Le pouvoir était détenu par trois consuls, qui devaient faire
face à trois assemblées : le Tribunat, qui discutait les lois sans les voter ; le Conseil
législatif, qui votait les lois sans les
discuter ; et le Sénat conservateur, qui avait comme objectif de
maintenir la constitution de l’an VIII. Par ailleurs, le suffrage
universel masculin était conservé.
Le Consulat entra en vigueur en janvier 1800, et Napoléon, nommé premier
consul, fut secondé dans sa tâche par Jean Jacques Régis de Cambacérès et Charles François
Lebrun.
En 1802, Napoléon fit adopter la constitution de l'an X, qui
contribua à accroitre les pouvoirs du premier consul (mandat à vie,
droit de grâce, signature des traités) et ceux du Sénat, au détriment du
Tribunat et du Corps législatif. Puis, deux années plus tard, en 1804,
Napoléon fit adopter la constitution de l'an XII, qui accordait
au premier consul la dignité impériale.
Dix ans après,
suite à la défaite de Napoléon contre les puissances européennes
coalisées, Louis XVIII (il s'agissait du frère cadet de Louis
XVI) fut placé sur le trône, donnant naissance à la
première restauration. Ce souverain, qui comprenait que la
France de son époque n'était plus celle de 1789, promulgua donc la
Charte de 1814, texte de
compromis reconnaissant les acquis de la Révolution et de l’Empire.
Entrée de Louis XVIII à
Paris, le 3 mai 1814, par Pierre Nicolas LEGRAND, musée Carnavalet,
Paris.
Ainsi, plusieurs droits et libertés étaient reconnus (droit individuels,
droit de propriété, liberté de la presse, liberté d’expression, liberté
religieuse, etc.) ; par ailleurs, la noblesse de l'ancien régime était rétablie dans ses titres, la noblesse d’Empire
conservant les siens. Par ailleurs, si
Louis XVIII détenait le pouvoir exécutif, il devait être secondé par deux
assemblées législatives : la Chambre des Pairs (élue à vie) et la Chambre des députés des
départements (élue au suffrage censitaire).
A la mort de Louis
XVIII, en septembre 1824, ce fut le frère cadet du défunt,
Charles X, qui monta sur le trône. Mais ce dernier, qui avait
passé la moitié de sa vie à l'étranger, était bien moins ouvert
d'esprit, réclamant un retour à la
monarchie absolue. Cette intransigeance lui porta préjudice, car il fut
contraint de démissionner à l'été 1830, en raison des troubles
engendrés par la révolution de Juillet.
Combat de la porte Saint Denis, le 28 juillet 1830, par
Hippolyte LECOMTE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Suite au départ de
Charles X, le pouvoir fut confié à Louis Philippe d'Orléans,
qui donna naissance à la monarchie de Juillet. Ce dernier,
imitant Louis XVIII, promulgua la Charte de 1830, qui prévoyait
l'abolition de la censure, l'adoption du drapeau tricolore,
l'initiative des lois partagées entre le roi et l'Assemblée, et
conservant un système législatif bicaméral (c'est à dire
composé de deux assemblées).
Louis Philippe prêtant serment en présence des chambres de maintenir
la charte de 1830, 9 août 1830, château de Versailles, Versailles.
Cependant, si Louis
Philippe faisait figure de roi libéral, tentant de concilier acquis
de la Révolution, prestige de l'Empire et idéaux de la royauté, au
sein d'une monarchie constitutionnelle, il fut malgré tout contraint
de faire face à plusieurs insurrections populaires tout au long de
son règne. La révolution de 1848, se déroulant dans un
contexte de crise économique, contraignit Louis Philippe à abdiquer,
le 24 février.
Incendie du château d'eau, place du Palais Royal, le 24 février 1848,
par Eugène HAGNAUER, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, alors que
le souverain déchu pensait organiser une régence, dans l'attente de
la majorité de son petit fils,
les insurgés envahirent le palais Bourbon, siège de l'Assemblée,
soucieux de ne pas commettre la même erreur qu'en 1830.
Ces derniers
décidèrent alors de nommer un gouvernement provisoire, qui fut
constitué à la hâte. Le poète Alphonse de Lamartine, un des
chefs de file de l'insurrection, invita ses camarades à proclamer la
seconde république, annonçant que le peuple serait appelé
prochainement à ratifier la nomination de ce gouvernement
provisoire.
Lamartine repoussant le drapeau rouge, à l'Hôtel de ville, le 25
février 1848, par Félix PHILIPPOTEAUX, XIX° siècle, musée CARNAVALET,
Paris.
