CHAPITRE TROISIÈME :
La décadence des
Carolingiens (814 à 987)
II :
De la mort de Louis le Pieux à la mort de Charles le Chauve (840
à 877)
1°
La révolte de 841 – A la
mort de Louis le Pieux, Lothaire s’empressa de se rendre à Worms afin
d’y être proclamé Empereur. A cette occasion, il invoqua le partage de
817, excluant Charles de l’héritage, puis annonça sa volonté de réunir
sous son égide toutes les provinces de l’Empire.
A cette occasion, Lothaire reçut le soutien de
son neveu Pépin II, qui avait été dépossédé de ses Etats suite à la mort
de son père[1].
a) La trêve d’Orléans (novembre 840) :
Louis le Germanique et Charles, n’appréciant guère d’être réduits au
rang de vassaux, décidèrent alors de prendre les armes contre leur aîné.
Charles II le Chauve, château de Versailles, Versailles.
En octobre 840, Lothaire traversa les Alpes,
avançant vers les terres de Charles. Ce dernier, voyant l’ennemi
approcher, avança en direction d’Orléans. Voyant l’hiver arriver, les
deux frères décidèrent de conclure une trêve : Charles conservait le
royaume d’Aquitaine, agrémenté de la Septimanie et de comtés entre la
Sein et la Loire ; Lothaire récupérait les territoires qu’il avait
conquis lors de l’offensive ; enfin, une assemblée devait être organisée
au printemps prochain à Attigny, afin de régler diverses questions
litigieuses.
b) La bataille de Fontenoy (841) : au
printemps 841, Lothaire ne se présenta pas à Attigny, prétexte que
Charles utilisa pour lui déclarer la guerre.
Il fut alors rejoint par les troupes de son
demi-frère, Louis le Germanique, mais aussi par Guérin, comte de
Provence.
Lothaire n’ayant pas réussi à empêcher la
jonction des armées ennemies, il affronta ses frères lors de la
bataille de Fontenoy, près d’Auxerre, en juin 841.
L’affrontement fut un gigantesque combat de
cavalerie, qui causa d’importantes pertes dans les deux camps. Lothaire,
finalement vaincu, fut contraint de sonner la retraite.
La bataille de Fontenoy, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage
Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.
La bataille de Fontenoy eut un important
retentissement dans le royaume. En effet, les Francs ne s’étaient pas
battus entre eux depuis près de 150 ans (même des escarmouches avaient
eu lieu depuis la mort de Charlemagne) ; en outre, les chroniques
rapportèrent des pertes colossales, vraisemblablement exagérées
toutefois : 40 000 tués pour Lothaire contre 30 00 pour Charles et
Louis.
2° Du serment de Strasbourg au
traité de Verdun (841 à 843) – Suite à la bataille de Fontenoy,
Lothaire se réfugia à Aix-la-Chapelle, où il tenta de réunir de
nouvelles troupes.
Organisant plusieurs expéditions de pillage
contre les territoires de Louis et Charles, Toutefois, Lothaire fut
finalement contraint d’abandonner la capitale impériale (emportant avec
lui ses trésors), ses armées n’ayant pas une taille suffisante pour
l’emporter.
a) Le serment de Strasbourg (février 842) :
Louis et Charles, de leur côté, resserrèrent leur alliance lors d’une
entrevue qui eu lieu à Strasbourg, en février 842.
Les deux frères prêtèrent serment de ne jamais
traiter séparément avec Lothaire et à se défendre mutuellement, chaque
roi prononçant le serment dans la langue de l’autre :pour l'amour de Dieu et pour le salut du
peuple chrétien et notre salut à tous deux, à partir de ce jour
dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai
ce mien frère, comme on doit selon l'équité secourir son frère, à
condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire
en aucun arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable.
Le serment de Strasbourg, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
A cette occasion, Louis le Germanique
s’exprima dans le dialecte de Charles, la langue romane[2]
: pro Deo amur
et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in
quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre
Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra
salvar dift, in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid
nunquam prindrai, qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit.
Charles à son tour, parla en langue
tudesque[3],
dialecte le plus répandu en Germanie: in
Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero
gealtnissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got geuuizci
indi mahd furgibit, so haldih tesan minan bruodher, soso man mit rehtu
sinan bruodher scal, in thiu, thaz er mig sosoma duo ; indi mit Ludheren
in nohheiniu thing ne gegango, zhe minan uuillon imo ce scadhen uuerhen.
