Cette idée reçue est particulièrement répandue en France, dans lequel le
concept de primogéniture mâle
permit d'éviter que la couronne ne soit cédée à une dynastie étrangère.
Cependant, cette coutume française semble faire figure d'exception. Car en
effet, sans remonter jusqu'à l'époque de Cléôpatre, septième du nom (qui
n'était pas égyptienne mais grecque), il suffit de se tourner
de l'autre côté de la Manche pour constater que
la famille royale britannique est en réalité d'origine allemande.
Ainsi, à l'aune de ces informations, l'on peut donc se demander si les rois
de Suède sont d'origine suédoise ou non.
Les royaumes de Scandinavie tels qu'on
les connait aujourd'hui, c'est-à-dire divisés en quatre Etats bien distincts
(Danemark,
Norvège, Suède et Finlande), eurent en réalité une histoire particulièrement
troublée, parsemée de guerres, de trahisons, d'alliances et d'unions.
Ainsi, en 1397, Marguerite I°,
reine de Danemark, donna naissance au Kalmarunionen (ou
« Union de Kalmar »), rassemblant la totalité des pays scandinaves
sous une même couronne. Son fils, Eric de Poméranie, fut alors couronné roi
de Danemark (Eric
VII),
de Norvège (Eric
III)
et de Suède (Eric
XIII).
Traité de l'Union de Kalmar.
Cependant, si cette union des royaumes
parvint à durer pendant un peu plus d'un siècle, elle finit par faire long
feu, les aristocrates suédois n'appréciant guère la domination norvégienne
sur la Suède. Ainsi, à l'issue d'une longue guerre civile, l'Union de Kalmar
fut dissoute en 1523, donnant naissance à deux Etats distincts : le royaume
de Darnemark-Norvège, à l'ouest ; et le royaume de Suède-Finlande, à l'est.
Suite à la dissolution de l'Union de
Kalmar, Gustave I° fut élu roi de Suède. Ses descendants, membres de
la dynastie des Vasa, parvinrent à conférer une stature
internationale à leur royaume, étendant leur possessions en Carélie, en
Estonie, en Lettonie, en Poméranie occidentale, et au Trondelag (une région
située au centre de la Norvège).
Portrait de Gustave I° Vasa.
Cependant, la toute-puissance suédoise
fit bien des jaloux, et à compter du XVIII° siècle, de nombreuses nations
s'allièrent afin d'y mettre un terme (Russie, Prusse, Autriche, pays
scandinaves, etc.). Ainsi, en l'espace de quelques années, les possessions
suédoises se réduisirent comme peau de chagrin, donnant à la Suède l'aspect
que nous lui connaissons aujourd'hui (avec la Finlande en prime).
En 1810, le roi de Suède Charles
XIII,
qui avait reçu la couronne l'année précédente (suite à un coup d'Etat
organisé contre son neveu Gustave IV Adolphe),
se trouvait sans héritiers. Ce dernier porta alors son dévolu sur
Charles-Auguste de Schleswig-Holstein-Sonderburg-Augustenborg (baptisé
Christian-Auguste avant sa nomination en tant que prince de Suède), dont la
famille descendait des rois de Danemark.
Charles XIII.
Cependant, ce dernier mourut dès le
mois de mai, et Charles XIII partit à la recherche d'un nouvel héritier.
C'est à cette époque que le maréchal Jean-Baptiste Bernadotte fut
approché par des émissaires suédois.
Portrait du maréchal Bernadotte.
Ce dernier,
né à Pau en janvier 1763,
s'engagea très tôt dans la carrière des armes, profitant de la Révolution
française pour monter rapidement en grade. Fait général en 1794, suite à
la bataille de Fleurus,
il fut ministre de la Guerre pendant l'été 1799, puis nommé maréchal en 1804.
En 1806, il reçut le titre de prince de Pontecorvo.
Bernadotte, qui avait épousé Désirée
Clary en 1798, une ancienne maîtresse de Napoléon Bonaparte,
n'était toutefois pas en bon termes avec ce dernier. En effet, le prince de
Pontecorvo était en 1810 en semi-disgrâce, ayant été privé par l'Empereur du
commandement de l'armée de l'Escaut.
C'est à cette époque qu'il fut approché
par des émissaires suédois, qui lui proposèrent la couronne de Suède.
Bernadotte, partant en Scandinavie avec l'aval de Napoléon (qui souhaitait
pouvoir s'appuyer sur un allié solide dans cette région), fut alors nommé
prince héritier de Suède en août 1810 (il adopta alors le nom de
Charles-Jean).
A cette date, l'objectif était de se
rapprocher de la France afin de pouvoir récupérer la Finlande, annexée par
les Russes en 1809. Cependant, suite à l'échec de Napoléon lors de la
campagne de Russie,
Bernadotte fut contraint de rejoindre les rangs de la sixième coalition
(regroupant entre autres l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse et la Russie).
Le prince héritier de Suède (qui dans
les faits régnait déjà en raison de la sénilité de Charles XIII),
participant à la campagne d'Allemagne de 1813, parvint à obtenir la
signature du traité de Kiel, en janvier 1814, qui cédait la toute la
Norvège à la Suède
(à noter que le royaume de Danemark-Norvège, uni depuis la fin de l'Union de
Kalmar, fut
« puni »
en raison de son alliance avec la France).
Bernadotte, resté neutre pendant les
Cent-Jours,
devint finalement roi de Suède et de Norvège en février 1818, à la mort de
son prédecesseur, adoptant le nom de Charles XIV Jean.
Le maréchal Bernadotte en 1818.
Les héritiers de ce souverain, membres
de la maison Bernadotte, se succédèrent sur le trône jusqu'à nos jours.
L'actuel roi de Suède, Charles XVI Gustave, est donc le lointain
descendant du prince de Pontecorvo, qui donna naissance à une dynastie
d'origine française.
Le roi Charles XVI de Suède