1° Présentation des défenseurs et inventeurs du Jura
– Nombre d’hypothèses historiques présentées comme révolutionnaires sont le
fait de personnes dont les compétences peuvent présenter de telles lacunes
que leurs prétendues découvertes sont illusoires. L’argument a beaucoup
servi et pas toujours à tort. Il convient donc de préciser les titres et
compétences des principaux inventeurs et défenseurs du site du Jura.
André Berthier
(1907/2000) Issu de l’école
des Chartes. Archiviste-paléographe et correspondant de l’Institut de
France, directeur de la circonscription archéologique de Constantine et
conservateur en chef des Archives Nationales (Paris). Officier de la Légion
d’Honneur, titulaire de la Médaille Militaire, Commandeur de l’ordre
National du Mérite et Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres. On lui doit
la localisation de la ville de Cirta (guerre de Jugurtha), la découverte et
la description complète de la ville romaine de Tiddis (éditée chez de
Boccard - Paris - 2000 - 496 pages), la modification de l’emplacement du
site d’Avaricum, enfin le renouvellement complet de la question d’Alésia. Il
se consacra à cette recherche à partir de 1962. Son ouvrage de référence sur
ce sujet est :
Alésia
- Les Nouvelles Editions Latines - 1990 - 320 pages - En collaboration avec
A. Wartelle.
André Wartelle
(1930-2001) Docteur es lettres, docteur en études grecques, maître ès arts
de la Faculté libre des Lettres, diplômé de grec biblique. Bibliothécaire de
l’Association des études grecques, Doyen de la Faculté des lettres de
l’Institut catholique de Paris, membre du Conseil d’Administration de
l’Association Guillaume Budé, lauréat de l’Académie française.
– Elle prend l’exact contre-pied de celle appliquée à Alise-Sainte-Reine. Au
lieu de partir d’un site sur des apparences non vérifiées, elle part de
tous les textes qui nous sont parvenus sur le sujet. Ils ne se limitent
pas à César et leur nombre, leur variété et la qualité reconnue de certains
permettent des recoupements historiques et géographiques très sûrs.
Cette méthode permit d’établir la liste des critères que doit
obligatoirement présenter le site de l’Alésia antique. Elle a entre autres
deux avantages : d’une part elle limite les risques de fausses pistes prises
à partir d’éléments incomplets ; d’autre part elle évite que des
informations négligées au départ ne réapparaissent par la suite, obligeant
soit à des « arrangements » soit tout simplement à l’abandon du site retenu
après des années de travail inutile. Ce sont justement les écueils
rencontrés à Alise-Sainte-Reine.
a) Les
caractéristiques géographiques : un site conforme aux descriptions
antiques : au contraire d’Alise-Sainte-Reine, ce site présente des
caractéristiques géographiques qui correspondent étroitement aux
descriptions des lieux faites par les différents auteurs anciens ayant
traité du siège d’Alésia. Le tableau de la page suivante (dont les critères
sont identiques à celui de la page 13) résume la comparaison entre le site
du Jura et ces éléments descriptifs. Les ressemblances sont évidentes et le
site demandait à ce seul titre un examen plus précis (pour la comparaison
des deux sites voir l’annexe V page 40).
Géographie d’Alesia selon les textes |
Géographie de Chaux, Crans, Syam |
A
proximité de la Province Romaine |
Sa porte
d’entrée, Genève, est à 60 km |
Barrant
le passage et imposant un siège |
La seule
route passe au milieu même du site |
A 15 km
d’une plaine (1er combat) |
Identifiée, avec la butte où se joua la victoire |
Sur une
hauteur élevée |
851 m –
Domine les environs de 250 m à pic |
Cernée à
son pied même par deux rivières |
2
rivières collées contre les parois de l’oppidum (forteresse) |
Autour,
des collines très rapprochées |
Collines
à 150, 250 m – Défilés |
Des
pentes abruptes |
Paysage
de petite montagne (le Jura) |
Devant,
une plaine de 4,5 km de long enclavée par des collines |
Présente,
avec toutes ses caractéristiques |
Au Nord,
une colline imposante. Vers le sommet un camp romain placé de façon
décisive |
Au Nord,
une colline y est particulièrement remarquable et comporte des
traces de puissants retranchements |
Des
escarpements escaladés par les Gaulois pour attaquer ce camp |
Facilement identifiables |
De
formidables remparts jugés très anciens dès l’Antiquité |
Six
kilomètres de murs cyclopéens |
Un
périmètre de l’ordre de 15 km |
Un
périmètre de l’ordre de 15 km |
Abritant
en plus de ses habitants 90 000 hommes, 15 000 chevaux, du bétail,
des provisions, des prés… Manœuvres possibles. |
1 000 à 1
200 ha, des prés, une ville, une citadelle, des routes et des
chemins pour circuler… |
D’importantes ressources en eau |
Nombreuses sources, eau abondante |
Le relief
naturel limite de beaucoup la dimension des retranchements romains. |
Nombreuses crêtes quasi imprenables avec des retranchements de
faible importance |
b)
Les caractéristiques militaires :
- Aspects stratégiques : en retraite après Gergovie, César rejoint la partie
de ses troupes qui revenait de Lutèce et attend le renfort de cavaliers
germains, d’où, entre autres raisons, sa position au nord-est de la Gaule. Il veut en regagner le
sud déjà romanisé (la
Provincia)
pour refaire ses forces. Pour l’atteindre, toutes les routes habituelles
sont soit impraticables à une armée, soit en pays hostile chez les Helvètes,
soit coupées par les Gaulois révoltés. La plus courte et la plus sûre,
croit-il, passe par Genève, chez ses alliés Allobroges. Ce passage par le
Jura traverse par son milieu la forteresse même de Chaux, Crans et
Syam, ce qui obligera César, surpris, à en faire le siège.

Le parcours de César, de Langres à Genève.
le site présente de nombreuses traces très visibles de travaux de
terrassement correspondant étroi-tement aux descriptions antiques des lieux
et des combats : retranchements aux dimensions annoncées, bases de tours,
plates-formes d’armes de jet (catapultes…), pièges contre les fantassins,
camps retranchés aux endroits et dans les conditions indiquées par les
textes etc.
Voir le schéma ci-dessous (B. Gay - Le nord est en bas - Retranchements
puissants en plaine, légers eu haut des défilés) et la carte en annexe VI.
Sur six km de tour, le site présente des restes importants de tels murs
formés de pierres taillées de plus d’une tonne et tantôt hauts de plusieurs
mètres, tantôt réduits à leurs fondations ;
De très nombreux lieux de culte celtes ont été mis en évidence.
d)
Commentaire sur les aspects géographiques et militaires du site du Jura :
des fouilles étaient nécessaires pour confirmer ou infirmer que ce site fût
celui de l’Alésia antique. Seul ce procédé parfaitement classique, ordinaire
en archéologie et pratiqué par A. Berthier pendant des dizaines d’années
devait permettre de trancher. Il semblait que l’importance et des éléments
déjà mis en évidence et de l’épisode historique en cause justifiaient
d’entreprendre cette vérification. Saisie de cette demande de fouille, la
direction de l’archéologie la refusa. Il fallut les interventions
personnelles de trois Ministres de la Culture, MM. Malraux, Michelet et
Duhamel pour qu’enfin l’administration permette contre sa volonté
l’exécution non de fouilles réelles mais de quelques sondages limités.
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