Les croisades (1095 -
1270) et la colonisation franque en Orient
CHAPITRE
DEUXIÈME :
La colonisation franque en Orient
I :
Le comté d’Édesse (1098 – 1144)
Le comté d’Édesse, en
Mésopotamie, était une ville réputé sainte pour les chrétiens : en effet,
cette dernière fut peut être la capitale du premier État chrétien, au III°
siècle de notre ère. La légende voulait que le roi fut converti au
christianisme par un contemporain du Christ, Thaddée, qui lui remit un linge
sur lequel figurait le portrait du christ (peut être s'agissait il du Saint suaire
?).
Le comté d'Edesse et les autres États de Terre
Sainte.
Au cours des siècles, la ville
tomba en alternance sous domination byzantine ou musulmane. En 1094, lors de
l’invasion des Turcs Seldjoukides, Edesse émergea en tant que principauté
autonome, son chef, d’origine arménienne, étant théoriquement vassal de
Constantinople.
1° Edesse, entre domination
byzantine et musulmane – Le fondateur du comté d’Edesse fut Baudouin de
Boulogne, qui fut appelé au secours par l’Arménien Tôros, le duc de
la ville. En février 1098, ce dernier, sans héritier mâle, décida d’adopter
Baudouin. Le duc Arménien fut cependant assassiné par les habitants de la
ville en mars 1098, ce qui ne déplut pas Baudouin de Boulogne.
Au fil du temps, les
comtes d’Edesse tentèrent de s’étendre vers Mossoul et Alep. Cette politique
connut un certain succès, mais assez limité dans le temps et l’espace.
Le comté dut toutefois affronter des
temps de crise, ses dirigeants se faisant capturer par les musulmans : suite
à la bataille de Harrân, en 1104, le comte Baudouin de Bourcq (qui
régna de 1100 à 1118.), neveu de Baudouin de Boulogne, fut fait prisonnier,
de 1104 à 1108. Le troisième comte d’Edesse, Jocelin I°, fut lui aussi
emprisonné quelques mois en 1122.
La menace venait à l’époque de la dynastie
turque des Zengides, qui étaient maîtres de la Syrie intérieure et de la
Mésopotamie du nord. Ces deniers s’emparèrent d’Edesse en 1144 (en 1146, le
comte Jocelin II tenta de reprendre la ville, sans succès[1].).
Les restes du comté, après une
brève domination byzantine, de 1150 à 1151, furent reconquis par les
différents Etats turcs de la région.
Le comté d’Edesse fut donc le
premier Etat franc à être crée, et le premier Etat franc à être tombé
(éloigné de la côte, il était en effet très proche des territoires musulmans.).
2° Tentative de
gouvernement et d’administration franco indigène – Le comté d’Edesse fut
constitué grâce au concours actif des seigneurs arméniens de la région,
menacés par les Turcs.
Mais les ichkhans (les
seigneurs arméniens.), ne comprenaient pas les contraintes du système
féodo-vassalique, et se retrouvèrent souvent en rupture de contrat. C’est
pour cela que les comtes punirent quelquefois ces derniers : en 1098, la
noblesse arménienne fut exclue du condominium d'Edesse ; et de 1112 à 1116,
les autonomies arméniennes furent rayées du comté.
Le dernier comte d’Edesse,
Jocelin II, tenta de réactiver l’ancien réseau des seigneuries arméniennes
suite à la chute de la ville en 1144, mais ce fut un échec.
Toutefois, des arméniens
participèrent à la haute administration de la ville, ainsi qu’à la défense
du comté (les contingents des comtes étaient complétés en cavalerie lourde
par les ichkhans.).
3° Une société à
trois catégories – Première catégorie, les Francs. Ce furent eux qui
imposèrent un nouveau régime politique à Edesse, ainsi que le système
féodal. La cour du comte connaissait alors une forte influence byzantine et
arménienne (il s’habillait comme les indigènes, portait la barbe à
l’orientale, frappait monnaie à légende byzantine, etc.)
Les seigneurs arméniens étaient
au second rang derrière les seigneurs francs, à cause des conflits qui les
avaient opposés. Par contre, sous la domination musulmane, les ichkhans
étaient autonomes ; sous la domination byzantine, ils étaient considérés
comme des officiers, chargés d’encadrer les populations indigènes.
Dernière catégorie, les indigènes syriaques.
Ces derniers vivaient grâce au commerce (qu’il faisaient avec les chrétiens
comme avec les musulmans.), et étaient encadrés par une élite de patriciens[2].
Les indigènes étaient des chrétiens monophysites, dont le patriarche
résidait dans le comté. Ces derniers n’avaient pas de pouvoir politique, et
s’entendaient bien avec le pouvoir franc, qui arbitrait les querelles
religieuses.
Le comté d’Edesse, il faut le
rappeler, fut le seul à avoir tenté de réaliser une synthèse franco
indigène.
[1]
Pour plus de renseignements sur l’attaque menée par Jocelin II,
reportez vous au 1, section II, chapitre premier, les croisades
et la colonisation franque en Orient.
[2]
A Rome, les patriciens étaient ceux qui, par naissance,
appartenaient à la classe supérieure des citoyens romains. Par la
suite, ce terme fut employé pour désigner les nobles ou
aristocrates.