CHAPITRE TROISIÈME :
Charles VI
le Fou, entre guerre de Cent Ans et guerre civile
II : Armagnacs contre Bourguignons
1° Armagnacs et Bourguignons,
entre guerre et paix –
Après l’assassinat de Louis d’Orléans, en novembre 1407, Jean sans Peur
décida de quitter Paris, effrayé par les menaces proférées par le duc de
Berry.
a)
Jean sans Peur retourne dans la capitale : cependant, le Bourguignon
ne tarda pas à faire son retour dans la capitale, en février 1408. Acclamé
par les Parisiens, Jean sans Peur clama haut et fort qu’il était responsable
de la mort de Louis d’Orléans, prétextant avoir agi dans l’intérêt du
royaume.
Jean sans Peur, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Charles VI, alors sans doute en pleine crise de folie, envoya au mois de
mars des lettres de pardon à destination du duc de Bourgogne.
Pendant l’été 1408, Jean sans Peur dut quitter la capitale afin de réprimer
la révolte des habitants de la ville de Liège. Les Armagnacs décidèrent
alors d’en profiter, en appelant à la justice royale. Cependant, le duc de
Bourgogne rentrant vainqueur, sa popularité s’accrut encore. Les partisans
du duc d’Orléans, hésitant à se lancer dans une guerre ouverte, décidèrent
de se rapprocher des Bourguignons : une première réconciliation eut lieu à
Chartres en mars 1409.
Cependant, Charles d’Orléans, fils du défunt, n’accepta pas de rester bras
croisés malgré la réconciliation. Il parvint à rallier à sa cause les ducs
de Berry, de Bourbon et de Bretagne. En outre, il épousa Bonne, la
fille du comte d’Armagnac Bernard VII. Ce dernier avait toujours été
proche de la famille royale et du duc de Berry (le comte d’Armagnac avait en
effet épousé sa fille, Bonne de Berry, en 1393.). En outre, Bernard
VII était proche de Louis d’Orléans car ils avaient les mêmes vues sur
l’Italie (rappelons que le défunt avait épousé une fille du duc de Milan.).
Jean sans Peur, quant à lui, ne resta pas non plus inactif, regroupant ses
fidèles à ses côtés.
Cependant, en dépit de ce climat de méfiance, Armagnacs et Bourguignons se
réconcilièrent une nouvelle fois à Bicêtre en novembre 1410.
Malgré ces
diverses réconciliations de façade, les deux partis entrèrent
finalement en guerre au cours de l’été 1411.
A
noter que Charles VI, totalement absent, vivait sans se soucier des affaires
de l’Etat. Jean sans Peur, afin d’égayer ses journées, avait placé à ses
côtés une jeune femme bourguignonne du nom d’Odinette de Champdivers.
Charles VI et Odinette, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France,
par François GUIZOT, France, 1875.
Cette dernière, se prenant d’affection pour le roi fou, devint sa maitresse,
accouchant d’une petite fille en 1407.
b)
Premiers affrontements entre Armagnacs et Bourguignons (1411 à 1412)
: Jean sans Peur, négociant une alliance militaire avec les Anglais, fut le
premier à frapper, s’emparant de Ham et de plusieurs cités de la Somme
(automne 1411.). Les Armagnacs, quant à eux, marchèrent sur Paris, mais
furent repoussés par une troupe anglaise, obéissant au duc de Bourgogne.
Les Armagnacs, afin de pouvoir lutter plus efficacement contre les
Bourguignons, décidèrent alors de se rapprocher de l’Angleterre, leur
proposant la souveraineté sur le duché d’Aquitaine en échange d’une aide
militaire.
Sans que l’on ne sache comment, les lettres émises par les Armagnacs à
destination des Anglais furent alors remises entre les mains du conseil du
roi. Indignés, les conseillers du roi décidèrent de ce fait de se rapprocher
de Jean sans Peur (printemps 1412.).
