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Les croisades (1095 - 1270) et la colonisation franque en Orient


CHAPITRE DEUXIÈME : La colonisation franque en Orient


III : Le comté de Tripoli (1109 – 1289)

            

            Le comté de Tripoli fut le dernier État latin à voir le jour. En effet, il ne fut conquis qu’en 1109. La colonisation de cet région fut préparée par les contacts qu’eurent les comtes de Toulouse avec les musulmans (soit avec leur esclaves sarrasins, soit lors de la reconquête de la péninsule ibérique, en 1085.). De cette manière, l’implantation franque au Liban fut un succès. 

Le comté de Tripoli et les autres États de Terre Sainte.

 

            1° Formation territoriale du comté de Tripoli – Le comté était établi sur une bande s’étirant le long de la mer, et possédait deux ports très actifs (Tripoli et Tortose.). Les comtes communiquèrent avec les musulmans par la plaine de la Bouqeia. Comme le comté était peu agricole, ses dirigeants décidèrent de faire du commerce avec les Turcs.

Les comtes de Tripoli voulurent aussi étendre le comté vers l’Est, mais échouèrent (ils ne parvinrent pas à prendre Homs.).

 

            Le premier comte de Tripoli, Raymond IV de Saint Gilles était un des plus puissants seigneurs d’Occident (il détenait treize comtés en Provence et en Languedoc, et était un héros de la reconquista espagnole.).

Evincé par les barons francs d’Antioche et de Jérusalem, Raymond IV décida de conquérir lui même son comté, de 1102 à 1105. C’est pour cela qu’il décida de reconnaître la suzeraineté de l’Empereur de Constantinople.

A la mort de Raymond IV, un conflit opposa son fils, Bertrand (qui n’avait pas participé à la croisade.) à Guillaume Jourdain, neveu de Raymond IV. Le roi de Jérusalem mit fin à la querelle en partageant l’héritage en deux : Bertrand reçut Tripoli, Guillaume Jourdain reçut Tortose. En 1110, lorsque ce dernier mourut, Bertrand devint le seul comte de Tripoli (il régna de 1109 à 1113.).

Le fils de Bertrand, Pons, épousa Cécile, fille du roi de France Philippe I°. Puis, lors de la deuxième croisade, en 1148, le comté de Tripoli fut revendiqué par l’oncle de Pons, Alphonse Jourdain, comte de Toulouse. Mais ce dernier mourut sans être parvenu à ses fins.

A la mort de Pons, Raymond II monta sur le trône (de 1137 à 1152.), puis vint Raymond III (de 1152 à 1187.). Ce dernier, connaissant bien le monde musulman, parvint à négocier une trêve avec Saladin en 1187, afin d’épargner son comté.

Lorsqu’il mourut, il ne laissait pas d’héritier mâle, et le pouvoir fut donc transmis au prince Bohémond III d’Antioche. La période dite toulousaine du comté de Tripoli prit alors fin. Le comté de Tripoli ne connut pas de graves problèmes extérieurs, jusqu’à ce que les mamelouks d’Egypte s’en emparent, en 1289.

 

            2° La politique extérieure du comté de Tripoli – Le comté fut constitué aux dépends de la principauté des Bamû Ammar (les anciens princes de Tripoli.) et des émirs de Homs (qui étaient favorables aux fatimides.).

Comme les tripolitains ne parvinrent pas à battre les musulmans de la ville de Homs, ils décidèrent de s’en faire des alliés. Ainsi naquit une complémentarité économique entre les deux peuples : le comté prêtait ses ports aux musulmans, ses derniers lui donnaient en retour des produits agricoles.   

La cœxistence fut positive car la trêve fut longue, mais fut parfois rompue (coups de force de Zengi en 1137 et de Saladin en 1188.).

 

            Suite à la première croisade, comme nous l’avons vu, Raymond IV de Saint Gilles fut évincé des négociations. Il décida alors de reconnaître l’Empereur byzantin comme son suzerain, et put ainsi se forger un comté. Par la suite, le comté de Tripoli eut toujours de bonnes relations avec Byzance : par exemple, en 1137, il participa à la campagne menée par les Comnènes. En échange, l’Empire accepta de leur fournir un aide permanente en approvisionnement et en équipement (les Byzantins acheminaient les biens en passant par le duché de Chypre, qui leur appartenait.).

Seule ombre au tableau : Manuel Comnène avait annoncé à Raymond III son intention d’épouser sa sœur Mélisende. Lorsqu’il y renonça, le comte lança en 1163 un raid maritime contre les Byzantins.

 

            Les relations avec les Francs des autres Etats étaient bien moins cordiales. Tripoli était théoriquement vassale de Jérusalem et d’Antioche, mais en réalité les comtes de la ville étaient indépendants.

 

            3° Les institutions du comté de Tripoli – Le comté était basé sur des institutions traditionnelles. Le système de primogéniture (le pouvoir passe au premier des enfants du souverain.) fonctionna jusqu’à la mort de Raymond III. Le chancelier rédigeait les chartes, les forces militaires étaient confiées au connétable (mais ils furent parfois plusieurs.).

Ces forces militaires étaient d’ailleurs d’un effectif modeste, comptabilisant environ 300 cavaliers et 3 000 soldats. Ces effectifs étaient parfois complétés par les moines des ordres religieux militaires (templiers et hospitaliers.), qui gardaient les forteresses (comme le Krak des chevaliers.). En outre, l’on faisait aussi appel aux archers maronites, qui se déplaçaient à pied ou à cheval.

 

            La cour de justice de Tripoli était présidée par un vicomte, et formée par les bourgeois de la ville. Elle avait comme but d’exercer le pouvoir comtal, ainsi que de donner son assentiment à toute aliénation[1] de domaine (c’est la cour de justice qui autorisa la cession du Krak des chevaliers aux hospitaliers.).

 

            4° La société du comté de Tripoli – La noblesse franque côtoyait à Tripoli la bourgeoisie locale. Ces derniers s’enrichirent peu à peu en faisant du commerce avec les républiques maritimes d’Italie (le commerce entre Orient et Occident était alors en pleine expansion.).

Les seigneurs indigènes, chrétiens maronites, avait souvent le titre de raïs ou de mukaddam, car ils étaient à la tête d’une communauté. Ils furent souvent intégrés à la hiérarchie féodale, mais toujours à un échelon inférieur.

Les indigènes, quant à eux, étaient d’origine différente. Au sein du comté de Tripoli, l’on comptait des chrétiens maronites, jacobites et nestoriens ; des musulmans sunnites ou chiites, des Druses (dérivés de l’islam chiite.), des juifs (surtout à Gibelet, où ils jouaient un rôle commercial très important.), etc.

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[1] Une aliénation est une transmission qu’une personne fait d’une propriété ou d’un droit, à titre gratuit ou onéreux.

  

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