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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre I - Des origines à la chute de la royauté

7. Tarquin l'Ancien ([I,35] à [I, 40])

 

Tarquin l'Ancien se fait élire roi. Premières réalisations

[I, 35]

(1) Ancus avait régné vingt-quatre ans, aussi grand qu'aucun autre de ses prédécesseurs, dans la paix comme dans la guerre. Déjà ses fils touchaient à la puberté; et Tarquin insistait d'autant plus vivement sur la nécessité d'élire un nouveau roi. (2) Quand les comices furent convoqués, il avait su d'avance éloigner les jeunes princes, sous le prétexte d'une partie de chasse. Il fut le premier, dit-on, qui osa briguer ouvertement la royauté, et haranguer le peuple pour capter ses suffrages. (3) "Sa demande n'était pas sans exemple, disait-il; et il n'était pas le premier, ce qui d'ailleurs eût pu surprendre et indigner tout le monde, mais le troisième étranger qui prétendait à la couronne. Tatius n'était pas seulement étranger; il était ennemi, et pourtant on l'élut roi. Numa ne connaissait Rome que de nom, et cependant il avait été appelé à y régner, sans qu'il eût la pensée de le demander. (4) Pour lui, dès qu'il avait pu disposer de sa volonté, il était venu à Rome avec sa femme et toute sa fortune; et, depuis qu'il était arrivé à cet âge où l'homme peut rendre à un état des services utiles, il avait plus vécu à Rome que dans son ancienne patrie. (5) Dans la paix et dans la guerre, il s'était formé sur les leçons d'un assez grand maître, Ancus lui-même; c'est à lui qu'il devait la connaissance des lois et du culte de Rome. Il avait rivalisé avec tous les citoyens d'attachement et de respect envers le roi, et, avec le roi, de bonté envers tous les citoyens." (6) Comme il ne disait rien qui ne fût vrai, le peuple, d'un consentement unanime, lui déféra la royauté.

Cet homme, si remarquable d'ailleurs, porta sur le trône le même génie ambitieux qui lui en avait ouvert le chemin. Aussi attentif à affermir son autorité qu'à étendre les bornes de son royaume, il nomma cent nouveaux sénateurs, désignés depuis sous le nom de 'Pères du second rang'. Il se créait ainsi ostensiblement un parti, qu'il enchaînait à lui par des honneurs.

(7) Sa première guerre fut contre les Latins; il prit d'assaut la ville d'Apioles, et rapporta de cette expédition des richesses plus considérables qu'il n'en pouvait attendre d'une conquête de si peu d'importance. Il les employa à célébrer des jeux avec plus de pompe et de magnificence que les rois ses prédécesseurs. (8) Ce fut alors qu'il traça l'enceinte, appelée aujourd'hui le grand Cirque. Il destina des places particulières aux sénateurs et aux chevaliers, et chacun d'eux y fit construire des loges, (9) soutenues sur des échafauds de douze pieds de hauteur, et qu'on nomma Fori. Les jeux étaient des courses de chevaux et des combats d'athlètes dont les acteurs étaient tirés la plupart de l'Étrurie. Ils devinrent annuels; on les appela tantôt les Grands Jeux, tantôt les Jeux Romains. (10) Tarquin fit encore distribuer à des particuliers le terrain qui environne le Forum, afin qu'ils y élevassent des portiques et des boutiques.

[I, 36]

(1) Il se préparait aussi à entourer la ville d'une muraille de pierres, lorsque la guerre des Sabins vint traverser son projet. Leur attaque fut si subite, qu'ils avaient déjà franchi l'Anio avant qu'il fût possible à l'armée romaine d'aller à leur rencontre et de les arrêter. (2) La terreur avait gagné Rome. À la première bataille, le carnage fut grand de part et d'autre, et la victoire indécise. Mais les ennemis s'étant retirés dans leur camp laissèrent aux Romains le temps de lever de nouvelles troupes. 