Bernard VII, recrutant des compagnies de mercenaires dans le Midi, décida
alors de marcher sur Paris, ravageant les alentours de la capitale.
L’armée royale, à laquelle se joignirent Jean sans Peur et ses hommes,
marcha alors sur Bourges, capitale du duché de Berry.
A
la fin du mois d’août 1412, Armagnacs et Bourguignons décidèrent ainsi de
signer un traité de paix à Auxerre (suite à cet accord, Charles d’Orléans
dut payer très cher le retrait des Anglais, qui s’étaient avancés jusqu’à la
Loire.).
A
noter qu’en mars 1413, le roi d’Angleterre Henri IV mourut. Ce fut son fils
Henri V qui lui succéda. Ce dernier, bien plus ambitieux que ses
prédécesseurs, rêvait de reprendre le pouvoir en France.
Le sacre d'Henri V, par Jean de Wavrin,
enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV°
siècle.
Henri V, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of
England, Angleterre, 1902.
Il
est toutefois important de préciser que le nouveau souverain n’avait
cependant aucun droit sur la couronne de France, vu qu’il n’était pas le
descendant direct d’Edouard III.
c)
La révolte cabochienne (printemps 1413) : à Paris, bien que les Etats
Généraux aient été convoqués en février 1413, le mécontentement grondait
toujours. En avril, une insurrection éclata dans la capitale. Soutenus par
le duc de Bourgogne, les insurgés étaient issus des classes populaires mais
aussi de la corporation des bouchers. Ces derniers, menés par un boucher du
nom de Simon le Coutelier (surnommé Simon Caboche car il
fendait le crâne des bœufs pour ôter leur cervelle.), furent de ce fait
surnommés les cabochiens.
Ornant un capuchon blanc comme signe distinctif, les insurgés massacrèrent
de nombreux parisiens, dans les rues de la ville mais aussi dans les
prisons.
La révolte des cabochiens, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage
Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
Appuyé par les universitaires de Paris, Jean sans Peur parvint à faire
promulguer l’ordonnance cabochienne en mai 1413. L’objectif de cette
réforme était de réformer l’Etat : diminution du pouvoir royal, hausse du
pouvoir des Etats Généraux, contrôle accru des finances par l’assemblée,
etc.
Charles VI fut contraint de valider l’ordonnance, revêtant le bonnet blanc
des cabochiens.
A
noter que l’ordonnance cabochienne, visant à diminuer les pouvoirs du roi et
augmenter ceux de l’assemblée, ressemblait beaucoup à la grande ordonnance
de 1357[1].
Cependant, les exactions commises par les cabochiens finirent par échapper
au contrôle de Jeans sans Peur. En effet, les insurgés continuant leurs
massacres au cours de l’été 1413, le dauphin Louis décida de se rapprocher
des Armagnacs.
Enseigne politique du parti du dauphin, début XV° siècle, musée de Cluny,
Paris.
Effrayé, Jean sans Peur et Simon Caboche décidèrent de fuir et se
réfugièrent à Lille.
Rentrant dans la ville en septembre 1413, les Armagnacs révoquèrent
l’ordonnance cabochienne peu de temps après. En outre, ils exécutèrent de
nombreux insurgés, et bannirent de nombreux partisans du duc de Bourgogne.
2° La contre attaque anglaise – Le roi d’Angleterre,
profitant de la guerre civile qui sévissait alors en France, décida alors de
contre-attaquer (à noter qu’au mois de mai 1414, il signa une alliance avec
Jean sans Peur, ce dernier promettant au souverain anglais de l’aider à
conquérir les Etats appartenant aux Armagnacs.).
a)
La bataille d’Azincourt (25 octobre 1415) : au mois d’août 1414,
Henri V envoya une ambassade auprès du roi de France, réclamant l’héritage
de Guillaume le Conquérant et des Plantagenêts (à savoir la Normandie et
l’Aquitaine.), ainsi que la main de Catherine de Valois, fille de
Charles VI, afin de sceller l’alliance.
