1° La constitution du nouveau
gouvernement (octobre 1840) –
Adolphe Thiers
et ses ministres ayant présenté leur démission en octobre 1840, Louis
Philippe I° décida de se rapprocher de
François Guizot
et du maréchal
Nicolas Jean de Dieu Soult.
Le roi Louis Philippe I°, par WINTERHALTER, 1841, château de
Versailles, Versailles.
Le
roi des Français, s’étant rapproché du centre-gauche lors du second
ministère Thiers, avait ainsi décidé de se rapprocher du centre-droit.
Guizot, alors ambassadeur de France en Grande Bretagne, quitta Londres à la
fin octobre 1840, et arriva rapidement dans la capitale. Se rendant auprès
de Louis Philippe, Guizot décida alors de céder la charge de premier
ministre à Soult, restant en réalité l’homme fort du nouveau gouvernement.
Ainsi, Guizot récupéra le portefeuille des Affaires étrangères ; Soult,
outre son poste de premier ministre, reçut le ministère de la Guerre.
François Guizot, par Honoré DAUMIER, 1833, musée d'Orsay,
Paris (à gauche) ; le maréchal Nicolas Jean de Dieu Soult, illustration issue de
l'ouvrage Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps, par
François GUIZOT (à droite).
Par ailleurs, le comte Charles Marie
Tanneguy Duchâtel
fut nommé ministre de l’Intérieur ;
Georges Humann
reçut les Finances ; Abel François
Villemain
eut l’Instruction publique.
Charles Marie Tanneguy Duchâtel.
Enfin, Nicolas Ferdinand Marie Louis Joseph Martin (dit Martin du
Nord.), fut nommé ministre de la Justice ;
Laurent Cunin (dit Cunin-Gridaine.),
reçut le portefeuille de l’Agriculture et du Commerce ; l’amiral Victor
Guy Duperréfut nommé ministre
de la Marine et des Colonies ;
et Jean-Baptiste Teste reçut les Travaux publics.
Cunin-Gridaine et l'amiral Duperré.
Le
nouveau ministre était composé d’hommes ayant l’expérience du pouvoir.
Ainsi, Soult avait été deux fois chef de gouvernement, par ailleurs, tous
les ministres avaient déjà exercé leurs fonctions lors d’un précédent
ministère.
A
noter qu’à l’origine, Guizot avait invité
Hippolyte Philibert Passy
et Jules Armand Stanislas Dufaure (deux personnalité de centre-gauche
qui été ministres lors du second ministère Soult.) à participer à ce nouveau
gouvernement. Mais les deux hommes, soucieux de se réconcilier avec Thiers,
décidèrent de décliner cette offre.
Ainsi, les membres du nouveau gouvernement formaient un groupe relativement
homogène, étant tous du même bord : ainsi, Tanneguy Duchâtel et Humann,
proches des doctrinaires, étaient des amis de Guizot ; Villemain, Martine du
Nord, Cunin-Gridaine et Duperré étaient des proches de
Louis Mathieu Molé
; enfin, Teste était un ami de Soult.
Ce
nouveau gouvernement, prévu pour durer quelques mois, eut toutefois une
longévité exceptionnelle, car il fut le plus long du règne de Louis
Philippe. Ainsi, le troisième ministère Soult parvint à se maintenir au
pouvoir pendant près de sept années.
Les Tuileries et le pont Royal, par Arthur Henry ROBERTS, 1843, musée
Carnavalet, Paris.
2° Les réformes du ministère Soult – Guizot suite à la
constitution du troisième ministère Soult, se trouvait face à une Chambre
des députés divisée en plusieurs courants.
Ainsi, l’on retrouvait l’opposition dynastique, un mouvement
politique de gauche mais favorable à la monarchie constitutionnelle, dirigé
par Odilon Barrot ;
le centre-gauche, mené par Adolphe Thiers, était favorable à une
limitation des pouvoirs du roi ; enfin, le centre-droit (les doctrinaires.)
et la droite (les conservateurs.), partisans du gouvernement,
souhaitaient préserver le régime.
Odilon Barrot.
Guizot, refusant d’adopter le suffrage universel, annonça aussi qu’il ne
souhaitait pas abaisser le cens.
Pendant plusieurs années, le gouvernement ne fut pas contesté, grâce au
décollage économique qu’entraînèrent les débuts de la révolution
industrielle.
Ainsi, le pays connut une importante croissance économique (près de 3,5 %
par an.), qui entraîna une hausse du revenu et du pouvoir d’achat.
Conscient des conditions de vie des ouvriers, le gouvernement vota la
première loi sociale du régime : ainsi, le travail des enfants de moins de 8
ans fut interdit ; les enfants de 8 à 12 ans ne devaient pas travailler plus
de 12 heures par jour ; de douze à seize ans, la journée de 12 heures était
autorisée, à condition qu’elle soit entrecoupée de plusieurs temps de repos.
Les dures conditions des enfants mineurs
du XIX° siècle.
A
noter que les ouvriers adultes, à cette époque, travaillaient 14 heures par
jour (rappelons que les syndicats et le droit de grève étaient interdits
depuis la Révolution française.).
