dernier épousa alors Sophie, une nièce de l’Impératrice Théodora.
Comme de coutume chez les souverains byzantins, le nouvel Empereur ne fut en
réalité qu’un jouet entre les mains de son épouse.
Pièce de monnaie à l'effigie de Justin
II et de son épouse Sophie, British Museum, Londres.
Sophie commença par demander à Justin II le rappel de Narsès, gouverneur
d’Italie, qui avait chassé les Ostrogoths de cette province en 555[1].
Ce dernier, bien que très âgé (il avait près de 90 ans.), était toujours
vigoureux de corps et d’esprit.
L’Empereur céda aux exigences de son épouse, et disgracia Narsès en 567. Il
lui envoya alors une quenouille et un fuseau, lui faisant comprendre qu’il
était temps pour lui de passer à autre chose.
Le
vieillard, furieux, aurait alors dit au messager « dis à ta maîtresse que je
lui file une fusée qu’elle ne pourra jamais dévider. » Peu de temps après,
l’Italie fut alors envahie par les Lombards (sans doute furent ils
appelés par Narsès.).
Dirigés par le roi Alboïn, les Lombards envahirent la plaine du Pô en
568, s’emparant de Milan en 569 et de Pavie en 572.
Le
roi ne vécut cependant pas assez longtemps pour profiter de sa victoire :
les sources racontent qu’au cours d’une guerre contre les Gépides, il avait
vaincu et tué le roi Cunimond, et épousé sa fille Rosamonde.
En 572, lors d’un festin, Alboïn présenta une étrange coupe à son épouse,
réalisée avec le crâne de son père. Rosamonde fut alors forcée à boire par
son mari pour fêter la victoire. Le lendemain, Alboïn fut assassiné par son
épouse.
Narsès, appelé à l’aide par le pape Jean III, mourut la même année.
En
568, les Avars s’attaquèrent à l’Empire, envahissant la Dalmatie et
l’Illyrie. En 571, Justin II dut se résoudre à leur payer un fort tribut en
échange d’une promesse de paix.
En
outre, les Wisigoths du roi Léovigild parvinrent à s’emparer de la
province de Bétique, au sud de l’Hispanie (572.).
Les Perses, quant à eux, reprirent leurs incursions contre la Syrie et la
Cappadoce. Justin II refusa de payer les envahisseurs, contrairement à son
oncle, et décida donc de s’attaquer à eux. Cependant, ses expéditions furent
des échecs, et l’Empereur dut donc se résoudre à payer tribut aux Perses.
Sombrant dans la folie, il fut décidé de donner un collègue à l’Empereur. Ce
fut donc Tibère II Constantin, un militaire, qui fut choisi par
Sophie. En 574, adopté par l’Empereur, il fut alors fait César.
Justin II mourut peu de temps après, en 578.
2° Tibère II Constantin (578 à 582) – A la mort de Justin
II, son père adoptif, ce fut Tibère II Constantin qui monta sur le trône (il
était né en 540.).
Pièce de monnaie à l'effigie de Tibère II Constantin.
D’un point de vue militaire, cet Empereur connut des hauts et des bas : il
parvint à vaincre les Perses (divisés par une querelle successorale suite à
la mort de Chosroes I° en 579.), grâce à son lieutenant Maurice ;
mais échoua contre les Avars et les Slaves (qui s’installèrent en
Thessalie et en Thrace.).
A
Constantinople, Tibère II fut très apprécié par son peuple, car il fut un
souverain prodigue. Il diminua les impôts, ce qui en contrepartie aggrava
les finances de l’Empire.
Peu de temps avant de mourir, en août 582, il désigna comme successeur son
gendre et lieutenant Maurice (ce dernier avait épousé Constantina, la
fille de Tibère II.).
3° Maurice I° Tiberius (582 à 602) – Maurice I°, né en
539, succéda donc à Tibère II en 582. Tout au long de son règne, ce
souverain dut guerroyer dans les provinces de l’Empire.
Pièce de monnaie à l'effigie de Maurice I° Tiberius, British Museum, Londres.
Il
commença par vaincre à nouveau les Perses, qu’il avait déjà vaincus sous
Tibère II, profitant d’une querelle de succession.
Par la suite, il eut à lutter contre les Slaves, qui s’étaient emparés de la
Thrace et de la Thessalie sous le règne de son prédécesseur. Ces derniers
menaçaient alors le Péloponnèse, et Maurice I° dut engager une longue lutte
contre eux (il parvint finalement à l’emporter.).
L’Empereur décida aussi de réorganiser les possessions byzantines en Afrique
et en Italie, créant les Exarchats de Ravenne et de Carthage. Deux
exarques (un dans chaque ville.), des hauts fonctionnaires, reçurent
alors les pouvoirs civils et militaires, afin de pouvoir mieux faire face au
danger.
L'Empire byzantin en 600
(vous pouvez faire un "clic droit" sur la carte afin de faire un zoom).
Maurice I° laissa néanmoins sa trace dans l’Histoire, en rédigeant le
Strategikon, un des grands classiques de la pensée militaire. Cet
ouvrage, qui est en réalité un manuel, se destinait aux jeunes généraux
byzantins.
Maurice I° y décrit l’organisation et l’entrainement des troupes montées,
explique pourquoi il vaut mieux recruter des paysans que des mercenaires,
décrit les erreurs à ne pas commettre, et brosse un portrait de différents
peuples barbares (Francs, Lombards, Avars, Slaves, etc.).
Cependant, il se peut que le Strategikon fut rédigé non pas par
Maurice I°, mais plutôt par son frère ou un de ses généraux.
En
602, Maurice I° envoya ses troupes sur le Danube afin de lutter contre les
Avars. Ces derniers furent victorieux, et les soldats demandèrent à
l’Empereur de renter chez eux pour l’hiver. Maurice I° refusa, leur
ordonnant de se battre, et une mutinerie survint alors. Peu de temps après,
l’Empereur et ses fils furent assassinés par Phocas, un simple
centurion.
Colonne de Phocas (érigée suite au coup
d'Etat de Phocas), 608, Rome (à noter qu'il s'agit du dernier monument érigé
sur le forum romain).
4° Phocas (602 à 610) – Phocas était un centurion qui
mena la mutinerie de 602 contre Maurice I°. Pénétrant dans Constantinople,
il mit la main sur la famille impériale qui fuyait la ville, exécutant
l’Empereur et tous ses fils (ne furent épargnées que l’Impératrice et ses
filles.).
Balance en bronze à l'effigie de Phocas, VII°
siècle après Jésus Christ, British Museum, Londres.
Phocas fut alors fait Empereur, et s’attira très rapidement les foudres de
ses sujets. Intolérant, il persécuta violemment les monophysites et les
juifs. Les Perses profitèrent du mécontentement des populations locales pour
lancer une grande offensive, et se présentant comme des libérateurs.
Vainqueurs, ils parvinrent à s’emparer de Chalcédoine en 608, une cité
faisant face à Constantinople, de l’autre côté du Bosphore.
Pièce de monnaie à l'effigie de Phocas,
British Museum, Londres.
En
octobre 610, Phocas fut arrêté et exécuté par son rival Héraclius I°,
fils de l’exarque d’Afrique.