CHAPITRE QUATRIÈME :
Philippe II Auguste et Louis VIII (1180 à 1226)
II : Philippe II et Richard, de la troisième croisade à la
guerre (1189 à 1199)
1° Petite histoire de la Terre sainte,
d’une croisade à l’autre (1147 à 1189) –
Comme nous l’avons vu précédemment, la deuxième croisade s’était
soldée sur un échec.
a) Les conquêtes de Nour ed Dîn (1147 à 1154) : Nour ed Dîn,
Atâbeg[1]
seldjoukide[2]
de Mossoul, profita donc de l’impuissance des croisés pour agrandir ses
Etats (rappelons que le califat abbasside[3],
régnant en théorie de l’Afrique à l’Afghanistan, était en réalité divisé en
plusieurs territoires autonomes : Almohades en Espagne, Fatimides
en Afrique du nord, Seldjoukides en Iran et Irak, etc.).
En 1149, Nour ed Dîn
remporta la bataille de Fonz Murez, au cours de laquelle Raymond
de Poitiers, prince d’Antioche, trouva la mort ; par la suite, il
s’empara de la moitié orientale de la principauté d’Antioche (c'est-à-dire
les territoires situés à l’est de l’Oronte) ; enfin, il prit Damas en 1154
(il s’agissait d’une ville musulmane qui vivait en autonomie).
Les Etats latins au XII° siècle.
b) La prise de pouvoir de Saladin (1169 à 1183) : quelques
années plus tard, en 1169, un lieutenant de Nour
ed Dîn, Saladin(de son
vrai nom Salâh al Dîn.), fut appelé par le calife fatimide d’Égypte
afin de le défendre contre les attaques d’Amaury, roi de Jérusalem[4].
Saladin, nommé vizir, parvint à repousser les Latins (à cette
occasion, Amaury tenta en vain de négocier une alliance avec Saladin contre
Nour ed Dîn). Puis il entreprit d’ériger un réseau de fortifications dans le
pays, faisant construire une citadelle au Caire (appelée aujourd’hui
citadelle de Saladin).
En
1171, Nour ed-Dîn demanda à Saladin d’abolir le califat fatimide. Ce dernier
s’exécuta à contrecœur, alors qu’il cherchait à obtenir son indépendance.
L’Atâbeg, se méfiant de Saladin, décida de monter une expédition contre
l’Egypte, mais il mourut en 1174, avant d’avoir mis ses projets à
exécution.
Amaury de Jérusalem mourut la même année, laissant le royaume à son fils,
Baudouin IV, surnommé le Lépreux car il souffrait de la lèpre.
A
sa mort, Nour ed Dîn laissait trois enfants en bas-âge, qui furent placés
sous la protection de plusieurs régents. Toutefois, ces derniers ne
tardèrent pas à se faire la guerre, et Saladin décida de profiter du chaos
ambiant pour rattacher les Etats du défunt à l’Egypte.
Après plusieurs années de lutte, Saladin parvint à unifier la Syrie en 1183.
c) Guerre contre le royaume de Jérusalem (1187) : A la mort de Baudouin IV le Lépreux, décédé sans
héritiers en 1185, le royaume de Jérusalem revint à Baudouin V, fils
de Guillaume de Montferrat et Sibylle, sœur du défunt. Ce
pendant, le jeune roi mourut dès l’année suivante, et la couronne fut cédée
à Guy de Lusignan, second époux de Sibylle.
Ce
dernier, qui n’était arrivé en Terre sainte qu’en 1180, accumula les erreurs
dès le début de son règne.
Renaud de Châtillon,
seigneur d’Outre-Jourdain, attaqua en 1187 une caravane musulmane, qui
empruntait la route reliant l’Egypte à la Mecque.
Le
brigandage n’était pas prohibé en temps de guerre, mais à cette date,
croisés et musulmans respectaient la trêve signée par Baudouin IV et Saladin
en 1180.
Dans un premier temps, Saladin demanda réparation auprès de Guy de Lusignan,
mais le roi de Jérusalem ne parvint pas obtenir satisfaction auprès de
Renaud de Châtillon.
Au
printemps 1187, Saladin commença à regrouper des troupes à Damas, puis
partit assiéger Tibériade. Guy de Lusignan, venu secourir la cité, fut
toutefois vaincu lors de la bataille de Hattin.
