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La seconde république (1848 - 1852)

CHAPITRE CINQUIEME : Louis Napoléon Bonaparte président de la seconde république (décembre 1848 à décembre 1852)

 

II : Louis Napoléon Bonaparte et la question italienne (mars à juin 1849)

           

            1° Les évènements d’Italie (mars 1848 à mars 1849) – Alors que le gouvernement préparait les élections législatives, dont le scrutin avait été fixé à la mi-mai 1849, les évènements en Italie attirèrent l’attention de la classe politique française.

 

a) Les Etats d’Italie, de la révolution à la restauration : depuis la chute de l’Empire romain, l’Italie ne formait plus un pays unifié. Au contraire, la péninsule italique était divisée en une multitude d’Etats-nations, souvent en guerre les uns contre les autres.

A la fin du XVIII° siècle, par le biais des affrontements et des politiques matrimoniales, l’Italie ne comptait plus qu’une dizaine de principautés : le royaume de Piémont-Sardaigne, l’évêché de Trente, le duché de Milan, la république de Venise, la république de Gênes, les duchés de Parme et de Modène, la république de Lucques, le duché de Toscane, les Etats pontificaux et le royaume de Naples.

 

Alors que la Révolution française battait son plein, de nombreux Italiens affirmèrent leur sympathie envers ce mouvement, qui représentait à leurs yeux une importante avancée vers la démocratie. Plus tard, lorsque Napoléon Bonaparte envahit l’Italie afin d’en chasser les troupes autrichiennes, de nombreuses républiques sœurs furent proclamées par les Italiens : la république cisalpine, réunissant le duché de Milan, l’évêché de Trente, Mantoue, Bologne, Ferrare et Modène ; la république ancônitaine, réunissant Ancône et ses environs ; la république bolonaise, établie à Bologne ; la république ligurienne, ancienne république de Gênes ; la république parthénopéenne, ancien royaume de Naples ; la république piémontaise, ancien royaume de Piémont-Sardaigne ; la république romaine, la république tibérine et la république d’Alba, respectivement proclamées à Rome, Pérouse et Alba.

 

Toutefois, suite à la proclamation de l’Empire français, ces multiples républiques disparurent, absorbées par l’Etat français et transformées en départements (comme ce fut le cas du Piémont, de Gênes, de la Toscane et de Rome.), ou annexées au royaume d’Italie (qui correspondait à l’ancienne république cisalpine, agrémenté d’une frange de territoires situé sur la côte est italienne, ancienne possession papale.).

A noter enfin que la république parthénopéenne retrouva son titre de royaume de Naples.

 

Toutefois, suite à la chute de Napoléon, les puissances européennes décidèrent de mettre un terme à la domination française sur la péninsule italique.

En 1815, l’Italie se retrouva divisée comme elle l’était avant la Révolution française : ainsi, les duchés de Parme et de Modène, la république de Lucques, le duché de Toscane, les Etats pontificaux et le royaume de Naples furent cédés à leurs anciens propriétaires ou à des vassaux de l’Autriche.

A noter cependant que la région de Gênes fut cédée au royaume de Piémont-Sardaigne (déjà grossi de la Savoie, territoire perdu face à la France en 1792.) ; en outre, le duché de Milan et la république de Venise formèrent le royaume lombard-vénitien, sous domination de l’Autriche.

 

b) Les débuts du Risorgimento et la première guerre d’indépendance italienne (mars 1848 à mars 1849) : Charles Albert, roi de Piémont Sardaigne depuis avril 1831, avait été déporté en France suite à l’annexion du royaume par Napoléon Bonaparte. Nommé comte d’Empire et sous lieutenant de dragons, Charles Albert rentra sur ses terres suite à la victoire des puissances alliées en 1815.

Charles Albert, roi de Piémont Sardaigne.

 

Suite à son couronnement, le nouveau souverain entreprit de réformer le royaume, développant l’industrie, abaissant les droits de douane, et abolissant le système féodal.

