Au Moyen-âge, l'on croyait que la Terre était plate
Nous avons hérité de bien des préjugés,
concernant le Moyen-âge, qui nous font voir cette période comme
barbare, tyrannique et obscurantiste.
Mais qu'en est il en réalité ? Nos ancêtre du Moyen-âge
pensaient-ils vraiment vivre sur une Terre plate ?
La
Terre telle que vue par les obscurantistes du Moyen âge
?
La théorie de la rotondité de la Terre fut
communément admise à compter de l'époque classique[1],
les savants de l'époque parvenant à calculer sa circonférence, ainsi que la
distance de la Terre à la Lune. Ce savoir, perfectionné à l'époque romaine,
fut en partie perdu en Occident suite à la chute de Rome.
Pendant le Moyen-âge, si la question du géocentrisme faisait débat (il
s'agissait de la théorie selon laquelle le soleil
tournait autour de la Terre, placée au centre de l'univers), la rotondité de
la Terre était reconnue comme un fait avéré. Par ailleurs, c'est à l'époque
des croisades[2]
que les œuvres des anciens philosophes
grecs furent diffusées en Occident (ces dernières, traduites en arabe,
furent alors traduites en latin).
Les croisés marchant vers Constantinople, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Ces nouvelles découvertes scientifiques entraînèrent au XII° siècle un
mouvement de pré-Renaissance, dont fit usage Christophe Colomb
lors de son voyage vers le Nouveau-Monde[3]. Ce dernier, en découvrant le
continent américain, était persuadé d'avoir découvert les Indes. En toute
logique, il n'aurait pas tenu ce raisonnement s'il était convaincu que la
Terre était plate.
A noter par ailleurs que contrairement à une idée répandue, avant son
départ, Colomb n'eut pas à convaincre les théologiens de la Cour de la
rotondité de la Terre, mais bien de la faisabilité de son voyage.
Galilée (de
son vrai nom Galileo Galilei), quant à lui, ne fut pas condamné par
l'Eglise en 1633 pour avoir découvert la rotondité de la Terre, mais pour avoir
critiqué la théorie du géocentrisme, soutenue par l'Eglise (Galilée
défendait l'héliocentrisme, affirmant que la Terre tournait autour du
soleil, qui était le centre de l'univers).
Portrait de Galilée.
Ainsi, l'on retrouve très peu de textes anciens critiquant la rotondité de
la Terre. Parmi ceux-ci, l'on peut citer Lactance (de son vrai nom Lucius Caecilius Firmianus,
auteur chrétien du III° siècle après Jésus Christ), qui considérait comme
inepte l'idée
que des hommes
puissent vivre les pieds en haut et la tête en bas, que les arbres puissent
croître vers le bas, ou que
la pluie puisse tomber sur Terre vers le haut.
Un siècle plus tard, les auteurs chrétiens de l'Ecole théologique
d'Antioche, prônant une lecture littérale de la Bible,
soutinrent eux-aussi la théorie de la Terre plate. Ces derniers
considéraient que le monde avait la forme de l'Arche d'alliance[4],
la Terre formant la base et le ciel le couvercle. Ces idées furent
plus tard reprises par Cosmas Indicopleustès (« le
voyageur des Indes » en français), qui rédigea
Topographie chrétienne,
vers 560, récit de ses voyages en Inde[5].
Toutefois, cette école n'eut jamais une grande
influence, étant rapidement fermée car jugée favorable au
nestorianisme[6],
doctrine condamnée par l'Eglise d'Orient. Les travaux de Cosmas
Indicopleustès, très critiqués au VI° siècle, ne furent traduits en
latin qu'en 1707 (et il fallut attendre 1858 pour une traduction
française). Jamais diffusés en Occident au cours du Moyen-âge, les
écrits de cet auteur n'eurent donc qu'une portée très limitée.
Mais si la théorie de la Terre plate n'eut jamais
un véritable écho au cours du Moyen-âge, pourquoi avons-nous en tête cette
idée reçue ? En réalité, ce mythe fut élaboré par les auteurs de la Renaissance, qui présentèrent le
Moyen-âge comme
une époque sombre et intolérante[7]
; ces mensonges étant repris et diffusés les historiens de l'époque
contemporaine,
qui firent leur possible pour dépeindre un Moyen-âge crasseux, présenté
comme le complet opposé d'un XIX° siècle civilisé et triomphant. C'est à
cette époque qu'apparurent d'autres élucubrations douteuses, telles que : au
Moyen-âge, les gens étaient sales, les femmes portaient des ceintures de
chasteté, la grande peur de l'an mille, le droit de cuissage, etc.[8]
L'histoire de France vue par Maurice Neumont (où l'on retrouve
une épouse peu vertueuse "délivrée" de sa ceinture de chasteté par un page), par
Maurice NEUMONT, fin du XIX° siècle, musée de Montmartre, Paris.
[1]
En Grèce, on appelle
l'époque classique la période débutant à la fin de la tyrannie (510)
et s'achevant avec Alexandre le Grand (323). Pour en savoir plus à
ce sujet,
cliquez ici.
[2]
L'Occident lança huit croisades, de 1095 à 1270. Si la première
permit l'établissement d'Etats latins au Proche-Orient, les
suivantes eurent des résultats plus mitigés. Les Arabes, quant à
eux, profitèrent des dissensions causées par le système féodal pour
contre-attaquer. Ainsi, les Etats latins du Proche-Orient
disparurent à la fin du XIII° siècle, à l'exception du royaume de
Chypre, qui fut cédé à Venise en 1489. Pour en savoir plus, cliquez ici.
[3]
Nous avons
abordé les voyages de Colomb dans un autre article. Pour le
découvrir,
cliquez ici.
[4] Selon la
mythologie biblique, l'Arche d'alliance était un coffre de bois
recouvert d'or, contenant les Dix Commandements, que Dieu
avait donnés à Moïse.
[5]
Cet ouvrage, très critiqué pour ses théories rétrogrades, contient
malgré tout d'intéressants passages sur les relations commerciales entre l'Inde
et l'Afrique, mais aussi sur des plantes alors inconnues en Europe.
[6]
Cette doctrine, élaborée par
Nestorius, patriarche de Constantinople au V° siècle, niait la nature divine
de la Vierge Marie.
[7]
Alors même que la Renaissance prit fin à cause de l'obscurantisme de
l'Eglise, au début du XVII° siècle (c'est à cette époque que Galilée fut
condamné pour avoir dit que la Terre tournait autour du soleil, alors que
l'Eglise affirmait l'inverse ; ou que Giordano Bruno fut brûlé vif pour
avoir affirmé que l'univers était vraisemblablement infini).
[8]
Autant que boniments que vous pourrez retrouver dans Les mensonges de
l'Histoire, mon premier ouvrage, publié aux éditions
l'Harmattan !