1° Politique intérieure – En
cette fin de XVI° siècle, la France était ruinée par près d’un demi-siècle
de conflits religieux. Henri IV, afin de rendre au pays une économie saine,
décida de s’entourer de ministres et de conseilles compétents.
Henri IV et ses ministres, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Le plus
célèbre d’entre eux fut Maximilien de Béthune, duc de Sully[1]
(ce dernier avait participé à la plupart des campagnes d’Henri IV,
combattant à Courtras, Arques et Ivry. Protestant, Sully refusa néanmoins
d’abjurer.).
Maximilien de Béthune, duc de Sully, Bibliothèque de
Vincennes, Paris.
Ce
dernier s’échina à redresser les finances de l’Etat, mises à mal après tant
d’année de guerres. Ainsi, en juillet 1501, il réduisit le taux d’intérêt
des emprunts à 6,25 %. L’objectif, qi était d’inciter les Français à
investir, fut pleinement atteint. Sully fit aussi en sorte de rembourser la
dette contractée vis-à-vis des pays étrangers, diminua la taille, mais
augmenta la gabelle (l’impôt sur le sel.).
Toutefois, en décembre 1604, Sully prit une mesure particulièrement
importante, mettant en place l’hérédité des charges. Jusqu’à cette date, un
titulaire pouvait vendre son office ou le céder à un proche, moyennant le
versement à l’Etat d’une somme correspondant au quart du coût de la charge.
Toutefois, si le titulaire mourrait avant d’avoir accompli ces formalités,
l’office revenait au roi de France. A partir de décembre 1604, en cas de
mort impromptue, le souverain s’engageait à reconnaitre le successeur du
défunt (en cas de refus, le roi devant rembourser le prix de la charge aux
héritiers, les charges devinrent dès lors quasiment héréditaires[2].).
a)
La lente reconstruction du pays : afin de s’attirer les bonnes grâces
des catholiques, Henri IV favorisa l’essor des jésuites[3]
en France. A Paris, le roi de France entreprit plusieurs travaux
d’urbanisme : il fit construire la grande galerie du Louvre (reliant le
palais aux Tuileries.), poursuivit les travaux d’érection du Pont Neuf,
second pont en pierre de Paris
(la construction avait été entamée sous Henri III.), et fit bâtir deux places (la place Dauphine et
la place des Vosges.).
Patineurs sur la Seine, en 1606, par Adam van BREEN, début du XVII° siècle,
musée Carnavalet, Paris.
Vue du pont neuf, par Paul LEHUGEUR, XIX° siècle.
Afin de revigorer le commerce et l’économie française, le roi de France
ordonna la création de la manufacture des Gobelins (1601.) ; développa la
soierie française en implantant des milliers de mûriers, principalement à
Paris et dans les Cévennes ; et fit creuser le canal de Briare,
reliant la Seine à la Loire, afin de dynamiser le commerce fluvial.
L'île de la Cité et ses alentours vers la
fin du XVI° siècle, maquette exécutée avant 1900, musée musée Carnavalet,
Paris.
A
noter toutefois que les stigmates de la guerre étaient toujours présents. En
effet, des déprédations étaient commises par les soldats démobilisés, qui
s’organisaient en bandes afin de piller les campagnes (le même phénomène
était apparu lors de la guerre de Cent Ans.).
b)
Le mariage d’Henri IV : au cours des dernières années du XVI° siècle,
Henri IV approchait de la cinquantaine et n’avait toujours pas d’enfants.
Brouillé avec son épouse Marguerite (fille de Catherine de Médicis.), le roi
de France avait une liaison avec Gabrielle d’Estrées. Toutefois, cette
dernière ne pouvait pas devenir reine en raison de son ascendance bien trop
modeste.
Buste à l'effigie d'Henri IV, attribué à
Barthélémy TREMBLAY, château de Versailles.
Cependant, Gabrielle mourut en couches en avril 1599. Le roi de France, bien
qu’éprouvant une douleur immense, ne tarda guère à trouver de nouvelles
maîtresses.