Puis, suite à la révolution française de 1848, Charles Albert décida d’accorder à son peuple une constitution, le statut albertin. Le partage du pouvoir se ferait désormais entre la couronne et deux assemblées, l’une élue au suffrage censitaire, l’autre nommée par le roi.

En outre, il adopta le drapeau vert-blanc-rouge de l’ancienne république cisalpine, agrémenté du blason de la Savoie.

 

C’est à partir de cette date que Charles Albert se lança dans une politique de réunification de la péninsule italique, déclenchant la première guerre d’indépendance italienne en mars 1848.

 

Dans un premier temps, le conflit donna l’avantage aux Piémontais, soutenus par Rome, la Toscane et le royaume de Naples.

Toutefois, en avril 1848, le pape Pie IX désavoua la conduite des armées italiennes, craignant peu être un schisme avec les catholiques autrichiens. Malgré tout, si certaines troupes romaines refusèrent d’obéir au Saint père, le roi de Naples Ferdinand II utilisa l’allocation du pape comme un prétexte pour se retirer du conflit.

Buste de Pie IX, 1932, musée du Vatican, Rome (à gauche) ; Ferdinand II, roi de Naples (à droite).

 

Finalement, les Autrichiens remportèrent la victoire en juin 1848, à l’issue de la bataille de Milan, et Charles Albert dut se résoudre à demander un armistice. En août, le roi du Piémont signa la capitulation, rendant à l’Autriche ses frontières fixées en 1815 par le congrès de Vienne.

 

Malgré la défaite des Piémontais, deux insurrections éclatèrent en Toscane et dans les Etats pontificaux, réclamant l’union de l’Italie et la poursuite de la lutte contre l’Autriche.

A Rome, le pape fut chassé et contraint de se réfugier à Gaète (novembre 1848.). En février 1849, la république romaine fut proclamée, bientôt rejointe par Giuseppe Garibaldi[1] et ses troupes.

Guiseppe Garibaldi en mars 1848, par Auguste ETIENNE, 1856, musée des Invalides, Paris.

 

A noter toutefois que Charles Albert, qui n’avait pas accepté sa défaite de l’année passée, décida de briser l’armistice en mars 1849.

Toutefois, ce dernier fut lourdement battu par une armée autrichienne en infériorité numérique, au cours de la bataille de Novare.

Charles Albert fut alors contraint d’abdiquer en faveur de son fils, Victor Emmanuel II, puis s’exila au Portugal (il y mourut en juillet 1849.).

Ainsi, la première guerre d’indépendance italienne s’achevait sur un échec.

 

            2° L’intervention française à Rome et les élections législatives de mai 1849 – A Paris, les avis divergeaient quant à l’attitude à adopter vis-à-vis de l’Italie. Les députés de gauche, enthousiasmés par la propagation des idées de la république, étaient partisans d’une intervention française en Italie afin de porter assistance aux Romains ; au contraire, les membres du parti de l’ordre souhaitaient soutenir le pape, qui avait été chassé de Rome en novembre 1848.

Le pape Pie IX.

 

a) L’intervention française à Rome (avril 1849) : finalement, en avril 1849, Louis Napoléon Bonaparte confia au général Nicolas Charles Victor Oudinot[2] la tâche de se rendre en Italie. A cette date, l’objectif n’était pas de soutenir la république romaine ou de restaurer le pape, mais plutôt d’éviter une invasion autrichienne dans les anciens Etats pontificaux.

Le général Nicolas Charles Victor Oudinot, par Louis GUEDY, XIX° siècle, musée des Invalides, Paris.

 

Ainsi, débarquant à Civitavecchia fin avril 1849, Oudinot approcha de Rome et déclara aux habitants de la cité que la mission des Français était de protéger les Romains d’une action militaire autrichienne.

A la fin avril, alors qu’Oudinot avait plaidé en faveur du pape, Garibaldi fit tirer sur le corps expéditionnaire français se trouvant sous les murs de Rome. Surpris, Oudinot décida de sonner la retraite (l’offensive italienne fit 500 morts et plus de 300 blessés.).