Les textes issus du serment de Strasbourg
constituent les deux plus anciens textes rédigés dans une langue locale.
A noter que les originaux furent perdus ; la plus ancienne copie du
serment de Strasbourg date de l’an mille.
b) Le traité de Verdun (843) : à la fin
du mois de février 842, Louis et Charles marchèrent conjointement sur
Aix-la-Chapelle, qui avait été évacuée par Lothaire.
Acculé, ce dernier décida d’entamer des
pourparlers avec ses frères, afin de trouver une issue favorable au
conflit.
A la mi-juin 842, les
trois frères organisèrent des préliminaires de paix près de Mâcon,
installés sur une île de la Saône. Les discussions, particulièrement
longues, aboutirent au traité de Verdun, signé en août 843
Le royaume des Francs, la Francie, fut
divisé en trois entités. Lothaire, bénéficiaire de la dignité impériale,
reçut la Francie médiane, une bande territoriale reliant les
Pays-Bas à la Provence, à laquelle vint s’ajouter l’Italie ; Louis le
Germanique eut la Francie orientale (c'est-à-dire la Germanie),
s’étendant du Rhin à l’Elbe ; enfin, Charles reçut la Francie
occidentale, territoire reliant la Somme aux Pyrénées[4].
Par ailleurs, si Lothaire conservait le titre
d’Empereur, ses frères n’étaient plus ses vassaux, et disposant dès lors
d’une indépendance totale.
Partage de l'Europe suite au traité de
Verdun, en 843.
Le traité de Verdun, consacrant la division de
l’Empire de Charlemagne, consacra la naissance de trois grandes
puissances d’Europe : France, Allemagne, et Italie.
Les chroniques du IX° siècle indiquent que la
disparition de l’Empire de Charlemagne eut un retentissement douloureux
chez beaucoup de contemporains. En effet, de nombreux ecclésiastiques
considéraient l’autorité impériale comme un rempart contre les
agressions extérieures, mais aussi comme un fer de lance pour la foi
chrétienne. Toutefois, l’affaiblissement des Carolingiens permit à la
papauté d’augmenter son influence dans la péninsule italique, et plus
tard d’affirmer la prédominance du pouvoir spirituel (l’Eglise) sur le
pouvoir temporel (l’Empire).
4°
Charles le Chauve contre les Vikings (840 à 869) – Cinq ans après le
traité de Verdun, en 848, Charles (plus tard surnommé le Chauve),
fut sacré roi dans la cathédrale d’Orléans, recevant la sainte onction
des mains de Ganelon, archevêque de Sens.
Toutefois, si le roi de
Francie occidentale n’était plus en guère contre ses frères, il n’était
pas maître chez lui. En effet, l’Aquitaine restait fidèle à son neveu
Pépin II ; la Bretagne souhait obtenir son indépendance[5]
; enfin, les côtes de l’Atlantique étaient la cible des attaques menées
par les Normands.
Les invasions vikings (VIII° à X° siècle).
a) Origine et
caractère des Normands : à l’origine, le terme de Viking
désignait un commerçant de longue date, qui pouvait être amené à se
transformer en pillard si la situation l’exigeait.
Les peuples originaires
de Scandinavie (un territoire s’étendant entre l’extrémité nord de
l’Allemagne jusqu’en Norvège) furent baptisés différemment selon les
pays traversés : Normands (ou Northmen)par les
Francs ; Danois par les Saxons de Grande-Bretagne ; Rus
ou Varègues par les Byzantins et les musulmans.
Aujourd’hui, de nombreux
historiens pensent que les invasions normandes furent déclenchées en
rejet des guerres de religion menées par Charlemagne en Saxe[6].
En effet, les tribus païennes vivant dans cette région furent
persécutées pendant près de trente ans, et finalement contraintes de se
convertir au christianisme.
Ainsi, les cibles
principales des envahisseurs furent les églises et les monastères, les
ecclésiastiques étant jugés responsables de la destruction de leurs
anciennes idoles.
Les vikings, enluminure issue de l'ouvrage Vie de saint Aubin d'Angers,
vers 1100.