L’année suivante, en juin 1415, le roi de France envoya finalement une
ambassade en Angleterre afin de négocier. Les émissaires français
proposèrent à Henri V la suzeraineté sur plusieurs comtés aquitains, tout en
acceptant son mariage avec Catherine de Valois.
Cependant, le souverain anglais décida de refuser l’offre des Français. Il
semblerait qu’Henri V n’avait attendu qu’un prétexte pour débarquer sur le
continent, car il avait préparé ses hommes à la guerre depuis de nombreux
mois.
Débarquant au mois d’août dans le pays de Caux, Henri V marcha sur Harfleur,
et décida de mettre le siège devant la ville. Cependant, la cité étant peu
défendue, ses habitants durent se rendre dans le courant du mois de
septembre.
Suite à la prise de la ville, le roi d’Angleterre décida de rejoindre
Calais, et la nouvelle ne tarda pas à parvenir aux oreilles de Charles VI.
Au
mois d’octobre 1415, l’armée royale fut envoyée à la rencontre des troupes
anglaises, et parvenant à les intercepter en Picardie (cependant, bien
qu’Armagnacs et Bourguignons aient signé une nouvelle trêve en février 1415,
il y eu peu de partisans de Jean sans Peur sur le champ de bataille : en
effet, ce dernier fut prié de ne pas participer à la bataille, du fait de
son comportement peu hostile envers l’Angleterre.).
Henri V, alors à la tête d’une armée de 13 000 hommes (dont la moitié
étaient des archers.), décida d’installer ses troupes au sommet d’une petite
colline, se trouvant dans le bois d’Azincourt.
Royaume de France et royaume
d'Angleterre en 1415, et emplacement de la bataille d'Azincourt.
Côté français, personne ne doutait de la victoire. En effet, les ducs de
Berry, d’Orléans et de Bourbon se trouvaient alors à la tête d’une armée
comptant entre 30 000 et 40 000 hommes. Ces derniers décidèrent de se placer
au nord, en contrebas de la colline, afin de couper aux Anglais le chemin
vers Calais.
Au
soir du 24 octobre, la pluie commença à tomber. Les Français, installés sur
des champs fraîchement labourés, se retrouvèrent de ce fait sur un terrain
particulièrement boueux.
Les chevaliers français dans la nuit du 24 octobre 1415, gravure issue de
l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Dans la matinée du 25 octobre, Henri V décida de faire reculer son armée
dans la clairière, pensant que l’ennemi n’attaquerait pas. Cependant, les
Français, indisciplinés, décidèrent de charger en voyant le mouvement de
recul des Anglais.
Une fois de plus, comme à Crécy et à Poitiers, les archers envoyèrent des
volées de flèches sur les Français. Ces derniers, alourdis par le poids de
leurs armures, et pataugeant dans la boue, furent décimés par les flèches
ennemies.
La bataille d'Azincourt.
La
première ligne française parvint à progresser jusqu’au contact des archers
anglais, qui s’empressèrent de troquer leurs arcs contre des haches et des
épées. Ces derniers, plus aptes à se déplacer en terrain boueux car ne
portant aucune protection, parvinrent à massacrer un grand nombre de
Français.
La
seconde ligne chargea peu de temps après, mais connut le même sort que la
première. Les chevaliers ne parvenant pas à briser la résistance anglaise,
l’arrière garde française décida alors de quitter le champ de bataille.
Au
soir de la bataille d’Azincourt, si les Anglais n’avaient perdu qu’un
millier d’hommes, les Français en avaient perdu près de 7 000 (dont les ducs
de Brabant et de Nevers, frères de Jean sans Peur.).
Antoine de Bourgogne, duc de Brabant, par SIMART, château de Versailles,
Versailles.
En
outre, les chevaliers qui avaient été capturés par les hommes d’Henri V en
vue d’une rançon connurent un bien cruel destin : en effet, le roi
d’Angleterre donna l’ordre à ses troupes de massacrer tous les prisonniers
français. A noter que seul un millier de prisonniers français survécurent,
dont Charles d’Orléans[2].
