1° La constitution du nouveau
gouvernement (mars 1835) – Le maréchal Adolphe Edouard Casimir Joseph
Mortier ayant présenté sa démission, Louis Philippe I° fut
contraint de trouver un nouveau premier ministre.
Buste de Louis Philippe, par James PRADIER, XIX° siècle, musée du Louvre,
Paris.
Toutefois, si les députés souhaitaient que le poste soit confié à un homme
fort, le roi des Français était hostile à cette idée. En effet, ce dernier
préférait conserver son ascendant sur les ministres, chose qui deviendrait
impossible si le nouveau premier ministre refusait d’être un homme de
paille.
Ainsi, dans un premier temps, Louis Philippe se rapprocha du maréchal
Nicolas Jean de Dieu Soult (maréchal de Napoléon et premier ministre
d’octobre 1832 à juillet 1834.), du général
Horace François Bastien Sebastiani
(ancien ministre de Louis Philippe.),
d’André Dupin (leader du Tiers parti.), et du maréchal
Maurice Etienne Gérard
(premier ministre entre juillet et novembre 1834.).
Le maréchal Soult, le général Sebastiani,
André Dupin, et Maurice Etienne Gérard.
Finalement, le roi des Français accepta de nommer Achille Léonce Victor
Charles, duc de Broglie,
au poste de premier ministre.
Victor, duc de Broglie.
Le
nouveau gouvernement fut sensiblement identique à celui du ministère
Mortier, à quelques exceptions près : le maréchal
Nicolas Joseph Maison
reçut le ministère de la Guerre, et le
duc de Broglie récupéra les Affaires étrangères (il évinça ainsi l’amiral
Marie Henri Daniel Gauthier, comte de Rigny,
qui resta au gouvernement mais sans portefeuille. Malade, ce dernier mourut
en novembre 1835.).
Nicolas Joseph Maison, XIX°
siècle, musée des Invalides, Paris (à gauche.) ; l'amiral de Rigny (à
droite.).
Le
reste des ministres, Adolphe Thiers,
Jean Charles Persil,
Georges Humann,
l’amiral Victor Guy Duperré,
François Pierre Guillaume Guizot,
et le comte Charles Marie Tanneguy
Duchâtel,
conservaient respectivement l’Intérieur, la Justice, les Finances, la
Marine, l’Instruction publique, et le Commerce.
Jean Charles Persil, l'amiral Duperré, et Charles Marie Tanneguy Duchâtel.
A
noter toutefois que l’objectif de Louis Philippe, en nommant premier
ministre le duc de Broglie, était "d’user" ce dernier, afin de s’en
débarrasser plus facilement.
Rappelons que c’est ainsi que le roi des Français avait réussi à
décrédibiliser les libéraux, lors du gouvernement de
Jacques Laffitte.
2° Les premières mesures du ministère Broglie (mars à mai
1835) – Une des premières décisions du nouveau premier ministre fut de
faire ratifier par la Chambre des députés le projet de loi visant à
indemniser les Etats Unis d’Amérique suite aux déprédations commises par les
corsaires français lors de la révolution et de l’Empire (ce texte, rejeté en
avril 1834, avait entraîné la démission de Broglie à son poste de ministre
des Affaires étrangères.).
Cette fois ci, le projet de loi fut accepté par les députés.
Quelques semaines plus tard, le 5 mai 1835, le procès des émeutiers d’avril
1834 s’ouvrit
au palais du Luxembourg.
Cette série de jugements fut l’occasion pour les républicains d’affirmer
leurs idées, mais les juges, particulièrement magnanimes, parvinrent à
éviter que de nouvelles émeutes éclatent : ainsi, sur les 2 000 prévenus,
seuls 150 d’entre eux furent inculpés ; en outre, aucune condamnation à mort
ne fut prononcée (les jugements se soldèrent par le bannissement, de courtes
peines de prison, ou bien la relaxe.).
Le Palais du Luxembourg,
Paris.
3° L’attentat de Fieschi (juillet 1835) – Depuis les
émeutes d’avril 1834, si les républicains avaient perdu beaucoup de leur
popularité, ces derniers restaient toujours virulents.
A
noter qu’ils ne jouaient plus qu’un maigre rôle politique, ayant effrayé les
électeurs (ces derniers, membres de la bourgeoisie, craignaient que la
capitale ne subisse des excès similaires à ceux qui s’étaient déroulés lors
de la Révolution française.).
a)
L’attentat de la rue du Temple : le 28 juillet 1835, en l’honneur du
cinquième anniversaire de la révolution de Juillet, Louis Philippe décida
d’organiser un défilé militaire dans les rues de Paris.
Le
roi de France, accompagné par ses fils, plusieurs ministres et de nombreux
maréchaux, avait refusé d’annuler la célébration malgré des rumeurs
d’attentats.
Toutefois, alors que le cortège défilait sur le boulevard du Temple, une
fusillade faucha plus d’une cinquantaine de personnes. Si Louis Philippe
(blessé au front.) et ses fils furent épargnés par l’attentat, le maréchal
Mortier
fut tué sur le coup, et de nombreux spectateurs furent fauchés par
l’explosion.
