a) Les comtes :
depuis l’époque mérovingienne, le comté formait la base du
système administratif. Les comtes (ou comes, « compagnon »
du roi), à l’origine nommés par le souverain,
régnaient sur des circonscriptions, les pagi (qui a donné
« pays » en français), dont le découpage était hérité de l’Empire
romain.
A noter toutefois qu’au
fil des siècles, ces anciennes circonscriptions romaines avaient souvent
été divisées entre plusieurs comtes, contrairement aux diocèses
ecclésiastiques qui avaient maintenu leur cohérence.
Le comte, dont la
fonction devint héréditaire sous le règne des Carolingiens,
possédait d’importantes attributions, étant investi du pouvoir civil,
militaire, financier, et judiciaire.
Il levait certains
impôts, rendait la justice, et convoquait les hommes libres pour l’armée
royale (depuis la réforme militaire de Charles Martel,
les vassaux des comtes, gratifiés d’un fief, étaient tenus
d’entretenir un cheval de guerre).
A noter que le comte
était parfois assisté par un viguier ou vicomte, recevant
autorité pour gérer la justice civile et criminelle.
b) Les ducs : dès
l’époque mérovingienne, les comtes les plus remuants profitèrent de
l’affaiblissement du pouvoir royal pour ériger des duchés,
territoire regroupant plusieurs comtés (le titre de duc était hérité du
latin dux, qui était un titre militaire à l’époque du
bas-Empire).
c) Les marquis :
outre les comtes et les ducs, l’on retrouvait les marquis, comtes
titulaires d’une marche située sur une région frontalière. Ces
derniers disposaient de pouvoirs militaires exceptionnels, pouvant lever
une armée sans le consentement du roi (l’objectif était de réagir au
plus vite en cas d’invasion étrangère).
Sous le règne de
Charlemagne, plusieurs marches furent érigées dans les régions les plus
sensibles (nous en avons déjà cité quelques unes précédemment) : la
marche de Bretagne, en Bretagne ; la marche de Gascogne, protégeant les
Pyrénées ; la marche de Gothie, contre les musulmans d’Espagne ; la
marche de Carinthie, destinée à fermer l’entrée de la péninsule
italique ; en Germanie la marche Orientale, surveillant les Bavarois et
les Avars ; et la marche du Nord près des bouches de l’Elbe, pour
surveiller les Danois.
Ces marches donnèrent
naissance à plusieurs monarchies à l’époque moderne : ainsi, la marche
de Gascogne devint le royaume de Navarre ; la marche de Gothie devint le
royaume d’Aragon ; la marche Orientale devint l’Autriche ; la marche du
Nord devint le Danemark.
2° Les
missi dominici – Afin de renforcer l’autorité royale, Charlemagne
s’appuya sur les missi dominici
(« envoyés du seigneur » en français).
Ces légations étaient
composées de deux membres (voire parfois plus), l’un laïque, l’autre
ecclésiastique. A noter que jusqu’aux environs de l’an 800, le roi
faisait appel à des vassaux de la petite aristocratie ; mais, en raisons
de malversations, les missi furent choisis parmi les comtes, ducs
et évêques, jugés plus dignes de confiance.
Les missi dominici,
faisant quatre fois par an des tournées dans leur district, avaient pour
fonction de faire respecter l’autorité royale. Ainsi, ces derniers
contrôlaient les actes des comtes ; recevaient les serments
d’allégeance ; pouvaient casser les décisions et jugements pris par les
comtes et les viguiers.
D’un point de vue
ecclésiastique, les missi contrôlaient le clergé ; punissaient les abus
condamnés par l’Eglise (concubinage, port d’arme, excès de boisson,
etc.).
Faisant des rapports
réguliers à Charlemagne, les missi étaient devaient être hébergés
par les habitants du district visité ; en outre, ils pouvaient mener
l’armée au combat en cas de conflit.
3°
L’armée de Charlemagne – Depuis la chute de l’Empire romain, il n’y
avait plus d’armée permanente en Gaule. Le service militaire, comme nous
l’avons vu précédemment, reposait uniquement sur le principe de la levée
en masse.
a) Le ban : quand
le roi convoquait le ban, il était obligatoire de rejoindre
l’ost, c'est-à-dire l’armée royale. Nombreux étaient ceux qui étaient
tenus de participer à la guerre : les comtes, ducs et marquis ; les
vassaux directs et indirects
; les hommes libres (les grands propriétaires devaient fournir un
certain nombre d’hommes selon leur fortune.).
