1° Edouard II contre les grands
d’Angleterre (1331 à 1321) – Edouard II, né en avril 1284, fut couronné à l’abbaye de Westminster en
février 1308, suite à la mort de son père.
Le nouveau souverain, bien qu’étant aussi
grand et fort que l’était Edouard I°, n’avait cependant pas le même
caractère que lui. Ayant passé toute sa jeunesse dans l’ombre de son
père, Edouard II était doux et faible, et laissa les rênes du pouvoir à
ses favoris.
Edouard II, gravure issue de l'ouvrage Histoire de l'Angleterre, par
David HUME.
a) La grogne des barons : le mariage de
ce souverain avec Isabelle de France[1],
fille de Philippe IV le Bel, fut un véritable échec. En effet, Edouard
II, considéré comme homosexuel par certaines chroniques médiévales,
préférait la compagnie des ses favoris à celle de son épouse[2].
Cherchant avec ces derniers le moyen de
réduire le pouvoir des grands d’Angleterre, Edouard II ne tarda guère à
se retrouver confronté à eux.
Se rendant à Boulogne afin d’épouser Isabelle,
Edouard II décida de confier la régence à son favori, l’arrogant
Pierre de Gaveston (le roi lui offrit aussi le comté de Cornouailles
et la main de sa nièce Marguerite.).
Les barons, voyant d’un mauvais œil
l’ascension de ce favori de basse extraction, décidèrent de s’appuyer
sur la population anglaise afin de s’attaquer au roi. Le peuple avait en
effet plusieurs griefs contre la couronne : les impôts levés par Edouard
I° pour financer la guerre contre l’Ecosse étaient trop lourds, alors
que la victoire échappait au camp anglais ; en outre, Edouard II avait
quasiment abandonné la lutte contre les Ecossais alors que son père
avait passé dix années de sa vie à les combattre.
En avril 1308, le parlement anglais demanda
donc au roi de bannir Gaveston, sans quoi ce dernier serait excommunié.
Edouard II décida donc de s’exécuter, nommant
Gaveston lieutenant d’Irlande. Par la suite, le roi tenta de négocier le
retour de son favori, parvenant à obtenir une annulation
d’excommunication auprès du pape.
Le roi d’Angleterre, négociant avec les
barons, parvint finalement à obtenir le retour de Gaveston en
Angleterre. Cependant, ce dernier n’avait pas perdu son arrogance, et
s’attira à nouveau la haine des grands du royaume.
Conscient de l’hostilité grandissante de la
noblesse, Edouard II, en mars 1310, accepta que les barons travaillent à
la l’élaboration d’une série de réformes.
b) Les ordonnances de 1311 : les grands
du royaume se réunirent au cours de plusieurs assemblées, entre mars
1310 et août 1311. Ces derniers, 21 au total, furent dans un premier
temps sous l’influence d’Henri de Lacy, comte de Lincoln (ce
dernier, en plus d’être le plus riche et le plus ancien des barons,
avait servi Edouard I° avec dévouement.).
Cependant, mourant en février 1311, le pouvoir
passa entre les mains de son beau fils Thomas Plantagenêt, comte
de Lancastre (ce dernier avait en effet épousé Alice de Lacy,
fille du défunt.).
Le comte de Lancastre, bien qu’étant cousin du
roi Edouard II (Thomas était le fils d’Edmond, frère d’Edouard I° et
fils d’Henri III.), se révéla cependant hostile à son égard. Assisté par
son allié Guy de Beauchamp, comte de Warwick, Thomas Plantagenêt
parvint à gagner à sa cause les autres barons, ces derniers étant bien
plus modérés que le comte de Lancastre.
Finalement, les grands du royaume présentèrent
leurs ordonnances au roi d’Angleterre au cours du mois d’octobre
1311.
Le texte préconisait une réduction des
pouvoirs du roi et un contrôle baronnial accru (le souverain devait
demander l’autorisation de la noblesse avant de partir en guerre ou de
lever des nouveaux impôts, le parlement devait être réuni au moins une
fois par an, etc.), ainsi que l’exil de plusieurs proches du roi (en
particulier Pierre de Gaveston.).
Edouard II, qui rêvait de réduire les pouvoirs
de la noblesse anglaise, refusa évidemment de signer ce texte.
L’antagonisme entre le roi et les grands, jusqu’alors larvé, éclata
ainsi au grand jour, plongeant le pays dans la guerre civile.
c) La prise de pouvoir de Thomas de
Lancastre : Gaveston, qui avait été à nouveau banni suite à la
publication des ordonnances, fut capturé par Lancastre et Warwick en mai
1312 et exécuté après une parodie de procès.