L'attentat de Fieschi, sur le boulevard du temple, le 28 juillet 1835,
attribué à Gabriel LEPAULLE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Rapidement, les auteurs de l’attentat furent arrêtés et emprisonnés. Les
trois prévenus étaient Giuseppe Fieschi, Pierre Morey et
Théodore Pépin.
Toutefois, si Morey et Pépin étaient deux républicains, Fieschi, au
contraire, n’était qu’un homme de main.
Tombe du maréchal Mortier, crypte des
Invalides, Paris.
b)
Fieschi, de la Grande armée à l’attentat de 1835 : Fieschi, né en
Corse en décembre 1790, s’était engagé dans la Grande armée en 1806.
Participant à plusieurs campagnes de Napoléon (Russie, Allemagne, France.),
Fieschi avait plus tard décidé de se mettre au service du maréchal
Joachim Murat, roi de Naples.
Toutefois, ce dernier fut vaincu par les Autrichiens lors de la bataille
de Tolentino, le 3 mai 1814 (perdant sa couronne, Murat fut fusillé peu
de temps après.).
Rentrant en Corse, Fieschi fut emprisonné pour malversations financières ;
puis, lors de l’avènement de Louis Philippe, il décida de se rendre à Paris
car le nouveau souverain réhabilitait les militaires écartés lors de la
restauration.
Epousant à nouveau une carrière militaire, Fieschi reçut le grade de
sergent. Toutefois, ce dernier fut à nouveau accusé de malversations
financières et se trouva chassé de l’armée.
Par la suite, Fieschi rencontra deux militants républicains, Pierre Morey et
Théodore Pépin. Ces derniers, hostiles à la monarchie de Juillet, conçurent
alors un projet d’attentat avec Fieschi (à noter que ce dernier n’était pas
particulièrement sensible aux idées républicaines, mais était avant tout
attiré par l’appât du gain.).
Fieschi conçut alors une machine infernale, constituée de 25 canons
de fusil juxtaposés.
La "machine infernale" de Fieschi, 1835,
musée des Archives nationales, Paris.
Lors du passage du cortège, dans lequel se trouvait Louis Philippe et ses
proches, Fieschi embrasa la poudre contenue dans les canons, mais comme il y
en avait une grosse quantité, le Corse fut lui-même blessé par sa machine.
c)
Les suites de l’attentat : Fieschi et ses complices, rapidement
arrêtés et emprisonnés, furent traduits en justice le 30 janvier 1836.
Reconnus coupables d’avoir causé la mort de 18 personnes (et d’avoir blessés
des dizaines de spectateurs.), les trois prévenus furent condamnés à mort le
15 février et guillotinés le 19.
Tête de Giuseppe Fieschi après son
exécution, par Raymond BRASCASSAT, 1835, musée Carnavalet, Paris.
4° Les lois répressives de septembre 1835 – L’attentat de
Fieschi, au final, ne contribua qu’à jeter l’opprobre sur les républicains.
Ces derniers furent totalement décrédibilisés suite à cet attentat, et le
gouvernement profita de la situation pour promulguer une série de lois
répressives.
Ainsi, Broglie présenta trois projets de loi à la Chambre des députés,
courant août 1835.
Le
premier renforçait les pouvoirs du président de la cour d’assises
et du procureur général (l’objectif était d’empêcher la défense de mettre en
place des manœuvres d’obstruction pour les prévenus soupçonnés de
rébellion.) ; le second réformait la procédure devant les jurys d’assise
(les délibérations ne se feraient plus au deux tiers, mais à la majorité.) ;
le troisième, concernant la liberté de la presse, interdisait dans les
journaux les discussions sur le roi, la dynastie, et la monarchie de
Juillet.
Finalement, les trois décrets furent votés et promulgués au cours du mois de
septembre.
5° La chute du gouvernement de Broglie (février 1836) –
Alors que la Chambre des députés était plutôt favorable à la politique menée
par le gouvernement, un incident provoqua la discorde entre les deux organes
du pouvoir.
Ainsi, en janvier 1836, Georges Humann, ministre des Finances, annonça aux
députés son intention de diminuer de 5% le montant des rentes afin de
diminuer la dette publique.
Aussitôt, les députés manifestèrent leur désapprobation, les élus étant en
grande majorité issus de la bourgeoisie.
Humann, qui n’avait pas averti Broglie de son projet de loi, fut alors
poussé à la démission. Le premier ministre, quant à lui, tenta par la suite
de rassurer l’assemblée en les informant que le gouvernement n’était pas
favorable à une diminution des rentes.
Toutefois, le duc de Broglie s’étant exprimé avec des termes « cassants »,
selon les dires des députés, ces derniers décidèrent de reprendre à leur
compte la proposition de réduction des rentes.
Le
gouvernement, mis en difficulté, demanda alors à l’assemblée un report du
débat, ce qui fut refusé à une courte majorité par les députés.
Broglie et les différents ministres, considérant que l’assemblée leur était
hostile, décidèrent alors de démissionner en bloc (février 1836.).
Pour la première fois dans l’histoire de la monarchie de Juillet, un
gouvernement démissionnait car il avait été mis en échec par la Chambre des
députés.
|