Les Normands, restés
païens, vénéraient un panthéon de divinités scandinaves, les principales
étant Odin, le chef des dieux, qui avait perdu un œil lors de sa
quête du savoir ; et son fils Thor, dieu de la foudre, détenteur
du marteau magique Mjöllnir.
Selon la légende,
l’univers était divisé en neuf mondes, les dieux vivants à Asgard,
les humains à Midgard. Les hommes morts les armes à la main
pouvaient cependant rejoindre le monde des dieux, étant emmenés au
Walhalla, le palais d’Odin[7].
A noter toutefois que
les Normands ne formaient pas un peuple uni, la Scandinavie étant
morcelée en plusieurs dizaines de tribus autonomes.
b) Premières
incursions des Normands (840 à 860) : les Normands, sillonnant la mer du Nord sur leurs
drakkars[8],
des barques plates et longues, attaquèrent les côtes de Francie
occidentale à compter de 840, profitant du morcellement de l’Empire de
Charlemagne.
Figure de proue d'un drakkar, entre IV° et VI° siècle, British Museum,
Londres.
Occupé par sa guerre contre l’Aquitaine,
Charles ne fut guère en mesure de combattre les Normands. Ces derniers
profitèrent alors de ces désordres pour continuer leurs pillages,
s’attaquant aux églises et aux monastères.
En 845, le chef viking Ragnar remonta
la Seine à la tête d’une flotte de 120 navires, en direction de Paris
(la cité, ancienne capitale mérovingienne, avait été abandonnée depuis
Charlemagne). Les Parisiens s’apprêtaient à fêter Pâques quand ils
virent arriver les drakkars. Ragnar et ses hommes se jetèrent sur
l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés et la vidèrent de ses richesses.
Charles le Chauve, occupé en Aquitaine, fut appelé en toute hâte.
Toutefois, n’étant pas assez fort pour livrer bataille, il fut contraint
de négocier le départ des Normands contre un tribut de 7 000 livres
d’argent (en 856, les Normands pillèrent à nouveau
Saint-Germain-des-Prés, négociant une fois encore leur départ contre une
lourde rançon).
En 848, le chef viking Asgeir fit
naviguer ses navires sur la Loire, incendiant Bordeaux et pillant la
région. Ce dernier acheva son raid en s’emparant des richesses de
l’abbaye de Saint-Martin-de-Tours, qui fut ensuite dévorée par les
flammes.
Exactions normandes, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Un autre chef normand, Hasting (parfois
présenté dans les chroniques comme le fils de Ragnar), lança des raids
annuels contre la Francie occidentale, de 840 à 870.
Après une expédition organisée sur les rives
de la Loire, Hasting pilla Blois et Orléans (851) ; s’attaqua à Angers,
Tours, et à l’abbaye Saint-Martin-de-Tours (852) ; s’alliant avec Pépin
II, il pilla le Poitou (obtenant une rançon des habitants de Poitiers)
et la Touraine (857), les comtés de Barcelone et de Septimanie (859), et
enfin le comté de Toulouse (862).
Epées viking, X°-XI° siècles, musée des Invalides, Paris.
c) Robert le Fort,
l’ancêtre des Capétiens : Charles le Chauve, occupé par sa lutte
contre l’Aquitaine, mais aussi par la guerre contre les Bretons, n’était
pas en mesure de faire face aux raids des Normands.
En 858, l’incapacité de
Charles provoqua une insurrection organisée par les grands du royaume,
menés par Robert le Fort, comte de Tours et d’Anjou[9].
Ces derniers firent
alors appel à Louis le Germanique, qui se hâta de marcher vers la
Francie occidentale. Ce dernier recueillit alors le soutien de nombreux
comtes, puis reçut la sainte onction des mains de Ganelon, archevêque de
Sens.
Toutefois, une assemblée
d’évêques réunis sous la direction d’Hincmar, archevêque de
Reims, réclama en novembre 858 le départ des Germains et le retour de
Charles (qui avait été contraint de se réfugier en Bourgogne).
Profitant de la
situation, Charles parvint à réunir une armée, puis marcha contre son
frère. En fin d’année, les deux belligérants se rencontrèrent à Jouy.