Les deux comtes, suite à l’assassinat du
favori du roi, se retrouvèrent sur la sellette en raison de la violence
de leur acte. Cependant, suite à la bataille de Bannockburn, en 1314, où
les Anglais furent écrasés par leurs adversaires écossais, ce fut au
tour d’Edouard II d’être en position d’infériorité[3].
Le comte de Lancastre, parvenant de ce fait
prendre l’ascendant sur Edouard II, se retrouva à la tête de l’Etat
pendant plusieurs années (à noter que le comte de Warwick mourut en
1315.).
Cependant, ne parvenant pas à l’emporter sur
les Ecossais, le comte de Lancastre se retrouva opposé à une faction
baronniale qui lui était opposée.
Finalement, les deux partis signèrent en août
1318 le traité de Leake. Edouard II était restauré, mais il
s’engageait à respecter les ordonnances de 1311.
d) La victoire d’Edouard II : Le roi
d’Angleterre, revenu sur le trône, s’entoura de deux nouveaux favoris,
Hugues le Despenser, comte de Winchester, et son fils Hugues
II le Despenser.
Cependant, les nouveaux favoris se rendirent
vite impopulaires, s’aliénant le peuple, les barons, ainsi que la reine
Isabelle.
Exilés en 1321, Edouard II décida néanmoins de
les rappeler l’année suivante, ce qui provoqua la colère des grands du
royaume.
Les barons décidèrent alors de se lancer dans
la lutte armée, et affrontèrent l’armée du roi à la bataille de
Boroughbridge, près de York.
Les barons rebelles, menés par le comte de
Lancastre, s’étaient dirigés vers la frontière écossaise, espérant
rallier quelques indépendantistes écossais.
Ils furent alors rejoints par l’armée
anglaise, qui, grâce à l’utilisation judicieuse des archers, parvint à
remporter le combat.
Capturé, Lancastre fut rapidement jugé et
condamné à mort. Cependant, grâce à son ascendance, il échappa au
supplice réservé aux coupables reconnus de crimes de haute trahison[4],
mais fut seulement décapité en 1322 (à la mort de Thomas, ce fut son
frère Henri qui devint comte de Lancastre.).
A cette date, Edouard II et les Despenser
étaient les maîtres de l’Angleterre. Peu de temps après, le roi
d’Angleterre abrogea les ordonnances de 1311 devant le parlement de
York.
2° Les affaires de France – Cependant, peu de temps après l’avoir emporté
sur les turbulents barons, Edouard II ne tarda pas à s’attirer de
nouveaux problèmes.
En effet, le roi d’Angleterre refusait de
reconnaitre Charles IV comme nouveau roi de France (second fils
de Philippe IV, il était monté sur le trône en 1322, suite à la mort de son frère Philippe V[5].).
Edouard II refusait de prêter hommage au
nouveau souverain, pour le duché de Guyenne, Ponthieu et Montreuil.
En 1324, Charles IV n’ayant toujours pas reçu
l’hommage d’Edouard II, il décida de lui confisquer la Guyenne, envoyant
une armée dans la région.
Les seigneurs gascons, bien que soutenus par
le roi d’Angleterre, furent rapidement vaincus par les Français, qui
mirent la main sur toute l’Aquitaine, excepté Bordeaux, Bayonne et Saint
Sever.
Edouard II décida donc d’envoyer son épouse
Isabelle négocier avec son frère Charles IV. La reine, trop heureuse de
quitter son encombrant mari et de retrouver la France, ne tarda guère à
s’embarquer pour le continent (1325.).
Charles IV accueille Isabelle de France,
par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
C’est ainsi qu’Isabelle rencontra Roger
Mortimer, comte de March, qui devint bientôt son amant (ce dernier,
emprisonné à la tour de Londres sur ordre du roi suite à la défaite de
Boroughbridge, avait réussi à s’échapper et s’était réfugié en France en
août 1324.).
En mai de la même année, Isabelle signa un
traité de paix très avantageux pour les Français[6],
requérant l’hommage d’Edouard II. Cependant, ce dernier refusa de
s’incliner, préférant envoyer son fils Edouard III prêter hommage
à Charles IV.
3° Isabelle et Mortimer contre attaquent –
Suite à la signature du traité de paix, la liaison entre Isabelle et
Mortimer ne tarda guère à faire scandale. Invités à quitter la France,
les deux amants refusèrent de rentrer en Angleterre, préférant se rendre
en Flandre. C’est alors qu’ils recrutèrent une armée de mercenaires afin
de prendre le pouvoir en Angleterre.