Henri V, bien que victorieux, ne voulut pas marcher sur Paris. Sans doute
estimait il que son armée n’était pas assez puissante pour soutenir un
siège ?
Le
souverain anglais ne tarda donc pas à rentrer en Angleterre, où il passa
deux années à mettre en place une solide armée, capable d’assiéger les
forteresses dont s’était emparé Charles V au cours des années précédentes.
A
noter que le duc de Bretagne Jean V (fils de Jean IV, décédé en
1399.) ne participa pas à la bataille, bien qu’étant vassal du roi de
France.
b)
Le royaume de France part à vau l’eau : au mois de décembre 1415, peu
de temps après avoir appris la nouvelle du désastre d’Azincourt, le dauphin
Louis mourut. Ce fut donc Jean, le quatrième fils de Charles VI, qui
succéda à son frère.
A cette époque, les Armagnacs faisaient
régner un climat de terreur, éliminant tous leurs opposants politiques.
Isabeau de Bavière, effrayée, décida alors de fuir la capitale, préférant rejoindre
Jean sans Peur.
Au
même moment, Bernard VII fut nommé connétable, et fut chargé de gouverner
au nom du roi et du dauphin. Le comte d’Armagnac, ayant levé une armée dans
le Midi, était alors en lutte non seulement contre les Anglais mais aussi
contre les Bourguignons.
Au
cours du printemps 1416, l’Empereur germanique Sigismond se rendit à
Paris (il avait signé une alliance avec Charles VI en juin 1415.).
Cependant, l’Allemand quitta rapidement la capitale, embarquant pour
Londres. Au mois d’août, il signa une alliance avec Henri V, s’engageant à
aider le roi d’Angleterre dans sa reconquête du trône de France.
Jean sans Peur, en juin 1416, signa un nouvel accord avec le souverain
anglais, stipulant que ses sujets ne répondraient plus à l’appel du roi de
France : le Bourguignon cassait ainsi le lien de vassalité qui le rattachait
à Charles VI (à noter que le duc de Berry mourut au cours du mois.).
En
octobre de la même année, le duc de Bourgogne rendit visite à Henri V,
s’engageant à lui porter assistance pour conquérir le royaume de France.
Gisant du duc de Berry, copie en plâtre d'une sculpture de la cathédrale
Saint Etienne à Bourges, XIV° siècle, Cité de l'architecture, Paris.
En
avril 1417, Jean sans Peur et Sigismond contractèrent une alliance, ce qui
facilitait grandement les choses pour Henri V.
Le
moral de la famille royale n’était pas non plus au beau fixe. En avril 1417,
le dauphin Jean mourut d’une otite, laissant la place à son frère Charles[3]
(le futur Charles VII.).
Quant à Isabeau, elle menait une vie dissolue, entourée d’amants en tous
genres. Charles VI, dans un moment de lucidité, décida de faire exécuter
l’un d’entre eux pour l’exemple.
Détestée par les Parisiens, qui lui préféraient Odinette (surnommée la
petite reine.), Isabeau fut envoyé à Tours sur les ordres du dauphin.
Au
mois d’août 1417, fort de ses alliances avec le duc de Bourgogne et
l’Empereur germanique, Henri V débarqua sur le continent. Entreprenant
immédiatement le siège de Caen, la ville fut contrainte de se rendre peu de
temps après, en septembre 1417.
En
octobre, les Anglais s’emparèrent sans coup férir d’Argentan et d’Alençon.
Jean V, constatant l’inquiétante progression d’Henri V, décida de signer une
trêve d’un an avec ce dernier.
Au
mois de novembre, Jean sans Peur se rendit à Tours, où il délivra Isabeau de
sa prison dorée. Au même moment, Bernard VII persuada le roi de France de
nommer Charles VII lieutenant général du royaume.
