Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Histoire romaine, par Dion Cassius

Fragments du livre IV

 

XXX-XXXII. Troubles à l'occasion des dettes

An de Rome 256

 

XXX. Les Romains se jetèrent dans les séditions : elles naissaient de ce que les riches voulaient dominer sur les pauvres qui, ayant les mêmes droits, leur refusaient toute obéissance. Les pauvres, insatiables de liberté, abusaient de la fortune des riches ; ceux-ci, à leur tour, tenant à leur fortune au delà de toute mesure, exerçaient des droits rigoureux, même sur la personne des pauvres. Jusque-là, des services réciproques avaient entretenu la concorde ; mais alors brisant tous les liens, ne distinguant plus le citoyen de l’étranger, foulant également aux pieds toute modération, ils plaçaient en première ligne, les riches une domination absolue ; les pauvres la fuite d’un esclavage volontaire ; et sans atteindre leur but, cherchant tantôt à se défendre, tantôt à attaquer les premiers, ils se firent mutuellement beaucoup de mal. La plupart des citoyens formaient deux camps, excepté dans les dangers extrêmes auxquels les exposaient surtout les guerres incessamment enfantées par ces divisions :souvent des hommes considérables se jetaient à dessein dans ces luttes. Dès ce moment, les Romains eurent bien plus à souffrir d’eux-mêmes que des autres peuples. Aussi oserai-je avancer qu’ils n’auraient perdu ni la puissance, ni l’empire, s’ils n’avaient travaillé les uns et les autres à leur ruine commune.
Les plébéiens d’ailleurs s’indignaient de ce que les patriciens, après avoir obtenu leur concours, n’étaient plus animés des mêmes sentiments qu’au moment où ils le réclamaient :prodigues de promesses en présence du danger, à peine y avaient-ils échappé qu’ils ne faisant pas la moindre concession.

 

An de Rome 258 

 

XXXI. Les généraux romains divisèrent leur armée afin que les ennemis ne combattissent pas tous ensemble, et que leur défaite fût plus facile, quand ils seraient séparés pour défendre chacun son propre territoire.

 

An de Rome 261

 

XXXII. A peine le dictateur Valérius fut-il rentré dans la vie privée, que de violentes séditions amenèrent une révolution dans l’État. Les riches exigèrent rigoureusement l’exécution des contrats, sans abandonner aucun de leurs droits ; mais loin de l’obtenir, ils perdirent de nombreux privilèges. Ils ne considérèrent pas que l’excessive pauvreté est un mal qui pousse à la violence ; que le désespoir, qui en est la conséquence, alors surtout qu’il s’est emparé de la multitude, ne peut être dompté. Aussi la plupart de ceux qui dirigent les affaires publiques préfèrent-ils spontanément l’équité à une justice absolue : celle-ci, en effet, est souvent vaincue, quelquefois même complètement détruite par les droits de l’humanité ; l’équité, au contraire, en cédant sur un point qui sauve ce qui a le plus d’importance. La dureté des riches envers les pauvres devint pour Rome la source de maux infinis. La loi donnait divers droits contre ceux qui ne se libéraient pas au jour fixé : en vertu de ces droits, lorsqu’un débiteur était engagé envers plusieurs créanciers, ils pouvaient, suivant la somme qu’il devait à chacun, mettre son corps en pièces et se le partager. Cette faculté existait réellement ; mais on n’en fit jamais usage. Et comment les Romains se seraient-ils portés à un tel excès de cruauté, eux qui souvent ménageaient aux criminels quelque moyen de salut et laissaient la vie aux condamnés qui respiraient encore, après avoir été précipités de la roche tarpéienne. 

 

XXXIII-XXXIV. Retraite du peuple sur le mont Sacré ; apologue de Ménénius Agrippa ; établissement du tribunat

 

XXXIII. Les citoyens accablés de dettes s’emparèrent d’une hauteur et sous la conduite d’un certain Caius, ils exigèrent des vivres de la campagne voisine, comme d’un pays ennemi ; montrant par là combien les lois et la justice étaient plus faibles que les armes et leur désespoir. Le Sénat, dans la crainte qu’ils ne s’exaspérassent davantage, et qu’à la faveur de ces divisions les peuples voisins ne vinssent attaquer Rome, envoya aux rebelles une députation chargée de leur promettre tout ce qu’ils demanderaient. D’abord mutins indomptables, ils s’apaisèrent comme par miracle, lorsqu’Agrippa, arrivé au milieu de mille cris confus, les eut priés d’écouter un apologue. Ils y consentirent : alors le chef de la députation raconta qu’un jour les membres se révoltèrent contre l’estomac sous prétexte que, privés de nourriture et de boisson, ils supportaient mille tourments et mille fatigues, pour servir l’estomac qui, sans se donner aucun mal, absorbait tous les aliments, ils résolurent que désormais les mains ne porteraient rien à la bouche qui, à son tour, ne recevrait plus rien, afin que l’estomac dépérît, faute de nourriture et de boisson. L’exécution ne se fit pas attendre : le corps perdit son embonpoint, bientôt il tomba en langueur, et ses forces disparurent. Les membres, reconnaissant enfin, par leurs souffrances, que leur salut dépendait de l’estomac, lui donnèrent de nouveau des aliments. A ce récit, toute cette multitude comprit que l’opulence des riches soulage les pauvres : devenue plus traitable, elle fit la paix avec les patriciens, après avoir obtenu la remise des intérêts et des saisies corporelles contre les débiteurs en retard : elle fut accordée par un décret du Sénat.
Les Romains appellent Tribuns le "dêmarchos", Dictateur l’"eisêgêtês", Préteur le "stratêgos", censeur le "timêtês", du mot Census qui signifie dénombrement du peuple.

XXXIV. Cette réconciliation ne paraissait point conforme à la marche des choses humaines : elle fut diversement accueillie ; les uns l’acceptèrent volontiers, les autres malgré eux.
Lorsque des hommes, qui se sont ligués, ont réussi par la violence, une union prudemment concertée leur inspire de l’audace dans le moment ; mais dès qu’ils se divisent, ils sont châtiés ; les uns sous un prétexte, les autres sous un autre.
Par suite de cette inimitié naturelle chez la plupart de ceux qui exercent le même pouvoir (la concorde règne difficilement entre plusieurs hommes, surtout s’ils sont revêtus d’une charge publique), l’autorité des tribuns était tiraillée, démembrée. Leurs résolutions restaient sans effet, lorsqu’un seul n’était pas de l’avis de ses collègues : comme ils n’avaient été institués que pour faire obstacle à quiconque tenterait d’employer la violence, celui qui s’opposait à une mesure était plus fort que ceux qui voulaient la faire prendre.

 
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