Louis le Germanique décida alors de rentrer dans ses Etats
(vraisemblablement conscient de son infériorité numérique).
Robert le Fort, quant à
lui, fit soumission en 861, en échange du marquisat de Neustrie. Ce
dernier continua à lutter contre les Vikings, qui avaient établi des
bases à l’embouchure de la Seine et de la Loire.
En 865, Hasting
s’attaqua au comté du Mans, mais fut repoussé par les Francs ; l’année
suivante, il lança une nouvelle offensive dans la région, pillant la
ville du Mans.
Toutefois, les Vikings
furent surpris lors de leur retraite par les hommes de Robert le Fort,
et furent contraints de se réfugier dans une petite église, près du
village de Brissarthe.
A la nuit tombée, Hasting tenta de faire une
sortie. Robert le Fort, combattant sans protection fut alors frappé
d’une hache et mourut.
Les Francs, désorientés par la perte de leur
chef, ne purent empêcher les Normands de s’enfuir.
La mort de Robert le Fort, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
5°
Charles le Chauve contre l’Aquitaine (843 à 864) – A compter de 843, Charles décida de s’attaquer
à Pépin II, qui s’était emparé de Toulouse l’année précédente
a) Guerre contre Pépin II (843 à 845) :
le roi d’Aquitaine, encerclé dans la cité par les troupes franques,
soutint deux sièges, en 843 et 844. Toutefois, il fut finalement
contraint de négocier, en raison de la trahison de Frédolon,
comte de Toulouse, qui fit soumission au roi de Francie occidentale.
Charles et son neveu, se rencontrant en juin
845 à Saint-Benoît-sur-Loire, signèrent un traité de paix : ainsi, Pépin
II conservait l’Aquitaine et le titre de roi ; Charles, quant à lui,
récupérait le Poitou, la Saintonge et l’Angoumois.
b) La destitution de Pépin II (848 à 851) :
en 848, Pépin II fut chassé du trône par ses sujets. Charles, profitant
de l’évènement, confisqua les Etats de son neveu, puis se fit couronner
roi d’Aquitaine à Orléans.
Officiellement destitué par le concile de
Soissons, en 851, Pépin II fut enfermé avec son frère Charles
d’Aquitaine dans le monastère Saint Médard de Soissons.
c) Seconde guerre contre Pépin II (854 à
855) : toutefois, Pépin II et son frère s’échappèrent du monastère
en 854, et reprirent les armes.
Toutefois, les deux hommes furent vaincus par
les troupes de Charles l’Enfant[10],
second fils du roi des Francs. En 855, ce dernier fut alors couronné roi
d’Aquitaine à Limoges.
d) Derniers coups de force de Pépin II (855
à 864) : Pépin II, refusant de s’avouer vaincu, décida de faire
appel à des mercenaires normands, qui ravagèrent le Poitou (857), la
Septimanie (859), et le comté de Toulouse (862).
En 864, le souverain déchu fut fait prisonnier
par Rannoux, comte de Poitiers, et fut condamné à mort (la
sentence fut commuée en emprisonnement, mais Pépin II mourut peu de
temps après).
6° Charles le Chauve contre les
Bretons (843 à 867) – depuis l’avènement des Mérovingiens
jusqu’à Charlemagne, les Bretons étaient parvenus à conserver leur
indépendance. Au fil des siècles, ces derniers avaient été contraint de
prêter hommage, mais la domination des Francs sur cette province n’était
que théorique.
Charlemagne, soucieux de
surveiller la frontière, donna naissance à la marche de Bretagne,
constituée des comtés de Nantes, Rennes et Vannes.
a) Première guerre contre les Bretons (843
à 846) : en 841, Charles avait reçu serment de fidélité de
Nominoë, missus[11]
de Bretagne à l’époque de Louis le Pieux.
Ce dernier, désirant obtenir son indépendance,
s’allia donc avec Lambert II, comte de Nantes, et prit les armes
contre Charles à compter de 843 (à noter que Charles était hostile
envers Lambert II, son père ayant été exilé pour avoir soutenu
Lothaire).
A noter que la Bretagne fut relativement
épargnée par les invasions normandes jusqu’à la fin du siècle, les
souverains de Bretagne ayant longtemps eu des relations cordiales avec
les Vikings.