Toutefois, en raison de l’augmentation du budget de l’armée (conquête de
l’Algérie et augmentation des effectifs.), le gouvernement fut contraint
d’augmenter les impôts, ce qui ne plut guère.
Ainsi, pendant l’été 1841, des troubles éclatèrent à Clermont Ferrand et à
Toulouse.
Le
11 juin 1842, profitant de l’essor de la production industrielle, la Chambre
des députés vota un décret organisant le réseau des chemins de fer (en 1840,
la France comptait à peine 434 kilomètres de voies ferrées contre plus de
2 000 en Angleterre.).
Toutefois, grâce à la spéculation boursière, Bruxelles, Rouen, Tours,
Bourges, le Mans, et Châteauroux furent reliés à Paris en l’espace de quatre
années.
A
noter qu’en juillet 1842, Ferdinand Philippe d’Orléans, fils aîné de
Louis Philippe, mourut accidentellement lors d’un accident de calèche. Le
nouvel héritier du roi des Français était donc désormais Philippe
d’Orléans, comte de Paris, le fils du défunt.
Le maréchal Soult présente à Louis-Philippe la loi de Régence, le 15
août 1842, par JACQUAND, milieu du XIX° siècle, château de
Versailles, Versailles.
3° Les premiers pas de l’entente cordiale – En octobre
1842 eurent lieu de nouvelles élections législatives. Toutefois, le vote des
électeurs ne fit que confirmer l’issue du précédent scrutin. Ainsi, le
gouvernement conservait la majorité, mais l’opposition obtenait le même
nombre de sièges.
a)
La visite de la reine Victoria à Paris (septembre 1843) : en juillet
1843, la reine d’Angleterre Victoria annonça qu’elle se rendrait sur
le continent afin de rendre visite à Louis Philippe (à noter que cette
dernière avait épousé Albert de Saxe-Cobourg-Gotha en février 1840.).
La reine Victoria, par
WINTERHALTER, milieu du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles (à
gauche) ; Albert de
Saxe-Cobourg-Gotha, milieu du XIX° siècle, musée du Louvre (à
droite).
La
jeune femme, née en mai 1819, était la fille d’Edouard Auguste, duc
de Kent et Strathearn.
En juin 1837, l’oncle de Victoria, le roi d’Angleterre Guillaume IV,
mourut d’un arrêt cardiaque.
Edouard Auguste, duc de Kent (à gauche),
et son frère aîné Georges IV, roi d'Angleterre (à droite).
Selon le concept de la primogéniture, la couronne devait revenir à un
descendant de Georges III, le père du défunt. Toutefois, les deux
fils aînés de Georges III étaient décédés (respectivement en 1830 et
1827.) ; Guillaume IV, le troisième, ne laissait pas d’héritiers ; enfin,
Edouard Auguste, père de Victoria, était mort en janvier 1820.
Ainsi, le trône revint à la jeune femme, nièce du défunt Guillaume IV.
Toutefois, en guise de compensation, il fut décidé de céder le royaume du
Hanovre à Ernest Auguste I°, cinquième fils de Georges III.
A
la fin août 1842, Victoria arriva en France, puis rendit visite à Louis
Philippe le 2 septembre.
Visite de la reine Victoria, septembre 1843, par Eugène ISABEY, musée de la
Marine, Paris.
Toutefois, cet évènement ne fut pas au goût d’Henri d’Artois, comte
de Chambord (surnommé Henri V par les légitimistes.), petit fils de
feu Charles X. Ce dernier, depuis sa résidence londonienne, s’insurgea que
la reine d’Angleterre se soit entretenue avec un « usurpateur. » Le 4
décembre, Henri V se rendit alors à Belgrave Square (le quartier des
ambassades, à Londres.), accompagné de ses proches. Manifestant son
mécontentement, le comte de Chambord n’obtint toutefois pas gain de cause
auprès des autorités britanniques.
Henri d'Artois, comte de Chambord,
par John Lewis BROWN, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
A
Paris, même si l’évènement n’avait été qu’une tempête dans un verre d’eau,
Louis Philippe et Guizot n’apprécièrent guère l’incident. En effet,
plusieurs députés légitimistes avaient participé à la réunion aux côtés
d’Henri V.
Arrivée de la reine Victoria au château
d'Eu, le 2 septembre 1843, par LAMI, milieu du XIX° siècle, château
de Versailles, Versailles.
Vivement attaqués, les élus incriminés finirent par donner leur démission à
la fin janvier 1844… mais ils ne tardèrent pas à être réélus.
b)
L’affaire Tahiti : en 1838, la reine
Pomare IV,
souveraine de Tahiti, avait accordé des avantages à la France (privilèges
économiques, développement du catholicisme, etc.). Plus tard, courant 1842,
les Français parvinrent à imposer un protectorat sur Tahiti.
Pomare IV, reine de Tahiti.
Toutefois, se trouvait sur la petite île un pasteur anglais du nom de
Pritchard, qui n’appréciait guère le développement du culte catholique.
