Faux !
Car une fois encore, la réalité historique est plus complexe que les
aprioris.
La télégraphie,
système permettant la transmission de messages sur de grandes
distances, fit son apparition au cours des années 1830. Toutefois,
cette invention reste associée à Samuel Morse[1]
,
qui, reprenant les travaux de ses prédécesseurs, déposa en 1840 un
brevet de télégraphe électrique, donnant naissance au code Morse
(ce dernier permettait de transmettre un texte par le biais
d'impulsions courtes et longues).
Le télégraphe étant
particulièrement populaire, plusieurs milliers de kilomètres de
câbles furent installés en Europe et aux Etats-Unis, les deux
continents étant reliés en 1866. Puis, à la fin du XIX° siècle,
apparut la transmission sans fil, permettant aux navires de
rester en contact avec le continent.
Fête à New York en l'honneur de la pose du télégraphe électrique
transatlantique, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1866.
Le premier message
de détresse fut lancé en mars 1899 par le bateau-phare britannique
East Goodwin, signalant le naufrage du navire marchand l'Elbe
sur une des côtes du Kent. Pendant plusieurs années, le code utilisé
fut vraisemblablement "HELP", transmis ainsi en code Morse :
.... . .-.. .--.
Peu de temps après,
en janvier 1904, la Compagnie Marconi[2]
annonça, dans une de ses circulaires internes, que le nouveau signal
de détresse serait "CQD" (Come Quickly Distress ou "Venez
Vite Détresse" en français). En code Morse, il était transmis ainsi
: -.-. --.- -..
A noter que ce
faisant, la Compagnie Marconi s'inspirait du signal "CQ" (qui se
prononce seek you, ou "vous cherche" en français). Ce
dernier, utilisé depuis longtemps déjà, signifiait aux stations que
le message pouvait les intéresser.
Mais en octobre 1906
se tint à Berlin la seconde Convention internationale de
radiotélégraphie, au cours de laquelle les participants
décidèrent de ne pas retenir le signal "CQD". En effet, ce dernier
était considéré comme trop proche du "CQ".
Ainsi, les
émissaires allemands proposèrent le signal "EOE", déjà employé dans
la marine allemande. Toutefois, la lettre E étant traduite en code
Morse par un seul point, elle fut remplacée la lettre S, qui en
comportait trois. C'est ainsi qu'apparut le fameux "SOS", transmis
de cette manière : ...---...
A noter que ce code
n'est pas une traduction des lettres S, O et S (il n'y a pas
d'espace entre les lettres, contrairement au "CQD"), étant un signal
spécial
[3]
(à l'instar de
"AR", marquant la fin d'un message ;
"BT", signalant un nouveau paragraphe ;
ou "VA", fin de contact).
Malgré l'adoption
officielle du "SOS", les navires britanniques utilisèrent pendant
encore quelques années le signal "CQD". Ce dernier fut utilisé pour
la première fois en janvier 1909, lorsqu'en raison du brouillard, le
République entra en collision avec le navire italien
Floride, non loin des côtes américaines.
Le premier "SOS" fut
quant à lui émis quelques mois plus tard, en juin 1909, lorsque le
navire britannique Slavonia s'échoua dans les Açores.
A noter que le signal "SOS" reste
toutefois intimement lié au
naufrage du Titanic, en avril 1912 (même si à cette occasion,
les télégraphistes présents sur le paquebot utilisèrent d'abord le
code "CQD", avant d'émettre un "SOS").
A noter qu'après le
naufrage du Titanic, le "SOS" devint un signal internationalement
reconnu, alors qu'autrefois il était uniquement utilisé par les
télégraphistes (c'est à cette époque que le "CQD" tomba en
désuétude, n'étant plus employé par la suite).
C'est ainsi que dans
l'inconscient populaire, le "SOS" fut traduit par Save Our Souls
("Sauvez Nos Ames"), voire Save Our Ship ("Sauvez Notre
Navire") ou encore Send Out Succour ("Envoyez Des Secours").
Cependant, comme
nous l'avons vu plus haut, le signal "SOS" n'est ni une abréviation,
ni un acronyme. Ce dernier n'est donc pas traductible, à l'instar
des nombreux signaux spéciaux du code Morse.
[1]
Samuel Morse, né en 1791,
était un peintre américain. Il mourut en 1872, après avoir
bataillé pendant plusieurs décennies pour faire reconnaitre ses
inventions.
[2]
La Compagnie Marconi avait été fondée par l'inventeur italien
Guglielmo Marconi. Ce dernier, s'intéressant à la télégraphie, travailla sur
la transmission sans fil. Ne pouvant développer ses inventions dans son pays
natal, il rejoignit l'Angleterre, où il fonda la Compagnie Marconi en 1897.
[3]
Ainsi, dans la numérotation moderne, le code "SOS" est écrit "SOS",
la barre surlignant les lettres indiquant que ces dernières ne sont
pas espacées.