1° La constitution du nouveau
gouvernement (février 1836) – Le ministère Broglie ayant présenté sa
démission à Louis Philippe, le roi des Français se retrouva contraint de
chercher un nouveau premier ministre.
Ainsi, dans un premier temps, Louis Philippe se rapprocha d’André Dupin,
leader du Tiers parti, qui avait grandement contribué à renverser le
ministère Broglie. Toutefois, ne trouvant pas suffisamment d’hommes reconnus
afin de constituer un nouveau gouvernement, Louis Philippe, échaudé par la
triste expérience de novembre 1834,
décida alors de se tourner vers Thiers.
Adolphe Thiers, par Honoré DAUMIER.
Ce
dernier, acceptant la proposition du roi, forma alors un nouveau
gouvernement.
Ainsi, Camille Bachasson, comte de Montalivet,
reçut le ministère de l’Intérieur ; Antoine Maurice Apollinaire,
comte d’Argout, fut nommé ministre des Finances ;
Paul Jean Pierre Sauzet
reçut le portefeuille de la Justice ;
Hippolyte Philibert Passy
celui du Commerce et des Travaux publics ; Privat Joseph Claramont Pelet,
comte Pelet de la Lozère,
celui de l’Instruction publique.
Le comte de
Montalivet, le comte d'Argout, Paul Sauzet, Hypolyte Philibert Passy, et le
comte Pelet de La Lozère.
Par ailleurs, le maréchal Maison conservait le ministère de la Guerre, et
l’amiral Duperré celui de la Marine.
A
noter enfin que Thiers, outre son poste de premier ministre, s’attribua le
portefeuille des Affaires étrangères.
Le
nouveau gouvernement, bien que conservant une partie des anciens ministres
(Thiers, Maison et Duperré.), s’ouvrait toutefois vers le centre-gauche,
accueillant en son sein plusieurs membres du Tiers parti (Sauzet, Passy et
Pelet de la Lozère.).
Mais ce faisant, Louis Philippe et Thiers se séparaient des doctrinaires
(mouvance de centre-droit dont le membre le plus éminent était Guizot.),
fidèles au nouveau régime depuis 1830.
2° Les réformes du ministère Thiers (février à juillet 1836)
– Suite à la nomination de Thiers, la Chambre des députés repoussa le
projet de réduction des rentes (qui n’avait été qu’un prétexte pour évincer
le duc de Broglie.).
a)
Un projet d’alliance avec l’Autriche ? : Thiers, quant à lui, avait
pris le portefeuille des Affaires étrangères afin de mettre en place une
alliance avec l’Autriche (ce qui permettrait à la France de s’affirmer face
à l’Angleterre.). L’objectif du premier ministre était ainsi de marier
Ferdinand Philippe d’Orléans (fils du roi des Français.) avec Marie
Thérèse, cousine de Ferdinand I°, Empereur d’ Autriche.
Ferdinand I°, Empereur d'Autriche.
Toutefois, Klemens Wenzel Nepomuk Lothar von Metternich, diplomate
autrichien, et Frédérique Sophie
Dorothée Wilhelmine,
princesse de Bavière, se montrèrent hostiles à une telle union (non
seulement ces derniers ne souhaitaient pas reproduire les évènements qui
avaient eu lieu avec Napoléon ;
en outre, la monarchie de Juillet était considérée comme un régime trop
peu solide.).
Le prince de Metternich,
anonyme, milieu du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles (à gauche)
; Frédérique Sophie
Dorothée Wilhelmine, princesse de Bavière (à droite).
Finalement, Ferdinand Philippe épousa en mai 1837 Hélène, princesse
de Mecklembourg-Schwerin (fille d’un prince allemand, la jeune femme était
la nièce de Frédéric Guillaume III, roi de Prusse.).
L’alliance était convenable mais n’avait pas l’éclat d’une union
matrimoniale avec l’Autriche.
Ferdinand-Philippe
d'Orléans, duc d'Orléans, prince royal, par INGRES, milieu du XIX°
siècle (à gauche) ; et son épouse Hélène de
Mecklembourg-Schwerin, portant son fils
aîné, le comte de Paris, par WINTERHALTER, milieu du XIX° siècle (à
droite), château de Versailles, Versailles.
b)
L’attentat d’Alibaud (25 juin 1836) : Louis Philippe, en fin d’après
midi, quittait les Tuileries avec sa sœur et son épouse, lorsqu’un coup de
feu éclata non loin du carrosse qui transportait le roi des Français.