L'épisode d'Attus Navius

[I, 36]

(2) Tarquin vit que la faiblesse de son armée venait de l'insuffisance de sa cavalerie; il résolut d'ajouter de nouvelles centuries aux trois déjà formées par Romulus, les Ramnes, les Titienses et les Lucères, et de les honorer de son nom. (3) Comme Romulus avait consulté les augures avant d'organiser cette milice, Attus Navius, le plus célèbre d'alors, prétendit qu'on n'y pouvait rien changer ni rien ajouter sans obtenir l'autorisation des auspices. (4) Le roi fut blessé de la liberté du pontife. On rapporte que, se raillant de sa science, il dit : "Or çà, devin, consulte tes pronostics, et dis-moi si ce que je pense maintenant est faisable?" Le devin interroge l'augure, et répond affirmativement. "Eh bien ! ajoute le roi, je pensais que tu couperais cette pierre avec un rasoir. Prends-la donc et fais ce que ces oiseaux ont déclaré possible." Alors, sans hésiter, Navius, dit-on, trancha la pierre. (5) La statue de cet Attus, représenté la tête voilée, se voyait sur le Comitium, à l'endroit où ce fait eut lieu, et sur les degrés, à gauche, de la salle du sénat. On ajoute que la pierre y fut aussi placée pour consacrer à perpétuité le souvenir de ce prodige.

(6) Ce qu'il y a de certain, c'est que, dès ce moment, les augures acquirent tant de crédit, et leur sacerdoce tant de considération, que, dans la suite, on n'osa plus rien entreprendre, ni dans la guerre ni dans la paix, sans les avoir préalablement consultés. Les assemblées du peuple, les levées de troupes, les délibérations les plus graves, étaient interrompues et ajournées si les oiseaux ne les approuvaient. (7) Tarquin ne fit alors d'autre changement aux compagnies de centuries, que d'en doubler le nombre, en sorte que trois centuries formaient un corps de dix-huit cents hommes. (8) Pour désigner les derniers incorporés, on ajouta le mot 'nouveaux' à l'ancienne dénomination; mais aujourd'hui qu'on les a doublées, on les appelle 'les six centuries'. 

Seconde guerre contre les Sabins. La formule de la deditio

[I, 37]

(1) Cette arme ainsi augmentée, Tarquin livre une seconde bataille aux Sabins. S'aidant encore de la ruse, malgré ce développement de forces nouvelles, il fit mettre le feu à une quantité de bois amassé sur les bords de l'Anio et qu'on jeta tout enflammé dans le fleuve. Le vent favorise l'incendie, et ces bois, la plupart réunis en radeaux, viennent s'attacher aux pilotis du pont, et l'embrasent. (2) Ce spectacle épouvante les Sabins pendant qu'ils combattent, et devient un obstacle à leur retraite lorsqu'ils sont mis en déroute. Un grand nombre, échappé au fer des Romains, périt dans le fleuve; et leurs armes, emportées par le Tibre jusqu'à Rome, y annoncent l'éclatante victoire de Tarquin, avant l'arrivée du messager qui en apportait la nouvelle. (3) La cavalerie eut presque tout l'honneur de cette journée. Placée aux deux ailes, et voyant le centre de l'infanterie romaine lâcher pied, elle fondit avec tant d'impétuosité sur le flanc des légions sabines, que non seulement elle les arrêta dans l'ardeur de leur poursuite, mais qu'elle les força bientôt à fuir. (4) Les fuyards coururent vers les montagnes, mais peu y trouvèrent un abri : le reste fut, comme nous l'avons dit, culbuté dans le fleuve par la cavalerie.

(5) Tarquin, persuadé qu'il fallait profiter de la terreur des vaincus, envoya le butin et les prisonniers à Rome; puis, pour accomplir un voeu fait à Vulcain, il mit le feu aux dépouilles ennemies, entassées en un vaste monceau, et entra sur le territoire des Sabins. (6) Ceux-ci, malgré leur défaite et leur peu d'espoir pour l'avenir, n'ayant pas d'ailleurs le temps de délibérer, vinrent au-devant des Romains avec des troupes levées sans ordre et à la hâte. Une seconde défaite, anéantissant presque toutes leurs ressources, les obligea à demander la paix. 

