Comme nous l’avons vu précédemment, le VIII° et
le VII° siècle furent des périodes de forte croissance de la natalité. Cela
entraîna plus ou moins indirectement une grave crise agraire.
En effet, les nobles détenaient à l’époque la
majeure partie des terres cultivables, et les petits paysans étaient souvent
dans le besoin (souvent à cause de dettes.). A cette époque, ces derniers
réclamèrent une abolition des dettes et un partage équitables des terres.
Le cas qui nous est le plus connu est celui
d’Athènes : au VII° siècle avant Jésus Christ, deux législateurs, Dracon
et Solon, mirent en place de nombreuses réformes législatives.
1° Les institutions de Dracon –
Dracon arriva au pouvoir en tant qu’archonte
éponyme,
et mit en place, vers 620 avant Jésus Christ, un code juridique très sévère
(c’est d’ailleurs de son nom que provient le terme draconien.). Il
est cependant important de préciser qu’à cette époque, il n’y avait pas de
lois précises (seulement des règles non écrites, les rhètres,
acceptées tacitement par les populations.). La Grèce, alors
parsemée d’une multitude de clans (les Génos.), souffrait beaucoup de
ces vendettas : il fallait venger le mort coûte que coûte, sinon son
âme errait sur les rivages du Styx, sans pouvoir traverser le fleuve (comme
les morts sans sépulture.).
En outre, le système politique d’Athènes était
encore sommaire, à cette époque. En effet, la cité était alors sous la
domination de la famille des Eupatrides, qui disaient descendre du
héros légendaire Thésée. Dominant Athènes, détenant la majorité des terres
cultivables, les Eupatrides exerçaient des pressions en tous genres sur les
plus démunis.
Le système de Dracon punissait donc la moindre
incartade d’une grosse amende, et souvent de la peine de mort. Les lois en
question (la plus importante étant celle qui faisait la différence entre
l’homicide volontaire et involontaire.) étaient écrites sur des panneaux de
bois, qui, plus tard, furent remplacés par des bornes de pierre (certaines
sources racontent que le code, dont les lettres étaient rouges, aurait été
écrit avec du sang.).
De cette manière, Dracon tenta de libérer le
citoyen athénien de la pression qu’exerçait sur lui le clan, mais aussi (en
vain.) de briser l’influence qu’avaient les Eupatrides sur la cité.
2° Les institutions de Solon
– Quelques années plus tard, un autre archonte, Solon (640 ? – 558 avant
Jésus Christ.), arrivant au pouvoir en 594, fit d’importantes réformes à
Athènes. En effet, à cette époque, les Eupatrides avaient finalement réussi
à acquérir la quasi-totalité des terres de l’Attique, et se faisaient de
plus en plus menaçants envers les paysans endettés (ces derniers étaient
alors parfois réduits à l’esclavage pour rembourser leur emprunts.). En
outre, le commerce étant en pleine expansion, la classe des marchands
faisait fortune. Cependant, ces nouveaux riches étaient dans l’impossibilité
de participer à la vie politique de leur cité, à cause des Eupatrides.
- Les nouvelles lois : Solon commença
par supprimer les lois de Dracon, jugées trop strictes, sauf celles
concernant les homicides ; il interdit aux créanciers de s’emparer des
terres ou de la liberté de leurs débiteurs ; il régit la place des femmes
dans la société ; créa des bordels d’Etats ; etc.
- Les nouvelles classes :
Sa réforme la plus connue entraîna la mise en place à Athènes d’une nouvelle
société, non plus dirigée par les nobles mais par les riches (Solon aussi
voulait rabaisser l’influence des Eupatrides.).
Solon institua donc quatre classes sociales, en
fonction de la richesse des citoyens :
Les Pentacosiomédimnes, les plus riches,
devaient prouver que leu revenu annuel était supérieur ou égal à 500
médimnes.
Les Hippeis devaient être capables de
pouvoir entretenir un cheval (d’où leur nom.), et leur revenu devait être
supérieur ou égal à 300 médimnes.
Les Zeugites étaient des paysans qui
n’en avaient pas moins certaines ressources financières, et dont le revenu
annuel était de 200 médimnes.
Les Thètes, quant à eux, étaient les
plus modestes des citoyens d’Athènes (souvent des ouvriers agricoles.), et
leur revenu était inférieur à 200 médimne annuels (ils étaient cependant
dispensés de faire la guerre.).
- Les nouveaux archontes :
Solon déclara que seuls les Pentacosiomédimnes, qu’ils soient d’ascendance
noble ou non, pourraient être élus archontes.
A l’origine, les archontes étaient au nombre de
trois. Issus de l’aristocratie, ils s’étaient emparés des fonctions des
souverains d’Athènes suite à la disparition du dernier d’entre eux. Il y
avait alors trois différents archontes :
L’archonte éponyme était le chef de la
cité (en théorie.), il gérait l’administration de la cité et s’occupait de
la justice.