Le
roi de Jérusalem fut capturé, à l’instar de nombreux Latins, et Renaud de
Châtillon fut exécuté.
Saladin, s’emparant ensuite des places fortes du littoral (à l’exception de
Tyr), vint mettre le siège devant Jérusalem.
Prise de Jérusalem par Saladin, par Guillaume de Tyr, enluminure issue de
l'ouvrage Histoire
d'Outremer, XIII° siècle, bibliothèque nationale de France.
La ville était alors défendue par Balian d’Ibelin,
qui opposa une résistance farouche à Saladin. Ce dernier, lorsqu’il reçut
les ambassadeurs de Jérusalem afin de négocier une reddition, leur annonça
son intention de ne pas faire de quartiers s’il parvenait à prendre la
ville. Balian annonça alors qu’il tuerait tous les habitants de la ville,
détruirait tous les lieux saints, et mettrait le feu à la ville, de sorte
que Saladin ne trouve que ruine et désolation lorsqu’il pénétrerait dans
Jérusalem.
C’est alors que Saladin accepta de consentir une capitulation pacifique à
son rival : seraient épargnés les habitants qui paieraient une rançon (20besants[5]
pour un homme, 5 pour une femme, 1 pour un enfant.), mais ceux qui ne le
pourraient pas seraient réduits en esclavage.
Balian, afin de sauver le plus d’habitants possible, négocia une rançon
globale de 50 000 besants, qui fut finalement réduite à 30 000 besants.
Les habitants de Jérusalem défilant
devant Saladin, par A. DE NEUVILLE, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par Guizot.
Ayant remis les clefs de la ville à Saladin, les Latins quittèrent Jérusalem
en file indienne, le vainqueur leur accordant leur protection jusqu’à la
mer.
Saladin, rentrant dans la cité le 2 octobre 1187, s’empressa de convertir
les églises en mosquées. En outre, il rendit aux juifs les synagogues, et
respecta l’église du Saint Sépulcre.
Jérusalem était restée 88 ans entre les mains des Latins, qui ne
conservaient en Orient que trois places importantes : Antioche, Tripoli,
Tyr.
2° La troisième croisade (1189 à 1192)
– L’annonce de la prise de la ville
sainte répandit la consternation en Europe. Le pape Grégoire VII
décida alors de prêcher en faveur d’une troisième croisade.
a)
Prêche de la troisième croisade (1187 à 1189) : l’Empereur germanique
Frédéric Barberousse[6]
fut le premier à répondre à l’appel du pape, en 1188.
Du
côté de la Francie, le pays était troublé par la guerre qui opposait
Philippe II et Richard Cœur de Lion au roi d’Angleterre. Ainsi, alors que
l’aîné d’Henri II affirma rapidement sa volonté de participer à la croisade,
ce n’est qu’en 1189, à la mort de son père, qu’il put mettre ses projets à
bien.
Philippe II, quant à lui, n’était pas enchanté l’idée de partir pour la
Terre sainte, ne souhaitant pas commettre la même erreur que son père.
Afin de lever les fonds nécessaires à l’expédition, les deux souverains
créèrent un impôt spécial, la dîme saladine. Ce dernier, portant sur
les biens et les revenus, devait être payé par les non-combattants.
A
noter par ailleurs que Philippe II et Richard ne voulurent pas être
encombrés de pèlerins lors de leur périple en Terre sainte (ces derniers
ayant causé beaucoup d’embarras lors des expéditions précédentes). Ainsi, la
foule des pauvres et des femmes fut donc écartée.
b)
La croisade des Germains (1190) : Frédéric Barberousse fut le premier
arrivé à Constantinople.
Comme à l’époque de la précédente croisade, les Germains furent mal
accueillis par l’Empereur Isaac II Ange[7].
Ce dernier, subissant les attaques des Normands de Sicile, des Serbes et des
Bulgares, s’était allié avec Saladin contre les Seldjoukides de Roum.
Frédéric Barberousse quittant
ses fils et traversant la Hongrie, en route pour la troisième croisade, par
Pierre d'Eboli, enluminure issue de l'ouvrage Liber ad honorem augusti,
XIIIe siècle, Burgerbibliothek, Berne.