[I, 38] (1) Ils perdirent Collatie et tout son territoire. Le gouvernement en fut donné à Égérius, neveu de Tarquin. Voici comment les habitants se rendirent, et la formule dont on usa en cette circonstance. (2) Le roi, s'adressant aux députés, leur demanda : "Êtes-vous les députés et les orateurs envoyés par le peuple collatin, pour vous mettre, vous et le peuple de Collatie, en ma puissance ? -- Oui. -- Le peuple collatin est-il libre de disposer de lui ? -- Oui. -- Vous soumettez-vous à moi et au peuple romain, vous, le peuple de Collatie, la ville, la campagne, les eaux, les frontières, les temples, les propriétés mobilières, enfin toutes les choses divines et humaines ? -- Oui. -- Eh bien ! j'accepte en mon nom et au nom du peuple romain." 

Autres réalisations

[I, 38]

(3) La guerre des Sabins terminée, Tarquin rentra triomphant dans Rome. Il tourna ensuite ses armes contre les Anciens Latins. (4) Il n'en vint jamais avec eux à une action décisive; mais, en attaquant séparément toutes les villes de leur pays, il subjugua tous ceux qui portaient le non de Latins. Il prit Corniculum, Ficuléa la Vieille, Camérie, Crustumérie, Amériola, Médullia, Nomentum, villes qui avaient de tout temps appartenu ou qui s'étaient données aux Latins.

(5) La paix conclue, il commença, dans l'intérieur de la ville, des travaux considérables, et y déploya plus d'activité encore qu'il n'en avait montré dans les guerres qu'il venait de soutenir. (6) Le peuple, rentré dans ses foyers, n'y eut pas plus de repos que dans les camps. Tarquin fit en effet continuer le mur de pierres de taille dont la guerre des Sabins avait interrompu la construction, et fortifia la ville dans toute la partie encore ouverte. Comme les eaux s'écoulaient difficilement des quartiers bas de la ville, autour du Forum, et des vallées qui sont entre les collines, il les dessécha au moyen d'égouts qui les reçurent de ces différents points et les conduisirent, ainsi que celles des hauteurs de la ville, jusqu'au Tibre. (7) Il traça ensuite l'enceinte du temple que, pendant la guerre des Sabins, il avait voué à Jupiter Capitolin, et dont les fondations présagèrent dès lors la majesté future. 

Origines de Servius Tullius

[I, 39]

(1) Vers ce temps-là, un prodige, aussi extraordinaire par lui-même que par les événements qui le suivirent, se manifesta dans le palais. Une flamme embrasa, dit-on, la chevelure d'un enfant endormi, nommé Servius Tullius. (2) Un pareil miracle excita de tous côtés, dans le palais, des cris qui attirèrent le roi et sa famille. Comme un des serviteurs s'empressait d'apporter de l'eau pour éteindre la flamme, la reine le retint, et, faisant cesser le tumulte, défendit de toucher à cet enfant, jusqu'à ce qu'il s'éveillât de lui même. Mais bientôt la flamme s'évanouit avec le sommeil de l'enfant. (3) Alors Tanaquil, ramenant son mari dans l'intérieur du palais : "Vois-tu, lui dit-elle, cet enfant que nous élevons dans une condition si humble ? Sache qu'il sera la lumière qui doit ranimer un jour nos espérances prêtes à s'éteindre, et soutenir notre trône ébranlé. Entourons donc de tous nos soins et de toute notre tendresse ce gage d'une gloire immense pour Rome et pour nous."

