CHAPITRE PREMIER :
La haute époque
archaïque (XXX° - VIII° siècles avant Jésus Christ)
II: La civilisation minoenne (XXX° - XII° siècles avant
Jésus Christ)
1° Les premières fouilles
archéologiques en Crète – Jusqu’aux
fouilles menées en Crète en 1900 par sir Arthur Evans, nous ne connaissions
que peu de choses sur la civilisation minoenne.
Sir Arthur Evans (à gauche.),
accompagné par l'architecte Théodore Fyfe et l'archéologue Duncan Mackenzie.
Evans, au cours de ces fouilles, découvrit de
nombreux palais crétois, mais aussi des milliers de tablettes d’argile
(environ 3 400.), sur lesquelles les crétois écrivaient. Ces tablettes sont
de quatre sortes : les deux plus anciennes comportent des inscriptions
hiéroglyphiques, et les deux plus récentes sont composées de signes
simplifiés (dits ‘linéaires’.).
Aujourd’hui, seules les tablettes les plus
récentes, écrites en linéaire b, ont pu être traduites[1] :
ces dernières datent toutes du XV° siècle avant Jésus Christ, date à
laquelle la Crète avait été envahie par les Mycéniens (nous
reviendrons sur la civilisation mycénienne à la section suivante.).
Mais ces tablettes ont un intérêt limité : non
seulement elles ne nous renseignement sur la période ‘crétoise’ de la Crète
(à savoir, avant l’arrivée des mycéniens sur l’île.), mais en outre leur
contenu s’avère limité, car elles ne sont que des pièces de comptabilité.
L’histoire des la civilisation minoenne ne nous est donc connue aujourd’hui
que grâce à l’archéologie. Nos connaissances sont cependant lacunaires :
nous ne connaissons pas les dynasties royales qui se sont succédées, ni le
nom de ces souverains. Nous ne savons pas non plus quelle langue les Crétois
parlaient, etc.
C’est Evans lui-même qui divisa l’histoire de
la Crète en trois périodes : minoen ancien, minoen moyen, minoen récent.
Cette civilisation reçut son nom du légendaire roi Minos, qui à sa
mort devint un des trois juges des Enfers[2].
Quoi qu’il en soit, la Crète étant une île
montagneuse (dont seulement 4% de son territoire est formé de plaines.), les
Crétois, tout comme les Egéens, furent des marins, des éleveurs d’ovins ou
des paysans (cultivant l’olivier.).
2° Le minoen ancien (3000 à 2000
avant Jésus Christ) – Au cours de cette période, les Crétois étaient
nommés les Pélasges. Avec l’arrivée de l’âge du bronze, l’île connut
une évolution de la métallurgie et de l’orfèvrerie (confection d’armes et de
bijoux.). La céramique évolua elle aussi.
L’architecture resta cependant rudimentaire
(plans rectangulaires, base en pierre et murs en argile.), tout comme les
tombes à tholos (tombes collectives circulaires.), qui restèrent les
mêmes qu’au néolithique.
Vestiges d'une tombe à Tholos retrouvée à Kumasa, Crète.
C’est à cette époque que les premiers échanges
(avec le monde grec ou égyptien.) apparurent. L’écriture naquit elle aussi
au cours de cette période, sous la forme de hiéroglyphes (sans doute le
fruit de ces relations commerciales avec l’étranger.).
3° Le minoen moyen (2000 à 1600
avant Jésus Christ)– À cette époque, nous assistons à l’âge d’or
de la civilisation minoenne : à Cnossos, Malia et Phaïstos furent
érigés de vastes palais, qui furent habités pendant plus de 400 ans.
a)
Les anciens palais (2000 à 1750 avant Jésus christ) : l'architecture
de ces anciens palais
(ou premiers
palais.), était d’inspiration orientale : une
cour centrale rectangulaire, entourée de nombreuses pièces indépendantes
auxquelles l'on pouvait accéder par de nombreux couloirs.
Vestiges du palais de Cnossos, août 2011.
Vestiges du palais de Malia, août 2011.