Suite à ce coup d'Etat, le paysage politique se retrouva divisé entre républicains de la veille,
minoritaires, mais qui avaient participé à l'insurrection ; et
républicains du lendemain, issus de différentes tendances (anciens
ministres de Louis Philippe, tels qu'Adolphe Thiers,
orléanistes, légitimistes,
etc.). Les monarchies européennes, craignant une
« rechute » révolutionnaire, n'intervinrent toutefois pas, à
l'époque où le mouvement du
printemps des peuples
provoqua d'important remous dans toute l'Europe.
En France, le gouvernement provisoire annonça une série de réformes :
rétablissement du suffrage universel masculin (qui avait remplacé par un
suffrage censitaire sous Louis XVIII) ; abolition des titres de
noblesse, diminution de la durée du travail (abaissée de 11 à 10 heures
par jour dans la capitale) ; liberté de la presse ; etc.
Cependant, malgré l'adoption de ces mesures, la crise sévissait
toujours. Ainsi,
Louis Antoine Pagès (dit Garnier-Pagès.), ministre des
Finances, annonça une hausse des impôts, l'établissement d'une taxe sur
les portes et fenêtres (touchant les propriétaires), et la restauration
de la patente.
Ces réformes, très impopulaires, furent sanctionnées lors des élections
législatives d'avril 1848. Ainsi, sur 880 députés, l'on comptait une
majorité de modérés ; le parti de l'ordre, regroupant
monarchistes et conservateurs, comptait 300 sièges ; les républicains de
la veille, quant à eux, n'étaient plus qu'une centaine. A noter que
Louis Napoléon Bonaparte,
leader du mouvement bonapartiste, fut élu député grâce à ses élections,
cependant, il préféra rester en Angleterre.
Le mécontentement populaire se traduisit par une nouvelle insurrection,
en juin 1848, qui fut matée dans le sang par le général
Eugène Cavaignac. Cette répression contribua à ternir
considérablement l'image de la jeune république, qui n'avait pas hésité
à tirer sur le peuple. La général Cavaignac, quant à lui, faisant
désormais fonction
d'homme fort du régime, reçut le pouvoir exécutif suite à
l'insurrection, et en l'espace de quelques semaines, tous les acquis de
février 1848 furent abolis.
Combats autour du Panthéon, le 24 juin 1848, par Nicolas
Edward GABE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris (à gauche) ;
Le général Louis Eugène Cavaignac, par Jean Baptiste
Adolphe LAFOSSE, XIX° siècle, musée des Invalides, Paris (à droite).
En septembre 1848, des élections
législatives complémentaires entraînèrent une nouvelle fois l'élection
de Louis Napoléon Bonaparte, qui cette fois décida de siéger. Par
ailleurs, ce dernier décida de se présenter aux élections
présidentielles de décembre 1848. Ce dernier faisait face, entre autres,
au général Cavaignac et à Alphonse de Lamartine. Cependant, alors que
ces deux derniers n’étaient guère appréciés depuis la répression
féroce des émeutes, Louis Napoléon partait avec l’avantage de porter un
nom particulièrement célèbre et resté –en bien ou en mal- dans toutes
les mémoires.
Le
scrutin présidentiel se déroula comme prévu le 10 décembre 1848, et consacra la
large victoire de Louis Napoléon Bonaparte, élu avec 74,2 % des suffrages. Le
général Cavaignac, arrivé second, recueillait quant à lui environ 20 % des
voix, les autres candidats ne dépassant pas la barre des 5 %.
Allégorie de la fraternité entourée
des partisans du suffrage universel, vers 1848, musée Carnavalet,
Paris (au premier plan, devant le drapeau tricolore, l'on reconnait Adolphe
Thiers ; en haut, Louis Napoléon, accoudé à la
statue ; à droite, contre l'arbre, le général Cavaignac).
Bien qu'élu
président avec une large majorité, Louis Napoléon se retrouva
rapidement confronté à une assemblée lui étant hostile. En effet, la
constitution de novembre 1848 confirmait l'existence d'un pouvoir
législatif monocaméral. L’assemblée, qui ne pouvait pas être
dissoute par le président de la république, bénéficiait d'une grande autonomie
: elle pouvait se réunir à son bon vouloir, pouvait voter des lois à
son initiative, mais aussi déclarer la guerre et négocier les
traités.
Le
président de la république, quant à lui, était élu pour quatre ans. Toutefois,
contrairement aux députés qui étaient rééligibles immédiatement (à l'issue
d'un mandat de trois ans), le
président ne pouvait se représenter à la fin de son mandat.
Souhaitant pouvoir
se représenter lors des élections de 1852, Louis Napoléon décida de
se rapprocher des membres du parti de l'ordre, dont il ne partageait
pas les idées. En avril 1851, l'assemblée vota une révision
constitutionnelle, prévoyant l'augmentation de la durée du mandat
présidentiel à dix ans, mais une partie des conservateurs, menés par
Adolphe Thiers, se rapprochèrent de l'extrême-gauche afin de faire
échouer le projet.