A noter que les évêques
aussi devaient envoyer leur contingent, qui était dirigé par des
vidames, étant donné qu’il était interdit aux hommes d’Eglise de
porter les armes.
Autre différence avec
les anciennes armées romaines, ni le ravitaillement, ni l’équipement des
soldats n’était fournie. Ainsi, les combattants devaient s’équiper et se
nourrir à leurs frais.
La guerre coûtant cher,
beaucoup d’hommes libres décidèrent d’aliéner
leurs biens afin d’échapper au ban.
b) L’hériban :
tout homme libre étant tenu de répondre à l’appel du roi, les
réfractaires étaient punis d’une lourde amende, l’hériban,
s’élevant à 60 sous d’or
(les sommes récoltées permettaient de financier de nouvelles expéditions
militaires).
c) La modernisation
de l’armée : la cavalerie, en plein essor depuis le règne de Charles
Martel, se modernisa considérablement suite à l’apparition de l’étrier.
Cette invention originaire de Chine, veille de 300 ans, fut introduite
en Gaule au cours du VIII° siècle.
Conférant une plus
grande stabilité au cavalier, l’étrier permit l’apparition de nouvelles
unités de cavalerie, telles que les lanciers et les archers à cheval.
Cette modernisation
demandant un entrainement plus complexe et un équipement plus lourd, la
cavalerie devint l’apanage des aristocrates les plus fortunés. Au fil
des siècles, les chevaliers prirent une importance de plus en plus
prépondérante.
d) Une guerre
omniprésente : à la fin du VIII° siècle, les échanges commerciaux
avec l’Empire byzantin étaient perturbés par les pirates musulmans, qui
avaient lancé plusieurs raids contre la Sicile. Dès lors, la principale
source de revenu de Charlemagne provint des butins de guerre.
L’ost, d’une taille
variant entre 10 000 à 40 000 hommes, se réunissait chaque année au
champ de Mars (il s’agissait d’une veille tradition mérovingienne
remise au goût du jour par Pépin de Herstal,
l’ancêtre de Charlemagne).
Il s’agissait de revues
militaires où les soldats rendaient hommage au roi des Francs. Dans
certains cas, Charlemagne profitait de cette rencontre pour consulter
ses vassaux au sujet des futures expéditions militaires.
A noter que les évêques participaient eux-aussi aux réunions.
d) la transformation
de la société rurale : vers la fin du règne de Charlemagne, les
expéditions militaires furent moins nombreuses. Les hommes libres, moins
fréquemment convoqués, restaient donc dans leurs champs afin de cultiver
la terre.
Ces derniers firent
souvent appel à un protecteur, chargé de défendre les exploitations
agricoles en échange du ravitaillement de ses troupes. Au fil des
années, de nombreux hommes libres cédèrent leurs terres à un comte, ce
qui entraina une montée en puissance de l’aristocratie.
En parallèle,
l’esclavage, condamné par l’Eglise, fut peu à peu transformé en
servage. Ainsi, les serfs étaient associés à une terre qu’ils
étaient tenus d’exploiter, fournissant une partie de leur récolte à leur
seigneur.
Ainsi, au fil des
années, la condition des hommes libres et des serfs se rapprochèrent peu
à peu. Cette transformation de la société rurale esquissait l’apparition
de la féodalité et d’une société en trois ordres, divisée entre
laboratores (ceux qui travaillent), bellatores (ceux qui
combattent), et oratores (ceux qui prient).
4° La
capitale – Au début de son règne, Charles n’avait pas de résidence
fixe, se déplaçant de villa en villa avec sa Cour (en Austrasie Herstal,
Metz, Düren, Andernach, la région étant le berceau de la dynastie
carolingienne).
Toutefois, en raison de
l’agrandissement de l’Empire vers l’est, Charlemagne décida d’installer
sa capitale dans une ville plus centrale.
Charlemagne choisit
Aix-la-Chapelle, qu’il affectionnait pour ses eaux thermales, qui lui
permettaient de nager en plein cœur de l’hiver (Pépin III y avait déjà
érigé une forteresse).
Le roi des Francs y fit
construire un palais et une basilique, ainsi qu’une piscine pouvant
accueillir cent personnes. Par ailleurs, il fit venir des statues et des
colonnes de Rome et de Ravenne afin de décorer sa nouvelle résidence.
C’est ainsi que les
vieilles villes mérovingiennes, telles que Paris et Soissons en
Neustrie, ou Metz en Austrasie, perdirent considérablement de leur
importance.