Toutefois, le roi de Francie occidentale ne
parvint pas à faire face, étant fortement occupé en Aquitaine, contre
son neveu Pépin II. Ainsi, les Bretons remportèrent la bataille de
Ballon en 845, où les Francs furent pris au piège dans les marécages
de la région[12].
Charles, contraint de négocier : ainsi,
Nominoë fut reconnu roi des Bretons[13],
et la Bretagne obtint son indépendance du royaume des Francs.
b) Seconde guerre contre les Bretons (849 à
851) : la guerre contre les Bretons reprit en 849, lorsque Nominoë
attaqua Anger, en 849, puis Nantes et Rennes en 850 (Lambert II, qui
avait fait soumission à Charles, se rapprocha une fois encore des
Bretons).
En outre, les troupes bretonnes lancèrent
plusieurs raids dans l’Anjou, le Maine et le Poitou.
A la mort de Nominoë, décédé près de Vendôme
en mars 851, ce fut son fils Erispoë qui monta sur le trône de
Bretagne. Ce dernier, poursuivant l’offensive menée par son père,
affronta les troupes de Charles en août 851 lors de la bataille de
Jengland.
Les Bretons, moins d’un millier d’hommes,
décidèrent de ne pas se risquer à livrer bataille contre un ennemi
supérieur en nombre. Les troupes de Charles, harcelées par des tirs de
javelots, ne parvinrent pas à engager le combat. Le roi des Francs, face
à l’ampleur des pertes, décida finalement de sonner la retraite.
Charles, contraint une fois encore de
négocier, signa le traité d’Angers en septembre 851 : Erispoë
récupérait les comtés de Rennes et de Nantes, ainsi que le pays de Retz
(c'est-à-dire les anciennes marches de Bretagne) ; en contrepartie, ce
dernier devait prêter hommage à Charles.
c) Troisième guerre contre les Bretons
(867) : à la mort d’Erispoë, assassiné en novembre 857, ce fut son
cousin Salomon qui monta sur le trône[14].
Le nouveau souverain avait assassiné son
prédécesseur, car il n’appréciait pas le rapprochement franco-breton
qui s’était mis en place depuis quelques années (Erispoë souhaitait
marier sa fille avec Louis II le Bègue, fils de Charles).
En 863, Salomon prit les armes contre le roi
de Francie occidentale, avançant jusqu’à Orléans. Une fois encore,
Charles décida de négocier, signant le traité d’Entrammes, cédant
à son rival un territoire situé entre la Sarthe et la Mayenne (en
échange d’un petit tribut).
Puis, ayant repris ces expéditions contre la
Francie, Salomon se vit céder le Cotentin, l’Avranchin et les îles
anglo-normandes, suite à la signature du traité de Compiègne
(867).
Le royaume de Bretagne, connaissant à cette
date son extension géographique maximale, fut toutefois la cible des
invasions normandes au début du X° siècle, et perdit rapidement toutes
ses conquêtes.
7° De la mort de Lothaire au
sacre impérial de Charles le Chauve (855 à 875) – Sentant sa mort
approcher, Lothaire se retira dans le monastère de Prüm, non loin
d’Aix-la-Chapelle.
a) Le traité de Prüm (855) : l’Empereur
rédigea alors le traité de Prüm, prévoyant un partage de son
héritage entre ses trois fils : Louis II, l’aîné, recevait la
dignité impériale et le royaume d’Italie ; Lothaire II eut la
Lotharingie (ou Lorraine), territoire reliant les Pays-Bas aux
Vosges ; enfin, le benjamin, Charles, obtint la Provence et la
moitié sud de la Bourgogne.
Lothaire mourut peu de temps après, en
septembre 855.
b) Le règne de Charles de Provence (855 à
863) : Charles, installé en Provence, était un adolescent de nature
fragile (né vers 840, il souffrait vraisemblablement d’épilepsie).
Ce dernier fut contraint de faire face aux
invasions des Normands, qui dévastèrent la vallée du Rhône ; mais aussi
aux attaques de son oncle Charles le Chauve, qui souhaitait annexer la
Provence (ce dernier fut toutefois vaincu en 861).
