1° Le « tour de France » de l’été
1849 – Suite à la répression de la manifestation de juin 1849, Louis
Napoléon Bonaparte décida de se rendre en province, profitant de l’essor du
chemin de fer.
Visitant de nombreuses villes (Nantes, Rouen, Amiens, Rennes, Angers, Le
Havre, etc.), le président de la république tenta de se faire connaître du
peuple, à une époque où nombreux étaient ceux qui portaient de grands
espoirs envers le neveu de Napoléon I°.
La
popularité du président permit ainsi à la presse bonapartiste de militer en
faveur d’un second mandat, celui de Louis Napoléon Bonaparte arrivant à son
terme en 1852.
2° un gouvernement bonapartiste (octobre 1849) – Rentrant
de province à la fin de l’été, le chef de l’Etat décida de renvoyer Odilon
Barrot et de mettre en place un nouveau gouvernement.
La
charge de président du conseil fut alors confiée au général
Alphonse Henri d’Hautpoul.
Les ministres, quant à eux, n’appartenaient pas à l’ancien gouvernement et
n’étaient pas membres de l’assemblée.
De
nombreux députés, proches du parti de l’ordre ou d’obédience républicaine,
ne tardèrent pas à se gausser de ce nouveau gouvernement, qu’ils
surnommèrent le ministère des commis.
3° Une assemblée toujours puissante (octobre 1849 à septembre
1850) – Toutefois, même si le président de la république avait mis en
place le gouvernement de son choix, le pouvoir restait toute de même entre
les mains de l’assemblée, qui proposait et votait les lois (conformément à
la constitution de 1848.).
Ainsi, les conservateurs parvinrent à faire adopter la loi Falloux
(janvier 1850.), partageant l’enseignement primaire et secondaire entre
l’enseignement public (géré par les communes et les départements.) et
l’enseignement privé (pris en charge par des particuliers ou par des
congrégations.).
L’objectif officieux était de permettre à l’Eglise d’occuper une plus grande
place dans l’instruction des jeunes générations.
Par ailleurs, la loi Falloux prévoyait l’ouverture obligatoire d’une école
pour filles dans les communes de plus de 800 habitants.
Plus tard, le 10 mars 1850, furent organisée des élections législatives,
afin de remplacer les 31 députés socialistes ayant été déchus de leur
fonction suite à la manifestation du 13 juin 1849.
Furent alors élus 21 socialistes et 10 conservateurs. Toutefois, si
l’extrême-gauche perdait dix sièges, elle restait encore suffisamment
puissante pour effrayer les élus du parti de l’ordre.
Ainsi, le 31 mai 1850, l’assemblée vota une loi imposant une résidence de
trois ans pour tous les électeurs (au lieu de 6 mois autrefois.) ; se
trouvaient en outre exclus du droit de vote tous les condamnés (y compris
pour délit politique.).
Cette mesure, qui élimina près de 30% du corps électoral, visait les
populations les plus défavorisées (ouvriers, saisonniers, chômeurs, etc.),
ces dernières constituant le cœur de l’électorat socialiste.
4° Premier coup de force de Bonaparte, le renvoi de
Changarnier (octobre 1850 à janvier 1851) – Louis Napoléon Bonaparte,
même s’il n’avait pas contesté la série de lois votées entre janvier et mai
1850, n’appréciait guère ces dernières. Ainsi, la loi sur le droit de vote
avait exclu des scrutins plusieurs milliers de bonapartistes ; en outre, ces
directives étaient contraires aux idées du président de la république, qui
s’était présenté comme proche du peuple.
Toutefois, le gouvernement ne resta pas inactif. Ainsi, plusieurs milliers
de hauts-fonctionnaires, installés suite à la révolution de 1848, furent
remplacés par des bonapartistes ; le président de la république mena
campagne au sein de l’armée, promettant une hausse des salaires ; enfin, les
préfets furent chargés d’influencer les conseils généraux des départements.
Le
président de la république, quant à lui, entreprit un nouveau voyage,
organisant cette fois ci une tournée dans l’est de la France, en Normandie
et en Bretagne (août à septembre 1850.).
Cependant, Louis Napoléon Bonaparte fut contraint d’opérer un premier coup
de force, suite à une revue de la cavalerie, au camp militaire de Satory
(10 octobre 1850.).
Les cavaliers, lors du passage du président de la république, saluèrent ce
dernier aux cris de « vive Napoléon ! Vive l’Empereur ! »
Le
général Changarnier, commandant de la division militaire de Paris,
n’apprécia guère le comportement de ses troupes, d’autant plus qu’il s’était
rapproché du parti de l’ordre quelques semaines auparavant.
Changarnier, considéré par de nombreux conservateurs comme le bras armé de
la restauration monarchique, tenta alors un coup de force, proposant à
l’assemblée l’arrestation de Bonaparte et la mise en place d’une
dictature
provisoire dirigée par Thiers.
Adolphe Thiers.
Le
président de la république, plutôt que de faire appel à l’armée, décida
d’isoler Changarnier en le coupant de ses plus fidèles officiers. Puis, le 3
janvier 1851, il annonça son intention de le destituer.
