1° Le développement des voies de
communications – Napoléon III, constatant que la France de 1848 était en
retard par rapport à une Angleterre déjà très industrialisée, décida alors
de mettre en profit cette période de forte croissance afin de rattraper le
temps perdu.
Ainsi, les chemins de fer, qui ne comptaient guère plus de 3 000 kilomètres
de voies en 1851 (contre plus de 10 000 en Angleterre.), parvinrent grâce à
l’appui financier de l’Etat, à atteindre le chiffre de 18 000 kilomètres de
voies ferrés en 1870 (le nombre de locomotives, afin de faire face à cet
accroissement d’activité, augmenta lui aussi : pour 973 locomotives en
service en 1850, il en existait 4 855 en 1870.).
Chemin de fer du Nord : ouverture de la
ligne reliant Boulogne à Calais, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1867.
Les voyageurs, préférant la rapidité du train à la lenteur du cheval ou de
la diligence, furent 111 millions à utiliser les chemins de fer en 1869
(pour 44 000 tonnes de marchandises.).
Dans un même ordre d’idées, l’Empereur, sachant que le développement des
axes de communications ne pouvait qu’être favorable au commerce, favorisa la
construction et l’entretien des routes, ainsi que l’édification de nouveaux
canaux.
1° La réforme du système bancaire – Le système financier
connut lui aussi d’importantes réformes sous le règne de Napoléon III.
Jusqu’à présent, tout commerçant, industriel ou agriculteur souhaitant
emprunter de l’argent afin d’investir devait s’acquitter de taux d’intérêts
particulièrement élevés[1].
Il
fut donc décidé de multiplier les sources de crédit afin de proposer des
taux plus faibles et ainsi mieux faire circuler l’argent (création du
Crédit foncier et du Crédit mobilier en 1852, du Crédit
industriel et commercial en 1859, du Crédit lyonnais en 1863[2].).
Par ailleurs, afin de compléter cette circulation plus rapide des capitaux,
Napoléon III importa le chèque en France. Cela permettait aux
commerçants de ne plus voyager avec d’importantes sommes d’argent, tout en
donnant un plus grand rôle aux banques (ainsi, la Banque de France
escomptait 6,3 milliards de francs en 1869, contre seulement 1,8 en 1852.).
Enfin, dans l’optique de mieux encadrer le droit des sociétés, trois
nouveaux statuts furent créés : la
société en commandite par actions[3](SCA.) en juillet 1856, la
société à responsabilité limitée[4](SARL.) en mai 1863, et la
société anonyme[5]
(SA.) en juillet 1867 (à noter que ces dénominations existent encore de nos
jours.).
3° La disparition du protectionnisme – Comme nous l’avons
vu au cours des pages précédentes, un accord de libre-échange
franco-anglais, signé en 1860, avait aboli les tarifs douaniers alors en
vigueur.
Plus tard, malgré l’hostilité du patronat qui voyait d’un mauvais œil ce
libéralisme économique, plusieurs traités similaires furent signés avec la
Belgique, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne.
Ces accords commerciaux permirent de développer le commerce, tout en
stimulant la modernisation des industries textiles françaises.
Grâce à toutes les mesures adoptées par le gouvernement depuis 1848
(développement des voies de communications, suppression des tarifs
douaniers, etc.), plusieurs grands magasins ouvrirent leurs portes
dans la capitale.
C’est ainsi que furent créés entre autres le
Bazar Napoléon[6](1855.),
Au printemps[7](1865.), et La Samaritaine
(1869.)[8].
Façade du Bazar Napoléon
(aujourd'hui Bazar de l'Hôtel de ville).
4° Les travaux du baron Haussmann – En 1848, malgré
quelques tentatives d’urbanismes menées par Napoléon I°, Paris
restait une ville quasi-médiévale, réputée pour sa surpopulation et son
insalubrité.
Napoléon III, s’inspirant de la Londres victorienne[9],
décida alors de se lancer dans une politique d’urbanisme de grande ampleur.
Il confia alors cette tâche au baron Georges Eugène Haussmann, nommé
préfet de la Seine le 22 juin 1853.
Le baron Haussmann, préfet de la Seine, par Adolphe YVON,
XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Ce
dernier fit alors percer de grandes rues, reliant le boulevard de Strasbourg
au boulevard de Sébastopol, créant un axe Nord-Sud ; douze avenues furent
tracées autour de la place de l’Etoile ; dans l’île de la Cité, des
bâtiments anciens furent détruits (afin de dégager le parvis de Notre
Dame.), et plusieurs bâtiments officiels y furent édifiés (dont le Palais de
Justice de Paris.) ; la Bastille, la rue Rivoli, la place de la Concorde et
l’avenue des Champs Elysées furent quant à elle agrandies et rénovées.
La place de l'Etoile en 1867, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1867.
Perçant plusieurs axes de communication majeurs, Haussmann fut toutefois
contraint de détruire de nombreux bâtiments (églises, immeubles, etc.). A
noter qu’outre une volonté hygiéniste, Napoléon III avait aussi comme
objectif la destruction des quartiers les plus populaires, potentiels foyers
d’insurrection[10].
Dessin humoristique publié dans Le journal illustré,
1867.
Outre ces grandes voies, Paris se couvrit de plusieurs centaines de milliers
d’arbres (création des Buttes Chaumont et du parc Monceau ; aménagement du
bois de Vincennes et du bois de Boulogne.), par ailleurs, plusieurs
kilomètres de trottoirs, de caniveaux et d’égouts furent construits.