 

Informé de la situation, Louis Napoléon Bonaparte envoya des renforts en Italie, puis confia au diplomate Ferdinand, comte de Lesseps, la mission de négocier un cessez-le-feu avec la république romaine.   

Ferdinand, comte de Lesseps.

 

d) Les élections législatives et la poursuite de l’intervention française à Rome (13 mai 1849) : le 13 mai 1849 se déroulèrent les élections législatives, scrutin marqué par une forte abstention (seulement 60% de votants.).

 

Ainsi, le parti de l’ordre fut le grand vainqueur de ce suffrage, récupérant près de 450 sièges sur 750. Au contraire, les républicains modérés étaient battus à plate couture, ne récupérant que 80 sièges (Alphonse de Lamartine, un des acteurs principaux de la révolution de 1848 et candidat à l’élection présidentielle, ne fut pas réélu.).

Finalement, ce furent les socialistes qui créèrent la surprise, parvenant à faire élire près de 200 députés.

 

Entre gauche révolutionnaire et droite monarchique, l’avenir de la jeune république était bien sombre, les deux partis n’attendant qu’une occasion pour sortir de la légalité et violer la constitution.

 

            3° La constitution du nouveau gouvernement et la poursuite de l’intervention française à Rome (mai 1849 à juillet 1849) – Suite aux élections législative, Bonaparte décida de constituer un nouveau gouvernement, quoique très similaire au précédent.

 

a) La constitution du nouveau gouvernement : ainsi, Odilon Barrot fut confirmé en tant que président du conseil et ministre de la Justice ; Jules Armand Stanislas Dufaure[3] fut nommé ministère de l’Intérieur ; Alexis Henri Charles Clérel, vicomte de Tocqueville[4], reçut le portefeuille des Affaires étrangères ; et Victor Ambroise Lanjuinais eut le ministère de l’Agriculture. 

Jules Dufaure et Alexis de Tocqueville.

En outre, d’anciens ministres furent confirmés à leur postes, tels qu’Hippolyte Passy (Finances.), Bertrand de Lacrosse  (Travaux Publics.), le comte Alfred de Falloux (Instruction publique.), le général Joseph Marcellin Rulhières (Guerre.), enfin, Alexandre César Charles Victor Destutt, marquis de Tracy (Marine et Colonies.).

 

b) La poursuite de l’intervention française à Rome (avril à juillet 1849) : alors que les élections législatives se déroulaient en France, Ferdinand de Lesseps négociait un accord avec les insurgés romains.

Ces derniers souhaitaient négocier au moins une trêve avec la France, la jeune république romaine étant menacée non seulement par l’Autriche, mais aussi par le royaume de Naples dont les forces furent finalement repoussées par Garibaldi courant mai.

Début juin, de Lesseps parvint à mettre un traité en place : la France assurerait son soutien à la république de Rome, et les Français devaient protéger la cité.

 

Toutefois, suite aux élections législatives, Louis Napoléon Bonaparte ordonna au général Oudinot de reprendre l’offensive, bien décidé à laver « l’affront » subit en avril 1849.

Ainsi, suite au départ de Ferdinand de Lesseps, les Français attaquèrent et prirent le Janicule, une colline surplombant le cœur de Rome[5].

 

Pendant plusieurs semaines, les Français bombardèrent la capitale, et les troupes romaines tentèrent en vain de déloger l’ennemi de sa position.

Finalement, les Romains décidèrent de capituler le 30 juin 1849. Ainsi, ces derniers ouvrirent les portes de la cité à Oudinot, qui occupa rapidement le château Saint Ange et proclama la loi martiale.

Garibaldi, quant à lui, refusa de se soumettre et parvint la quitter la ville avant la reddition, accompagné de 4 000 hommes.

Le château Saint Ange, Rome, été 2013.

Le pont et le château Saint Ange à Rome, par Joseph VERNET, 1745, musée du Louvre, Paris.