Pressé de traverser le Bosphore, Frédéric Barberousse n’attendit pas les
rois de France et d’Angleterre.
Arrivés en Asie mineure, les Germains se dirigèrent Konya, cité sous
domination des Turcs seldjoukides. Ces derniers tentèrent de leur barrer le
chemin, mais furent écrasés par les hommes de Frédéric I°. Les croisés,
s’emparant de la ville, repartirent quelques jours plus tard en direction de
la Terre sainte.
Mais, en juin 1190, l’Empereur germanique se noya alors qu’il traversait à
cheval le Seleph, affluant du fleuve Cydnus. Le cadavre de Frédéric I°,
emporté par le courant, fut retrouvé quelques kilomètres en aval.
A
l’annonce de la mort de l’Empereur germanique, l’armée se débanda, de
nombreux croisés préférant rentrer en Europe.
Seul un petit nombre de chevaliers, sous la conduite deFrédéric
de Souabe, fils du défunt, parvinrent à gagner Antioche. Ces derniers
rejoignirent alors Saint Jean d’Acre, assiégée par Philippe II et Richard.
c)
La croisade franco-anglaise (1190 à 1191) : alors que Frédéric I°
trouvait la mort au Proche-Orient, Philippe II et Richard n’avaient pas
encore quitté leurs Etats respectifs.
Ainsi, les deux souverains s’étaient rencontrés en juillet 1190 à Vézelay,
puis étaient descendus ensemble jusqu’à Lyon. Ils s’étaient ensuite séparés,
afin d’aller embarquer dans deux ports différents : Philippe II à Gênes,
Richard à Marseille.
Le
lieu de rendez vous était la Sicile, où ils passèrent l’hiver 1190-1191.
C’est là que se manifestèrent les premiers signes de rivalité : Richard,
qui était fiancé avecAdélaïde,
sœur du roi de France, abandonna cette dernière afin d’épouser Bérengère,
fille du roi de Navarre.
Philippe II ressentit vivement cet affront, mais les deux hommes finirent
finalement par se réconcilier. Ainsi, le roi des Francs récupéra la dot de
sa demi-sœur, à savoir le Vexin et Gisors, recevant en outre 10 000 marcs
d’argent en dédommagement.
Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion se querellant à Messine,
enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIVe
siècle, bibliothèque nationale de France.
Le
roi des Francs arriva le premier à Saint Jean d’Acre, en avril 1191, cité
assiégée depuis 1189 par Guy de Lusignan (qui avait été libéré la même année
par Saladin).
La
flotte de Richard, prise dans une tempête, avait été contrainte de se
détourner vers Chypre.
L’île, sous la domination d’Isaac Doukas Comnène, avait pris son
indépendance de l’Empire byzantin depuis quelques années.
Les croisés, battant les Grecs qui défendaient Chypre, remportèrent la
victoire en mai 1191. Par la suite, Richard vendit l’île à Robert de
Sablé, grand-maître de l’ordre du Temple[8],
arrivant sous les murs de Saint Jean d’Acre au début du mois de juin.
Tête d'un Templier, XIII° siècle, Deutsches historisches museum, Berlin.
Philippe II, qui avait ordonné d’attendre l’arrivée de Richard pour attaquer
la ville, relança les hostilités. Toutefois, les deux souverains ne
tardèrent pas à se disputer une fois encore, cette fois-ci au sujet de la
couronne de Jérusalem.
Ainsi, Richard soutenait Guy de Lusignan ; alors que Philippe II était
favorable à Conrad de Montferrat, prince de Tyr (ce dernier était
l’oncle du défunt Baudouin V).
Le siège de Saint Jean d'Acre, enluminure issue de l'ouvrage Grandes
Chroniques de France, Paris, France, XIV°siècle.
Acre, à bout de forces, ouvrit ses portes aux croisés à la mi-juillet 1191.
A la fin du mois, une assemblée comptant les principaux seigneurs de Terre
sainte se réunit afin de trouver une issue à la querelle opposant Guy de
Lusignan et Conrad de Montferrat.
Il
fut alors décidé que Guy conserverait la couronne de Jérusalem jusqu’à mort,
date à laquelle le royaume reviendrait à Conrad.