L’archonte roi avait une fonction
religieuse. Il était responsable des cultes et présidait l’Aréopage (nous
reviendrons sur cette organisation plus tard.).
Enfin, le polémarque commandait l’armée,
détenant donc le pouvoir militaire.
La charge d’archonte, à l’origine, était à vie.
Cependant, au fil des siècles, cette durée devint décennale, puis ensuite
annuelle. En outre, au VII° siècle avant Jésus Christ, l’on ajouta six
nouveaux archontes aux trois existant déjà : les thesmothètes. Leurs
fonctions étaient en grande partie judiciaires (ils présidaient comme
magistrats lors des procès.).
Les archontes, une fois leur mandat venu à
expiration, rejoignaient l’aréopage, dont ils étaient membres à vie.
Jusqu’au V° siècle avant Jésus Christ, cette assemblée eut un pouvoir très
important au sein de la cité.
Les Hippeis et les Zeugites, exclus du
gouvernement, détenaient des charges moins importantes. Quant aux Thètes,
ils se réunissaient au sein d’une assemblée nommée ecclésia.
Le système que Solon avait mit en place était
une démocratie censitaire, qui fut loin de faire l’unanimité.
3° Le règne des tyrans –
Cependant, même après les réformes de Solon, le problème, à Athènes, n’était
toujours pas réglé : seuls les riches avaient le pouvoir. C’est cet état de
fait qui favorisa l’arrivée des tyrans (du grec turannos, qui
signifie ‘maître.), un peu partout dans les cités grecques (Corinthe,
Athènes, Samos, Naxos, etc.).
Il est cependant important de noter que le
terme ‘tyran’ n’avait pas à l’époque la connotation négative qu’il a
aujourd’hui (tout comme le terme ‘dictateur’ chez les romains, qui désignait
un chef de guerre ayant l’armée sous ses ordres pendant un an.). Les tyrans,
bien qu’ils s’emparaient du pouvoir en dehors de tout processus
démocratique, n’en étaient pas moins soutenus par de nombreux citoyens, qui
désiraient s’opposer aux classes les plus aisées de la population. En outre,
un peu partout en Grèce, les tyrans ne restèrent au pouvoir que tant que
leur action fut jugée positive par leur peuple.
A Athènes, ce fut le tyran Pisistrate (600 ? –
527.), issu de la famille des Eupatrides, qui prit le pouvoir. Soutenu par
les citoyens les plus pauvres de la ville (les Diacriens.),
Pisistrate parvint à diminuer l’influence de l’aristocratie.
Pisistrate se contenta de placer des proches au
sein des institutions de la cité, tout en respectant les institutions de
Solon. Par la suite, il instaura un système de prêts pour les plus
défavorisés des Athéniens (une sorte de crédit agricole.), embellit les
monuments de l’Acropole (construction du temple d’Athéna.), célébra de
nombreuses cérémonies religieuses (réforme des Panathénées, fêtes organisées
en l’honneur d’Athéna ; intégration du culte de Dionysos.).
Pisistrate mit aussi en place une politique de
conquête : établissement de colonies sur le détroit de l’Hellespont
(afin de s’assurer le ravitaillement en blé en provenance de la mer noire.),
prise des îles Cyclades et de Délos (afin de prendre le contrôle du commerce
dans la mer Egée.).
Torse d'un guerrier grec, vers 530 avant Jésus Christ, Altes museum, Berlin.
A la mort de Pisistrate, en 527 avant Jésus
Christ, ce furent ses fils (Hippias et Hipparque.) qui lui
succédèrent. Athènes était alors une cité florissante, l’action de
Pisistrate ayant été très bénéfique pour la cité. Cependant, les deux jeunes
gens ne surent pas assurer la pérennité de l’œuvre de leur père (le pouvoir
était alors entre les mains d’Hippias, son frère étant plus porté sur les
lettres.). Lors des panathénées de 514, deux jeunes Athéniens, Harmodios
et Aristogiton, tentent d’assassiner les deux frères, mais ne
parviennent qu’à tuer Hipparque.
Les deux jeunes gens furent tués peu après (Harmodios fut tué par les garde,
Aristogiton fut exécuté.), mais ils reçurent cependant, après la chute
d’Hippias, le titre de tyranoctones (‘tueurs de tyrans’.).
Par la suite, Hippias mit en place un système
de plus en plus répressif au sein de la cité, tant et si bien que les
Athéniens appelèrent à l’aide la ville de Sparte. En 510, le tyran d’Athènes
fut chassé de la ville, et partit se réfugier en Perse auprès du roi Darius
I°.