En
fin d’année, Henri IV fut prit d’intérêt pour
Marie de Médicis[4],
fille de François I°, grand duc de Toscane. Toutefois, afin de
pouvoir épouser la jeune femme, le roi de France devait faire casser par
Rome son précédent mariage avec Marguerite.
Marie de Médicis, par Jérôme WIERIX, fin
du XVI° siècle, musée Carnavalet, Paris (à gauche) ; armoirie des Médicis,
vers 1630, Bode museum, Berlin (à droite).
En
décembre 1599, le mariage fut finalement dissous
par le pape pour cause de consanguinité et vice de consentement de la part
de la mariée[5].
L’année suivante, en décembre 1600, le roi de
France put alors épouser Marie de Médicis à Lyon (le mariage fut retardé à
cause d’un conflit contre la Savoie, narré au point ci-dessous.). Le couple
ne tarda guère à donner naissance à leur premier enfant, la reine accouchant
du dauphin Louis en septembre 1601.
Henri IV et Marie de Médicis, par
Guillaume DUPRE, 1601, musée du Louvre, Paris.
A noter toutefois que cette union n’empêcha pas
Henri IV d’avoir plusieurs aventures extraconjugales, au contraire. Ainsi,
ce dernier, continua d’entretenir une liaison avec sa maîtresse,
Henriette d’Entragues (le roi avait fait sa connaissance en juin 1599,
et lui avait un temps promit la couronne.).
Henri IV et Marie de Médicis, atelier de
Barthélémy PRIEUR, début du XVII° siècle, musée du Louvre, Paris.
2° Politique extérieure – Malgré ses récentes victoires
sur les derniers ligueurs et le traité de paix signé avec l’Espagne, Henri
IV devait toujours faire face à une situation internationale toujours très
tendue.
Epée du roi Henri IV, vers 1600, musée
des Invalides, Paris.
a)
Relations avec le duché de Savoie : en février 1600, le duc de Savoie
Charles Emmanuel I° désira faire la paix avec le roi de France.
Portrait à l'effigie de Charles Emmanuel
I°, duc de Savoie.
En
1588, profitant des guerres de religion, le jeune homme s’était emparé du
marquisat de Saluces, une possession française. Le duc de Savoie proposa
alors de restituer ce territoire, où bien de l’échanger contre le Bugey, la
Bresse et le Valromey.
Toutefois, Charles Emmanuel I° refusa d’exécuter les clauses du traité signé
en février, et Henri IV décida d’en découdre. La campagne se déroula en août
1600, et l’armée royale parvint à envahir la Savoie et le Piémont sans
difficultés.
Le
duc de Savoie, bien que retardant les négociations, fut finalement contraint
de signer le traité de Lyon en janvier 1607.
Henri IV décida de céder le marquisat de Saluces à son adversaire, en
échange de la Bresse, du Bugey, du Valromey et du pays de Gex.
Le royaume de France en 1601.
b)
Relations avec l’Espagne : le traité de Vervins, signé en mai 1598
par la France et l’Espagne, ne consacrait pas la victoire d’un des deux
camps, mais entérinait un certain statu quo. Henri IV et son
homologue Philippe II sortant la tête haute du dernier conflit, les tensions
entre les deux pays ne s’apaisèrent pas.
A
cette époque, l’Espagne était toujours en guerre contre les Pays Bas
révoltés. Henri IV ayant dès lors les mains libres, il décida de se
rapprocher des insurgés.
Philippe II, quant à lui, considérait toujours Henri IV comme un protestant,
et n’acceptait guère de le voir assis sur le trône de France.
Ainsi, les Espagnols se rapprochèrent de certains gouverneurs de province ou
de proches de roi. Henri IV, constatant qu’il était critiqué dans certaines
villes de France, décida alors de mettre en tutelle les gouverneurs
mécontents.
Par ailleurs, le roi de France fut contraint de faire exécuter Charles de
Gontaud-Biron, reconnu coupable de conspiration contre la France
(juillet 1602.) ; il fit aussi embastiller
Charles de Valois-Angoulême[6],
fils illégitime de feu Charles IX (1604.).