A la mort de Charles, décédé sans héritiers en
janvier 863, la Provence fut divisée entre ses frères : Louis II
récupéra les comtés d’Arles et d’Aix (la moitié sud), Lothaire II les
comtés de Lyon et de Vienne (la moitié nord).
c) Le règne de Lothaire II (855 à 869) :
le règne de Lothaire II fut marqué par les déboires conjugaux de ce
souverain.
En effet, ce dernier avait épousé
Theutberge en 855, fille de Boson l’Ancien, comte d’Arles.
Toutefois, la jeune femme étant stérile, Lothaire II commença à
fréquenter une maîtresse, Waldrade.
Pendant toute la durée de son règne, le roi de
Lotharingie tenta de faire casser son premier mariage, afin d’épouser sa
maitresse (mais aussi de légitimer les enfants né de cette union).
Toutefois, le Saint Siège ne l’entendit pas de cette oreille : le pape
Nicolas I° refusa de dissoudre le mariage ; son successeur,
Adrien II, excommunia Waldrade en 866[15].
En août 869, Lothaire II mourut sans avoir
réussi à faire reconnaitre Hugues, fils qu’il avait eut avec sa
maîtresse. Ainsi, son royaume fut partagé entre ses oncles.
d) Le traité de Meerssen (870) : Louis
II, frère du défunt, étant occupé dans le Bénévent par sa lutte contre
les musulmans, Charles décida d’agir rapidement. En septembre 869, le
roi de Francie occidentale se rendit à Metz, où il fut sacré roi de
Lotharingie. Puis, il se dirigea vers Aix-la-Chapelle, capitale
impériale.
Toutefois, Louis le Germanique se plaignit dès
janvier 870 de la perfidie de son demi-frère. Charles, plutôt que de
prendre les armes, décida plutôt d’entamer des pourparlers.
Les deux hommes, se rencontrant à Meersen,
près de Maastricht, en août 870. Louis II n’étant pas revenus d’Italie,
Charles le Chauve et Louis le Germanique partagèrent entre eux
l’héritage de Lothaire II.
Ainsi, Charles reçut la moitié ouest de la
Lotharingie, un territoire reliant la Meuse au Rhône. Son frère eut
quant à lui la moitié est de la Lotharingie, de la Frise à la Moselle,
prenant possession d’Aix-la-Chapelle, ancienne capitale impériale.
e) La mort de Louis II, Charles le Chauve
Empereur (875) : malgré les protestations de Louis II, soutenu par
le pape Adrien II, le partage de Meerssen ne fut pas renégocié.
Le roi d’Italie, ayant réussi à remporter
plusieurs batailles contre les musulmans dans le sud de l’Italie, mourut
près de Brescia en août 875.
Comme le défunt n’avait pas d’héritiers, la
couronne impériale et le royaume d’Italie furent offerts à Charles le
Chauve par le pape Jean VIII.
A noter néanmoins que les Etats du défunt
devaient revenir à Carloman, fils de Louis le Germanique, désigné
par Louis II comme son héritier (toutefois, le roi de Francie orientale
ne put intervenir, car il mourut en 876).
Charles, acceptant la proposition de Jean
VIII, traversa les Alpes afin de se rendre à Rome. Il fut alors couronné
par le pape le 25 décembre 875, soit 75 années après le sacre de
Charlemagne.
8° De la mort de Louis le
Germanique à la mort de Charles le Chauve (876 à 877) – En août
876, Louis le Germanique mourut. Conformément à la vieille coutume
franque, il divisa son royaume entre ses fils : Carloman, l’aîné, nommé
roi de Bavière, reçut la Bavière, la Carinthie, la Bohême et la
Moravie ; Louis le Jeune, roi de Saxe, eut la Saxe, la Thuringe
et la Franconie ; Charles le Gros, possédant la dignité de roi de
Francie orientale, fut nommé roi d’Alémanie, régnant sur l’Alsace et la
Souabe.
a) L’échec de Charles le Chauve en
Lotharingie (876) : suite à la mort de son demi-frère, Charles
décida d’envahir la moitié est de la Lotharingie.
Cependant, le roi de Francie occidentale fut
vaincu par Louis le Jeune, qui remporta la bataille d’Andernach,
en octobre 876.
b) Charles au secours
de l’Italie, sa mort (877) : Empereur et roi d’Italie, Charles le
Chauve devait à la fois protéger l’Italie, la papauté, mais aussi la
Francie occidentale. La tâche était bien lourde à une époque ou l’Empire
était en proie aux dissensions.