Au
mois de février 1418, Henri V parvint à s’emparer de Falaise, étendant son
autorité sur toute la basse Normandie. Les lois et coutumes anglaises
prirent la place des habitudes françaises. Les Normands refusant de se faire
anglaiser furent alors bannis.
c)
La prise de Paris par les Bourguignons (mai et juin 1418) : alors que le roi
d’Angleterre prenait pied petit à petit sur le royaume de France, la guerre
civile battait son plein. Au printemps 1418, les Bourguignons furent
chassées de Montlhéry et d’Etampes par Bernard VII. Le dauphin, par contre,
ne parvint pas à s’emparer de Senlis.
Cependant, les habitants de Paris acceptaient de plus en plus mal la
domination des Armagnacs sur la ville. En effet, ces derniers faisaient
régner un climat de terreur au sein de la cité, bannissant ou exécutant
quiconque était susceptible de soutenir les Bourguignons.
Dans la nuit de 28 au 29 mai 1418, les Parisiens, lassés par les exactions
des Armagnacs, décidèrent alors de livrer la ville à
Jean Villiers de l’Isle Adam[4],
capitaine d’une troupe de partisans du duc de Bourgogne.
Pénétrant dans la capitale, les partisans des Bourguignons massacrèrent les
Armagnacs se trouvant dans la ville (c’est ainsi que Bernard VII trouva la
mort.), au cours du mois de juin 1418. Le mois suivant, Jean sans Peur
décida de rejoindre Paris, où il put enfin reprendre le pouvoir.
Les Bourguignons entrent dans Paris, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage
Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
Les Bourguignons prennent le
pouvoir à Paris, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Pendant l’été, la capitale fut ensanglantée par les exactions du bourreau
Capeluche. Ce dernier, à la tête d’une bande, entreprit de massacrer les
derniers Armagnacs se trouvant dans la capitale. Après avoir massacré ses
adversaires, Capeluche décida de s’en prendre aux femmes enceintes, se
complaisant à leur transpercer le ventre de part en part.
Les massacres de 1418, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage
Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
Jean sans Peur, outré par ces tueries, fit alors arrêter et exécuter
Capeluche.
Quant à Charles VII, il avait été entraîné hors de la capitale par ses
proches, par précaution, à la fin du mois de mai 1418.
d)
L’assassinat de Jean sans Peur : au mois de juillet 1418, les Anglais
continuèrent leur offensive en mettant le siège devant Rouen (à noter que
Cherbourg fut prise au mois d’août.).
Le siège de Rouen, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
La
ville, bien que résistant vaillamment, dut finalement capituler à la fin du
mois de janvier 1419.
Au
mois d’avril, Henri V parvint à s’emparer de Vernon et de Mantes. Le duc de
Bourgogne décida alors de négocier une trêve avec les Anglais.
Au
cours du mois de juin, une entrevue eut donc lieu entre le roi d’Angleterre
et les proches du roi de France. Henri V réclamait toujours la Guyenne, la
Gascogne, la Normandie, ainsi que la main de Catherine de Valois.
Cependant, il était impossible de mettre en place un traité avec Henri V, vu
que le dauphin, qui n’était évidemment pas présent, contrôlait une partie
des territoires réclamés par le souverain anglais (ce dernier, alors réfugié
à Bourges, avait pris le titre de régent à l’automne 1418.).
Le
ton monta entre Henri V et Jean sans Peur, qui décida alors de se rapprocher
du dauphin.
Au
cours de l’été 1419, Jean sans Peur et le dauphin se rencontrèrent, et
décidèrent de faire cause commune contre la menace anglaise.
Cependant, les anglais décidèrent alors de progresser vers Paris, longeant
les bords de la Seine. Fin juillet, les troupes d’Henri V s’emparèrent de
Pontoise et de Gisors.
La prise de Pontoise, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage
Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
Au
mois d’août, l’avant-garde anglaise se trouvant à quelques kilomètres de
Paris, Jean sans Peur décida donc d’installer Charles VI à Troyes par
précaution.
