III :
La maison de Franconie jusqu’à la querelle des investitures
(1024 – 1056)
1° Conrad II (1024 –
1039), sa politique en Germanie – Le trône de Germanie étant vacant
depuis la mort de Henri II, les barons et prélats allemands y placèrent un
seigneur de Franconie, Conrad, dit le Salique, car il
prétendait descendre des Francs saliens (il était cousin de Henri II.).
- Politique intérieure de Conrad
II : La situation de
Conrad II n’était pas exceptionnelle : son père, simple comte franconien, ne
lui avait transmis en héritage que quelques domaines sur les bords du Rhin.
Conrad avait aussi épousé Gisèle, fille aînée d’un comte de Souabe.
Cependant, ce mariage avait beau être brillant, il laissait Conrad bien en
dessous des puissants ducs allemands.
Conrad II, malgré sa faiblesse,
avait une poigne de fer, et trouva un moyen de lutter contre les grands
barons : ses prédécesseurs avaient opposé la noblesse ecclésiastique à la
noblesse laïque ; il opposa la petite noblesse à la haute noblesse.
Conrad II rattacha ainsi au trône
de nombreux petits seigneurs ou de simples chevaliers, ce qui lui permit
ainsi de lutter contre les grands vassaux. Cependant, cette politique eut
comme effet à long terme d’achever de faire sombrer l’Allemagne dans
l’émiettement féodal.
- Politique extérieure de Conrad
II (sauf l’Italie) :
La politique extérieure de Conrad II fut plutôt une réussite, si l’on
excepte les problèmes qu’il rencontra en Italie.
De 1028 à 1031, il lutta contre
les Slaves et les Polonais, et réussit à les battre, là où son cousin Henri
II avait échoué.
En 1032, le roi de Bourgogne
Rodolphe III mourut, sans laisser d’héritiers. L’Empereur, profitant de la
faiblesse du roi de France Henri I°, s’empara de ces Etats. Il fit alors main
basse sur un territoire qui comprenait la Suisse occidentale, la Franche
Comté, la vallée de la Saône et du Rhône jusqu’à la méditerranéen. Conrad II
acquérait ainsi les royaumes de Bourgogne et d’Arles.
- Politique extérieur de
Conrad II (l’Italie) : Ce fut sous le règne de Conrad II que débuta le
conflit entre l’Empire et la papauté.
Le roi de Germanie, tout comme
ses prédécesseurs, voulut avoir la main mise sur l’Italie. Il avait des
alliés dans ce pays : Rome lui était acquise par le jeune pape, Benoît IX,
qui était son protégé ; le reste de l’Italie par l’archevêque de Milan,
Héribert, qu’on appelait le prêtre roi de l’Italie.
Conrad II fit en 1026 – 1027 un
premier voyage dans ce pays afin de s’y faire couronner. Il se rendit alors
compte de l’antipathie qu’avaient les Italiens vis à vis des Germains :
Pavie lui ayant fermé ses portes,
le roi décida de saccager les campagnes, détruisant les routes, incendiant
les moissons, arrachant les vignes, etc. Puis, une fois rendu à Ravenne, une
rixe éclata, et l’affrontement fut particulièrement sanglant. A Rome même,
une querelle particulièrement violente eut lieu, le jour même du sacre.
En 1036, Conrad II
fit un nouveau voyage en Italie, où les problèmes furent pires encore.
Dans une diète solennelle tenue
à Pavie, Héribert critiqua la politique tenue par l’Empereur en Allemagne,
qui consistait à opposer grande et petite noblesse.
Il fut jeté en prison par les
soldats allemands qui se trouvaient là, et ainsi commença la révolte contre
le César étranger.
L’archevêque de Milan parvint à
sortir de prison et rentra à Milan en triomphe. Conrad II, à cette nouvelle,
accourut aussitôt, et fit mettre le siège devant la ville. Cependant, il dut
abandonner, voyant que la ville tenait bon.
En partant, l’Empereur fit
quelques saccages, mais donna aussi à l’Italie une constitution nouvelle, la
Constitution de Pavie : ainsi, il enlevait aux grands vassaux la
fidélité de leurs vassaux et arrière-vassaux, laïques et clercs, pour les
rattacher directement à l’Empereur.
Conrad II espérait détacher la
petite noblesse d’Italie de la cause des grands seigneurs, comme ce fut le
cas en Germanie. Cependant, cette constitution n’eut comme conséquence que
d’augmenter dans la péninsule le morcellement déjà considérable (comme ce
fut le cas en Allemagne.).
Conrad, rentré malade de son
expédition en Italie, mourut peu de temps après.
