Faux ! Aujourd'hui, le terme de Bérézina,
dans le vocabulaire français, est pourtant devenu synonyme de désastre, de
grave échec. Ne parle t'on pas de Bérézina, dans le milieu sportif, suite à
un match raté ? Ne parle t'on pas de Bérézina, en politique, suite à un
important revers électoral ?
Et pourtant, la
bataille de la Bérézina, livrée par la Grande armée en novembre
1812 ne fut ni une déroute, ni une défaite, mais bel et bien une victoire de
Napoléon Bonaparte !
La campagne de Russie[1],
entamée en juin 1812, avait été, dans un premier temps, favorable aux armées
françaises. Ainsi, Napoléon remporta plusieurs batailles contre les Russes
(la bataille de Smolensk, en août, et la bataille de la Moskova,
en septembre.). Cette série de victoires permit ainsi à l'Empereur des
Français de pénétrer dans Moscou en septembre 1812[2].
Suite à la prise de la ville, Napoléon pensait que le tsar Alexandre I° serait disposé à
négocier, mais ce dernier ne songeait qu'à gagner du temps, sachant que la
Grande armée ne survivrait pas à l'hiver russe.
La mort dans l'âme, Napoléon fut contraint d'ordonner la retraite le 19
octobre 1812. Les Français, harcelés par l'ennemi et souffrant du froid,
atteignirent fin novembre les rives de la Bérézina. Cependant, les Russes
avaient coupé les ponts surplombant la rivière, coupant ainsi la retraite de
la Grande armée.
La retraite de Russie, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
A cette date, Napoléon était dans une situation délicate. A la tête de 50
000 hommes, il était poursuivi par les Russes, qui souhaitaient accomplir un
coup d'éclat en capturant l'Empereur.
Napoléon, ayant demandé à ces éclaireurs de trouver un passage à gué, apprit
qu'il était possible de franchir la Bérézina, non loin du village de
Stoudienka (alors que les Russes se trouvaient à une dizaine de kilomètres
au sud.).
Pendant trois jours (26, 27 et 28 novembre.), les sapeurs[3] des bataillons du Génie[4]
tentèrent tant bien que mal d’ériger deux ponts, en travaillant nuit et jour
dans l’eau glacée.
Au même moment, le
maréchal Claude Victor Perrin et ses hommes défendaient Stoudienka,
les Russes, ayant reconnu leur erreur, arrivant par milliers dans le petit
village.
Le lendemain, 28 novembre 1812, les troupes russes, changeant de stratégie,
attaquèrent la rive droite du fleuve, mais furent finalement repoussés par
les Français.
Ce même jour, la Grande armée reçut l'ordre de traverser, Napoléon annonçant
son intention de détruire les ponts le lendemain matin.
La traversée de la Bérézina.
Malgré les multiples mises en garde annoncées par l'Etat-major, de nombreux
trainards préfèrent attendre le matin du 29 novembre pour traverser.
Cependant, soucieux de protéger la retraite de la Grande armée, Napoléon
ordonna la destruction des deux ponts vers 9 heures du matin.
C'est ainsi que plus d’un millier de retardataires, paniqués, se jetèrent
dans les flammes ou furent contraints de traverser la rivière à la nage.
Au final, la bataille de la Bérézina ne fut pas une défaite, mais une
victoire. Le maréchal Perrin, en repoussant les Russes de Stoudienka, et les
sapeurs du Génie, en érigeant les deux ponts malgré des conditions
climatiques difficiles, sauvèrent la Grande armée de l'anéantissement.
A noter néanmoins que les Français accusèrent d'importantes pertes, soit 10 000 prisonniers[5] et
environ 10 000 tués (les Russes, quant à eux, subirent presque autant de pertes que les
Français.).
[1]
Pour en savoir plus sur la campagne de Russie,
cliquez ici !
[2]
En 1812, Moscou n'était plus la capitale du royaume de Russie (Saint
Petersburg l'était depuis le début du XVIII° siècle.). Cependant, le tsar
Alexandre I° y résidait.
[3]
Les sapeurs furent créés au cours du XVII° siècle, sous le règne de
Louis XIV. A l’origine, leur nom indiquait qu’ils réalisaient des
sapes, c'est-à-dire des tranchées réalisées en direction de la
position ennemie. Les sapeurs furent intégrés au corps du Génie en
1793. A noter que cette appellation est exclusivement française,
partout ailleurs, les sapeurs sont nommés pionniers.
[4]
Le corps du Génie fut créé en 1793. Existant encore de nos jours,
ses fonctions sont de combattre, construire et protéger.
[5]
Principalement des traînards restés sur l'autre rive.