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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre I - Des origines à la chute de la royauté

6. Ancus Martius ([I, 32] à [I, 34])

 

Avènement d'Ancus Marcius; déclaration de guerre et opérations contre les Latins

[I, 32]

(1) Après la mort de Tullus, l'autorité revint, selon l'usage, aux mains des sénateurs. Ceux-ci nommèrent un interroi. Les comices assemblés, Ancus Marcus fut élu roi par le peuple. Le sénat ratifia l'élection. Ce prince était petit-fils de Numa par sa fille.

(2) À peine commença-t-il à régner, que, plein de la gloire de son aïeul, et considérant combien le règne précédent avait été malheureux, malgré tout son éclat, soit à cause de l'indifférence de Tullus pour les cérémonies religieuses, soit à cause des altérations qu'il leur avait fait subir, il regarda comme son premier devoir de les ramener à la pureté de leur institution, et ordonna au grand prêtre d'en transcrire les préceptes sur des tablettes blanches, de se conformer aux textes de Numa, et de les exposer aux regards du public. Ce début fit espérer aux citoyens avides de repos et aux états voisins que le nouveau roi imiterait les moeurs et le gouvernement de son aïeul. (3) Aussi les Latins, qui s'étaient liés à Tullus par un traité, sortirent de leur inaction, et reprirent courage. Ils firent des incursions sur les terres de Rome, et répondirent avec arrogance aux députés qu'on leur envoya pour demander satisfaction; car ils s'étaient imaginés que l'indolent Ancus passerait sa vie dans les temples et aux pieds des autels. (4) Mais Ancus unissait au caractère de Numa celui de Romulus, et il sentait bien que si la paix avait été nécessaire à son aïeul pour civiliser une nation nouvelle de moeurs si farouches, il pourrait difficilement prétendre au même résultat sans essuyer d'injures. On commençait par tenter sa patience, on finirait par la mépriser. Ces circonstances réclamaient donc un Tullus plutôt qu'un Numa.

(5) Mais Numa avait fondé des institutions religieuses pour les temps de paix; Ancus en créa pour les temps de guerre. Il voulut qu'un rite particulier fût consacré à la guerre, pour les formes à observer tant dans la conduite que dans la déclaration des hostilités. Il emprunta aux Équicoles, ancien peuple de l'Italie, beaucoup de leurs usages; ce sont les mêmes qu'observent encore aujourd'hui les féciaux dans leurs réclamations. (6) Le fécial, arrivé sur les frontières du peuple agresseur, se couvre la tête d'un voile de laine et dit : "Écoute, Jupiter; écoutez, habitants des frontières (et il nomme le peuple auquel elles appartiennent); écoute aussi, Justice : je suis le héraut du peuple romain; je viens chargé par lui d'une mission juste et pieuse; qu'on ajoute foi à mes paroles." Il expose ensuite ses griefs; (7) puis, attestant Jupiter, il continue : "Si moi, le héraut du peuple romain, j'outrage les lois de la justice et de la religion, en demandant la restitution de ces hommes et de ces choses, ne permets pas que je puisse jamais revoir ma patrie." (8) Cette formule, il la dit en franchissant la frontière, il la dit au premier homme qu'il rencontre, il la dit en entrant dans la ville ennemie, il la dit encore à son arrivée sur la place publique; mais en faisant de légers changements soit au rythme, soit aux termes du serment. (9) S'il n'obtient pas satisfaction, après trente-trois jours, délai prescrit solennellement, il déclare ainsi la guerre : "Écoute, Jupiter, et toi, Janus Quirinus, et vous tous, dieux du ciel, de la terre et de l'enfer, écoutez : (10) Je vous prends à témoin de l'injustice de ce peuple (et il le nomme) et de son refus de restituer ce qui n'est point à lui. Au reste, les vieillards de ma patrie délibéreront sur les moyens de reconquérir nos droits."