2° Henri III
(1039 – 1056) – Henri III, surnommé le Noir à cause de la couleur
de sa barbe, n’avait que 22 ans à la mort de son père. Cependant, comme il
avait été investi auparavant des duchés de Bavière et de Souabe, ainsi que
du royaume de Bourgogne, il avait donc déjà une certaine expérience
lorsqu’il fut couronné.
Portrait de Henri III le Noir, miniature de 1040.
La Germanie et l’Italie
reconnurent son autorité dès qu’il fut sacré roi, et l’archevêque de Milan,
Héribert, vint sur les bords du Rhin lui prêter hommage.
- Guerres de Henri III :
Henri III livra deux importants conflits, l’un contre la Pologne, l’autre
contre la Hongrie.
Un prince de Bohême,
Brétislas, avait chassé de Pologne le roi Casimir, qui s’était
réfugié à la cour de Henri III. En regroupant autour de lui toutes les
populations slaves, Brétislas cherchait à créer un royaume puissant, qui lui
permettrait de secouer le joug de l’Empereur.
Henri III, connaissant les
objectifs du prince de Bohême, le somma de quitter la Pologne. Mais
Brétislas choisit d’en découdre, car il savait que son armée était
puissante. Cependant, il fut trahi par ses vassaux, et les Germains
pénétrèrent alors en Bohême, parvenant jusqu’à Prague.
En 1041, il décida alors de faire
amende honorable auprès du jeune roi, venant à Ratisbonne pieds nus, en
costume de pénitent. Casimir remonta ensuite sur son trône.
Après la Pologne, ce
fut au tour de la Hongrie. Le roi de Pologne, Saint Etienne, avait eu
comme successeur son neveu Pierre, chrétien comme son oncle.
C’est alors qu’eut lieu une
réaction païenne et hostile à l’étranger, menée par un noble hongrois,
Samuel Aba, beau frère de Saint Etienne. Il renversa alors le roi
Pierre, menaçant les frontières de la Germanie.
Henri III ne pouvait rester sans
rien faire. En 1042, une première expédition fut menée, au cours de laquelle
Samuel fut vaincu, dut payer une forte indemnité et perdit un large
territoire sur les bords de la Leitha, avec lequel fut réorganisée la
marche d’Autriche.
En 1044, le roi de Germanie
organisa une seconde expédition, à l’issue de laquelle Samuel fut chassé du
trône et Pierre rétabli.
- Henri III et la papauté :
Une fois de plus, tout comme ses prédécesseurs, le roi de Germanie voulut
imposer sa supériorité à l’Italie.
En Allemagne, Henri III nommait
de son plein gré évêques et abbés, mettant complètement la main sur l’Eglise.
Les papes, à Rome, étaient
totalement impuissants. L’Eglise était en effet divisée par un schisme, et
trois papes se disputaient le pouvoir : Benoît IX, Sylvestre III,
Grégoire
VI.
Il faut remonter quelques années
en arrière pour bien comprendre le problème : en 1033, Conrad II vendit au
comte de Tusculum la dignité papale pour son fils, âgé de douze ans, qui
prit le nom de Benoît IX.
Les Romains n’étant pas satisfait
de ce pape, ils le chassèrent en 1044 et le remplacèrent par Sylvestre III.
Benoît IX, de son côté, préféra
abandonner sa fonction de pape, et la vendit à l’archiprêtre Jean Gratien,
qui prit le nom de Grégoire VI. Ce dernier, voyant que Rome était agitée par
des bandes de voleurs, leva une armée et les chassa de la ville. Cependant, les
romains trouvèrent scandaleux d’être dirigés par un pape guerrier.
Et pour augmenter la confusion,
Benoît IX revint sur sa promesse, et reprit son rôle de pape.
Henri III arriva à
Rome en ces moments troublés. Au concile de Sutri, près de Rome, en 1046, il
fit déposer les trois rivaux et élire un Allemand, le comte de Morsleben,
qui prit le nom de Clément II.
Le nouveau pape permit à
l’Empereur de présider au choix du souverain pontife et de l’installer.
Henri III, ayant le pouvoir d’élire les papes, devenait alors le maître de
la papauté. D’ailleurs, à la mort de Clément II, il fit élire successivement
trois papes venant de Germanie : Damase II, Léon IX et Victor II.
L’Empereur mourut en 1056.
Si Rome ne se rebella pas pendant
son règne, la ville redressa la tête à sa mort. La lutte entre l’Empire et
la papauté, qui débuta sous Conrad II, atteignit son apogée sous Henri IV.