Toutefois, au début du XVII° siècle, la géopolitique internationale fut
bouleversée par la disparition de deux importants souverains. En effet, en
mars 1603, la reine d’Angleterre Elizabeth I° mourut. Son successeur,
l’Ecossais Jacques I°[7],
décida de faire la paix avec le roi d’Espagne
Philippe III[8]en octobre 1604.
Jacques I°, début du XVII° siècle, château de Chantilly,
Chantilly (à gauche) ; portrait à l'effigie de Philippe III (à droite).
Henri IV décida alors de signer à la même date un traité de commerce avec le
souverain espagnol. Toutefois, cet accord ne fut guère fécond, et ne mit pas
fin à la mésentente régnant entre les deux pays (ainsi, dès février 1605, le
roi de France se rapprocha des Pays Bas. Henri IV leur proposa une aide
militaire, en échange du comté de Flandre et des provinces de langue
française.).
En
février 1606, un traité commercial fut aussi signé avec l’Angleterre, mais
il fut très mal appliqué.
32° La fin de règne – Au début du XVII° siècle, la France
était officiellement en paix, mais il suffisait d’une étincelle pour que
l’Europe entière s’embrase.
a)
La question du duché de Clèves et Juliers : en mai 1606, Henri IV se
rapprocha des princes allemands du Saint Empire romain germanique, soucieux
de les soutenir dans la querelle de succession du duché de Clèves & de
Juliers (en effet, le duc Jean Guillaume le Bon était de santé
précaire.).
L’objectif avoué était de faire obstacle au catholique Empereur Rodolphe
II (ce dernier était le fils de Maximilien II.).
A
la mort de Jean Guillaume, en mars 1609, Henri IV menaça de prendre les
armes si le souverain germanique mettait une de ses créatures à la tête du
duché de Clèves & Juliers.
b)
La question des Pays Bas : alors que la querelle de succession du
duché de Clèves et Juliers commençait, les Pays Bas et l’Espagne décidèrent
de faire la paix. Toutefois, les négociations avec les Espagnols étant
difficiles (ces derniers, épuisés par la guerre, refusaient toutefois de
reconnaitre l’indépendance des Pays Bas.), les Provinces Unies décidèrent
alors de se rapprocher d’Henri IV.
Au
final, en avril 1609, l’Espagne et les Pays Bas acceptèrent de signer une
trêve de douze ans.
c)
La fin de règne d’Henri IV : au cours des dernières années de son
règne, Henri IV se brouilla avec le prince de sang Henri II, prince
de Condé (il était le fils posthume d’Henri I°, prince de Condé, et de
Charlotte de La Trémoille.).
Henri II, prince de Condé, par Guillaume
DUPRE, 1611, musée du Louvre, Paris.
Le
jeune homme avait épousé en mai 1609 Charlotte Marguerite de Montmorency,
une suivante de Marie de Médicis[9]
(le roi de France, tombé amoureux de la jeune femme, avait décidé de la
marier à Henri II, qui passait pour impuissant.).
Furieux que le roi se soit joué de lui, Henri II décida alors de quitter la
Cour, emmenant sa femme aux Pays Bas (novembre 1609.).
L’année 1610 fut particulièrement orageuse pour Henri IV. En effet, les
princes protestants, qui avaient mis en place l’Union évangélique
contre l’Empereur, réclamaient le soutien du roi de France dans le futur
conflit.
Henri IV, quant à lui, fut marri d’apprendre que les Pays Bas, l’Angleterre
et Venise refusaient d’intervenir aux côtés de la France dans cette
prochaine guerre de succession. Le
Saint Siège non plus n’était pas favorable à une intervention française en
Allemagne.
Henri IV, début du XVII°
siècle, musée du Louvre, Paris.
Philippe III, par contre, voyait dans cet futur conflit un prétexte pour
attaquer la France.
En
mars 1610, des révoltes éclatèrent en Poitou et en Guyenne, catholiques
comme huguenots refusant de voir le pays se lancer dans un nouveau conflit.
Il fut vivement reproché au roi de vouloir faire la guerre dans le seul but
de récupérer la jeune Charlotte.