A
noter qu’au cours du mois, Jean sans Peur ne se présenta pas à une entrevue
qu’il aurait dut avoir avec le dauphin. Le duc de Bourgogne s’était il rendu
compte qu’il avait surestimé ses forces en affirmant vouloir chasser les
Anglais de France ?
Une nouvelle entrevue fut donc fixée pour le 10 septembre 1419, à Montereau,
sur un pont enjambant l’Yvonne. En fin d’après midi, le duc de Bourgogne
avança vers le point de rendez vous, allant à la rencontre du dauphin.
Cependant, l’atmosphère était tendue, car Jean sans Peur était suspecté de
vouloir se rapprocher une nouvelle fois des Anglais.
En
effet, la discussion entre le Bourguignon et le dauphin ne tarda pas à
s’envenimer. Lorsque Jean sans Peur, mit la main sur la garde de son épée,
les compagnons du roi se ruèrent sur lui et le transpercèrent de plusieurs
coups.
L'entrevue du pont de Montereau, enluminure issue du XV°siècle.
L'assassinat de Jean sans Peur, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Philippe le Bon (né en 1397.), successeur de Jean sans Peur, décider
alors de s’allier avec les Anglais, repoussant les avances du dauphin.
Philippe le Bon, duc de Bourgogne, XV° siècle,
château de Chantilly, Chantilly.
La
guerre civile, loin de s’éteindre, prenait dès lors un nouveau tournant.
e)
Le traité de Troyes (mai 1420) : se rendant auprès d’Henri V,
Philippe le Bon signa avec le roi d’Angleterre un accord préliminaire, en
décembre 1419, et une trêve fut conclue jusqu’au printemps.
Henri V, au cours du mois de mai 1420, décida de faire imposer le traité
de Troyes au roi de France. Philippe le Bon et Isabeau signèrent les
premiers, puis firent aussitôt signer Charles VI.
Charles VII, le soi disant dauphin, était considéré comme un bâtard,
fils illégitime d’Isabeau de Bavière et de Louis d’Orléans ; Henri V
devenait de fait l’héritier de la couronne[5],
recevait la Normandie et la Guyenne, la main de Catherine de Valois, ainsi
que la régence.
Après s’être emparé de Melun, en juillet 1420, Henri V et Philippe le Bon
firent une entrée triomphale dans Paris, en décembre 1420. En effet, les
Parisiens, lassés par les incessants conflits qui ravageaient le pays depuis
près de 60 ans, désiraient vivre en paix, quitte à devenir Anglais pour
cela.
En
décembre 1420, les meurtriers de Jean sans Peur furent déclarés criminels et
inhabiles à toutes successions ; en janvier 1421, Charles VII fut banni du
royaume.
f)
Mort d’Henri V et de Charles VI (1422) : Henri V, en décembre 1420,
décida de rentrer en Angleterre.
Cependant, la guerre était loin d’être finie : évidemment, Charles VII et
les Armagnacs, ne reconnaissant pas le traité de Troyes, ne tardèrent guère
à reprendre les armes contre les Anglo-bourguignons.
A
la fin de l’année 1420, la France était divisée en trois parties : le nord
et la Guyenne étant entre les mains des Anglais ; le sud restant fidèle au
dauphin ; le reste étant entre les mains du duc de Bourgogne.
Après être rentré en Angleterre, Henri V avait confié à son frère Thomas
de Lancastre, duc de Clarence, la tâche de récupérer les territoires
entre les mains des Armagnacs et du dauphin.
En
mars 1421, l’armée anglaise, après avoir échoué devant Angers, décida de
marcher sur Tours. C’est alors qu’un chevalier écossais fut capturé et
emmené devant le duc de Clarence : le prisonnier informa alors l’Anglais
qu’une troupe franco-écossaise se trouvait non loin de là (en effet, le
dauphin avait réactivé l’alliance avec l’Ecosse.).