En 877, Jean VIII
implora le secours de Charles, les musulmans[16]
étant parvenus à remonter jusqu’aux murs de Rome.
Avant de partir en
Italie, le roi de Francie occidentale tint une assemblée à Quierzy,
où plusieurs dispositions furent prises : les évêchés vacants devaient
être soumis à un conseil ecclésiastique en attendant la décision de
l’Empereur ; à la mort d’un comte ou d’un vassal, son fils aîné
récupérait l’héritage.
A noter que les
dispositions du capitulaire de Quierzy ne devaient être que
temporaires, en vigueur jusqu’au retour du roi. Cependant, comme ce
dernier mourut au cours de l’expédition, l’hérédité des fiefs devint
officielle.
Charles le Chauve, suite
à son arrivée en Italie, apprit que Carloman, roi de Bavière, avait
envahi la Lotharingie. Ce dernier repassa donc les Alpes, mais tomba
malade pendant la traversée. Il mourut en octobre 877 au pied du
Mont-Cenis.
En raison de la
décomposition du cadavre, le défunt ne fut pas enterré à Paris mais à
Nantua, dans l’Ain.
[1] Voir à ce sujet le a), 8, section I,
chapitre troisième, les Carolingiens.
[2] Les langues romanes dérivent du latin. Au
fil des siècles, elles ont donné naissance aux langues
qualifiées aujourd’hui de latines : français, italien, espagnol,
portugais, etc.
[3] Le tudesque, ne descendant pas du latin,
était l’ancêtre de la langue allemande.
[4] Le terme de Francie médiane disparut le
premier, ce territoire étant grignoté par les descendants de
Charles et Louis orientale ; le terme de Francie orientale
survécut pendant près de 150 ans, avant d’être définitivement
remplacé par le terme de Germanie ; enfin, le terme de Francie
occidentale se transforma en Francie, puis en France.
[5] Voir à ce sujet le 6, section II, chapitre
troisième, les Carolingiens.
[6] Voir à ce sujet le a), 4, section I,
chapitre deuxième, les Carolingiens.
[7] Pour en savoir plus sur la mythologie
scandinave,
cliquez ici.
[8] A l’origine, le drakar (avec un seul k)
désignait la tête de dragon qui ornait la proue du navire. Puis,
par métonymie, ce terme désigna le bateau viking.
[9] Ce dernier donna son nom à la dynastie des
Robertiens, qui engendra la lignée des Capétiens.
[10] Il fut surnommé ainsi car il mourut
jeune, âgé de vingt ans.
[11] Le missus (au pluriel missi) était un
envoyé de l’Empereur. Il était chargé de faire une inspection
dans les comtés, pouvait casser une décision de justice, voire
mener l’armée provinciale.
[12] Alors que sous Charlemagne, l’armée
royale était composée d’un maximum de 40 000 hommes, les troupes
de Charles ne pouvaient être que de 10 000 soldats. Toutefois,
comme toutes les provinces n’étaient pas convoquées en même
temps, le roi de Francie occidentale pouvait au mieux compter
sur une armée de 5 000 hommes (et comme Charles était occupé en
Aquitaine, il ne pouvait envoyer qu’un millier d’hommes en
Bretagne).
[13] A noter que Nominoë ne porta jamais le
titre de roi de Bretagne, préférant celui de duc des Bretons.
[14] Salomon était vraisemblablement
l’assassin d’Erispoë.
[15] L’on peut ici noter une importante
évolution des mœurs dans le domaine conjugal. Ainsi, alors que
les Mérovingiens et les premiers Carolingiens pratiquaient la
polygamie, cette habitude disparut peu à peu, jusqu’à devenir
interdite au cours du IX° siècle.
[16] Dans les sources d’époque, les
envahisseurs musulmans étaient baptisés les Sarrasins,
terme hérité du latin Sarracenus (lui-même hérité du grec
Sarakenoi), désignant un peuple nomade d’Arabie du II°
siècle après Jésus-Christ. Ils furent aussi surnommés les
infidèles au cours du Moyen-âge, ces derniers n’ayant pas
épousé (voire renié pour certains) la religion catholique.