Louis Napoléon,
faisant face à Thiers, qui voulait faire adopter un décret
permettant au président de l’assemblée de prendre le contrôle de
l’armée, décida alors de préparer un coup d'Etat à compter de l'été
1851. La date de l'évènement fut fixée au 2 décembre, jour du sacre
de Napoléon I°.
Dans un premier
temps, le coup d'Etat du 2 décembre se déroula dans de bonnes
conditions, le peuple y étant favorable, et les députés les plus
hostiles à Louis Napoléon étant rapidement arrêtés. Quelques
barricades furent toutefois érigées dans la journée du 3 décembre,
mais le mouvement insurrectionnel, peu soutenu par rapport à 1830 ou
1848, fut rapidement maté.
A la fin décembre
1851, le coup d'Etat fut ratifié par plébiscite ; puis, une nouvelle
constitution fut adoptée, en janvier 1852. Cette dernière
reconnaissait les acquis de la Révolution et de l'Empire, rejetait
le suffrage censitaire, et accordait à Louis Napoléon un mandat de
dix ans. Ce dernier, homme fort du régime, cumulait les charges de
chef des armées, chef du gouvernement, et responsable de la
diplomatie française. En outre, Louis Napoléon recevait le pouvoir
législatif, ayant l’initiative des lois, et disposant du droit de
veto. En
face du président de la république, l’on retrouvait non plus une mais deux
assemblées, le Corps législatif et le Sénat.
Finalement, en
novembre 1852, Louis Napoléon décida d'instaurer le Second Empire,
décision qui fut ratifiée par plébiscite à la fin du mois.
Pendant les vingt
années de règne de Napoléon III, le régime impérial,
autoritaire dans un premier temps, se libéralisa au fil des années.
Les élections législatives, organisées tous les six ans,
consacrèrent à chaque fois la victoire des bonapartistes, mais leur
autorité s'éroda au fil du temps. Thiers, leader des orléanistes,
fut élu député lors des élections législatives de 1857, 1863 et
1869.
Proclamation des votes à l'Hôtel de ville, gravure publiée dans Le journal illustré,
1869 (à gauche) ; Adolphe Thiers, gravure publiée dans Le journal illustré,
1869 (à droite).
A l'été 1870, la
France déclara la guerre à la Prusse, mais l'affrontement se solda
rapidement sur un échec. Au début du mois de septembre 1870,
l'annonce de la capture de Napoléon III fit grand bruit dans la
capitale. Le 4, une émeute à laquelle participèrent plusieurs
députés proclama la destitution de l'Empereur et l'adoption de la
troisième république. Les députés décidèrent alors de constituer
le
gouvernement de la défense nationale, présidé par le général
Louis Jules Trochu. Thiers, quant à lui, fut chargé de trouver des
appuis à l'étranger, mais en vain.
L'annonce de l'abolition du régime impérial devant le palais du Corps
législatif, le 4 septembre 1870, par Jules DIDIER et Jacques GUIAUD,
XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Rappelons qu'à cette
date, la guerre contre la Prusse battait son plein, les
troupes françaises accumulant les revers. Les républicains radicaux
souhaitaient poursuivre le combat, alors que les conservateurs
étaient partisans d'un armistice. Paris, assiégée dès la fin
septembre 1870, commença à être bombardée en janvier 1871. A cette
date, Trochu annonça sa démission, et le député Jules Favre,
qui avait participé à la journée du 4 septembre, fut contraint de
négocier un armistice avec la Prusse. Le chancelier Otto von
Bismarck, en position de force,
imposa de rudes conditions à son interlocuteur : le gouvernement
provisoire devait procéder à des élections législatives afin d’élire
une assemblée chargée d’entériner le traité de paix ; Paris devait
payer une indemnité de 200 millions de francs (qui fut plus tard
augmentée à cinq milliards) ; les soldats dans la capitale devaient
être désarmés ; l’armée prussienne devait entrer dans Paris ; et
enfin, la France devait abandonner l’Alsace et une partie de la
Lorraine.
Comme prévu dans les
conditions de l’armistice, les élections législatives se déroulèrent
en février 1871 dans des conditions déplorables. La campagne,
particulièrement courte, se fit alors que plus d’une quarantaine de
départements, occupés par les forces prussiennes, ne pouvaient pas
voter, à l’instar des quelques 500 000 soldats français retenus
prisonniers en Prusse. La nouvelle assemblée était largement dominée
par les partisans de la paix, issus aussi bien des bancs de la
droite (400 monarchistes, de tendance légitimiste et orléaniste.)
que de la gauche (150 républicains modérés). L’on trouvait aussi
quelques députés favorables à la poursuite de la guerre (une
cinquantaine de républicains d’extrême-gauche, ainsi que trente
bonapartistes).