Le héraut revenait aussitôt à Rome pour qu'on en délibérât, (11) et le roi communiquait immédiatement l'affaire aux sénateurs, à peu près en ces termes : "Les objets, griefs et procès que le Père patrat du peuple romain des Quirites, a redemandés, exposés, débattus auprès du Père patrat et du peuple des Anciens Latins, et desquels il attendait la restitution, la réparation et la solution, n'ont été ni restitués, ni réparés, ni résolus; dis-moi donc, demandait-il au premier à qui il s'adressait, ce que tu en penses." (12) Celui-ci répondait alors : "Je pense que, pour faire valoir nos droits, la guerre est juste et légitime; en conséquence, j'y donne mon plein et entier consentement." On interrogeait ainsi chacun à son tour, et si la majorité adoptait cet avis, la guerre était décidée.

L'usage était alors que le fécial portât aux frontières du peuple ennemi, un javelot ferré, ou un pieu en cornouiller durci au feu. Là, en présence de trois adultes au moins, il disait : (13) "Puisque les peuples des Anciens Latins ou les citoyens des Anciens Latins ont agi contre le peuple romain des Quirites, et failli envers lui, le peuple romain des Quirites a ordonné la guerre contre les Anciens Latins; le sénat du peuple romain des Quirites, l'a proposée, décrétée, arrêtée, et moi et le peuple romain, nous la déclarons aux Anciens Latins, peuples et citoyens, et je commence les hostilités." (14) En disant ces mots, il lançait son javelot sur le territoire ennemi. Telles furent alors les formalités auxquelles on eu recours, dans les réclamations adressées aux Latins, et dans la déclaration de guerre. Cette coutume a depuis été constamment observée. 

[I, 33]

(1) Ancus, après avoir laissé aux flamines et au reste des prêtres, le soin des sacrifices, marche à la tête d'une armée nouvellement enrôlée contre Politorium, ville des Latins, qu'il emporte d'assaut. À l'exemple des rois, ses prédécesseurs, qui avaient agrandi l'état en conférant le droit de cité aux ennemis vaincus, il fit transférer à Rome tous les habitants. (2) Et, comme les anciens Romains avaient axé leur demeure autour du mont Palatin, les Sabins sur le Capitole et dans la citadelle, les Albains sur le mont Célius, il assigna le mont Aventin aux derniers venus. Là aussi trouvèrent place les citoyens de Tellènes et de Ficana, quand les Romains eurent conquis ces deux villes.

(3) Bientôt on fut obligé d'attaquer une seconde fois Politorium, dont les Anciens Latins s'étaient ressaisis, depuis qu'elle avait été abandonnée par ses habitants; et on la rasa de peur qu'elle ne servit encore de retraite aux ennemis de Rome. (4) La guerre s'étant enfin concentrée devant Médullia, les chances du combat y furent quelque temps balancées, et la victoire indécise, car la place était forte et bien pourvue, et la garnison nombreuse; de plus, l'armée latine, campée dans la plaine, en vint maintes fois aux prises avec les Romains. (5) Mais Ancus, appuyé de toutes ses troupes, fait un dernier effort : les Latins sont vaincus en bataille rangée.

Possesseur d'un immense butin, Ancus revient à Rome, où il admet au rang de citoyens plusieurs milliers de Latins. Il les établit auprès du temple de Vénus Murcia, comme pour opérer la jonction entre les monts Palatin et Aventin. (6) Le Janicule aussi est lié au corps de la ville, non par défaut de terrain, mais pour garantir cette position contre les surprises. On atteignit ce but, non seulement par le moyen d'un mur prolongé jusqu'aux habitations, mais par un pont de bois, le premier qu'on éleva sur le Tibre, et qui rendit facile le passage d'une rive à l'autre. (7) Le 'fossé des Quirites', très propre à interdire l'accès du côté de la plaine, est aussi l'oeuvre d'Ancus.

(8) Depuis ce prodigieux accroissement de Rome, il était devenu plus difficile de reconnaître, au milieu d'une aussi grande multitude, les bons et les mauvais citoyens, et les crimes, moins connus, se multipliaient. Pour imprimer la terreur et arrêter les progrès de la perversité, Ancus fit construire, au centre de la ville, une prison qui dominait aussi le Forum. (9) Sous ce règne, le territoire de Rome et ses frontières s'accrurent autant que la ville elle-même. On prit aux Véiens la forêt Maesia; l'empire fut reculé jusqu'à la mer, Ostie fondée à l'embouchure du Tibre, des salines établies autour de cette ville, et le temple de Jupiter Férétrien agrandi, en reconnaissance des derniers succès. 