En
avril 1610, l’affrontement semblait inévitable. Marie de Médicis, influencée
par ses conseillers Concino Concini et son épouse Eléonore Galigaï
(Henri IV détestait ces personnages.), supplia son époux de la faire
couronner avant d’entrer en campagne.
Le couronnement de Marie de Médicis, par
Alexandre Marie COLIN,
XIX° siècle, musée Delacroix, Paris.
Conciliant, le roi de France accepta, et la cérémonie fut célébrée le 13 mai
1610.
La remise de la régence à la reine,
par RUBENS, XVII° siècle, musée du Louvre, Paris.
Le
lendemain, Henri IV décida de se promener en carrosse dans les rues de
Paris. Alors que le cortège était arrêté, le roi fut frappé de trois coups
de couteaux par un catholique fanatique du nom de François Ravaillac. Le
premier coup ne fit que blesser le souverain, mais le second lui fut mortel
(l’aorte fut sectionnée net.).
L'assassinat d'Henri IV, par Paul LEHUGEUR, XIX° siècle.
Le
tueur, ne cherchant pas à s’enfuir, fut rapidement arrêté. Ravaillac fut
alors torturé et écartelé peu de temps après[10].
L'exécution de Ravaillac, par Paul LEHUGEUR, XIX° siècle.
A
sa mort, Henri IV laissait derrière lui plusieurs enfants en bas âge, ainsi
que de nombreux enfants illégitimes. Ce fut son fils aîné Louis XIII
qui lui succéda, mais ce dernier étant trop jeune pour régner, une régence
fut mise en place par Marie de Médicis.
Tombe d'Henri IV, 1840, église Saint Denis.
Henri IV, par Michel BOURDIN, musée Carnavalet, Paris (ce buste en bois fut peut
être une effigie funéraire du défunt roi de France. Toutefois, l'aspect
jovial émanant de cette effigie laisse planer des doutes quant à sa vocation
funéraire.).
[1]
A noter que Maximilien de Béthune ne fut nommé duc de Sully qu’en
1606.
[2]
Ce n’est qu’à partir du règne de Louis XV que la vénalité et
l’hérédité des charges furent supprimées.
[3]
La Compagnie de Jésus est une congrégation catholique fondée par
Ignace de Loyola au cours du XVI° siècle. A noter toutefois que
les jésuites, accusés de comploter contre Henri IV, avaient été
chassés de Paris lorsque le roi de France s’était emparé de la cité.
[4]
Marie de Médicis, née en 1575, était la fille de François I°,
grand duc de Toscane, et de Jeanne, archiduchesse d’Autriche
(elle était la fille de l’Empereur germanique Ferdinand I°, frère de
Charles Quint.). Souvent, l’on s’imagine que Catherine de Médicis et
Marie de Médicis étaient de proches parents ; en fait, elles
appartenaient à la famille Médicis mais ne faisaient pas partie de
la même branche. Leur seul ancêtre commun était Jean de Médicis,
un commerçant florentin fortuné né au XIV° siècle.
[5]
En effet, rappelons que Marguerite avait été contrainte par sa
famille d’épouser Henri IV.
[6]
Charles de Valois-Angoulême, condamné à mort en 1605, fut finalement
libéré sous le règne de Louis XIII (juin 1616.).
[7]
La reine d’Angleterre, ne s’étant jamais mariée, n’avait pas eu
d’enfants. A sa mort, elle décida donc de léguer son trône à un
descendant du souverain anglais Henri VII, le roi d’Ecosse
Jacques VI (ce dernier devint roi d’Angleterre sous le nom de
Jacques I°.). L’objectif d’Elizabeth I° était de rattacher l’Ecosse
à l’Angleterre, après plusieurs siècles de luttes.
[8]
Philippe III, fils de Philippe II, avait succédé à son père en
septembre 1598. Avec ce nouveau souverain débuta le déclin de
l’Espagne.
[9]
Charlotte de Montmorency était la fille d’Henri de Damville, duc de
Montmorency
[10]
A noter qu’Henri IV avait déjà été la cible de plusieurs tentatives
de meurtres.