° L’élection
de Léon III au sacre de Charlemagne (décembre 795 à décembre 800)
– En décembre 795, le pape Adrien I° mourut. Charlemagne, qui était un
proche du défunt, voulut composer lui même son épitaphe, qui est parvenue
jusqu’à nous.
Peu de temps après, fut
élu un nouveau souverain pontife, Léon III, qui eut comme
son prédécesseur des relations amicales avec le roi des Francs. Il lui
envoya une ambassade solennelle pour lui offrir les clefs du tombeau de
Saint Pierre et l’étendard de Rome ; c’était reconnaître en Charlemagne
le défenseur de la papauté.
a) L’attentat d’avril
799 : cependant, Léon III, accusé d’avoir des mœurs dissolues, se
trouva rapidement confronté à l’aristocratie romaine. Ainsi, le nouveau
souverain pontife fut encore plus dépendant de Charlemagne que ne
l’était son prédécesseur.
Le 25 avril 799, le pape
fut agressé par les neveux d’Adrien I° au cours d’une procession. Jeté
bas de sa monture, Léon III fut roué de coup et dépouillé de ses habits
pontificaux. Selon certaines chroniques, ses agresseurs lui auraient
crevé les yeux et tranché la langue, membres qui auraient plus tard
repoussé miraculeusement.
Le supplice de Léon III, enluminure issue de l'ouvrage Grandes
Chroniques de France, Paris, France, XIV°siècle.
Enfermé dans un
monastère dans l’attente d’un jugement, Léon III fut alors délivré par
le duc de Spolète, accompagné de missi envoyés par Charles.
b) Léon III et
Charlemagne (été 799) : cependant Le pape se rendit alors à
Paderborn, où il fut accueilli par le roi des Francs. Puis, à l’issue
d’une courte procédure, Léon III fut disculpé des crimes dont il était
accusé.
Le Saint-Père resta
encore un mois en Saxe, ou il s’entretint à plusieurs reprises avec
Charlemagne. Certains historiens pensent que les deux hommes auraient
évoqué la renaissance de l’Empire d’occident (l’idée d’une restauration
impériale avait fait son apparition à compter des années 790).
A l’automne 799, Léon
III rentra à Rome, accompagné d’évêques francs chargés de récolter des
informations sur l’attentant du mois d’avril. Selon les sources, le pape
aurait été bien accueilli à son retour.
2° Le
nouveau sacre de Charlemagne, la renaissance de l’Empire d’occident
(noël 800) – Charlemagne, quant à lui, décida de se rendre à Rome en
personne, afin d’y rétablir le bon ordre. Il arriva dans la capitale
romaine en novembre 800, et fut reçut comme il se devait.
a) Le procès de Léon
III (novembre à décembre 800) : le roi des Francs convoqua donc une
assemblée, composée de prélats francs et romains, destinée à juger les
responsables de l’attentat d’avril 799. Les accusés renoncèrent alors à
accuser le pape, rejetant la responsabilité du crime les uns sur les
autres. Ces derniers furent condamnés à mort, mais la sentence fut
finalement commuée en bannissement.
Léon III, afin d’être
définitivement lavé de tout soupçon, prêta serment en déclarant être
innocent des crimes qu’on lui reprochait.
b) La renaissance de
l’Empire d’occident (noël 800) : à l’issue du procès, les prélats
discutèrent de l’accession de Charlemagne à la couronne impériale.
A cette date, le roi des
Francs avait réussi à imposer son autorité sur un territoire immense,
ayant comme frontière les Pyrénées, l’Oder, et le sud de la péninsule
italique.
En raison de la toute
puissance de Charlemagne, la papauté avait peu à peu rompu ses relations
avec Constantinople, le roi des Francs étant jugé plus capable d’assurer
la défense de Rome que les souverains byzantins.
Cependant, outre les
différents politiques, la cassure entre Rome et Constantinople fut
amplifiée par les querelles religieuses. Ainsi, la papauté était hostile
à la querelle de l’iconoclasme ;
le patriarche grec n’appréciait guère les innovations romaines en
matière de foi (condamnation de plusieurs conciles orientaux ; célibat
des prêtres ; Saint esprit qui procède du père, mais aussi du fils ;
etc.).
Le jour de noël de l’an
800, alors que la messe était célébrée dans la basilique Saint Pierre de
Rome.
Alors qu’il priait, Charlemagne fut couronné Empereur d’occident par
Léon III.
Le couronnement de Charlemagne, par Henry-Paul LEVY, 1874,
le Panthéon.
Le roi des Francs fut
fort courroucé par la démarche du pape, et protesta à la sortie de la
messe, disant qu’il ne serait pas venu s’il avait été mis au courant des
intentions du souverain pontife.
c) Charlemagne
mécontent du couronnement ? : aujourd’hui, les sources dont nous
disposons se contredisent concernant le couronnement impérial. Ainsi,
Charlemagne fut t’il courroucé par le couronnement, ou bien par les
modalités du couronnement ?
Dans la première
hypothèse, l’on pourrait penser que le roi des Francs considérait qu’il
avait autorité sur Rome (lui et son père Pépin III avaient sauvé les
romains à maintes reprises contre les assauts lombards), et donc qu’il
était le seul à pouvoir se couronner. Le pape, au contraire, affirmait
ici le pouvoir spirituel de la papauté, supérieur au pouvoir
temporel de Charlemagne.
Toutefois, il semble peu
probable que le roi des Francs n’ait pas été averti de son propre sacre
(la restauration impériale avait été évoquée lors des discussions de
l’été 799, puis par l’assemblée des prélats en novembre 800). Ainsi,
certains historiens pensent que Charlemagne aurait feint la colère, afin
de se concilier les bonnes grâces des souverains byzantins, qui se
considéraient comme seuls Empereurs légitimes.
Dans la seconde
hypothèse, partagée par des travaux de recherche récents, Charlemagne
aurait été courroucé par les modalités du sacre. Ainsi, le rituel
traditionnel était celui de la proskynèse,
qui exigeait une prosternation devant l’Empereur.
Au contraire, c’est
alors que Charlemagne était à genoux que Léon III posa la couronne
impériale sur sa tête.
Le sacre de Charlemagne, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage
Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.
Quoi qu’il en soit, pour
la première fois depuis 476, un Empereur régnait sur une grande partie
de l’Occident.
d) Les suites du
sacre impérial : côté byzantin, le sacre de Charlemagne fut
considéré comme une félonie, car les insignes du dernier Empereur
d’occident avaient été envoyés à Constantinople en 476. Ainsi, les Grecs
considéraient que Rome n’avait aucune autorité pour rétablir la dignité
impériale, cette dernière étant en outre subordonnée à l’Eglise.
Toutefois, l’Impératrice
Irène décida d’offrir sa main à Charlemagne, cette dernière étant
soucieuse de réunir les deux Empires. Toutefois, ce projet fit long feu,
car Irène fut renversée en octobre 802.
Ce n’est qu’une décennie
plus tard que Charlemagne fut reconnu par les souverains byzantins.
Charlemagne portant la couronne impériale, par Albrecht DURER, vers 1514, Deutsches historisches museum, Berlin.