Les députés, réunis pour la première fois à Bordeaux le 8 février 1871
(ils s'installèrent dès mars à Versailles), confièrent à Adolphe Thiers la charge de constituer un
nouveau ministère, le gouvernement de l’Assemblée nationale.
Mais à Paris,
l'annonce de l'armistice fit scandale, et une insurrection éclata
dans la capitale en mars 1871. Les insurgés, refusant de se séparer
de leurs armes, comme le prévoyait l'armistice, formèrent alors la
Commune de Paris, prenant possession de l'Hôtel de ville. Les
insurgés, nostalgiques de la Révolution française, adoptèrent une
série de mesures libérales, au cours du printemps 1871 : adoption de
la laïcité, séparation de l’Eglise et de l’Etat, gratuité de
l’enseignement, etc.
Entretemps, Thiers,
qui avait abandonné la ville aux insurgés, fourbissait ses armes,
bénéficiant du soutien de l'assemblée mais aussi de la Prusse.
L'armée des Versaillais, composée de 100 000 hommes, partit à
l'assaut de la capitale au début du mois d'avril 1871.
La répression de la
Commune, particulièrement sanglante, fit près de 30 000 victimes en
l'espace d'une semaine (soit deux fois plus de victimes que pendant
la Terreur de l'été 1793) ; en outre, de nombreux bâtiments
furent gravement endommagés (les Tuileries, l'Hôtel de ville, le
Palais d’Orsay, le palais de la Légion d’honneur, etc.).
La tour Saint Jacques reprise par les troupes versaillaises, mai 1871,
par Gustave BOULANGER, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Thiers, nouvel homme
fort du régime, imposa une série de lois conservatrices,
restreignant la liberté de la presse, établissant un couvre feu dans
la capitale, et augmentant les taxes sur certaines denrées (tabac,
sucre, alcool, voitures, etc.).
A l'été 1871, les
députés royalistes contactèrent Thiers, dans l'hypothèse d'un
rétablissement de la monarchie. Comme ce dernier n'y était pas
hostile, les conservateurs se rapprochèrent alors d'Henri d’Artois,
comte de Chambord, petit fils de Charles X. Cependant, ce dernier
étant aussi intransigeant que son aïeul, il annonça son intention
d'abandonner le drapeau tricolore, ce qui fit scandale à
l'assemblée.
Ce projet de
restauration monarchique ayant échoué, les députés accordèrent à
Thiers le titre de président de la république
française le 31 août 1871.
Cependant, comme le chef du pouvoir exécutif se prononça finalement
en faveur de la république, il subit rapidement les foudres des
monarchistes : en mars 1873, la loi Broglie restreignit
considérablement sa liberté de parole
; et le 24 mai, suite à une interpellation à son encontre au sein de
l'assemblée, Thiers présenta sa démission. Dans la soirée, les
députés procédèrent à l'élection du général Patrice de Mac Mahon.
Au final, si Adolphe
Thiers fut incontestablement le premier président de la III°
république, il convient de préciser qu'il fut d'abord élu
chef du pouvoir exécutif, en
février 1871, avant avant d'être finalement nommé président de la
république en août. A noter par ailleurs qu'il fut élu non au
suffrage universel masculin, mais au suffrage indirect, par une
assemblée n'étant guère représentative du peuple français (comme
nous l'avons vu plus tôt,
une quarantaine de départements ne participèrent pas aux
élections législatives).
Quant à la première
république, proclamée en septembre 1792 et officialisée l'année
suivante lors du vote de la constitution de l'an I, non seulement
elle ne fut jamais appliquée ; en outre, elle ne prévoyait pas la
création d'une charge présidentielle.
Ainsi, Louis Napoléon Bonaparte,
élu au suffrage universel masculin en décembre 1848, peut être
considéré comme le véritable premier président de la république.
La raison de cet
oubli est principalement due à l'hostilité du personnel politique de
la III° république, qui à compter de la fin du XIX° siècle entreprit
de dénigrer le règne de Napoléon III, ce dernier étant considéré
comme coupable de la « traîtrise du 2 décembre 1852. » Ce souverain,
souffrant en outre de l'hostilité de Victor Hugo, qui parvint
à diffuser largement l'image de Napoléon le Petit dans
l'inconscient populaire, est donc encore aujourd'hui considéré comme
un personnage falot et débonnaire. C'est pourtant sous le règne de
Napoléon III que Paris fut transformée par le préfet Georges
Eugène Haussmann, que la France sortit de son isolement
politique, se lança dans une politique de conquête coloniale, et
connut une importante période de croissance économique.