Ces édifices étaient des
centres de pouvoir (les souverains de l’île y résidaient.), des centres
religieux (présence de pièces dans le palais consacrées au culte.) et des
centres économiques (l’on y stockait les vivres et les impôts en nature.).
Reconstitution du palais de Malia.
Se rendant sur l'île, l
es Grecs attribuèrent la construction du palais de Cnossos (qui s’étendait sur 1,5 hectares.) au
personnage mythologique Dédale. Ils s'inspirèrent aussi de ce
labyrinthique édifice pour inventer la légende du Minotore[3].
Plan du palais de Cnossos, British Museum, Londres.
A cette époque, une administration complexe se
mit en place, l'écriture hiéroglyphique étant toujours utilisée. Profitant de
leur insularité qui les mettaient à priori à l’abri d’attaques extérieures,
les Crétois développèrent leurs échanges avec les autres peuples de la
Méditerranée, la Mésopotamie et l’Egypte notamment (vente de bijoux,
d’huile, de vin, de pourpre et de céramiques.).
Les tombes elles aussi évoluèrent : c’est à
cette période qu’apparurent les premières tombes individuelles (sépultures
dans des jarres et cercueils en terre cuite.).
Corbeille à fruit en argile, vers 2000-1750 avant Jésus Christ, musée
archéologique d'Héraklion, Crète.
b)
Les nouveaux palais (1750 à 1600 avant Jésus christ) :
cependant, vers 1750 avant Jésus
Christ, les anciens palais disparurent, sans doute à cause d’une
catastrophe naturelle (tremblement de terre.). Les Crétois décidèrent alors
de reconstruire leurs monuments, et ils bâtirent ce que l’on appelle
aujourd’hui les nouveaux palais (où seconds palais.).
Ces nouveaux édifices étaient encore plus beaux
que les précédents : les architectes décidèrent d’établir des puits de
lumière sur les terrasses, afin d’éclairer les pièces, tout en évitant de
les exposer à la chaleur de l’été et au froid de l’hiver.
Reconstitution d'un puits de lumière, palais de Cnossos.
Le système des
eaux fut perfectionné, et surtout, l’art prit dans les palais une place
considérable, ces derniers étant ornés de nombreuses décorations : fresques
peintes, faïences, vases, figurines, armes d’apparat, etc.
Reconstitution de la salle du trône, palais de Cnossos.
A cette époque, l’écriture évolua, et les
Crétois se mirent à utiliser ce que l’on appelle le linéaire a
(indéchiffrée à ce jour.).
Tablette écrite en linéaire a.
La Crète dominait alors le monde égéen,
développant son commerce extérieur et colonisant les peuples alentours.
Jarre au palmiers, vers 1700-1650 avant Jésus Christ (à gauche.) ; jarre à
la pieuvre, vers 1500-1450 , musée archéologique d'Héraklion, Crète.
4° Le minoen récent (1600 à 1100
avant Jésus Christ) – Entre le XVII° et le XVI° siècle avant Jésus Christ,
les nouveaux palais furent à nouveau détruits. Si pendant longtemps, l’éruption du volcan Santorin
(survenue vers 1600 avant Jésus-Christ.) fut considérée comme l'évènement
ayant mis fin à la civilisation minonenne, aujourd'hui, de nombreux
archéologues estiment qu'il ne fut que le point de départ d'une série de
catastrophes naturelles (à noter que l'éruption et les tremblements de terre
qui suivirent donnèrent peut être naissance en Grèce à la légende de l’Atlantide.).
a) La période
néopalatiale (1600 à 1450 avant Jésus christ) : malgré l'ampleur des
dégâts,
Cnossos fut épargnée par les catastrophes, et
les palais furent une fois de plus reconstruits. L’architecture évolua peu, contrairement à l’art (représentations
picturales, sculpture, céramique.).
La Parisienne, fragment de fresque représentant probablement une
prêtresse participant à un banquet, vers 1400 - 1350 avant
Jésus Christ, musée archéologique d'Héraklion, Crète.