Toutefois, cette décision timorée ne fit que diviser un peu plus les forces
latines au Proche-Orient.
Philippe II Auguste et Richard Coeur de Lion reçoivent les clés de Saint
Jean d'Acre, enluminure issue des Grandes Chroniques de France,
Paris, France, XIV°
siècle,
bibliothèque nationale de France.
A
la mort du comte de Flandre (ce dernier avait accompagné le roi des Francs à
la croisade), Philippe II, malade, décida de rentrer en Francie. Ce dernier
laissait en Terre sainte une partie de son armée (environ 10 000 hommes),
sous le commandement de son cousin Hugues III de Bourgogne.
Le
roi des Francs embarqua alors à Tyr, en direction de Brindisi, au début du
mois d’août 1191. Ce dernier, passant par Rome afin d’obtenir une dispense
auprès du pape Célestin III, ne rentra à Paris qu’en décembre.
d)
La croisade anglaise (1191 à 1192) : suite au départ de Philippe II,
Richard fit exécuter les prisonniers musulmans qu’il avait été capturés lors
de la reddition d’Acre.
Saladin, furieux d’apprendre la nouvelle, décida en représailles de faire
tuer tous les prisonniers chrétiens qu’il ferait pendant la guerre.
Saladin faisant exécuter les prisonniers
musulmans suite à la prise de Saint Jean d'Acre, par A. DE NEUVILLE, gravure
issue de l'ouvrage Histoire de France, par Guizot.
Quittant Acre à la fin du mois d’août en direction du sud, Richard fut
attaqué par les musulmans lors de la bataille
d’Arsouf. Alors que la
tactique des Seldjoukides était de feindre un repli afin d’attirer l’ennemi
dans le piège, les croisés ne bougèrent pas.
Les musulmans, repoussés, décidèrent alors d’adopter la politique de la
terre brûlée, dévastant tout sur leur passage, afin d’empêcher l’ennemi
de se ravitailler.
Richard Coeur de Lion au combat, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Arrivé à Jaffa, Richard préféra fortifier les défenses de la cité plutôt que
de marcher sur Jérusalem, dont les murailles avaient souffert lors du siège
de 1187.
Au
grand dam des croisés, le roi d’Angleterre décida d’entamer des pourparlers
avec Saladin, qui acceptait de ne céder à Richard que le littoral du
Proche-Orient, mais pas Jérusalem.
Une expédition contre la ville sainte fut organisée en fin d’année 1191,
mais cette dernière s’acheva sur un échec en raison du mauvais temps.
Au
printemps 1192, de nouveaux pourparlers furent mis en place par les deux
belligérants, à une date où les hostilités entre Guy de Lusignan et Conrad
de Montferrat avaient repris.
Finalement, Richard trouva un accord permettant de satisfaire les deux
partis : Guy de Lusignan reçut la souveraineté sur l’île de Chypre ; Conrad
de Montferrat, quant à lui, récupéra la couronne de Jérusalem. Toutefois, ce
dernier fut assassiné en avril 1192, et le trône échut à Henri II,
comte de Champagne[9],
qui épousa Appolonie, veuve du défunt.
Richard, quant à lui, souhaitait abréger la croisade au plus tôt, des
rapports lui ayant indiqué que Philippe II profitait de son absence pour
agrandir ses Etats.
Le
roi d’Angleterre lança une dernière expédition contre Jérusalem en juin
1192, mais fit rebrousse-chemin prématurément.
Croisés sortant d'une ville fortifiée, copie d'une peinture de la chapelle
des Templiers à Cressac, XII° siècle, Cité de l'architecture, Paris.
En
septembre 1192, Richard et Saladin conclurent la paix de Jaffa,
signant une trêve de cinq ans. Ainsi, les Latins récupéraient toute la côte
littorale du Proche-Orient (à l’exception d’Ascalon, à la frontière
égyptienne) ; Jérusalem restait entre les mains des musulmans, mais la cité
serait ouverte aux pèlerins chrétiens.
e)
Fin de la troisième croisade, le bilan (1192) : suite à la conclusion
de cet accord, Richard s’empressa de partir pour l’Europe. Quittant la Terre
sainte début octobre, le navire du roi d’Angleterre, pris dans une tempête,
fut rejeté sur les côtes d’Istrie. Richard fut alors capturé près de Vienne
par Léopold V, duc d’Autriche.
