Le comté de Tripoli et les autres États de
Terre Sainte.
1° Formation
territoriale du comté de Tripoli – Le comté était établi sur une bande
s’étirant le long de la mer, et possédait deux ports très actifs (Tripoli et
Tortose.). Les comtes communiquèrent avec les musulmans par la plaine de la
Bouqeia. Comme le comté était peu agricole, ses dirigeants décidèrent
de faire du commerce avec les Turcs.
Les comtes de Tripoli voulurent
aussi étendre le comté vers l’Est, mais échouèrent (ils ne parvinrent pas à
prendre Homs.).
Le premier comte de
Tripoli, Raymond IV de Saint Gilles était un des plus puissants seigneurs
d’Occident (il détenait treize comtés en Provence et en Languedoc, et était
un héros de la reconquista espagnole.).
Evincé par les barons francs
d’Antioche et de Jérusalem, Raymond IV décida de conquérir lui même son
comté, de 1102 à 1105. C’est pour cela qu’il décida de reconnaître la
suzeraineté de l’Empereur de Constantinople.
A la mort de Raymond IV, un
conflit opposa son fils, Bertrand (qui n’avait pas participé à la
croisade.) à Guillaume Jourdain, neveu de Raymond IV. Le roi de
Jérusalem mit fin à la querelle en partageant l’héritage en deux : Bertrand
reçut Tripoli, Guillaume Jourdain reçut Tortose. En 1110, lorsque ce dernier
mourut, Bertrand devint le seul comte de Tripoli (il régna de 1109 à 1113.).
Le fils de Bertrand, Pons,
épousa Cécile, fille du roi de France Philippe I°. Puis, lors de la deuxième
croisade, en 1148, le comté de Tripoli fut revendiqué par l’oncle de Pons,
Alphonse Jourdain, comte de Toulouse. Mais ce dernier mourut sans
être parvenu à ses fins.
A la mort de Pons, Raymond II
monta sur le trône (de 1137 à 1152.), puis vint Raymond III (de 1152 à
1187.). Ce dernier, connaissant bien le monde musulman, parvint à négocier
une trêve avec Saladin en 1187, afin d’épargner son comté.
Lorsqu’il mourut, il ne laissait
pas d’héritier mâle, et le pouvoir fut donc transmis au prince Bohémond III
d’Antioche. La période dite toulousaine du comté de Tripoli prit
alors fin. Le comté de Tripoli ne connut pas de graves problèmes extérieurs,
jusqu’à ce que les mamelouks d’Egypte s’en emparent, en 1289.
2° La politique
extérieure du comté de Tripoli – Le comté fut constitué aux dépends de
la principauté des Bamû Ammar (les anciens princes de Tripoli.) et
des émirs de Homs (qui étaient favorables aux fatimides.).
Comme les tripolitains ne
parvinrent pas à battre les musulmans de la ville de Homs, ils décidèrent de
s’en faire des alliés. Ainsi naquit une complémentarité économique entre les
deux peuples : le comté prêtait ses ports aux musulmans, ses derniers lui
donnaient en retour des produits agricoles.
La cœxistence fut positive car la
trêve fut longue, mais fut parfois rompue (coups de force de Zengi en 1137
et de Saladin en 1188.).
Suite à la première
croisade, comme nous l’avons vu, Raymond IV de Saint Gilles fut évincé des
négociations. Il décida alors de reconnaître l’Empereur byzantin comme son
suzerain, et put ainsi se forger un comté. Par la suite, le comté de Tripoli
eut toujours de bonnes relations avec Byzance : par exemple, en 1137, il
participa à la campagne menée par les Comnènes. En échange, l’Empire accepta
de leur fournir un aide permanente en approvisionnement et en équipement
(les Byzantins acheminaient les biens en passant par le duché de Chypre, qui
leur appartenait.).
Seule ombre au tableau : Manuel
Comnène avait annoncé à Raymond III son intention d’épouser sa sœur Mélisende. Lorsqu’il y renonça, le comte lança en 1163 un raid maritime
contre les Byzantins.
Les relations avec
les Francs des autres Etats étaient bien moins cordiales. Tripoli était
théoriquement vassale de Jérusalem et d’Antioche, mais en réalité les comtes
de la ville étaient indépendants.
3° Les
institutions du comté de Tripoli – Le comté était basé sur des
institutions traditionnelles. Le système de primogéniture (le pouvoir passe
au premier des enfants du souverain.) fonctionna jusqu’à la mort de Raymond
III. Le chancelier rédigeait les chartes, les forces militaires
étaient confiées au connétable (mais ils furent parfois plusieurs.).
Ces forces militaires étaient
d’ailleurs d’un effectif modeste, comptabilisant environ 300 cavaliers et
3 000 soldats. Ces effectifs étaient parfois complétés par les moines des
ordres religieux militaires (templiers et hospitaliers.), qui gardaient les
forteresses (comme le Krak des chevaliers.). En outre, l’on faisait
aussi appel aux archers maronites, qui se déplaçaient à pied ou à cheval.