Le prince aux fleurs de lys (oeuvre restaurée au XX° siècle), fragment
de fresque retrouvée à l'entrée sud du palais de Cnossos, vers 1650-1500 avant Jésus
Christ, musée archéologique d'Héraklion, Crète.
b)
La période mycénienne ou postpalatiale (1450 à 1100 avant Jésus christ)
: c
ependant, cette prospérité
retrouvée s'acheva brutalement vers 1450 avant Jésus Christ, lorsque l’île fut envahie par les Mycéniens venus
de Grèce. C’est à cette époque qu’apparurent les premières inscriptions en
linéaire b, utilisée par les administrateurs mycéniens de la Crète.
Tablette écrite en linéaire b.
Si la culture minoenne fut conservée, l’influence mycénienne se fit
de plus en plus grande au fil des années : ainsi, les céramiques crétoises furent peu à peu
remplacées par des céramiques d’inspiration grecques, la langue locale fut
remplacée par la langue des Mycéniens, etc.
Représentation d'une danseuse, fresque retrouvée à Cnossos, vers 1400-1350
avant Jésus Christ, musée archéologique d'Héraklion, Crète.
Une nouvelle catastrophe frappa cependant l’île
à la fin du XV° siècle, entrainant la destruction du palais de Cnossos.
Aujourd'hui, les sources lacunaires ne permettent pas aux historiens de
trancher sur la cause de cet incident. Si la tradition explique la
destruction de Cnossos par un nouveau tremblement de terre, plusieurs
scientifiques avancent l'hypothèse selon laquelle les Crétois se seraient
rebellés contre l'autorité mycénienne.
Vers 1200 avant Jésus Christ, la Grèce fut
envahie par les Doriens[4],
qui détruisirent les principales cités grecques. La Crète, alors simple
dépendance du continent, fut frappée à son tour vers 1150 avant Jésus
Christ. Suite à ces évènements, la Crète perdit son aura et
disparut de la scène internationale.
5° Civilisation et religion
crétoise – Les Crétois voulurent très tôt cultiver un certain art de
vivre, en développant leur confort matériel : les palais étaient bâtis afin
que leurs habitants n’aient pas à souffrir de la chaleur ou du froid ; ils
étaient de pourvus de salles de bains, de latrines et de « tout à l’égout. »
En Crète, il n’y avait pas ou peu d’esclavage
(contrairement à l’Egypte.), et la femme était presque l’égale de l’homme.
D’ailleurs, les Minoens ne vénéraient que des divinités féminines aux seins
nus, et les archéologues n’ont trouvé aucune représentation de divinités
masculines.
Deux
déesses aux serpents, appelation toutefois illégitime car il
s'agissait vraisemblablement de prétresses (leurs seins dénudés étaient un
symbole de fertilité.), vers 1600 avant Jésus Christ, musée archéologique
d'Héraklion, Crète.
Exception faite des représentations de taureaux, animaux qui
tenaient une place très importante dans la culture crétoise (et que les
Grecs ont utilisés par la suite pour créer la légende du Minotaure.).
Le jeu du taureau (oeuvre restaurée au XX° siècle.), fresque
retrouvée au palais de Cnossos, vers 1450-1400 avant Jésus-Christ, musée
archéologique d'Héraklion, Crète.
[1]
Le linéaire b ne fut cependant pas déchiffré en 1900, lors des
premières fouilles, mais près d’un demi siècle plus tard, en 1953,
par les Anglais Michaël Ventris et John Chadwick.
[2]
Pour plus de renseignements sur Minos et les juges des Enfers, voir
le 3, section II, chapitre deuxième, mythologie grecque. Pour
plus de détails sur l’histoire de Minos et du Minotaure, voir le 4,
section V, chapitre troisième, mythologie grecque.
[3]
Pour en savoir plus sur la légende de Thésée et du Minotaure,
cliquez ici.
[4]
Pour en savoir plus sur la fin de la civilisation mycénienne, voir
le 5, section III, chapitre premier, histoire de la Grèce antique.