L'arrivée à Rome de Lucumon, le futur Tarquin l'Ancien

[I, 34]

(1) Pendant le règne d'Ancus, un étranger nommé Lucumon, homme actif et opulent, vint à Rome. Il y fut attiré principalement par l'ambition et l'espérance d'y obtenir les honneurs qu'on lui refusait à Tarquinies, où sa famille était également étrangère. (2) Démarate, son père, obligé de fuir Corinthe, sa patrie, à la suite de troubles civils, s'était, par hasard, retiré à Tarquinies. Là, il s'était marié et avait eu deux enfants, Lucumon, et Arruns. Lucumon survécut à son père, dont il recueillit seul l'héritage; Arruns était mort auparavant, laissant sa femme enceinte. (3) Démarate, qui l'avait suivi de près, ignorant la grossesse de sa bru, ne fit aucune mention de son petit-fils dans son testament; de sorte que l'enfant, étant né postérieurement à la mort de son aïeul, n'eut aucune part dans la succession, et fut laissé dans un état de misère qui lui fit donner le nom d'Égérius.

(4) Héritier, au contraire, des richesses paternelles, Lucumon en conçut un orgueil que sa femme Tanaquil s'attacha encore à développer. Fille d'une haute naissance, Tanaquil n'était nullement disposée à descendre en acceptant une alliance qui l'eût fait déchoir. (5) Le mépris des Étrusques pour Lucumon, ce fils d'un étranger, d'un proscrit, était un affront qu'elle ne pouvait souffrir; et, plus sensible à l'élévation de son mari qu'à l'amour de sa patrie, elle résolut de quitter Tarquinies. (6) Le séjour de Rome parut lui convenir davantage. Elle espérait que chez un peuple nouveau, où la noblesse datait d'un jour et n'était que le fruit du mérite personnel, un homme courageux et entreprenant comme Lucumon trouverait bientôt sa place. Tatius et Numa, tous deux étrangers, avaient régné dans Rome; on était même allé à Cures offrir cet honneur à Numa; Ancus était fils d'une Sabine, et n'avait pour titre de noblesse que l'illustration de ce même Numa. (7) Elle n'eut pas de peine à persuader l'ambitieux Lucumon, fort peu attaché d'ailleurs à sa patrie, à laquelle il ne tenait que par sa mère. Ils se rendent donc à Rome avec leur fortune.

(8) Comme ils approchaient du Janicule, Lucumon sur son char et Tanaquil à côté de lui, un aigle s'abattant avec lenteur, enlève le bonnet qui couvre la tête de Lucumon; puis reprenant son vol et planant avec de grands cris au-dessus du char, il s'abat de nouveau, et, comme s'il eût été chargé de ce soin par les dieux, vient replacer le bonnet sur la tête de l'étranger. Il se perd ensuite dans les nues. (9) Tanaquil, savante, comme tous les Étrusques, dans l'art d'expliquer les prodiges célestes, reçut, dit-on, ce présage avec transport. Elle embrasse son époux; elle veut qu'il s'abandonne aux plus magnifiques espérances; qu'il considère l'espèce de l'oiseau, la région du ciel d'où il est descendu, le dieu dont il est le messager : elle ajoute que le prodige s'est accompli sur la partie du corps la plus haute; que l'ornement dont les hommes couvrent leur tête n'a été enlevé un instant de la sienne que pour y être replacé ensuite par la volonté des dieux.

(10) Tout remplis de ces pensées, ils entrent à Rome et y achètent une maison. Lucumon prit le nom de Lucius Tarquinius Priscus. (11) Sa qualité d'étranger et ses richesses le firent bientôt distinguer des Romains : lui-même aidait la fortune et se conciliait la faveur par son affabilité, par une hospitalité généreuse et par les bienfaits avec lesquels il cherchait à s'attacher tout le monde. Enfin son nom parvint jusqu'au roi. (12) Une fois connu du prince, il ne tarda pas à gagner son amitié par ses manières libérales et son habileté à remplir les charges qui lui furent confiées; il était de tous les conseils publics et privés, et consulté sur la guerre et sur la paix. Après l'avoir éprouvé en toutes choses, le roi finit par le nommer, dans son testament, tuteur de ses enfants. 

 


 


 

 
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