Ce dernier se rapprocha donc de la reine Pomare, et incita les Tahitiens à
la révolte contre la France.
Toutefois, en mars 1844, les Français emprisonnèrent Pritchard, puis
l’expulsèrent de Tahiti.
En
Angleterre, les députés n’apprécièrent guère que la France se soit attaquée
à un sujet britannique, Pritchard, bien que missionnaire, étant aussi consul
d’Angleterre à Tahiti.
Louis Philippe, soucieux de préserver l’alliance anglaise, promit à la reine
Victoria qu’une indemnité serait versée à Pritchard (à noter que la somme ne
fut jamais payée.).
4° La crise de la monarchie – Les élections législatives,
qui se déroulèrent à la mi-octobre 1846, furent plutôt une réussite pour le
gouvernement. Ainsi, la Chambre des députés se fit plus conservatrice, au
grand dam des élus de l’opposition.
a)
La mauvaise récolte entraîne une crise économique (fin 1846 à printemps
1847) : en fin d’année 1846, de graves inondations frappèrent la vallée
de la Loire, et l’hiver fut particulièrement froid. Alors que la récolte de
blé pour 1847 était compromise, le prix du pain commença à augmenter
drastiquement dès le mois de janvier.
Louis Philippe, soucieux de mettre un terme à la disette qui frappait le
pays, décida alors d’importer du blé russe, ce sui rendit la balance
commerciale négative.
Malgré les efforts du gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat entraîna
une baisse de la consommation, qui entraîna à son tour une baisse d’activité
des industries.
Ainsi, alors que le taux de chômage ne cessait de grimper, plusieurs émeutes
se déclenchèrent en province.
b)
Une Chambre des députés plus hostile en temps de crise (printemps 1847 à
début 1848) : en mars 1847, un projet de réforme électoral fut
déposé à la chambre par les députés de l’opposition. Ainsi, le texte
prévoyait un abaissement du cens (afin d’augmenter le nombre d’électeurs.),
mais aussi de nommer certains électeurs selon leurs capacités (l’objectif
était de donner le droit de vote aux écrivains, intellectuels, etc.).
Mais le projet de loi, vivement critiqué par Guizot, fut finalement rejeté.
De
mars à juin 1847, la contestation populaire fut bientôt rejointe par une
contestation parlementaire. Ainsi, de nombreux députés, membres de la
bourgeoisie, s’inquiétaient de cette crise économique qui frappait le pays.
5° Remaniements ministériels au sein du ministère Soult –
Le troisième ministère Soult, bien qu’ayant été particulièrement durable,
connut quelques remaniements ministériels.
a)
Remaniements ponctuels : ainsi, suite au décès d’Humann (retrouvé
inanimé à sa table de travail en avril 1842.), le ministère des Finances fut
confié à Jean Pierre Joseph Lacave
Laplagne.
L’amiral Duperré, mis à la retraite en février 1843, fut alors remplacé par
l’amiral Albin Reine Roussin
(février à juillet 1843.), puis par le baron Ange René Armand de Mackau
(juillet 1843 à mai 1847.).
L'amiral Albin Reine Roussin.
Teste, soupçonné de malversation (il avait accepté un pot de vin de la part
du général Amédée Louis de Cubières,
qui souhaitait obtenir l’autorisation de creuser une mine de sel.), fut
remplacé par Pierre Sylvain Dumon en décembre 1843.
Villemain, frappé de crises de folie, fut limogé en décembre 1844, et son
portefeuille fut cédé au comte Narcisse
Achille de Salvandy.
Le comte de Salvandy.
Le
maréchal Soult, âgé, décida d’abandonner son portefeuille de ministre de la
Guerre en novembre 1845. Il fut ainsi remplacé par Alexandre Pierre
Moline de Saint-Yon (ce dernier conserva son poste jusqu’en mai 1847.).
Enfin, en mars 1847, le portefeuille de la Justice fut retiré à Martin du
Nord pour raison de santé. Ce dernier fut alors remplacé par Michel
Pierre Alexis Hébert, un avocat proche des doctrinaires.
b)
Le remaniement ministériel de mai 1847 : en mai 1847, Guizot, jugeant
que certains ministres étaient attaqués par les conservateurs à la Chambre
des députés, décida de procéder à un remaniement ministériel.
Ainsi, Guizot, Tanneguy Duchâtel, Hébert, Cunin-Gridaine et Salvandy
conservaient respectivement les Affaires étrangères, l’Intérieur, la
Justice, l’Agriculture, et l’Instruction Publique.
Dumon, recevant le portefeuille de Finances, cédait les Travaux publics à
Hippolyte Paul Jayr.
Enfin, Alexandre Pierre Moline de Saint-Yon cédait le ministère de la Guerre
au général Camille Alphonse
Trézel ;
le baron de Mackau cédait la Marine à
Louis Napoléon Lannes.
Mais en septembre 1847, Soult, se considérant trop âgé pour continuer à
exercer sa charge, décida de présenter sa démission à Louis Philippe.
Illumination de l'Hôtel de Ville pour la fête du roi, le 1er mai 1847,
par Auguste ROUX, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
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