En
1860, un décret augmenta la superficie de la capitale, qui passa de 3 000 à
7 000 hectares, absorbant de nombreuses communes (dont Auteuil, Belleville,
Bercy, La Villette, Montmartre, Passy, Vaugirard, etc.). Ainsi, alors que
Paris comptait moins de 500 000 habitants en 1848, l’on en comptait environ
2 millions en 1870.
Napoléon III remet au baron Haussmann
le décret d'annexion des communes suburbaines, par Adolphe YVON,
XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Toutefois, l’haussmannisation de Paris fut vivement critiquée par certains
politiques. En effet, ces derniers reprochèrent au baron le coût important
des travaux (2.5 milliards de francs en tout alors que le budget initial
n’était que d’un milliard.), la destruction d’édifices souvent anciens
(particulièrement dans l’île de la Cité, cœur historique de Paris.), et
l’accroissement de la fracture sociale, en raison de la hausse du prix des
loyers dans les nouveaux immeubles.
Destruction d'une partie de la Cité, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1867.
Napoléon III, satisfait du résultat, décida d’inciter les grandes villes de
France à imiter le mouvement. C’est ainsi que de nombreuses cités, telles
que Lyon, Marseille, Bordeaux ou Montpellier succombèrent à la mode de
l’haussmannisation. Alger, alors colonie française, fut elle aussi
profondément restructurée.
5° L’ère des grandes inventions – Au final, si
l’Angleterre avait entamé sa révolution industrielle bien plus tôt que la
France, les efforts de modernisation du pays entamés par Napoléon III
finirent par porter ses fruits.
Ainsi, c’est dans un Paris transformé et agrandi que se tinrent deux
expositions universelles, en 1855 et 1867[11],
démontrant à la foule des visiteurs les progrès techniques et économiques
accomplis par la France.
Exposition universelle : grande entrée en face du pont d'Iéna, gravure
publiée dans Le journal illustré, 1867.
En effet, de nombreuses
inventions furent brevetées sous le règne de Napoléon III, telles que le
dirigeable (1852.) ; le cuirassé à coque en fer (1859.) ; le sous marin
propulsé par moteur à air comprimé (1863.), la pasteurisation, procédé
inventé par Louis Pasteur, permettant de conserver plus longtemps les
aliments (1864.), l’ascenseur à pression hydraulique (1864.), la
motocyclette à vapeur[12]
(1868.), etc.
Louis Pasteur, par Albert EDELFELT, 1885, musée d'Orsay,
Paris.
A noter par ailleurs que
Napoléon III favorisa l’essor de la photographie[13]
et du télégraphe[14]
(les Etats Unis et le vieux continent furent reliés par câble en août
1858.).
Fête à New York en l'honneur de la pose du télégraphe électrique
transatlantique, gravure publiée dans Le journal
illustré, 1866.
[1]
20 à 30% en moyenne, voire plus selon les époques (des préteurs sur
gages, à l’époque moderne, n’hésitèrent pas à proposer des taux
d’intérêts de l’ordre de 70 à 80%.).
[2]
A noter que ces banques existent encore de nos jours, à l’exception
du Crédit mobilier (le Crédit foncier et le Crédit lyonnais ont été
privatisés en 1999.).
[3]
Une SCA est formée par deux types d’associés : les commanditaires
(les actionnaires de la société.) et les commandités (il
s’agit de commerçants nommés par les actionnaires.). La société est
administrée par des gérants, nommés par les commandités avec
l’accord des commanditaires.
[4]
La SARL est formée par les actionnaires de la société, qui nomment
un gérant. Ce dernier est tenu de leur rendre des comptes au moins
une fois par an lors d’une assemblée générale.
[5]
La SA a un fonctionnement similaire à celui de la SCA, à la
différence que ses membres sont anonymes. A noter par ailleurs que
les SARL sont plus fréquentes que les SA, car ces dernières ne
peuvent être créées qu’en investissant une importante somme d’argent
dans le capital de la société (au moins 37 000 € en 2010.).
[6]
Rebaptisé depuis Bazar de l’Hôtel de Ville, ce magasin existe
toujours.
[8]
L’établissement fut fermé en 2005 en raison de non-conformité aux
normes de sécurité.
[9]
Londres fut aménagée sous le règne de la reine Victoria
(expansion de la cité, croissance du réseau ferroviaire, création du
premier métro au monde en 1863.).
[10]
Il était plus difficile d’ériger une barricade sur un grand
boulevard « haussmannien » que dans une rue étroite.
[11]
A noter qu’une exposition universelle se tint à Metz en 1861.
[12]
Cette dernière n’aurait toutefois jamais fonctionné de manière
autonome.
[13]
La première photographie fut prise en 1826 par Nicéphore Niepce.
Toutefois, le temps de pose étant particulièrement long (plus d’une
demi-journée.), cette invention ne connut pas de succès. Plus tard,
suite à la mort de Niepce (1833.), Louis Jacques Mandé Daguerre
améliora le procédé et parvint à réduire le temps de pose à une
dizaine de minutes.
[14]
Alors que la première ligne télégraphique fut posée en 1845 (reliant
Paris à Rouen.), en 1863, la France comptait près de 30 000
kilomètres de lignes.