(4) Depuis ce moment ils traitèrent Servius comme s'il eût été leur fils, et lui firent apprendre tout ce qui excite les esprits et leur donne l'ambition d'une haute fortune. Les desseins des dieux ne pouvaient manquer de s'accomplir. Les qualités d'un roi se développèrent chez cet enfant avec la jeunesse, et lorsque Tarquin chercha un gendre, personne, parmi les jeunes Romains, ne méritant d'être comparé à Tullius, c'est à lui qu'il donna sa fille. (5) Cet honneur insigne, quelle qu'en fût la cause, ne permet pas de croire que Servius Tullius fût né d'une esclave, et qu'il l'eût été lui-même dans son enfance. J'accepte plus volontiers l'opinion suivante. On prétend qu'à la prise de Corniculum, Servius Tullius, chef de cet état, périt, laissant sa veuve enceinte; que, reconnue parmi les autres captives, cette femme, par la seule considération de sa naissance, obtint de la reine d'être rendue à la liberté, et fut logée à Rome, dans le palais de Tarquin l'Ancien; que là elle accoucha de Servius, (6) et que sa reconnaissance pour une hospitalité généreuse établit entre les deux femmes une étroite intimité; que l'enfant, né et élevé dans le palais, y fut l'objet de la tendresse et des égards respectueux de tous, et qu'enfin le sort de sa mère, tombée au pouvoir de l'ennemi après la conquête de sa patrie, avait fait croire qu'il était fils d'une esclave. 

L'assassinat de Tarquin l'Ancien

[I, 40]

(1) Tarquin avait presque atteint la trente-huitième année de son règne, et Servius Tullius jouissait de la plus haute considération, non seulement auprès du roi, mais aussi parmi les sénateurs et le peuple. (2) Les deux fils d'Ancus, toujours indignés de la perfidie de leur tuteur, qui les avait chassés du trône paternel, et de la domination d'un roi qui, loin d'être citoyen de Rome, n'était pas même d'origine italienne, sentirent plus vivement cet affront lorsqu'ils prévirent que le sceptre, non seulement leur échapperait encore après Tarquin, mais tomberait, déshonoré, aux mains d'un esclave; (3) qu'ainsi cette ville, où un siècle auparavant Romulus, fils d'un dieu, et dieu lui-même, avait régné tout le temps de son séjour sur la terre, allait obéir, après lui, au fils d'une esclave, destiné lui-même à l'esclavage. Ils considéraient la honte du nom romain, celle de leur propre maison, surtout si, du vivant des fils d'Ancus, on laissait le trône à des étrangers, à des esclaves. (4) Le fer seul pouvait empêcher cette injure.

Mais leur ressentiment les animait plus contre Tarquin que contre Servius. Le roi, s'il survivait à son gendre, tirerait de cet assassinat une vengeance plus terrible que ne ferait un simple particulier, outre qu'après la mort de Servius il ne manquerait pas d'assurer la possession du trône au nouveau gendre qu'il lui plairait de choisir. (5) C'est donc contre le roi lui-même qu'ils méditent de diriger leurs coups. Ils choisissent, pour l'exécution du complot, deux pâtres déterminés. Ces hommes, munis de leur équipement de pâtre, pénètrent dans le vestibule du palais, et y engagent, avec le plus de bruit possible, une querelle simulée qui attire sur eux toute l'attention des gardes. Comme ils imploraient tous deux la justice du prince, et que leur voix, retentissant dans le palais, arrivait jusqu'aux oreilles de Tarquin, celui-ci les fait venir en sa présence. (6) D'abord ils parlent tous deux à la fois, sans que l'un veuille donner à l'autre le temps de s'expliquer. Mais le licteur, leur imposant silence, leur ordonne de parler chacun à son tour. Ils cessent alors de s'interrompre, et l'un d'eux commence à exposer le fait, de la façon convenue. (7) Pendant que le roi, tourné vers cet homme, est tout entier à son récit, l'assassin lève sa hache, lui en décharge un coup sur la tête, et, laissant le fer dans la blessure, s'échappe avec son complice. 

 


 


 

 
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