Ce
dernier, qui avait participé à la troisième croisade, avait été insulté par
Richard sous les murs de Saint Jean d’Acre. Le duc d’Autriche réclama alors
une rançon auprès de la Cour d’Angleterre, d’un montant de 150 000 marcs
d’argent (une somme colossale pour l’époque).
Recevant un premier versement en 1194, Léopold V consentit alors à libérer
son prisonnier.
Du
côté des Etats latins, la troisième croisade leur apporta près d’un siècle
de répit. Toutefois, l’engouement pour la croisade, tel que l’Europe l’avait
connu à la fin du XI° siècle, prenait fin. Ainsi, les chevaliers qui
participaient à la croisade ne s’installaient plus en Terre sainte,
préférant rentrer au pays à la fin de l’expédition. Ainsi, Henri II de
Champagne, manquant d’effectifs, ne fut plus en mesure d’assurer le contrôle
de l’intérieur des terres.
Ce
recentrage des Etats latins sur le littoral profita aux républiques
maritimes italiennes, telles que Venise et Gênes, qui dès lors gagnèrent en
influence dans la région.
Par ailleurs, la paix de Jaffa fit scandale en Europe, car non seulement
Richard avait négocié avec un musulman, mais en outre il n’était pas parvenu
à reprendre Jérusalem.
Saladin, quant à lui, mourut peu de temps après le départ du roi
d’Angleterre, en mars 1193.
A
sa mort, ses Etats furent partagés entre ses fils, qui ne tardèrent pas à se
faire la guerre.
3° La succession flamande (1192) –
Comme nous l’avons vu plus tôt, Philippe II était rentré en Francie suite à
la mort du comte de Flandre sous les murs de Saint Jean d’Acre. Le roi des
Francs était non seulement intéressé par le Vermandois[10],
mais aussi par le comté de Flandre.
Aux termes de plusieurs semaines de négociations, Baudouin V de Hainaut,
beau-frère du défunt, reçut le comté de Flandre[11] ;
Eléonore, sœur d’Elisabeth (première épouse du défunt), recevait le comté de
Vermandois, mais il devait être rétrocédé à la couronne à son décès.
En
contrepartie, Philippe II reçut 5 000 marcs d’argent de Baudouin V ; ainsi
que l’Artois et Péronne, comme héritage d’Isabelle de Hainaut, épouse du
roi, décédée en 1190.
4° Alliance de Philippe II et Jean
sans Terre (1192 à 1194) – Alors que
Richard Cœur de Lion se trouvait en Terre sainte, son frère, Jean (surnommé
sans Terre car il n’avait pas reçu d’apanage à la mort d’Henri II),
avait pris contrôle du royaume d’Angleterre[12].
Philippe II, quant à lui, accepta de reconnaitre Jean, à condition que ce
dernier lui prête hommage et lui cède le Vexin normand[13],
ainsi que les cités d’Evreux, de Verneuil et du Vaudreuil, en Normandie.
En
1193, Jean accepta de reconnaitre la suzeraineté de Philippe II ; l’année
suivante, il lui céda les territoires réclamés, en échange de 1 000
marcs d’argent.
Toutefois, peu de temps
après, en février 1194, Richard fut libéré par Léopold V, rentrant en
Normandie au printemps.
Rapidement, Jean fit
soumission auprès de son aîné, qui déclara la guerre au roi des Francs. Le
conflit dura cinq ans, et fut plutôt défavorable au roi de France.
5° Guerre de
Philipe II contre Richard (1194 à 1199) – Soucieux de faire amende
honorable, Jean fit massacrer la garnison française installée à Evreux ;
Philippe II, en représailles, assiégea la cité à la fin mai 1194 et la livra
aux flammes.
Richard, quant à lui, prit
Verneuil, en Normandie, oui Loche, en Touraine. Puis, en juillet 1194, il
tendit une embuscade à son rival à Fréteval. Philippe II, qui allait
assiéger Vendôme, fut attaqué par surprise, parvenant à s’enfuir de
justesse. Toutefois, il abandonna à cette occasion ses ornements royaux, son
sceau et ses archives, qui ne le quittaient jamais[14].