Toutefois, l’arrestation de Changarnier provoqua de vifs remous à
l’assemblée, tant et si bien que les membres du gouvernement décidèrent de
démissionner le 4 janvier.
Alors que des députés critiquaient la décision de Bonaparte d’avoir renvoyé
Changarnier, le président de la république répondit qu’il était prêt à
mettre en place un gouvernement dirigé par son ami Jean Gilbert Victor
Fialin, comte de Persigny, un fervent partisan du rétablissement de
l’Empire.
Toutefois, bien qu’un compromis fut trouvé le 8 janvier 1851 (une partie des
ministres démissionnaires acceptèrent de rentrer au gouvernement.),
l’assemblée vota une motion de défiance envers le ministère le 20 janvier.
Les ministres ayant tous démissionné, Bonaparte décida alors de mettre en
place un gouvernement composé de fonctionnaires et de techniciens (un
diplomate aux Affaires étrangères, un industriel à l’Agriculture, un doyen
d’université à l’Instruction publique, etc.).
Ce
dernier fut alors surnommé le petit ministère, ou ministère sans
nom, Bonaparte n’ayant pas nommé de président du conseil.
5° L’impossible réforme constitutionnelle (janvier 1851 à
décembre 1852) – Comme nous l’avons vu précédemment, le mandat
présidentiel de Louis Napoléon Bonaparte arrivait à expiration en décembre
1852 ; en outre, ce dernier était non reconductible pour une durée de quatre
ans.
Toutefois, l’assemblée décida de fixer les futures élections présidentielles
et législatives au printemps 1852, soit plus de six mois avant la fin du
mandat présidentiel.
Le
président de la république se trouvait donc contraint de militer activement
en faveur d’une révision de la constitution de 1848, s’il souhaitait
conserver son pouvoir.
a)
L’échec de la révision constitutionnelle (janvier à juillet 1851) :
hormis la frange gauche de l’assemblée, la plupart des députés n’étaient pas
hostiles à l’annulation de la clause de rééligibilité, voire à la
prolongation du mandat présidentiel (qui passerait de 4 à 10 ans.).
En
avril 1851, afin de se réconcilier avec le parti de l’ordre, Louis Napoléon
Bonaparte accepta de mettre en place un nouveau gouvernement, confiant la
charge de président du conseil à Léon Faucher
(les ministères furent alors répartis entre monarchistes et bonapartistes.).
Le
19 juillet 1851, alors que l’assemblée devait débattre de la loi permettant
au président de la république de se représenter, une partie des
conservateurs, regroupés autour d’Adolphe Thiers, décidèrent de s’allier à
l’extrême gauche afin de contrer les ambitions de Louis Napoléon Bonaparte.
Au
final, même si deux tiers des députés votèrent en faveur d’une révision de
la constitution, le texte ne fut pas adopté car il ne parvint pas à obtenir
¾ des suffrages (seuil minimum exigé par la constitution de 1848 en cas de
réforme constitutionnelle.).
b)
La préparation du coup d’Etat (août à décembre 1851) : suite à
l’échec du scrutin concernant la réforme de la constitution, Louis Napoléon
Bonaparte commença à fourbir ses armes en prévision d’un coup de force.
Ainsi, dès le mois d’août, plusieurs conjurés se réunirent autour du
président de la république, mettant en place les bases d’un coup d’Etat qui
devait se tenir en septembre 1851 (finalement, l’évènement fut retardé en
raison d’hésitations de dernière minute.).
En
octobre 1851, Morny conseilla à Louis Napoléon Bonaparte d’exiger
l’abrogation de la loi de mai 1850 (excluant du suffrage universel les plus
démunis.), ce qui entraîna de nombreux débats à l’assemblée. Par ailleurs,
comme Faucher refusa lui aussi de se prononcer contre la loi de restriction,
il fut alors invité à présenter sa démission.
Suite au renvoi de Faucher, un nouveau gouvernement fut mis en place,
constitué de bonapartistes. L’on y retrouvait des personnalités telles que
le général Armand Jacques Achille Leroy
de Saint Arnaud,
ministre de la guerre, et Bertrand de Lacrosse, ministre des Travaux
Publics.
Le général Armand de Saint Arnaud, XIX° siècle, musée des
Invalides, Paris.
Par ailleurs, Bonaparte plaça des bonapartistes à des postes importants
(préfecture et division militaire de Paris.), soucieux de pouvoir compter
sur des hommes fidèles en prévision du futur coup d’Etat.
Le
13 novembre 1851, alors que le projet d’abrogation de la loi sur le vote fut
rejeté par l’assemblée, Adolphe Thiers et ses partisans décidèrent de faire
adopter un décret donnant le droit au président de l’assemblée de prendre le
contrôle de l’armée.
Finalement, si la proposition fut rejetée d’une courte majorité, Bonaparte
décida de riposter sans attendre. La date du coup d’Etat fut alors fixée au
2 décembre 1852, date commémorative du sacre de Napoléon I° et de la
victoire d’Austerlitz.
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