Edouard II, apprenant les plans que
fomentaient son épouse et Mortimer, décida donc d’en découdre.
Cependant, bien peu de barons acceptèrent de porter assistance au roi.
a) La prise de pouvoir d’isabelle et
Mortimer : en septembre 1326, Isabelle et son amant débarquèrent en
Angleterre à la tête d’une petite troupe de mercenaires.
Isabelle débarque en Angleterre, par Jean Fouquet, enluminure issue de
l'ouvrage Grandes chroniques
de France, Paris, France, XV°siècle.
Edouard II
décida donc d’en découdre, mais fut alors trahi par une partie de ses
troupes. En effet, Henri, comte de Lancastre, refusa de combattre la
reine et décida de rejoindre le camp de Mortimer[7].
L’armée de la reine parvint de ce fait à
l’emporter, et le roi fut contraint de quitter Londres en octobre 1326.
Accompagné des Despenser, Edouard II décida de se réfugier sur leurs
terres afin de préparer la contre attaque.
Le roi d’Angleterre ne parvenant cependant pas
à réunir une armée, Hugues le Despenser fut capturé, condamné à mort et
exécuté. Peu de temps après, au mois de novembre, Henri de Lancastre
parvint à s’emparer du roi et d’Hugues II le Despenser.
La capture d'Edouard II,
par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
Le jeune favori fut alors conduit devant
Isabelle et Mortimer, puis condamné pour haute trahison et exécuté[8].
La mort d'Hugues II le Despenser, par Jean Froissart, enluminure issue
de l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
b) Abdication et mort d’Edouard II :
s’étant emparés du pouvoir, Isabelle et Mortimer furent alors confrontés
à une question délicate : quel sort devaient ils réserver au roi ?
Edouard II, alors emprisonné à Londres, devait
il être condamné à mort pour haute trahison, déposé, ou bien devait il
abdiquer de lui même ?
En janvier 1327, une assemblée fut alors
réunie au château de Kenilworth, en présence d’Edouard II. Le roi fut
alors accusé d’incompétence, d’avoir perdu l’Ecosse et la Gascogne, de
s’être attaqué à l’Eglise et à la noblesse anglaise, etc.
Edouard II décida donc d’abdiquer en faveur de
son fils Edouard III, alors âgé de 14 ans. En réalité, ce furent
Isabelle et Mortimer qui s’emparèrent du pouvoir.
Cependant, Isabelle et Mortimer, craignant de
voir tomber Edouard II entre les mains de leurs adversaires, décidèrent
de mettre fin aux jours du roi déchu.
Emprisonné au château de Berkeley, dans le
Gloucestershire, entre les mains de fidèles de Mortimer, le roi déchu
fut retrouvé mort en septembre 1327[9].
[1]
Pour en savoir plus sur les raisons qui conduisirent au mariage
d’Edouard II et Isabelle, voir le b), 3, section III, chapitre
quatrième, l’Angleterre sous les Plantagenêts.
[2]
A noter que l’homosexualité d’Edouard II n’est pas prouvée, ce
souverain ayant eu plusieurs enfants avec Isabelle, ainsi que
quelques enfants illégitimes.
[3]
Pour en savoir plus sur la bataille de Bannockburn, voir le b),
1, section II, chapitre cinquième,
l’Angleterre sous les Plantagenêts.
[4]
Le châtiment était sévère : le coupable était pendu sans que
mort sans suive, éventré, éviscéré et émasculé vif, puis ensuite
décapité. Daffyd ap Gruffyd et William Wallace, combattant
respectivement pour l’indépendance du Pays de Galles et de
l’Ecosse, avaient subi cette peine.
[6]
Le traité stipulait que Charles IV
conservait une partie de l’Aquitaine, et qu’en outre Edouard II
devait payer de fortes indemnités de guerre (il fut aussi
précisé que les Français occuperaient leurs possession jusqu’au
règlement de la dette.).
[7]
N’oublions pas que Thomas, le frère d’Henri, avait été exécuté
par Edouard II pour crime de haute trahison.
[8]
Hugues II le Despenser eut lui aussi à subir le châtiment
réservé aux traitres à la couronne, et fut donc fut lui aussi
pendu sans que mort sans suive, éventré, éviscéré et émasculé
vif, puis ensuite décapité.
[9]
Selon certaines sources, le roi déchu fut tué par insertion d’un
fer rougi au feu dans son anus, afin de que sa mort semble être
naturelle.