Le
prévenu, un ancien sous officier du nom de Louis Alibaud, fut
rapidement arrêté et emprisonné. Le jeune homme, condamné à mort en juillet
1836, fut alors guillotiné peu de temps après.
Suite à l’attentat, Thiers craignit que l’inauguration de l’arc de triomphe
de l’Etoile, prévue pour la fin juillet, ne soit perturbée par des
républicains ou des opposants au régime.
L'arc de triomphe de l'Etoile, par François Etienne VILLERET, vers 1845,
musée Carnavalet, Paris.
Ainsi, la cérémonie se déroula très tôt le matin et en l’absence du roi.
3° Le projet d’intervention en Espagne, la chute du ministère
Thiers (août à septembre 1836) – L’Espagne, depuis maintenant quelques
années, était agitée par d’importants troubles.
a)
Le règne désastreux de Ferdinand VII : comme nous l’avons vu
précédemment, le souverain espagnol Ferdinand VII, chassé du pouvoir
par les libéraux, avait été restauré en 1823 à l’issue d’une victorieuse
campagne militaire.
Ferdinand VII, roi d'Espagne.
Ferdinand VII, à nouveau assis sur le trône, décida alors de s’attaquer aux
libéraux, abolissant la constitution de
1812.
Ce décret, promulgué par Joseph Bonaparte, frère aîné de Napoléon,
prévoyait un partage des pouvoirs : une chambre unique, élue au suffrage
universel (masculin.), détenait le pouvoir législatif ; le roi d’Espagne,
quant à lui, conservait l’exécutif.
Toutefois, la politique de Ferdinand VII ne fut pas d’un grand succès,
l’Espagne perdant toutes ses colonies dans le nouveau monde
(à l’exception des îles des Antilles.).
Malgré quatre mariages successifs, Ferdinand VII n’eut que deux filles :
Isabelle, née en octobre 1830, et Louise, née en janvier 1832.
Le
souverain espagnol, représentant de la branche des Bourbons d’Espagne et
lointain descendant de Louis XIV,
était ainsi soumis à la loi salique.
Toutefois, le système de la primogéniture mâle écartait les femmes du
trône, ce qui ne plaisait guère à Ferdinand VII. Ce dernier décida donc de
promulguer un décret, la pragmatique sanction, afin d’assurer à sa
fille la couronne d’Espagne.
Cette décision ne fut pas du goût de Charles Marie Isidore Benoît de
Bourbon, frère cadet de Ferdinand VII (à qui la couronne devait revenir
selon les règles de la loi salique.).
A
la mort de Ferdinand VII, en septembre 1833, sa fille Isabelle II
était trop jeune pour régner. Ainsi, une régence fut mise en place par sa
mère, Marie Christine Ferdinande de Bourbon.
Isabelle II et Marie Christine Ferdinande
de Bourbon.
Charles, frère du défunt, refusa d’être évincé du trône, et se proclama roi
d’Espagne sous le nom de Charles V. Cet évènement déclencha la
première guerre carliste.
A
noter que la régente était plutôt soutenue par les libéraux et les
centralisateurs, alors que Charles, au contraire, était proche des
conservateurs, ecclésiastiques et régionalistes.
b)
La position française : alors que le conflit carliste faisait rage,
Thiers, alors ministre de l’Intérieur, avait accepté de céder à la régente
la Légion étrangère, unité créée par Louis Philippe en mars 1831,
dans le cadre des opérations algériennes.
Légionnaire (uniforme modèle 1831), musée de l'Infanterie, Montpellier.
Ainsi, en juin 1835, la Légion fut envoyée en Espagne, afin de combattre les
troupes carlistes. Les légionnaires, bien que mal équipés et mal payés,
remportèrent néanmoins plusieurs succès.
Devenu premier ministre, Thiers souhaitait désormais intervenir en Espagne,
y envoyant plusieurs régiments de l’armée française.
Toutefois, Louis Philippe était farouchement hostile à l’idée de conforter
un Bourbon d’Espagne sur le trône, sachant que la révolution de Juillet
avait contribué à chasser les derniers Bourbons de France.
Thiers, faisant face à la désapprobation du roi, décida alors de
démissionner en août 1836.
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