En juillet 1194, les deux
belligérants signèrent une trêve, suivie en par un traité de paix en janvier
1196 : Richard, faisant hommage au roi des Francs, devait céder Gisors et le
Vexin normand à Philippe II ; ce dernier, quant à lui, devait abandonner les
conquêtes qu’il avait faites en Normandie.
Mettant cette paix à profit,
Richard fit ériger plusieurs forteresses en Normandie, dont le
Château-Gaillard, près des Andelys.
Philippe II, se sentant
menacé par l’érection d’un tel édifice, décida de reprendre les armes contre
son vassal à l’automne 1196. Cependant, Richard eut rapidement l’avantage,
s’alliant avec Baudouin V de Hainaut.
Le comte de Flandre ayant
attaqué l’Artois, Philippe II le contraignit à reculer, signant une trêve
avec son rival en octobre 1197.
L’année suivante, Richard
reprit l’offensive, envahissant le Vexin normand. Le roi des Francs décida
alors d’en découdre, mais il fut vaincu près de Gisors, en septembre 1198.
Toutefois, le pape
Innocent III, qui souhaitait lancer une nouvelle croisade, incita les
deux belligérants à négocier. Philippe II et Richard signèrent donc une
trêve de cinq ans, en janvier 1199, près des Andelys.
Philippe II devait renoncer
au Vexin, ne conservant que Gisors ; cesser de soutenir Philippe de
Souabe, prétendant au trône impérial,au profit d’Othon IV[15] ;
enfin, son fils Louis devait épouser Blanche de Castille[16],
nièce de Richard.
Cet accord temporaire mit
de facto fin à la guerre, car Richard ne tarda pas à mourir. En mars
1199, alors qu’il assiégeait le château de Chalus, possession du vicomte de
Limoges (ce dernier avait refusé de partager un trésor trouvé sur les terres
de la couronne), Richard fut frappé d’une flèche dans le dos.
La plaie fut mal soignée, et
le roi d’Angleterre mourut de la gangrène au mois d’avril.
Mort de Richard Coeur de Lion, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
[1]
A l’origine, atâbeg
était un titre de noblesse signifiant ‘père du prince’, conféré aux
dignitaires chargés d’exercer la régence lors d’une vacance du
pouvoir. Par la suite, dans le courant du XI° siècle, de nombreux
atabeg conservèrent le pouvoir à vie, fondant ainsi de nouvelles
dynasties.
[2] Les Seldjoukides, d’origine turque, avaient
migré au fil des siècles en direction de la Méditerranée.
[3] En 750, les
Abbassides avaient réussi à détrôner les
Omeyyade. Abd al-Rahman I°, dernier survivant de la
dynastie vaincue, se réfugia alors en Espagne, faisant de cette
région un émirat indépendant en 757.
[4] Ce dernier était le fils de Mélisende, qui
avait demandé aux croisés de prendre Damas en 1148. Voir à ce sujet
le d), 3, chapitre troisième, les Capétiens.
[5]
Le besantétait
la monnaie en cours à l’époque.
[6] Pour en savoir plus sur le règne de ce
souverain,
cliquez ici.
[8] Pour en savoir plus sur les Templiers, voir le
2, section VII, chapitre deuxième, les croisades et la
colonisation franque en Orient.
[9] Ce dernier était le fils d’Henri I°,
comte de Champagne, qui avait épousé Marie, fille de Louis
VII.
[10] Qui, selon l’accord de 1186, devait revenir à
la couronne suite à la mort de Philippe de Flandre.
[11] A noter que ce dernier était nommé Baudouin V
pour le Hainaut, et Baudouin VIII pour la Flandre.
[12] La légende de Robin des Bois, apparue
au XIV° siècle, fut fixée au début du XVII° siècle à l’époque de
Jean sans Terre. Pour en savoir plus à ce sujet,
cliquez ici.
[13] Le Vexin normand se trouvait au nord du Vexin
français.
[14] Cet évènement poussa Philippe II à donner
naissance aux archives nationales.
[15] Nous reviendrons sur la guerre civile
allemande en a), 2, section V, chapitre quatrième, les Capétiens.
[16] Cette dernière était la fille d’Alphonse
VIII, roi de Castille, et d’Aliénor, fille d’Henri II.