 

Au final, Pie IX retrouva son trône, mais ne tarda guère à mettre en place une politique réactionnaire. Bonaparte, sans prendre conseil auprès du gouvernement, envoya alors un courrier à Ney (31 octobre 1849.), exigeant du souverain pontife une amnistie générale, une sécularisation de l’administration, l’adoption du code civil et la mise en place d’un gouvernement libéral[6].

 

            4° Les évènements d’Italies contestés par l’extrême-gauche (juin 1849) – A Paris, l’annonce de la rupture des négociations avec la république romaine et du siège de Rome provoquèrent un tollé à l’extrême-gauche.

En effet, les députés socialistes furent scandalisés par l’action du gouvernement, qui préférait défendre l’autorité papale plutôt qu’une jeune république.

 

Le 11 juin, Ledru-Rollin demanda la mise en accusation de Louis Napoléon Bonaparte et du gouvernement (il fut débouté par l’assemblée dès le lendemain.) ; puis, le 13 juin, il décida d’organiser une manifestation de protestation contre l’expédition romaine.

 

Toutefois, la marche fut rapidement interrompue par le général Changarnier, commandant de la Garde nationale. Ledru-Rollin, accompagné d’une trentaine de députés, décida alors de s’installer au conservatoire des Arts & Métiers, rue Saint Martin.

Shako et tunique de la Garde nationale, 1848-1851, musée des Invalides, Paris.

Les élus se trouvant là proclamèrent alors la déchéance du président de la république, et décidèrent de former un gouvernement provisoire.

Toutefois, moins d’une heure après, l’armée investit les lieux ; Ledru-Rollin parvint à s’enfuir, mais plusieurs députés furent arrêtés et incarcérés.

Scène d'émeute au pont de l'archevêché en 1849, par Philippe CHAPERON, XIX° siècle, musée CARNAVALET, Paris.

 

Suite à l’échec de la manifestation, le gouvernement décida de prendre une série de mesures draconiennes : suspension de soixante journaux (fut alors créé un délit « d’offense au président de la république. ») et interdiction de toute réunion politique pendant un an. Par ailleurs, les militaires réputés favorables à l’extrême-gauche furent mutés en Algérie.

Enfin, les députés ayant signé la proclamation du conservatoire des Arts & Métiers furent mis en accusation et déchus de leurs fonctions. Ainsi, une quinzaine d’entre eux furent condamnés à la déportation ; trois furent punis de prison ferme ; et une dizaine furent libérés.

A noter qu’une trentaine de députés, qui avaient réussi à fuir la capitale (dont Ledru-Rollin, exilé à Londres.) furent condamnés à la déportation par contumace.
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[1] Garibaldi, né en juillet 1807 à Nice, fut d’abord Français, puis devint sujet Piémontais en 1814, suite au rattachement du comté de Nice au royaume de Piémont-Sardaigne. S’engageant adolescent dans la marine, Garibaldi voyagea dans toute la Méditerranée, vivant à Rome et Constantinople, avant de regagner Nice. Partisan de l’indépendance italienne, Garibaldi fut chassé du Piémont par Charles Albert en 1834, et partit alors pour l’Amérique du sud. Ce n’est qu’en 1848 qu’il rentra en Italie, se mettant au service du Piémont puis de la république romaine.

[2] Ce dernier était le fils du maréchal d’Empire Nicolas Charles Marie Oudinot.

[3] Dufaure, orléaniste, avait été ministre à plusieurs reprises sous la monarchie de juillet.

[4] Alexis de Tocqueville était un écrivain  français né en juillet 1805. Issu d’une famille légitimiste, il devint avocat avant de se lancer dans la politique sous la monarchie de juillet.

[5] A l’origine, Rome fut bâtie sur sept collines : l’Aventin, le Palatin, le Caelius, le Capitole, l’Esquilin, le Viminal et le Quirinal. Le Janicule est parfois considéré comme la huitième colline de Rome.

[6] A noter que Rome resta sous l’autorité du pape jusqu’en 1870, suite à la chute du second Empire.

 
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