Le
duc de Clarence, à la tête d’une armée de 3 000 hommes, décida de profiter
de la nuit tombée pour attaquer l’ennemi par surprise. Sans attendre le
reste de son armée, et seulement accompagné de 1 500 cavaliers, Thomas de
Lancastre décida alors de lancer l’assaut.
Les Franco-écossais, commandés par un noble écossais du nom de John
Stuart, parvinrent à résister à la charge ennemie.
John Stuart, par LAINE, château de Versailles, Versailles.
La
bataille du Vieil Baugé, fut un succès pour le dauphin, le duc de
Clarence trouvant la mort au cours du combat, ainsi qu’un millier de
cavaliers anglais. Suite à cette victoire, Charles décida de mettre le siège
devant Chartres, en mai 1421.
La bataille du Vieil Baugé, par
Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles
VII,
Paris, France, XV°siècle.
Par la suite, Jean V, duc de Bretagne, décida alors de s’allier avec le
dauphin.
Henri V, voyant les succès de son adversaire, fut contraint de rentrer en
France. S’emparant de Dreux, Bonneval, Epernon et Nogent le Roi au cours de
l’été, le dauphin préféra abandonner le siège de Chartres.
Henri V et son armée, par
Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles
VII,
Paris, France, XV°siècle.
Ayant réussi à protéger l’Anjou de l’envahisseur anglais suite à la bataille
du Vieil Baugé, Charles épousa Marie, fille de Louis II d’Anjou et de
Yolande d’Aragon (avril 1422.).
Portrait de Marie d'Anjou, par Jean
FOUQUET, Bnf, Paris.
De
son côté, Henri V, qui assiégeait Meaux depuis septembre 1421, parvint à
s’emparer de la ville en mai 1422. Cependant, il tomba malade au cours du
mois de juin et se retrouva contraint de regagner Paris.
Frappé par la dysenterie, Henri V mourut à Vincennes à la fin du mois d’août
1422.
Les funérailles d'Henri V, par
Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles
VII,
Paris, France, XV°siècle.
Il
ne laissait derrière lui qu’une enfant de dix mois, Henri VI.
Son successeur étant trop jeune pour régner, ce fut donc le frère du défunt
roi, Jean de Lancastre, duc de Bedford, qui fut chargé de la régence.
Charles VI mourut lui aussi peu de temps après son beau fils, en octobre
1422. Le défunt souverain, bien que fou, était cependant resté dans le cœur
de ses sujets, qui furent très nombreux lors de ses funérailles.
La mort de Charles VI, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Les funérailles de Charles VI, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage
Vigiles de Charles VII,
Paris, France, XV°siècle.
Gisant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, 1429, église saint Denis, Paris.
Odinette, quant à elle, se retira dans le Dauphiné, où elle finit ses jours dans la misère,
comme l’affirment certaines chroniques.
Charles VII, bien que n’ayant pas été sacré à Reims, se proclama alors roi
de France.
[1]
Pour plus de détails sur la grande ordonnance de 1357, voir
le a), 4, section II, chapitre premier, les Valois.
[2]
Ce dernier, enfermé à Londres, ne sera libéré qu’en 1440, après 25
années de captivité.
[3]
Charles VII était le cinquième fils de Charles VI : en effet, ses
frères Charles (il y eut deux dauphins portant le même nom, à
quelques années d’intervalle.), Louis et Jean étaient tous morts
très jeunes.
[4]
Ce dernier avait été capturé par les Anglais lors du siège
d’Harfleur, et avait été blessé lors de la bataille d’Azincourt. Se
rapprochant de Bernard VII qui refusa ses services, Jean Villiers de
l’Isle Adam décida alors de travailler pour le duc de Bourgogne, qui
accepta son aide.
[5]
C’est ainsi que les souverains anglais portèrent le titre roi de
France et d’Angleterre jusqu’en 1802, date à laquelle Napoléon
mit fin à cette coutume.